Heidegger : »polémique », « affaire », « procès », « calomnie » etc.

Résumons les deux thèses qui s’affrontent dans l’espace de la polémique Heidegger :

1. La première, récemment formulée avec une nouvelle vigueur par Emmanuel Faye, soutient que Heidegger ne s’est pas seulement compromis avec le nazisme autour des années 1930, mais qu’il n’a eu de cesse, à partir de cette date, d’infléchir son conservatisme dans le sens d’un projet d’introduction du nazisme dans la philosophie. Sa critique du nazisme réel est une réaffirmation des fondamentaux du noyau de l’idéologie nazie. L’oeuvre doit être étudiée comme un chapitre de l’histoire de l’idéologie nazie. Celle-ci représente une menace pour toute l’humanité.

2. La deuxième, bien représentée par des heideggeriens comme Gérard Guest, Pascal David, Hadrien France-Lanord, si elle admet que Heidegger s’est effectivement  gravement compromis pendant un temps avec l’hitlérisme, soutient que le penseur serait  revenu selon une démarche intellectuelle fondamentale sur le nazisme déclaré par lui  « principe barbare ». Cette idéologie représenterait, dans le moment même de la « production de cadavres », ce qu’il en est des menaces que fait peser « l’arraisonnement », le Gestell, l’oubli de l’être au profit de l’objectivation dominatrice de l’étant. Ce tournant – de l’adhésion au nazisme à sa critique – serait effectif dès 1934 et ferait donc de Heidegger, malgré certaines attitudes superficielles « conformes », une sorte de « résistant spirituel » au nazisme.

Ces thèses sont naturellement discutables au sein où il est possible – et nécessaire –  de les discuter.

Un exemple, parmi d’autres, de points de discussion. Ce que Heidegger appelle la dévastation, dans un texte signé le 8 mai 1945, se présente bien comme résultant de l’oubli de l’être et la définition technique de l’étant – laquelle se substitue à la pensée de l’être. Mais, à la lecture du texte, on trouve des arguments selon lesquels ce qu’il y a en réalité de négatif dans le nazisme – et ce qu’il y a de plus négatif est son échec! – tient précisément à ce qu’il a été emporté par une dévastation qui remonte, dans l’histoire de la philosophie, à l’émergence de la modernité cartésienne. L’indigence des dirigeants du mouvement, qu’il est arrivé à Heidegger de fustiger, ne tient évidemment pas à ce qu’ils était nazis, mais au fait qu’ils ont à leur manière participer « spirituellement » à la dévastation. Ils n’avaient pas les moyens « spirituels » de reconnaître le Gestell et d’échapper à la fascination technique de l’étant. Ces dirigeants semblent avoir été de mauvais nazis et non de mauvaises personnes en raison de leur adhésion à une idéologie criminelle. Ils ont été de si mauvais nazis que les interlocuteurs du dialogue sur la dévastation (et l’attente) se trouvent prisonniers d’un camp soviétique. (Dans le langage de l’époque un camp soviétique est un camp « judéo-bolchévique ».)

Beaucoup de lecteurs de Heidegger, agrégatifs ou non, ont à leur disposition des ouvrages d’introduction ou de commentaires conçus pour leur permettre semble-t-il de « penser » sans être plus que nécessaire troublés par l’engagement du philosophe. On parle du rectorat de 1933, Heidegger est alors « réprimandé » mais, généralement, on fourbit sa démission de 1934 comme le signe évident de son désaccord voire de son entrée en « résistance spirituelle ». La question n’est en général pas posée de l’oeuvre heideggerienne comme « laboratoire » de l’idéologie nazie. Les deux aspects sont maintenus disjoints tels des compartiments étanches.

Ce que je me permets de trouver incompréhensible, et source d’interrogation, est bien que les « heideggeriens » semblent se refuser par principe à admettre une « communication » entre l’aspect spirituel de l’oeuvre et son aspect idéologique. (Nous pourrions même faire l’hypothèse que c’est précisément par le « spirituel » que communiquent le philosophique et l’idéologique).

Les termes de « affaire », de « polémique », de « calomnie », de « procés » etc. sont l’indice, selon moi, que nous sommes encore dans une phase « naïve » de la réception de Heidegger.

Pourquoi les tenants de la première thèse sont-ils traités de « calomniateurs » l’insulte valant apparemment comme argument?

Mais, surtout, pourquoi l’intérêt pour tel ou tel aspect de l’oeuvre de Heidegger serait-il incompatible avec la reconnaissance de la nécessité qu’il y a à accepter l’hypothèse d’un nazisme profond de l’oeuvre? L’intérêt ne serait-il pas redoublé d’avoir à déconstruire le dispositif heideggerien en tant qu’il cherche à « fonder » le nazisme? Pourquoi le rapport positif à l’oeuvre heideggerienne devrait-il être à ce point entier qu’on devrait se sentir  obligé d’avoir à le justifier en soutenant par principe que Heidegger a été un « résistant spirituel » au nazisme?

On objectera que les tenants de la première thèse ne manquent pas, quant à eux, d’agir également « par principe ». On leur reproche même de haïr la pensée, d’en vouloir secrètement à la grandeur, de se comporter, en calomniant, comme des sous-hommes pétris de ressentiment…

Sauf qu’ils ont des arguments. Leur thèse n’est pas une « calomnie »… mais une hypothèse de travail. Elle est suffisamment grave et étayée pour être prise en compte non comme constituant la marque distinctive d’un camp – celui des « calomniateurs » – mais comme ouvrant un chantier philosophique.

Nous ne sommes pas dans un espace philosophique quand on est sommé de prendre position en termes d’appartenance à un camp. A l’accusation de calomnie ne peut répondre que celle de révisionnisme voire de négationnisme. Le « cas » heidegger est encore en attente de sa philosophie.

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38 commentaires à Heidegger : »polémique », « affaire », « procès », « calomnie » etc.

  1. A S. D.

    Je doute que vous m’ayez bien lu. Quand je regrette l’affrontement des camps je ne veux pas dire qu’il faut renoncer à son point de vue, mais que le point de vue devrait être développé et argumenté dans un espace philosophique(notamment libre d’insultes). L’insulte – je serais un calomniateur – clôt la discussion en supposant que je n’aurais « rien lu » de Heidegger. Vous mêmes, en parlant de soupçon et en déclarant qu’il n’a rien à voir avec la philosophie souscrivez au système de l’affrontement des camps.
    Je voudrais simplement pouvoir envisager sereinement qu’entre les phrases nazies de Heide et sa philosophie il n’y a pas qu’une simple juxtaposition quelque peu monstrueuse mais congruence.
    Comme je l’ai dit : on ne voit pas pourquoi le fait de prendre de l’intérêt à certaines pages de Heide excluerait d’avoir à déconstruire cette congruence. Encore faut-il en accepter l’hypothèse et ne pas l’étouffer dans l’oeuf au prétexte de soupçon… mot qui n’adoucit pas vraiment celui de calomnie.

    Rédigé par : Skildy | le 09/04/2006 à 22:31 | Répondre | Modifier
  2. Bonjour,

    D’accord avec vous, M. Skildy, pour penser qu’il est difficile d’admettre une coupure entre les engagements politiques de Heide et sa soi-disante philosophie. Son engagement politique n’était pas une espèce d’engouement passager pour la cause d’un parti. Il attendait quelque chose de ce parti, à savoir qu’il remplisse une mission, celle que la philosophie de Heide voulait lui fixer: établir un régime autoritaire, de droite, et foncièrement anhistorique et réactionnaire. C’est en cela que sa philosophie de l’être (contre les égarements historiques de l’étant c.à.d. l’humanisme, la démocratie, la science, la technologie, bref la modernité), de nature foncièrement théologique, non seulement ne se dissocie pas de son engagement nazi, mais le fonde, l’explique et le JUSTIFIE, du moins à ses yeux. D’où aussi son refus, après le désastre, de reconnaître son erreur: Heide ne s’est pas trompé, aussi est-il resté fidèle à lui-même en dépit de tous et de tout. La pensée de Heide est de celle des fondamentalistes, c.à.d. religieuse. Heide n’a pas accepté le cartésianisme parce que Descartes sépare la philosophie de la religion. Heide ne peut pas concevoir la séparation des genres: la pensée de Heide est une pensée totalisante, et son engagement politique est en faveur d’un système totalitaire. C’est parfaitement cohérent. Les défenseurs de Heide, en essayant de séparer sa pensée de son engagement, eux sont incohérents et se trompent (dans le double sens de ce mot).
    Bien amicalement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 10/04/2006 à 17:11 | Répondre | Modifier
  3. Je me suis muni d’un microscope suffisamment puissant pour aller observer le site de Stéphane Domeracki, représentant avec d’autres des « penseurs qui pensent ». Outre une série d’articles sur des gens dont l’immense pensée est bien entendu autonome de leur engagement dans l’extrême droite (Scheler, Spengler, Heidegger, les frères Jünger…) et l’oeuvre de Servane Jollivet à la gloire des écrits nazis de Heidegger (dès que l’on met le verbe être en plus louer la domination devient de la grande pensée…de qui se moque-t-on ? et de qui se moque M. Domeracki ? à qui fera-t-il croire qu’il est mû par une curiosité de chercheur ?), on y trouve une bibliographie des oeuvres critiques sur Heidegger en langue française.
    Et c’est là tout le problème, car les penseurs qui pensent ne maîtrisent visiblement pas les langues étrangères, car si ils maîtrisaient ne serait ce que l’anglais et l’allemand comme votre serviteur ils pourraient voir qu’un certain nombre d’ouvrages existent déjà dans ces langues sur ce sujet qu’ils trouvent le plus souvent indigne d’aborder pour un penseur qui pense.
    Ils pourraient aussi voir qu’il y a des travaux publiés sur la romance de la gauche caviar française avec le fachisme, sur cette curieuse spécificité française qui consiste à recycler tous les théoriciens de la révolution conservatrice et au delà.
    J’étais il y a peu avec un ami historien allemand, et je lui ai ressorti ce que j’ai pu lire ici même (écrit par Pierre Teitgen, pour ne pas le nommer). Je me souviendrai longtemps de la façon dont son visage s’est allongé, puis effondré, en entendant que l’on peut oser affirmer que parler de « Blut und Boden » durant la période dont il est question puisse n’être pas du nazisme et ce de manière « eindeutig »…
    Quant est-ce que le cercle étroit des heideggériens français va-t-il cesser de se prendre pour le centre du monde parce qu’il règne sur sa basse cour ?
    Pour les autres animaux de la ferme, puisque la révolution semble reportée, il nous reste en attendant à « fuir là-bas loin d’ici ».
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 18/04/2006 à 11:16 | Répondre | Modifier
  4. La curiosité de chercheur pousse précisément à enlever les oeillères et à s’intérésser avec minutie au nazisme si particulier de Heidegger. Pour cela il faut tâcher d’aborder les auteurs avec lesquels il est entré en discussion pour penser à neuf les rapports de l’être, de la puissance et de la polis. C’est uniquement pour cela que des auteurs comme Jünger, Spengler ou Niekiesch sont entrevus.
    Les années 30 allemandes ont quelque chose de fascinant , je ne peux pas le nier. Doit-on m’accuser d’être une espèce de néo-nazi parce que j’essaie de comprendre les textes de Heidegger comme « Zu Ernst Jünger » ou « Koinon » , sans les expédier comme l’ont fait Faye et votre ami allemand (il aurait pu être tchétchène d’ailleurs : son avis tranché ne le met guère en valeur) c’est bien dommage. Il faut essayer de comprendre ce que l’on met à distance de soi. Pour justement ne pas recommencer. Ce n’est pas l’ignorance du nazisme heideggerien qui nous en préservera, mais son étude minutieuse. Les textes mis sur mon blog ont cette spécificité. Que des anti-heideggeriens intégristes et obscurantistes (puisque ils ne se mettent pas au niveau de la nuance de son écriture) m’insultent , cela m’amuse à la limite plus qu’autre chose. Personnelement je sais que je suis démocrate,et d’une ligne politique qui n’a vraiment rien à voir avec Heidegger. Vos critique ne m’empêcheront donc pas de publier des travaux conséquents , assez courageux pour comprendre vraiment Heidegger et non pas déformer ses propos pour les faire correspondre à un banal nazisme de bas étage. Son nazisme ,ça me fait bien mal de le dire , est plus « élaboré », et n’est pas guidé par la perspcetive de la Solution Finale. Heidegger , là aussi c’est dur à entendre , s’est mis au niveau des éxigences de son époque; il est d’ailleurs ainsi l’un des rares capable de nous faire penser les grands totalitarisme du vingtième siècle et l’im-position de la technique.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 19/04/2006 à 20:35 | Répondre | Modifier
  5. Bonsoir Monsieur,

    Vous êtes vraiment impayable. Vous vous dites démocrate, et vous cherchez l’inspiration auprès d’un penseur qui n’avait pas la moindre motivation démocratique. Je n’ai pas vis-à-vis de Heide de parti pris. Je m’intéresse au tourbillon que M. Faye a provoqué, dans la mesure où j’ai eu comme premier instituteur un allemand nazi pendant 4 ans et que j’essaie, simplement, de comprendre comment un fils de sacristain de Messkirch a pu devenir un des grands philosophes du XXème siècle et qu’il n’a pas hésité à s’engager du côté des nationalistes hitlériens. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour admettre que ce qu’on appelle le « nazisme » de Heidegger n’était pas un nazisme banal. Et c’est du reste en cela qu’il est intéressant de l’étudier calmement, sans passion, sans idéologie et sans parti pris. Après tout, comme disait si magnifiquement Wittgenstein, « même Hitler on peut le comprendre. » Que les années 30, en Allemagne, vous fascinent, tant mieux pour vous, moi, elles me terrifient. Pourquoi sommes-nous si arrogants, pourquoi les philosophes sont-ils entre eux si intolérants? Et si par hasard nous ne devrions pas nous poser la question , à partir de Heide, de savoir si nous ne nous illusionnions pas trop en croyant « penser » là où peut-être que nous ne faisons que rêver?
    Bien à vous
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 20/04/2006 à 00:24 | Répondre | Modifier
  6. Réponse d’un « obscurantiste notoire ».
    M. Domeracki,
    passons sur le fait que vous m’insultiez sur votre blog, puisqu’aujourd’hui je souhaiterais savoir si votre naufrage intellectuel et moral est définitif, ou bien si on peut encore espérer en une certaine humanité chez vous. Vos messages précédents ne m’avaient guère impressionné d’un point de vue intellectuel, mais ne laissaient toutefois pas présager que vous tomberiez aussi bas.
    Vous dites aujourd’hui vous intéresser au nazisme de Heidegger, nazisme qui serait plus « élaboré », et par là à même de nous éclairer sur les totalitarismes du 20ème siècle et ce que vous traduisez par « l’im-position » de la technique.
    Je dirais pour ma part que les jérémiades de la révolution conservatrice et de Heidegger sur la technique et le nihilisme me paraissent d’une platitude totale, mais je vous laisse le soin de me prouver le contraire.
    Vous ajoutez par ailleurs que le nazisme de Heidegger n’allait pas dans la direction de la solution finale. Il s’agit là d’une forme de révisionnisme, purement et simplement : le nazisme va dans la direction de l’extermination, par essence et depuis le début-Adolf Hitler parle déjà de gazages dans « Mein Kampf », et qu’on ne vienne pas me dire que Heidegger ne l’a pas lu.
    Je ne crois pas à la subtilité du nazisme de Heidegger, car il n’y a pas de forme « raffinée » du nazisme, il n’y a que des « raffinements » visant à légitimer cette brutalité, et Heidegger en a suivi tous les stades de développement. Mais mademoiselle Froidecourt nous avait déjà habitué à tout entendre, en disant que Heidegger n’aurait jamais soutenu de mouvements antisémites durant la période du rectorat-ce à quoi Kurt Flasch a répondu « War vielleicht der Nazismus keine Antisemitische Bewegung ? ».
    J’aprends ici que mon « ami allemand » et moi même aurions jeté trop vite « Koinon » et « Zu Ernst Jünger » à la poubelle.
    Je dirai par ailleurs à l’ami allemand qu’il aurait tout aussi bien pu être tchétchène. Ce que je voulais simplement dire, sans préjuger de sa position sur les textes en question dont nous n’avons pas parlé (mais l’esprit d’à propos n’est pas toujours ponctuel, et vous obéissez en cela à la « logique » qui depuis le début consiste à répondre à des critiques qui n’ont pas été formulées, ou pas ainsi), c’est que l’ami en question avait certainement une approche de la langue allemande et une connaissance du nazisme réel que vous n’avez pas.
    J’apprends par ailleurs que vous étudiez « Koinon » et le « Zu Ernst Jünger », ce qui ne serait pas mon cas-j’ignorais par ailleurs que vous maîtrisiez l’allemand, et en lisant votre bibliographie j’en avais peut-être à tort déduit que ce n’était pas le cas.
    Comme votre sort ne m’est pas complètement indifférent je vous propose donc de m’exposer vos traductions et interprétations des textes en question, et je vous répondrai.
    En effet vous étiez un des derniers à s’acharner contre le livre de Faye sur internet dont eût pu espérer quelque chose. Entre Etienne Pinat qui diffuse une version de Sein und Zeit numérisée par un neo-nazi et falsifie la page wikipedia sur Heidegger (accompagné par « la Glaneuse », qui confond les positions de Hugo Ott et de Emmanuel Faye, mais ils ne sont pas à ça près…). Entre Pierre Teitgen pour qui le Blut und Boden n’est pas forcément nazi (si c’est la position de Vincent Carraud et de ses petits copains du jury de l’agrégation, M. Teitgen prétendant parler pour les « spécialistes », bonjour), et le dit « Zacharie Cohen » dont les diffamations à l’égard de Emmanuel Faye ont conduit les modérateurs du Monde à faire cesser le dernier blog d’Assouline autour de la question Heidegger, ceux avec qui vous hurliez faisaient si triste figure que vous en sortiez presque grandi.
    Je vous demande donc d’assumer en personne la position de chercheur que vous prétendez être la votre (les « études » que vous citez, l’avouerais-je, sentent assez peu la démocratie, et en plaçant la photo d’un soldat de la Wehrmacht au milieu de l’article de Servanne Jollivet vous saviez ce que vous faisiez), et d’analyser pour moi les textes « Koinon » et « Zu Ernst Jünger », puisque je les aurais écartés trop vite, imitant en cela E. Faye et l’historien en question, qui doit en avoir entendu d’autres.
    Cela avait été mon premier message pour vous : je vous souhaitais bon courage dans votre recherche au milieu de « l’éboulis ». Vous n’avez par la suite émis que des lazzis d’adolescent attardé, avant d’avouer votre fascination pour le nazisme et de collectionner des études révérencieuses envers le pire. Vous en venez maintenant à trouver dans un nazisme plus « élaboré » (et les guillemets sont de vous) la clé de l’interprétation du monde moderne.
    En viendrez vous comme votre maître, et peut-être par déférence (c’est l’interprétation la plus charitable), à dire vous aussi que le nazisme est allé « dans la bonne direction » ?
    Depuis le début on a du supporter d’entendre qu’il devait y avoir quelque chose de grand dans le nazisme pour attirer de tels « grands ». Est-ce là ce que vous avez entendu auprès de vos maîtres en heideggérisme-on y entend parfois le pire ? Est-ce là la position de Pierre Rodrigo que vous citez avec révérence ?
    Je ne souhaiterais pas par mes critiques virulentes vous avoir poussé à une telle radicalisation. Qu’il soit bien clair pour tous que je n’en suis pas responsable, mais que je suis également prêt à vous entendre.
    Veuillez recevoir, monsieur, l’expression de mon respect pour ce qu’il reste d’humanité et de cohérence intellectuelle en vous, et de mon inquiétude.
    PS. Sur votre site, sous le titre « Emmanuel Faye vs. les Heideggériens », vous écrivez deux contre-vérités. D’abord lors de la conférence de l’APPEP, si il y a bien été question de diffamation, ni Jean-Pierre ni Emmanuel Faye n’ont parlé de procès. Bernard Sichère a parlé d’exclure Emmanuel Faye de la communauté des philosophes, et de de diffamation (à l’égard de Heidegger, et de plusieurs personnalités heideggériennes, ce à quoi Emmanuel Faye a répondu en précisant, tout comme dans son ouvrage, qui pour lui avait sombré dans le révisionnisme, qui dans le négationnisme, et en répondant à propos des textes mêmes de Heidegger). Jean-Pierre Faye a par ailleurs parlé de diffamation suite aux propos de Bernard Sichère qui parlait d’ »affaire de famille », ajoutant « Nous avons eu l’opération Jean-Pierre Faye, nous avons aujourd’hui l’opération Emmanuel Faye ». Mais tout cela est lisible sur le site de l’APPEP, dont Skildy a donné les références. Vous renvoyiez par ailleurs vous même à cette conférence, ou du moins le prétendez, car le lien que vous donnez n’y renvoie pas, mais au numéro de la « pensée libre » tenu par le négationniste Karnooh, et qui produisait un texte infâme contre le travail de E. Faye (cette « erreur » de votre part ne tenant je l’espère qu’au hasard et à l’inattention).
    Votre,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 20/04/2006 à 12:33 | Répondre | Modifier
  7. Je me doutais bien évidemment que la radicalité de mon propos sur mn blog ferait des remous. Vous voilà en fin de compte bien réactif. J’ai délibérément exagéré le trait afin de secouer votre posture sclérosée d’anti-Heidegger telle qu’elle a pu trannsparaître sur le présent blog.
    Pour commencer je tiens à écarter vos suppositions douteuses sur ce que mon directeur de recherche Pierre Rodrigo pourrait avoir à dire sur le sujet. A vrai dire je n’en sais strictement rien. Il doit pour l’instant , comme la plupart des chercheurs francais , s’abstenir d’émettre un avis tranché sur ces textes de des années 30-40, et s’en tenir à un point de vue philosophique très académique , ne traitant pas de ce fait étonnant pour nous tous qu’un philosophe ait eu une tentation politique en faveur du naitonal-socialisme. Son compte-rendu du formidable travail de Didier Franck , sur texte de 1945 « La parole d’Anaximandre » ,n’avait donc rien à voir avec cette grande mascarade française qu’est l’ »affaire Faye ».
    Deuxièmement , j’avoue n’avoir pas vérifié le lien pour l’appep , je pensais sincèrement renvoyer au compte-rendu, que je n’ai pas relu en intégralité. étant présent ce jour-là en salle Cavaillès , je voulais juste rendre compte du comique de cette situation , où tout le monde se doutait bien que « pros » et « antis » allaient s’entredéchirer. Tous les protagonistes m’ont parus fort ridicules , et je dois dire que moi-même je me suis bien gaussé ce jour-là. Excusez-moi d’être un « adolescent attardé »,mais c’est tout ce que m’inspirent les uns et les autres! Mon blog n’entend nullement mettre en veilleuse cette dimension comique de « Heidegger en France ». D’ailleurs , et même si je dois bien confesser que mon allemand est déplorable , et que mon âge (23) ne me permet pas d’avoir lu beaucoup de commentaires allemands de son oeuvre , je dois quand même souligner que j’ai passé les trois dernières années à lire une masse importante de commentaires et de textes français et traduits , et que j’ai le mérite de m’attarder dans les recoins les plus vaseux de la Gesamtausgabe.
    Cela ne préjuge évidemment en rien de ma compréhension de ceux-ci : mais je fais de mon mieux. En AUCUN CAS je ne peux me laisser tenter par le choix de Faye de faire une réunion des pires textes , et en lancant des interprétations douteuses de certains textes « sains » (car il ya bien cela ne fait aucun doute ,d es textes nazis et malsains de Heidegger , personne ne le nie). Quand je parle de « fascination » pour le nazisme , je tend le bâton pour me faire battre : car il ne s’agit aucunement d’un désir morbide et nostalgique de revivre ces insanités. Je suis
    animé par le même dégoût que vous. A cet égard la photo douteuse qui accompagnait le texte de Jollivet ne pouvait que semer le trouble , alors que ce n’était tout au plus qu’un blague de mauvais goût , le commentaire qu’elle accompagnait démontrant bien ce que le penseur abordait sous l’égide du « polémos ».
    Je dois bien le confésser, ma référence pour comprendre Heidegger n’est en aucun cas un travail « journalistique » comme celui de Faye ou avant lui Farias. Et vous ne pouvez guère ue m’en blâmer , puisque votre choix est déjà fait. Vos amis Allemands qui ont une connaissance profonde de leur langue et de la pensée heideggerienne vous stimulent encore plus dans ce sens. L’ »affaire »est rêglée. De même , puisque les remous politiques du début des années 30 ne peuvent être ramener qu’à la Shoah , en parler dans une autre perspective nous ramène inéxorablement à être entrevus comme des « négationnistes »…
    Ce qui est troublant, c’est que désormais toute étude qui ne thématisera pas le nazisme de Heidegger sera vue comme douteuse ou/et naïve.C’est en cela que le travail de Faye me dégoute. Sont ainsi discrédités tous les travaux des universitaires qui auraient le courage de se pencher sur cette période trouble, et sur les réèlles motivations heideggeriennes. C’est uniquement là qu’un nazisme plus « élaboré » (oh scandale!) pourrait être entrevu ,s’il n’était pas liquidé par un obscurantisme : celui de ne pas se pencher sur le détail des écrits heideggeriens. Je ne doute pas que vous l’ayez fait , mais les travaux de Faye et l’habitude de surligner des détails de texte certes douteux vous ont menés apparemment sur cette voie. Oh, bien sûr , elle vous évite absolument de vous faire traiter d’adolescent attardé fasciné par le nazisme. mais elle vous évite aussi de débattre sur le sujet , puisque vous arrivez avec votre réponse tranchée et moralisatrice. Je ne suis pas certain que la philosophie se propose ce type d’attitude…
    Je termine en réaffirmant ma croyance aux potentialités de la pensée heideggerienne, certes pour cautionner le pire , mais aussi pour pensee ce pire. Or je ne veux pas cautionner le nazisme mais comprendre la modernité dans laquelle elle a pu surgir. Heidegger , ainsi que Jünger ou Nietzsche par exemple , est de ceux , malheureusement anti-démocrates , qui le permettent.

    En éspérant que mon ton n’aura pas fait ue vous agacer, je souhaite vous voir faire des comminications sur heidegger.over-blog, y compris si elles critiquent vivement les articles publiés , qui tentent en vain de faire comprendre que Heidegger n’a pas été qu’un salaud , mais aussi un grand penseur : une possibilité que j’arrive pour ma part à me représenter.

    S.D.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 20/04/2006 à 17:34 | Répondre | Modifier
  8. Monsieur Domeracki,
    le ton de votre dernier commentaire ne m’irrite pas, il aurait plutôt tendance à me libérer d’un poids, celui d’un souçon.
    Si j’ai été aussi virulent, c’est que votre position me paraît absolument intenable : depuis 3 mois vous répétez le même argument qui consiste à dire que le travail de Emmanuel Faye est rejeté par les heideggériens français. Cet argument est doublement, voire triplement inacceptable.
    D’abord parce que c’est un argument d’autorité. Ensuite, parce que cette autorité n’a de surcroît aucune valeur « universelle », comme toute autorité d’ailleurs, mais ici d’autant plus qu’il suffit de franchir les frontières de l’hexagone pour se rendre compte des limites de cette autorité là. Enfin troisièmement parce que cette autorité est responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons : depuis des années les heideggériens français reçoivent les derniers exemplaires de la Gesamtausgabe sans rien dire. Tout le mérite de Emmanuel Faye, quoique vous pensiez de ses conclusions, aura été de poser la question du statut à donner à ces textes. La réponse de l’institution universitaire française consiste à faire le gros dos en faisant dire la messe et en attendant que cela passe. Honte à eux !!!
    Si le travail de E.Faye est si facile à démolir, cela devrait être fait, hors je ne vois rien venir qu’un silence vaseux, sinon pire, de la part de nos pontes. Dès lors, oui, on a le droit de soupçonner ces messieurs de complaisance, et la plus grande virulence est de mise jusqu’à ce que le mur soit perçé. Je comprends ici fort bien le fait que E.Faye ait choisi une position radicale et de faire le maximum de bruit. Cette stratégie se justifie parfaitement quand on voit à quelles tentatives d’étouffement elle fait face. Là où E.Faye a gagné, c’est que son livre connaît une réception mondiale et que si le monde académique français parvient en partie et en partie seulement à étouffer l’affaire, il aura des relais à l’étranger. Tout ce que je peux vous dire à ce sujet c’est que le comportement des membres de l’institution française consterne un nombre certain de leurs collègues à l’étranger, et que cela aura vraisemblablement des traductions très concrètes-mais restons dans notre trou, puisque si on en croit votre site les français savent mieux ce qu’est l’Allemagne spirituelle que les allemands. Le livre de Faye connaît aussi une réception aux Etats-Unis. Savons nous aussi mieux ce qu’est New Yorck que les New Yorckais ?
    Là où votre discours m’est absolument insupportable également, c’est que vous avez choisi en insultant E.Faye de hurler avec les loups. « Journaliste », pourquoi pas ? Suite à cette « affaire Faye » (c’est donc Emmanuel Faye celui à qui il faut faire son affaire…), j’aurais plutôt tendance à utiliser « académique » comme insulte suprême.
    M. Faye est en bute depuis le début à une campagne de diffamation d’une virulence rarissime pour un travail de recherche, et est pris à partie dans une revue tenue par un négationniste à laquelle vous renvoyez (j’espère que vous avez ou allez cesser ce renvoi). Avez-vous la moindre notion de ce que cela signifie ? Mes soupçons vous ont choqué. Souhaitez vous alors que je me répande dans tous les lieux possibles en vous qualifiant de « diffamateur », « escroc », voire pire, « journaliste » (sic. …) ou « historien » ? Que je vous qualifie d’antisémite parce que vous avez fait des recherches sur le nazisme ? Que je vous attribue des propos que vous n’avez jamais eu ? Que je vous décrive comme un excité, alors que je ne vous ai jamais rencontré (et entre nous, je n’ai pas vu ni eu connaissance d’une conférence où Emmanuel Faye ait haussé le ton…) ? et surtout, imaginez vous ce que c’est que d’être renvoyé dos à dos avec des révisionnistes, parce que vous vous opposez à eux et que donc vous êtes aussi un extrémiste ??
    Je ne peux supporter d’entendre renvoyer dos à dos MM. Faye et Fédier : vous pouvez penser ce que vous voulez des positions de Emmanuel Faye, mais il n’a pas recueilli quant à lui l’héritage de Jean Beaufret sans prendre ses distances vis à vis de son soutien à Faurisson, ni n’a soutenu Ernst Nolte.
    J’ai par ailleurs bien lu votre blog, et exprimé ce que je pensais des analyses du « nihilisme » et de la technique telles qu’exposées dans les articles que vous donnez à lire. Quant à l’article de S.Jollivet, qui reprend le pire de Heidegger hormis l’antisémitisme, il est en plein dans le type de problèmes soulevé par le livre de monsieur Faye. Je ne viendrai cependant pas critiquer ces articles sur votre blog tant qu’il contiendra les inexactitudes que j’ai pointé, et ces photos qui jouent par trop à mon goût avec l’héritage nazi-quoique je ne vous crois pas neo-nazi, je vous crois simplement inconséquent et dénué de tact, mais ce n’est pas totalement incurable…
    Je vous donne ici quelques points qui me paraissent importants et nécessaires. Si ils venaient à être respectés je suis tout prêt à engager le débat avec vous sur le terrain qui vous semblera bon.
    1/ le problème du statut des textes les plus nazis de Heidegger et de la postérité négationniste de Heide est d’importance. Ceci ne vous empêche pas bien sûr d’être en désaccord complet avec Emmanuel Faye, mais vous pouvez le faire sans attaque personnelle. Du genre, « Le problème pointé est d’importance, mais je suis en désaccord total avec les conclusions et les solutions apportées »… voyez ? cela se fait chez les gens civilisés.
    2/ EF, quoique vous pensiez donc du bonhomme, ne saurait être renvoyé dos à dos avec les révisionnistes et négationnistes.
    3/ l’argument d’autorité, en particulier si il fait référence à nos chères actuelles autorités, doit être banni, et en particulier face au problème nouveau posé par les derniers exemplaires de la GA. L’attitude de Didier Franck que vous admirez tant, et qui refuse de comparer les différentes versions du Nietzsche de Heidegger alors qu’il est censé être un spécialiste de ces deux auteurs, est à cet égard un excellent anti-modèle.
    Je ne saurais que trop vous conseiller d’abandonner toute référence à vos maîtres pour développer une réflexion personnelle, appuyée philologiquement et logiquement, et citant également avec précision le livre de Emmanuel Faye si vous souhaitez contester un ou plusieurs points de son analyse.
    Quand vous aurez ainsi articulé votre propre discours, nous verrons.
    Avec mes salutations,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 21/04/2006 à 15:03 | Répondre | Modifier
  9. Pour ce qui est de l’argument d’autorité : ilest mis en avant parce qu tout ces chercheurs , aux pensées protéiformes , semblent tacitement d’accord pour refuser la méthode même de travail de l’ouvrage de Faye. Je reconnais pour ma part son mérite de mettre enfin essentiellement en avant des textes peu connus , ou plutôt peu manifestés par les chercheurs en question…
    Mais le problème reste le même : faire la collection , sur des milliers de page de pensée , des quelques passages de collusion avec le nazisme ne jette pas un discrédit sur l’oeuvre entière. Si le nazisme est effectivement « introduit » , il ne colore pas l’intégralité de l’oeuvre , mais seulement certains passages, parfois longs certes. Le soupçon consistant à voir dans l’oeuvre « ontologico-historiale »,un travail « idéologique » de plus tombe à l’eau car il existe bien trop de textes n’ayant pas ou si peu à voir avec le national-socialisme. Je suis constérné de voir l’acharnement à mattre en avant les textes douteux. Ne pas oublier , c’est bien , mais les penser comme pôle d’accessions à ce que « voudrait vraiment penser et cacher Heidegger » , je trouve cela , au bout du compte , quelque peu naïf. Et puis , cette manière d’aborder l’université française d’un seul bloc , comme cela , sous le prétexte fallacieux que le nazisme Heidegger n’obnubile pas suffisamment à leur goût , m’énerve au point de vouloir traiter cette affaire avec ironie et humour douteux…Peut-être les universitaires incriminés se doutaient que bientôt un nouveau Farias ferait un petite compliation des erreurs heideggeriennes (du reste Dionys Mascolo avait déjà proposé des « éléments pour un sottisier Heideggerien »…)
    Faye fait l’impasse sur 95% de Sein und zeit : et procède de la même manière dans les cours :il repère les quelques intermèdes que se proposait le professeur de Fribourg pour effectuer un renvoi à l’ »actualité brûlante » et à la politique , dans lesquels Heidegger tentait d’articuler sa propre pensée à ses penchants politiques. Considèrer que ce sont ces derniers qui rêgnent sur la pensée entière relève d’une habitude de soupçonner qui a ses qualités et aussi ses limites. Je n’ai jamais caché à mes amis que la première lecture de l’ouvrage m’avait impréssionnée : une telle compilation d’infâmie , de la part du plus grand penseur de notre temps avait de quoi déboussoler. Mais le problème est que plus je lis Heidegger lui-même , plus je me dis que la figure du penseur qui « truque » en quelque sorte sa propre pensée afin d’y glisser une idéologie nauséabonnde n’est qu’un fantasme rétrospectif. Par exemple lorsque Faye tente de nous faire croire qu’il essaie de repenser à neuf la « race » mais dans le même but que les nazis , je m’interroge…Certes Heidegger voulait à coup sûr être le « Führer du Führer » ,mais pourquoi diable serait-ce avec pour visée la Shoah ,lui qui n’avait guère que des élèves juifs (pour ne pas parler d’Hannah Arendt…)
    Cette thèse fait passer un grand penseur pour un vulgaire psychopathe , et tranche bien trop à mon goût la nuance du propos. D’ailleurs jene sui spas certain que les textes de la « Révolution conservatrice » soient aussi simplistes que vous le dites. Là encore , je ne douterais pas que ce soit nos considérations humanistes qui rétrospectivement, nous font expédier ce type de propos que l’histoire a certes discréditée.
    Mais en 1932-33 ,Heidegger , même s’il avait lu Mein Kampf , ce qui n’est pour l’instant qu’une supposition, aurait très bien pu penser qu’il s’agissait d’une programmatique de fantoche qu’il convenait de reprendre en charge , afin que le nazisme ne devienne pas seulement le vulgaire nihilisme destructeur qu’il est malheureusement devenu.
    Je ne sui spas certain que ce que fait Faye , d’affirmer que tous les termes dépréciatifs de l’époque « nihilisme » « déclin » « asiatique » étaient compris par Heidegger comme « houlàlà saleté de juifs détruisons les ». Je crois même que Heidegger était lui-même naïf en tentant de penser ces termes selon des considèrations ontologico-historiales lors même que ses contemporains s’en servaient pour stigmatiser une population.
    Dans tous les cas je ne crois pas qu’on gagne beaucoup plus à penser Heidegger comme un Psychopathe sanguinaire que comme un philosophe se fourvoyant complètement en politique. A part bien entendu si notre but est de l’évacuer du domaine philosophique pour ne l’aborder plus qu’idéologiquement…Or , que les américains , les allemands ou les tchetchenes soient tous séduits par l’ouvrage de Faye n’est guère plus un argument probant que celui d’autorité citant Janicaud,Greisch,Derrida ou lacoue-Labarthe.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 22/04/2006 à 12:27 | Répondre | Modifier
  10. Bonjour Monsieur Domeracki,

    Bien que vous répondiez à M. Er dans le précédent message, permettez-moi de vous dire que le ton que vous utilisez tranche singulièrement par rapport à celui que vous avez l’habitude d’utiliser et je vous en félicite. Voir que l’admiration que vous portez à la pensée de Heide ne vous empêche pas d’argumenter est pour moi très réjouissant.
    Je m’étonne un peu que SuZ vous paraît une oeuvre si originale, alors qu’elle m’apparaît comme un remake, écrit dans une langue que je trouve épouvantable, de thèmes théologiques judéo-chrétiens très classiques: chute de l’Homme dans le péché, d’où comme châtiment perte de l’immortalité, chute dans la temporalité, la finitude, l’abandon, l’angoisse, l’ennui, la déréliction (cf Augustin, Pascal, Kirgegaard entre autres références). C’est ce qui m’a amené un jour à écrire à M. Er que Heide avait une philosophie négative comme on parle de théologie négative (il admirait du reste beaucoup Eckart, comme par hasard). Avec une philosophie de la vie aussi sombre et un habitus socio-politique (pour parler comme Bourdieu)aussi marqué(nationalisme revanchard, haine de la France, germanocentrisme, goût de la force, de l’autorité, du chef), son allégance au régime fasciste de Hitler était pour ainsi dire prévisible, comme l’a si bien écrit un jour G. Anders qui avait pratiqué le bonhomme!
    Bien cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 22/04/2006 à 16:29 | Répondre | Modifier
  11. Ce que vous dites de l’écritude d’Etre et temps n’est pas faux. Mais la différence ontologique est quand même une pure nouveauté. Tout comme l’ontologie temporale. C’est l’analytique existentiale qui s’inspire de concepts théologiques , pas les racines temporales et historiales du Hauptwerk. Enfin , il me semble…
    Mon ton change selon mon envie d’être sérieux ou de déconner. Il serait dommage de perdre pour si peu notre « belle-humeur ».
    SD

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 22/04/2006 à 17:08 | Répondre | Modifier
  12. Cher monsieur Domeracki,
    je tiens d’abord à vous féliciter pour ces messages, parmi les premiers un peu construits depuis des mois. J’ai bien vu par ailleurs que vous avez corrigé le lien et enlevé à ce qu’il me semble au moins une de vos photos peu bienvenues.
    Par ailleurs si je ne comprends pas en quoi l’attaque de N.Plagne constitue une « recension », et si je regrette que vous renvoyiez toujours au torchon infâme de Lehugneur, j’apprécie néanmoins le fait que vous ayiez également mis une réponse de Emmanuel Faye à des critiques qui lui ont souvent été faites. Si je dois dire que votre « humour » ne m’a jamais fait rire, la vue de votre site ce matin m’a au moins arraché un sourire.
    Le révisionnisme par ailleurs ne m’a non plus jamais fait rire, et je ne serais pas là à vous répondre si je n’avais au contraire de vous le sentiment qu’il y a un certain nombre d’académiques à être « obsédés par le nazisme » pour reprendre vos mots. Il y a un certain temps déjà que je roule ma bosse dans l’institution, et j’ai eu avant vous ces gens que vous admirez comme professeurs (ils étaient un peu plus jeunes…), et le moins que l’on puisse dire c’est que mon enchantement n’a pas duré, s’il a jamais eu lieu. C’est à force d’entendre des propos et des comportements limites de la part de professeurs, de collègues, etc., que mon malaise a fini par naître. A cet égard la collusion tacite (du moins à l’écrit, puisque j’ai été le témoin de collusions orales on ne peu plus claires) des universitaires heideggériens ou d’une bonne partie d’entre eux avec la bande de « Parolesdesjours » a été pour moi une terrible confirmation de mes soupçons. Vous avez dû lire cette année cette phrase de Spinoza qui parle de ceux qui veulent se faire passer pour des sages alors qu’ils écument de colère. C’est bien à cela que me font penser la pseudo-distance prise par les heideggériens du circuit académique : les quelques conversations que j’ai pu avoir ne m’ont pas laissé voir des hommes contemplant avec distance et componction les événements, mais des petits capitalistes du savoir (« touche pas à mon capital symbolique » !!) verts de rage. Par contre il n’a jamais été question pour moi (ni d’ailleurs pour M.Faye) de prendre l’université française « en bloc ». Je peux d’autant moins le faire que j’y ai encore quelque très bon amis. Il s’agissait par contre de pointer les disfonctionnements d’une structure, qui n’est jamais tenues que par quelques personnes autour desquelles un groupe fait bloc(age), justement.

    Pour ce qui est du contenu de votre message, il ne dit pas forcément des choses très nouvelles, mais contient bien une argumentation. Le problème est qu’elle minimise l’ampleur de ce à quoi nous faisons face : il n’y a pas « quelques textes » clairement nazis de Heidegger, et vous le savez aussi bien que moi. De plus ces textes arrivent à des points clés des développements heideggériens, et ne sont pas des « exemples », des « applications » ou des « excursus ». Quand un philosophe dit que l’opposition être/étant qu’il a mis au coeur de sa philosophie recouvre la distinction peuple/état, on n’est plus dans la digression…
    Souvenez vous du témoignage de Karl Löwith au sujet de sa rencontre avec Heidegger à Rome en 36, où celui-ci lui a dit que son engagement était une conséquence de sa compréhension du « souci ». Qui peut dire après cela qu’il n’y a aucun lien entre pensée et action ? Je ne pense pas par ailleurs que l’on puisse dire Heidegger « nazi » en 1927, nous disposons de trop peu d’éléments pour pouvoir l’affirmer, mais je pense par contre qu’il y a plus d’un passage problématique dès la deuxième moitié des années 20. A quoi conduit cette grande transformation de l’homme à laquelle la philosophie ne peut que nous préparer, et dont il est question dans le cours de 29 mis cette année à l’écrit de l’agrégation ? Tout l’art heideggérien consiste à euphémiser l’appel, mais il y a déjà des « tonalités » bien étranges avant 33, et E.Faye n’est certainement pas le premier à l’avoir dit.
    Mais laissons là le témoignage de Löwith : le problème est bien que c’est Heidegger « himself » qui a choisi de nous envoyer post mortem, en guise de commentaire ultime, ces textes dont parle Emmanuel Faye. Le dernier mot de Martin Heidegger, c’est celui-ci, et il savait ce qu’il faisait puisqu’il a auparavant retouché les textes qu’il a choisi de publier après-guerre et de son vivant. Est-ce à dire qu’il espérait en une évolution politique plus favorable à la réception de ses écrits nazis que dans les années 50 et 60 ? Toujours est-il que le dernier mot heideggérien est un nazisme assumé, accompagné néanmoins d’un refus d’en payer les conséquences de son vivant. On ne saurait donc parler d’une « erreur » ou d’un fourvoiement en politique. Une erreur se corrige. Une compromission totale dans le nazisme, par contre, c’est infiniment plus rare que quelqu’un en sorte, et je dirais qu’à partir d’un certain degré cela n’est plus possible.
    Là où votre discours me pose problème, c’est quand vous avancez des choses comme « Heidegger n’avait que des élèves juifs ». Et entre 33 et 45, où sont-ils ?? Pour 33, nous avons le témoignage d’Arendt et celui de Husserl, pour les années 20 celui de Anders (du moins pour madame Heide) et celui de Löwith, qui se décrit lui même comme un des « bons juifs » de Heidegger.
    Dès le départ le nazisme s’avoue d’un antisémistime total, et en devenant recteur d’une université dont tous les professeurs juifs avaient été bannis, université qui de surcroît était un « laboratoire » (Ott) du nazisme académique, comment Heidi aurait-il pu ignorer la couleur du programme ? Il est absolument insoutenable d’avancer qu’il y aurait somme toute une « bonne » compréhension du terme « asiatique » avec Heidegger, une compréhension plus respectable parce que plus « pensée ». Il y a des actes de discours d’où toute ambivalence est exclue. Vous pouvez toujours faire le test, et vous balader en hurlant « mort aux juifs » dans les rues de Dijon (puisque la « lutte contre l’asiatique » ne veut rien dire d’autre), mais vous aurez bien du mal à expliquer par la suite que vous vouliez signifier quelque chose de beaucoup plus fin et déterminé métaphysiquement.
    Je partage enfin assez peu votre admiration pour Etre et temps, mais là la discussion serait plus intéressante que votre défense impossible du pire. L’inachèvement de SuZ, qui ne comporte que les deux premières sections de la première partie, est pour moi un aveu d’échec. La conférence d’après-guerre qui porte le nom de « Temps et Etre » avance pourtant bien que la tentative de reconduire la spatialité à une temporalité plus originaire a échoué. Quant à la fameuse « différence » ontologique, avec ou sans petit a, je n’en vois pas la grandeur, sinon celle de l’indétermination.
    Cela n’est sans doute pas le plus grave, du moins en apparence. Mais il ne faudrait pas que cette indétermination serve de cache-misère intellectuelle et morale, ce qui en ferait alors un des pieux du « piège » dont a traité Jean-Pierre Faye.
    Avec mes salutations,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 24/04/2006 à 12:53 | Répondre | Modifier
  13. Je suis bien d’accord pour dire que l’inachèvement de Sein und zeit pose un problème à l’économie générale de l’oeuvre heideggerienne , du moins sitôt qu’on postule qu’Etre et temps en est le point nodal. Pour moi il n’en n’est que l’un des tenants. Du reste une grande partie de ce qui y est tenté est abandonné par la suite (l’analytique existentiale , en grande partie , les thématiques du Gewissen , de l’angoisse et de l’être-pour-la mort sont largement moins présents par la suite).
    Mais surtout , l’ontologie temporale telle qu’elle est dévelloppée dans le tome XXIV n’est pas très convaincante , pas plus que la tentative de son rapprochement à l’intuition kantienne dans le Kantbuch. Mais Heidegger lui-même abien été obligé de voir les limites de son approche et a pris une nouvelle direction , « onto-historiale » ,pas tellement plus convaincante de prime abord. Ses linéaments sont décrits dans les opuscules De l’essence dela vérité et La doctrine de platon , en 1930.
    Comment peut-on soutenir qu’à ce moment charnière de son oeuvre , Heidegger pourrait avoir en vue la Shoah ,que l’étude de la météhysique se ferait en vue de quelconques pogroms à venir? La plupart des textes me paraissent bien loin du type de considérations politiques qui ont pu être menées indûment en 1933-34; Indûment parce que si l’on prends Etre et temps à la lettre (j’essaierai de retrouver les textes précis) , rien ne laissait présager d’une telle imbécilité à venir!
    De même les écrits de 1935 à la fin de la guerre témoigne au moins autant d’un « nationalisme »- rétrospectivement lu comme étant infect- que d’une critique des outrances du régime hitlérien. Du reste jamais Heidegger ne fait la promotion de ce que la régime a eu de pire –ET QU’EST CE QU’IL L’EN AURAIT EMPECHé? Je ne vois pas pourquoi ce penseur , puisque vous le voyez si antisémite , se serait privé de faire une apologie de la Shoah lors de ses cours et dans ses traités.
    Je persiste à penser que prendre certaines parties de texte sur trois cent ou qautre cent pages d’un traité , pour montrer que l’intégralité de l’oeuvre est corrompue est une tâche absurde et de mauvais aloi. Faye ne peut pas montrer cette « intégralité » car la plupart des textes résistent à ses accusations. Un petit défi: trouvez-moi sur les 2000 pages de cours d’entre 1925 et 1929 ne serait-ce que cinquante pages douteuses. Mais douteuses pour elle-même , pas « en rapport » avec ce qui a été fait après. Parce que , par exemple , ce qu’ a soi disant entendu Löwith , c’est bien beau , mais invérifiable. Alors que les textes eux , nous les avons tous sous les yeux : et ils sont longs , touffus , intelligents. Je continuerai d’ailleurs de mettre des extraits , sans aucun commentaire , avec la même mauvaise foi que Faye : en prenant les txtes cette fois-ci les plus critique envers le régime et le mal en général ;et aussi des textes qui mettent en valeur le travail de sa pensée, ce , même si il ne vous impressionne guère…
    Je trouv eau bout du compte dommage que l’on parle tant de son nazisme dans la mesure où nous tous , même ceux que vous soupconnez certes d’ »inconséquence » , sommes d’accord pour dire que nous n’avons pas grand chose de nazi (je doute qu’Arnaud Montebourg que je soutiens le soit! 🙂 Tâchons donc plutôt de mettre en valeur ce qui est satisfaisant dans le questionnement heideggerien : à ne parler que de cette période trouble nous allons finir par tendre des perches à ceux qui effectivement pourraient être tentés par le nazisme. Et je pense qu’il faut un esprit faible pour ne voir que le nazisme en Heidegger. Ou en tout cas il faut une certaine dose de mauvaise volonté et d’obnubilation. Ces scories infâmes que personne ne conteste à part quelques illuminés de Parole des jours ne représentent guère qu’1% de l’ensemble du corpus; c’est à la fois trop et trop peu.
    Je vais vous dire : moi les textes qui m’ont passionnés sont le Nietzsche , le Schelling, Koinon ,les Grundprobleme der Phänomenologie et la Parole d’Anaximandre. Je ne compte en aucun cas cesser de lire le premier parce que Gallimard l’a tronqué de quelques phrases disgracieuses ou carrément honteuses , le second parce qu’Heidegger préfèrait le fascisme Mussolinien et Hitlerien aux aggravations de la métaphysique que seraient les démocraties et le socialisme (en tant que demi-mesures). Je ne cesserai pas de lire le fantastique cours de 1927 même si il se termine en queue de poisson et que le mot « race » y est prononcé deux fois au tout début à titre indicatif. Je relirai Koinon parce que je sens qu’Heidegger essaie vraiment de comprendre le communisme en tant que connfiguration spécifique et historialement déterminée du monde. Enfin je verrai encore longtemps en la lecture de la parole initiale d’Anaximandre l’envoi déstinal de l’insurrection de l’homme et de l’oubli de l’être.Non que j’y « croit » , mais que l’herméneutique qui se déploît dans tous ces textes est extra-ordinaire , et puise dans des ressources ontologiques indéniables. Bien souvent Heidegger est conséquent. Mais quand il est inconséquent , c’est flagrant et impardonnable. Peut être est ce celui qui a flirté le plus avec le Mal et ses suppôts , qui peut nous en dire les vérités les plus intîmes…Cette hypothèse de lecture n’est pas plus inadmissible que celle qui cherche à diaboliser un penseur en rabottant le moindre de ses grands textes au niveau de ses quelques déchets. Enfin il me semble…que le seul Heidegger intéréssant est celui qu’on lave de tout soupçon, ne serait-ce que le temps d’une étude détaillée n’ayant que peu à voir avec le nazisme. L’autre est méprisable. Non pas à nier ,mais à minimiser…Sinon, on ne fais plus de philosophie, mais de l’histoire–idéologiquement déterminée.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 24/04/2006 à 18:30 | Répondre | Modifier
  14. Bonsoir Monsieur Domeracki,

    Permettez-moi de me mêler à votre échange avec M. Er, car votre dialogue m’intéresse. Vous êtes décidément quelqu’un de paradoxal, pour moi, en ce sens que vous vous dites démocrate et que vous affirmez en même temps ne pas cesser de lire Heidegger qui « préférait le fascisme Mussolinien et Hitlérien aux aggravations de la métaphysique que seraient les démocraties et le socialisme en tant que demi-mesures ». Bravo! Comme j’ai appris que vous êtes un jeune homme qui, de sucroît, passe sa jeunesse dans une démocratie et qui ne voit le fascisme qu’à travers des textes philosophiques, je mets votre indulgence pour des régimes de terreur sur le compte d’une singulière inexpérience. Décidément, la pratique de la philosophie ne vous rend pas plus perspicace qu’elle a rendu Heide, en tous les cas pas cette sorte de philosophie-là que vous aimez et honorez. Le fait d’avoir dû subir pendant quatre ans un instituteur allemand nazi durant la guerre, qui nous terrorisait en nous menaçant de mort si l’on parlait le français, m’a permis d’acquérir une philosophie de la vie moins livresque que la vôtre, mais nettement plus lucide, et qui m’a donné les moyens de résister tout au long de ma vie aux sortilèges des funestes rêveurs qui aiment se mentir. Car Heidegger était un rêveur qui se gonflait de vanité en survolant de son orgueil creux la vie, les hommes, les événements. N’avez-vous pas lu certaines lettres que Jaspers lui a adressées après la guerre dans lesquelles il ne se prive pas de relever avec écoeurement et conternation les balivernes grandiloquentes de Heide. Par exemple, celle-ci (avril 1953): « Nous devons nommer les choses et ne pas rester dans l’approximation. » Jaspers condamne les « rêveries » qui ont trompé un demi-siècle et qui ont préparé le lit du totalitarisme. Il lui écrit encore: « Etes-vous sur le point de jouer au prophète qui montre le supra-sensible à partir d’une connaissance occulte, au philosophe qui, se fourvoyant loin de la réalité, fait échouer le possible en lui préférant des fictions. » Toute sa vie, Heidegger a adopté cette invraisemblable posture angélique qui lui a permis de s’innocenter à ses yeux à bon compte. Et vous appelez cela, sans broncher, faire de la philosophie, comme si pour vous la philosophie consistait à se camoufler de la vie en la saupoudrant de mots creux, grandiloquents, généraux et vagues. Mais pourquoi ne lisez-vous pas Nietzsche? Non pas à travers ce qu’en dit Heide qui lisait tout de travers, mais dans le texte: il vous guérirait de ce vain songe-creux triste, ennuyeux et malsain comme la musique de Wagner.
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 25/04/2006 à 22:05 | Répondre | Modifier
  15. Monsieur Domeracki,
    je tiens d’abord à vous signaler un lapsus : c’est bien M. Misslin qui vous a opposé Nietzsche à Heidegger, non moi. Je ne vois donc pas pourquoi vous commencez votre réponse à ce dernier, que vous avez jugé bon de faire sur votre blog et non ici (afin de mieux pouvoir déployer votre virulence ?)par un « mais vous avez raison monsieur Er ! ». Je connais en effet bien ces passages où Nietzsche exalte la violence, et je ne pense pas que le bonhomme soit en effet une « solution » à cet égard, même si je suis par ailleurs convaincu que son oeuvre est d’une autre tenue que celle de Heidegger, quand bien même elle a laissé des prises au relectures fachistes.
    Continuez donc à lire Nietzsche si vous y trouvez votre miel, mais je ne pense pas pour ma part qu’avec lui ont a une potion anti-Heide ; ni non plus une caution…
    La façon dont vous en prenez à monsieur Misslin, en présentant comme une grâce le fait que vous ne vous laissiez pas (complètement) aller est indigne, et moi qui avais certains espoirs à votre sujet je recommence à désespérer de vous et à voir un caractère là où je croyais à un état de crise. Que savez vous de la vie de M.Misslin pour vous poser ainsi en face de lui en grand vivant et en courageux sûr de lui ? Il vous a parlé de son expérience du fachisme réel, vous auriez pu l’écouter.
    Je suis consterné de manière générale par la façon dont on oppose la force des régimes fachistes à la « faiblesse » des régimes démocratiques : ainsi de Weimar, dont on a pu aller jusqu’à dire que c’était sa démocratie qui avait accouché du nazisme. De même ceux qui voient dans les doctrines fachistes la clé du monde moderne sont des courageux penseurs, ceux qui s’en méfient de craintifs indécis.
    Cette posture, produit d’une fascination pour la violence sans frein, oublie cependant un peu vite qui a gagné la seconde guerre mondiale. Les idolâtres des platitudes de la révolution conservatrice et de sa postérité rencontreront sans doute aussi un jour leur Churchill.
    Pour ce qui est du contenu de votre dernier message, c’est peu dire qu’il est problématique. Vous affirmez que jamais Heidegger n’a fait la promotion de ce que le régime a eu de pire, et ajoutez en gras « ET QU’EST-CE QUI L’EN AURAIT EMPÊCHé ? ». Réponse : rien, et il ne s’en est pas privé. Ainsi dans le cours de 33/34 il exhorte ses étudiants à identifier l’ennemi greffé sur les racines du peuple en vue de son « anéantissement total ». Qui est ainsi désigné ? Les opposants bien sûr, mais pas de manière indéterminée. Cette « greffe » sur les « racines » du peuple, greffe qui est donc à la fois intime et étrangère, comme toute greffe, et qu’il s’agit d’éliminer puisqu’elle utilise le sang du greffé, comme tout greffon, oserez-vous me soutenir que ce n’est pas les juifs ? Comment dire après cela que Heidegger n’a pas voulu la Shoah ? Parce qu’il n’a pas participé directement à son organisation en se « contentant » de la bénir ? Parce qu’il s’identifie à tous les beaufs allemands qui ont hurlé à la mort pendant que leur pays se couvrait de KZs, et ont fait les surpris après-guerre quand de force on les a conduit dans les camps dont ils étaient voisins ? Mais il est vrai, vous l’avez dit, que Martin Heidegger n’était pas qu’un gros beauf dans son rapport au nazisme : il entendait bien le fonder en durée… Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a donc pas refusé la Shoah, et vous savez aussi bien que moi que le consentement est en soi un crime-et il y a ici plus que consentement à l’hitlérisme, mais exaltation. Direz vous qu’en participant à l’académie pour le droit allemand il ne continuait pas, après le rectorat, à promouvoir la persécution des juifs ? Ensuite, qu’il est donc innocent de ce qui vient dans les années 40, parce qu’il n’avait pas de poste à la droite de Eichmann ? J’espère que vous n’irez pas aussi loin.
    Vous continuez par ailleurs à minimiser le nazisme de Heidegger. Tout le problème, et le véritable danger est là, est que le bonhomme a eu l’art de diluer son nazisme, sans le rendre moins virulent, et on le rencontre à des endroits inattendus (pour certains) chez lui. Ainsi je serais d’accord pour dire que ses développements sur la technique d’après-guerre sont une des plus vastes entreprise d’escroquerie révisionniste (par dilution des causes). De même dans ses commentaires d’oeuvres d’art : direz-vous que sa définition de Hölderlin comme poète des allemands soit vide d’enjeux idéologiques ? Elle est pourtant centrale dans sa lecture. Je ne comprends absolument pas comment vous pouvez affirmer que nous jugeons son nationalisme « après coup ». Le nationalisme ne date pas d’hier, mais ses opposants non plus, et il y avait déjà un certain nombre de critiques virulents du nationalisme allemand en Allemagne même, celui-ci n’était donc pas un paradigme « indépassable ».
    Ou quand Heidegger parle du temple grec, « oubliant » que le peuple grec ne se réunissait pas dans le temple pour mieux pouvoir faire allusion à la tribune pseudo-grecque de Nüremberg ?
    Vous me mettez au défit de trouver 50 pages de passages problématiques dans les cours entre 25 et 30. Je ne les connais pas tous, mais je pourrai au besoin y réunir un certain nombre de citations. Par contre dans Être et temps il y a bien pour moi aisément 50 pages qui provoquent l’interrogation, à commencer bien sûr par les passages sur l’historicité, mais on pourrait déjà commencer au § 27 où il nous est dit (ruinant toute interprétation « individualiste » de SuZ) que ce qui est visé c’est un changement dans la structure du « On ». Nous pourrions ensuite nous tourner, à partir du § 35 par exemple, sur les occurences et les signification de « l’absence de sol » (Bodenlosigkeit). Mais nous pourrions aussi nous tourner vers le choix de « Issac Israeli » comme origine de la définition de la vérité qu’il entend combattre, en dépit de tout bon sens historique, ou vers l’analyse de l’ »être pour la mort » (ou « vers la mort », comme ne le traduit pas si mal Vezin, pour une fois…) et du souci. Il y aurait bien des choses à en dire. Cela doit bien faire 50 pages…
    Je vous ai dit sinon pourquoi il était désormais clair pour moi que « Parolesdesjours », pour être seul à parler, était néanmoins un symptôme d’un problème plus profond et important. Si vous vivez dans ce monde vous savez par ailleurs que le racisme et l’antisémitisme amorcent (et font plus qu’amorcer) partout un retour en force, et jouent d’anciennes et de nouvelles stratégies de légitimation. Dans cette mesure je vois mal ce qui permet de trivialiser les questions posées par M. Faye. Si les allemands sont en effet en proie à ce que vous appelez sur votre site des « principes moraux diffus », c’est qu’on a là-bas plus gardé de souvenirs des charniers. En quoi exercer un jugement moral (vous savez, ce mot qui renvoie déjà à l’intelligence, avant de renvoyer au « moralisme ») serait-il contradictoire avec une compréhension « philosophique » ?
    En faisant référence aux lectures allemandes de Heidegger, je n’entendais pas seulement vous opposer un argument d’autorité en réponse au votre, mais vous dire que vous n’avez pas lu véritablement Heidegger. Le problème est ici tout à la fois philologique et philosophique. Avez-vous bien lu « Koinon », que vous avez qualifié d’étude des possibilités du communisme ? Pensez-vous alors qu’une forme « chrétienne et bourgeoise » du « bolchevisme » ait jamais régné en Angleterre ? J’ai bien peur que sur ce point l’ »historial » heideggérien recouvre la réalité historique tout court, et ne vous déplaise, j’ai du mal à comprendre la grandeur d’une analyse non plus simplement historique, mais hautement philosophique, si elle se trouve en contradiction grotesque avec ce si médiocre « réel ».
    Mais pour revenir sur ces textes que vous prétendez avoir lu, au point de mettre votre mémoire de maîtrise sur le Nietzsche I sur internet. Vous n’êtes guère au courant de l’état de la recherche, puisque pour vos maîtres eux-mêmes les différences entre les versions des cours sur Nietzsche ont bien de l’importance : voyez le « Heidegger-Jahrbuch 2 » sur Heidegger et Nietzsche (2005). Vous y trouverez un relevé des occurences de Nietzsche chez Heidegger qui pourrait vous être utile, ainsi qu’une comparaison des différentes éditions qui confirme que Heide a tendance a évacuer le contexte historique et politique de ses leçons (lisez ne serait-ce que les pages 151 à 153, ne serait-ce que pour avoir un aperçu de ce qui se fait et s’écrit dans ce milieu sur lequel vous prétendez vous appuyer). Il y a également plus d’un problème dans le « Schelling », notamment dans le rapport à Spinoza, la compréhension du rapport bien/mal chez Schelling, etc. Il n’est pas dit à cet égard que le contexte politique n’y joue pas un rôle.
    J’espère, monsieur Domeracki, que vous allez commencer à vous comporter en chercheur, et non plus en adolescent vexé, si vous souhaitez continuer à traiter de tels sujets. Vous revendiquez une certaine mauvaise foi dans la sélection des textes que vous donnez sur internet, en l’opposant à celle qui serait celle de M. Faye. Quand bien même M. Faye serait de « mauvaise foi », ce dont je ne crois rien, ignorez vous qu’un adulte ne répond pas « toi même d’abord », ou « c’est c’ui qui dit qui est ? » Il est vrai que de plus âgés que vous vous ont donné le mauvais exemple. Mais il est toujours temps de grandir.
    Je vous le souhaite.
    Votre,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 26/04/2006 à 17:21 | Répondre | Modifier
  16. Bonsoir monsieur Er,

    Je vous remercie pour m’avoir informé que M. Domeracki a répondu sur son blog au message que je lui ai adressé ici. Il a très mal pris mes propos, sans doute parce que je lui ai écrit que décidément, pour moi, Heidegger est un non penseur, que ses écrits n’ont pas la moindre valeur sinon imaginaire. Mais puisque Heide est l’idole de M. Domeracki, c’est vrai que mes propos ont de quoi stimuler les réactions de colère d’un jeune homme qui ne sait pas encore que penser c’est se coltiner avec la réalité, non avec ses songes!
    Bien amicalement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 26/04/2006 à 21:23 | Répondre | Modifier
  17. Monsieur Er (je ne crois pas que Monsieur Misslin peut apporter autre chose ici que sa posture morale de vieillard bienveillant); je tiens avant tout à reconnaître votre connaissance du sujet et des textes, sans laquelle il paraît impossible de s’exprimer sur le sujet.Je ne suis pas certain d’être à la hauteur de celle-ci , mais j’y tend. Je voudrais pour autant commencer par mettre auclair une chose : ce que j’écris sur internet , bien que je le reconnaisse (j’ai donné mon vrai nom),n’est pas à mélanger avec mon petit travail universitaire d’étudiant voué à l’échec. Beaucoup de choses m’ont montrées que j’ai peu de chance d’avoir un poste de prof un jour. Ce que j’écris sur internet est à différencier de ces essais purement académiques, bien que j’y exprime certaines de mes postions. En effet ici je souhaite comme je l’ai déjà dit garder ma belle-humeur,mélange de colère de mépris et d’humour qui ne sera jamais au gout de quelqu’un d’autre que moi. Passons;vous écriver : « j’ai du mal à comprendre la grandeur d’une analyse non plus simplement historique, mais hautement philosophique, si elle se trouve en contradiction grotesque avec ce si médiocre « réel ». « . Je dois dire que c’est en plein en ce que vous reconnaissez comme étant « grotesque » que doit se situer le chercheur ou le flâneur bavardant sur internet doivent se placer. Comme vous le dites avec raison, il y a bien sûr quelque chose de ridicule dans l’écart des écrits heideggeriens avec l’ampleur des charniers. Mais ce , uniquement si l’on en reste à une posture moralisante qui n’est peut être pas ce qui nous ouvrira à la vérité plus profonde de la Shoah. C’est bien beau de s’indigner. Quiconque s’enquiert un peu des informations courantes ne fait que ça. Mais se mettre à la hauteur des écrits heideggeriens ne consiste pas à passer son temps à rester obnubilé par les érrances politiques du bonhomme.Je n’aime pas la manière que vous avez de me pousser sur un terrain qui me forcerait à dire que Heidegger est un des auteurs de la Shoah, en ce qu’il serait consentant. Vous savez comme moi qu’on ne philosophe pas à coup de dicton : alors le « qui n e dit mot consent » me paraît quelque peu léger : et c’est aussi une des figures rhétorique courante du pamphlet de Faye. »Tiens Heidegger emploit le mot Umwelt comme Röthacker donc il partage le vocable nazi ». « Tiens Heidegger essaie de repenser à neuf l’ordre et la communauté à partir d’une certaine authenticité donc il acquiesce au pire qu’a commis la révolution conservatrice ». « Tiens Heidegger aime son pays et ne tient pas à réster sur la touche au moment où elle se révolutionne docn il souhaite de gigantesque charniers d’enfants juifs ». Pour moi ça sonne comme de dire que puisque Derrida aimait le concept d’Amérique il aurait cautionné sans réserve l’anti-communisme ou les guerres en Irak. Sartre, serait l’ami de tous les gardiens de goulag…Je vais arrêter les énumérations QUI COMME LES ANALOGIES CRATUITES NE SONT PAS PHILOSOPHIQUES.En revanche, la remémoration de la métaphysique en ses traits essentiel que propose Heidegger de 1930 à 1946 sont eux hautement important pour comprendre celle-ci , comprendre la tournure technique de l’occident et ce point ultime que fut la production industrielle de cadavres. Une de mes thèses est que pendant toute cette période Heidegger arrive presque à réussir cet exploit d’une écriture double : car elle contenterait presque les trois lectures qui en sont proposées : celle des heideggerolâtre, celle des chercheurs avertis mais qui ne s’enquièrent que de philosophie ,et celle des chercheurs de poux qui ne parlent plus guère de philosophie. Pour ma part je dois dire que je m’amuse beaucoup à passer par chacun de ces stades , car Heidegger est tout ça: un gourou, un penseur et un salaud. Il fait donc tour à tour rire , stimule la pensée , et dégoute. Je trouve dommage que certains ne s’en tiennent qu’à l’une de ces tonalités. Le flâneur s’exclaffe,le chercheur cherche,le moralisateur enrage. Pourquoi ne pas faire vibrer à l’unisson toutes ces complexions et reconnaître que l’on peut être à la fois , comme le dit justement Nietzsche quelque part, un fanfarron, un génie et un criminel? Le dévoir de mémoire,certes.J’y suis sensible. Mais ce n’est que la troisième des figures que j’ai cité.Celle dont vous dites qu’elle fait « grandir » . Selon les deux autres elle n’est pourtant guère qu’une « perspective de grenouille » ou de « journaliste ».Attention! En aucun cas je ne veux faire la promotion de la criminalité en l’homme.Celle-ci est bien plutôt , de toute façon été l’apanage de ceux (faisons plaisir à M. Misslin avec un beau slogan) qui « font l’ange » et qui arrivent donc à en « faire la bête ». Heidegger pense dans le Schelling le mal d’une manière étonnante,digne d’interêt.mon mémoire de cette année tâche d’en montrer les ressources (mais que celles philosophiques : pour celles morales, à critiquer il ya vous ,et pour se marrer de ses naïvetés il ya moi).Mais c’est assez. Tâchez de prendre ce que vous voudrez lire de moi ici et sur mon blog selon les trois modes que je vous ai décris. Sans quoi il n’y aura qu’incompréhension et vous pourrez toiser l’adolescent inconséquent en moi , comme il ‘marrive de toiser le moralisateur gateux en M. Misslin.S.D.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 27/04/2006 à 00:40 | Répondre | Modifier
  18. Monsieur Domeracki,
    vous oscillez entre l’énoncé de thèses insoutenables à tous les sens du termes, moraux et intellectuels, et des déclarations d’intention d’une candeur telle que votre interlocuteur ne peut qu’hésiter sur la portée réelle de vos dires et de vos intentions : on se demande alors quelle est la part de la naiveté et celle de la rouerie en vous, d’où les oscillations de mon ton.
    Sachez donc que je ne vous « toise » pas, pas plus que vous n’avez à toiser quiconque. Mon but est bien plutôt de vous mettre en face du caractère insoutenable de certaines de vos positions, et de vous appeler à une certaine responsabilité intellectuelle.
    Ne considérez pas à cet égard internet comme un espace moins noble que celui d’un travail académique : vos écrits y sont lus, et vous y avez associé votre nom. Conservez donc pour votre propre bien une certaine décence et une certaine exigence, car vous avez un public, qui en tant que tel et quel qu’il soit a le droit au meilleur de vous.
    J’hésite à répondre à votre tout dernier message, tant il fait preuve d’une incompréhension totale de ce que j’ai pu avancer. Je dirais simplement ici que ce que j’ai dit, c’est bien que Heidegger s’est compromis dans l’oppression hitlérienne au point de participer à certains des appareils d’oppression, et pas seulement dans les facultés de philosophie : voyez l’académie pour le droit allemand. Il l’a par ailleurs bénie « spirituellement ». Enfin je vous ai donné des éléments prouvant selon moi le lien entre le coeur même de la philosophie heideggérienne et son engagement politique. J’ai par ailleurs pointé le fait que l’on trouvait des traces de cette « politique philosophique » plutôt que de cette philosophie politique (et sur ce point je serais assez d’accord pour dire qu’il n’y a pas de philosophie politique chez Heidegger-quoique en un sens tout différent que celui où vous l’entendez) jusque dans des passages qui ont pu tromper des lecteurs bien intentionnés mais inavertis du contexte, comme l’interprétation de la technique ou de l’oeuvre d’art.
    Mes remarques ne sauraient donc se limiter à un rappel moralisateur au devoir de mémoire. Mais puisque vous ne semblez pas décidé à répondre à ces remarques brisons là, je me contenterai de répondre une dernière fois à votre dernière intervention sur votre blog. Comme je n’ai pas l’habitude de répondre dans le vide j’en donne ici le copier-coller :

    Mercredi 26 Avril 2006
    La pensée doit-elle se calfeutrer loin de ses pires possibilités?
    Puisque il faut bien stimuler la mémoire et l’aptitude théorique de nos aînés , laissons Messieurs Er et Misslin répondre à la question suivante:

    Démontrez de manière précise que l’oeuvre de Heidegger ne correspond pas à cette maxime : »penser c’est se coltiner avec la réalité, non avec ses songes » (lu sur un autre blog)

    Voilà! Bon courage!

    Plus sérieusement , je crois que le mauvais procès que l’on fait continuellement à Heidegger tient justement au fait qu’il ait voulu se frotter de trop près à la « réalité » politique de son époque. Sa pensée est une immersion dans le devenir des « destins de puissance » européens, dont il a souhaité être acteur , sans succès. A la limite son rêve a été de croire qu’il aurait pu influencer le Führer au moment des pires luttes de factions et d’interêts entre personnes,au moment où la ligne du parti aurait encore pû être influencée.

    J’essaierai pour ma part de lire plus d’ouvrages d’historiens conséquents pour savoir si oui ou non le nazisme est réductible à un seul bloc, qui serait intégralement tendu vers ce but infâme que fut la Shoah.Pourquoi une conférence comme celle de Wannsee n’aurait-elle pas alors eu lieu dés 1933? Je ne souhaite pas me faire traiter de révisionniste par le premier moraliste sans main venu.

    JE LE REPETE ce qui me dégoute dans l’affaire Heidegger c’est que de grands interprètes sont plus ou moins traînés dans la boue car du fait qu’il ne se focalisent pas sur le nazisme de Heidegger ils seraient coupables de bienveillances trop ample avec lui. Une étude digne de ce nom sur lui s’acharnerait à le ridiculiser en le mettant au niveau des bourreaux.

    Monsieur Er , vous m’avez écris :  » De même ceux qui voient dans les doctrines fachistes la clé du monde moderne sont des courageux penseurs, ceux qui s’en méfient de craintifs indécis.
    Cette posture, produit d’une fascination pour la violence sans frein, oublie cependant un peu vite qui a gagné la seconde guerre mondiale »

    En quoi la victoire alliée aurait-elle quelque chose à nous dire sur l’essence de la puissance,de la technique et du mal tels qu’Heidegger a essayer de les aborder? Cet argument se place au niveau de la bêtise de 1940 de Heidegger selon laquelle la victoire de la Blitzkrieg signifierait que les Francais ne sont pas la hauteur de la métaphysique cartésiennne; Quand à la fascination pour la violence sans frein , je ne sais pas trop quoi vous répondre, si ce n’est peut être de regarder notre monde actuel : le nazisme n’est pas la seule cause d’atrocité la démocratie elle-même en cause loin de ses terres. et ne me dites pas que c’est un argument de négationniste car moi je n’ai rien à nier : ce qu’ont fait les Allemands est l’un des summums d’atrocité. Je crois qu’il faut tout faire pour l’éviter : justement -et oui- en ne détournant pas notre regard du pire mais en essayant de comprendre la sordide logique qui la préside. Je crois qu’un rapide visionnage d’Orange mécanique vous ferait du bien à cet égard. La fascination pour la violence a au moins ceci de bon qu’elle sait de quoi elle parle , là où les inoffensifs s’aventurent loin de leur domaine,qui est celui de la démocratie des bienveillants bienheureux. Le mépris pour l’hyper-violence ne l’a toujours pas éradiqué. Et, comme vous le dites , une résurgence des formes ses plus structurées-le nationalisme et le racisme- appelle bien plus de penser l’apparition de tel phénomènes que de juste les condamner.Nul ne s’illusionne plus qu’un homme faisaannt continuellement appel à la froide raison: celle-ci n’étendant pas son empire jusque dans les recoins les plus obscurs de l’être-homme ,qu’il ne convient pas de minimiser. Exclure l’hyper-violent consiste à mon sens à répéter son geste.Comme le fou,l’inceste et le violeur (je vous laisse vous reporter aux cours de foucault sur « Les anormaux »), le bourreau mérite certes sa peine juridique et morale,tout le mépris et les moqueries qu’il convient. Mais il ne faut pas exclure ses agissements de la sphère des oeuvres humaines que les sciences de l’homme doivent thématiser. Un Bourdieu et un Faye se focaliseront sur l’aspect sociologique. Fort bien. Un Michel Bel nous sortira sa science psychanalytique : épatant…Mais les philosophes? Doivent -ils toiser ces phénomènes et les pensées de leurs auteurs car n’étant pas à la hauteur des attentes de la « raison » ou quelque chose de ce genre? Ce serait une erreur anachronique. La pensée des salauds a aussi une éfficience , et -bouchez vous les oreilles- certains vérités à prononcer , toutes malodorantes qu’elle soient en leur proximité du pire.

    Tant pis si vous contestez mon argument d’autorité. tout ce que j’ai lu chez Courtine , Greisch et les autres était fort intéréssant et tout à fait sain. Que vous ne sachiez le reconnaître est votre problème. Pour ma part , ouvert à toutes les dimensions de la pensée de Heidegger (le penseur , la brute et le clown dirons-nous) , j’essaierai de me procurer l’exemplaire du Heidegger Jahrbüch qui va certainement m’interesser ,même s’il contredira une de ces dimensions en particulier (le penseur).

    publié par Stéphane dans: heidegger
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    Rédigé par : Yvon Er | le 27/04/2006 à 17:30 | Répondre | Modifier
  19. Monsieur Domeracki,
    je suis au moins d’accord pour dire avec vous que tout ce que fait l’homme est humain, même la barbarie qui consiste à vouloir exclure d’autres membres de l’espèce, et que tout ce que fait l’homme doit donc être connu et pensé.
    Le tout est de ne pas confondre connaissance d’un objet et identification avec lui, ce qui suppose l’apprentissage d’une certaine distance que vous n’avez pas toujours manifestée.
    Vous me mettez au défi de dire en quoi la philosophie heideggérienne s’éloigne du réel. C’est en effet ce que je lui reproche : de servir de couverture à un réel pulsionnel, qui se traduit par une réalité politique, mais pas seulement, car corrélativement à cet engagement cette réalité pulsionnelle se traduit aussi par un style, des prises de positions irrationnalistes, etc.
    La notion de l’ »oubli de l’être » joue pour moi à plein le rôle de ce travestissement. Autant préciser de suite que pour moi il n’y a rien de tel qu’une « Seinsvergessenheit ». Faire d’un quelconque « oubli de l’être » la cause de quoi que ce soit relève effectivement d’une régression par rapport à l’aristotélisme, qui nous avait pourtant légué la définition de l’explication scientifique par la cause prochaine, et non par le plus général et le plus vague. L’éloignement du réel logique et physique commence donc pour moi au moins avec le § 1 de SuZ , sans que je me prononce par ailleurs sur les proclamations « phénoménologiques » de retour aux choses mêmes et sur la soi-disant « herméneutique de la facticité » que je connais moins, et se prolonge par un déni de la réalité sociale (ce que R.Linde a qualifié d’ »Autisme social » de l’auteur de SuZ), ainsi que corporelle.
    Ce serait pourtant vos contradicteurs qui n’auraient par ailleurs pas de mains. Ne donnez pas de leçons d’engagement politique et de réalisme à la légère à des gens de plus d’expérience. Faut-il pour avoir des mains se faire le recteur zélé d’une faculté nazie ? La détermination avec laquelle vous agitez votre petit sabre en plastique dans votre petite main serrée, dressé sur votre petit cheval en bois et criant « à l’attaque » en vous enfonçant dans la nuit, n’est pas une preuve de force d’âme.
    Ne croyez pas que je vous « toise » en vous moquant si durement. C’est que vous avez déjà donné de quoi m’alarmer.
    Vous avez en effet prouvé bien malgré vous la puissance d’envoûtement du révisionnisme heideggérien en déclarant rechercher une forme plus noble du nazisme ou l’intelligence d’un antisémitisme fondé philosophiquement. Allez donc lire les historiens dont vous venez de parler (l’histoire fait du bien à la philosophie, sachez le, il faut vous sortir de l’ »habitus » enseigné souvent en classe prépa et ailleurs) : ils vous décriront la virulence de l’antisémitisme du nazisme, et ce dès ses débuts. Comment ensuite ne pas voir la cohérence du parcours de 33 (et avant) à 42 ? La phrase que vous avez sur la conférence de Wannsee est terrible, et je veux croire que vous ne comprenez pas la portée de vos propos. Des crimes comme Auschwitz ne surgissent pas au petit bonheur la chance, ils sont le produit d’un effort sur une longue durée, effort qui se traduit par une propagande, des agressions de plus en plus ciblées et violentes. Il s’agit d’un crime organisé, qui se rêve puis s’organise bien avant 42. Chercher à la fin des années 20 ou dans les années 30 une forme intellectuellement féconde de nazisme, c’est chercher une bonne forme de « lutte contre le judeo-bolchevisme », puisque le nazisme n’est rien d’autre. Je crois que la force du travail de Emmanuel Faye n’est pas d’avoir réuni un « dossier », mais d’avoir montré que la succession des prises de positions et des réflexions heideggériennes obéit à une logique, celle du développement du « Bewegung », et à cet égard la mise en perspective chronologique est destructrice : elle trace le portrait d’un opportuniste du crime « spirituel ».
    Sur votre site vous jetez à monsieur Misslin un défi supplémentaire, celui de trouver du nazisme dans les textes que vous donnez. A cet égard l’article de S.Jollivet en est un bel exemple, elle qui cite tous les textes consternants de Heidegger sur la domination-en « oubliant » toutefois les textes antisémites, il y a des tabous que l’on ne viole pas encore. Ces textes sont par surcroît parfaitement plats et conformes à la « mode » de l’époque, et je n’y ai pas vu le salaud génial dont il a été parfois question. Que JF Courtine tolère de tels « articles » de la part d’une de ses étudiantes me pose problème, et la question sera peut être un jour posée (souhaitez vous que je lui demande ce qu’il pense de votre défense à l’occasion ? Prenez garde à ce que vous dites si vous souhaitez défendre vraiment les spécialistes de Heidegger en France… plus d’un de vos dires ne grandit pas le parti des « pros »).
    Ceci ne constitue toutefois bien sûr pas une interdiction de lire Heidegger : le bonhomme était après tout cultivé et futé, et je comprends qu’il ait eu de l’influence. Ce que j’affirme par contre c’est que le coeur de sa pensée est nazie, et que ce nazisme se ramifie partout, et sous des formes diverses que cet habile politicien a eu la force de « recycler ». Il faut donc pour le lire une vigilance que vous n’avez pas montré vouloir pour vous même. Si vous souhaitez faire une thèse sur le bonhomme j’espère au moins que vous prendrez la recherche au sérieux et apprendrez l’allemand (je sais par ailleurs très bien quelles peuvent être les difficultés d’un jeune en fin d’études de philosophie). Mais je vous conseille aussi de lire autre chose : Schelling, et pas forcément uniquement sous le prisme heideggérien, Nietzsche si vous voulez, mais aussi les historiens et les romanciers. Si vous souhaitez poursuivre sur votre blog votre collecte d’article, pour l’instant peu judicieuse, j’espère que vous saurez en ouvrir l’horizon.

    Sur ce que j’ai dit de la victoire alliée en 1945 : il ne s’agissait bien entendu pas pour moi de voir une justification quelconque dans un triomphe militaire. Je voulais simplement pointer le ridicule d’un régime non viable qui se voulait supérieur et qui a poussé son propre peuple au désastre. C’est que le nazisme n’est pas qu’une destruction d’autrui, c’est aussi un « être vers la mort » de soi, une destruction de soi en même temps que l’on vise la perte des autres.
    Mon but n’était donc pas non plus de bénir les bombardements sur l’Irak. Le problème est que lorsque l’on bombarde au nom de la liberté on n’est pas vraiment en parfaite cohérence avec les principes de la démocratie américaine, et il ne me viendrait pas à l’idée de qualifier un bombardement de démocratique et de sanctifier nos dites « démocraties » en les identifiant avec l’idéal enseigné en primaire. Simplement de remarquer que si les régimes prétendus démocratiques vivent en contradiction avec leurs dires, Auschwitz est par contre en accord parfait avec Mein Kampf.
    Monsieur Domeracki, si j’ai pris le temps de vous écrire c’est parce que j’ai senti que l’abîme vous regardait au moment où vous prétendiez le regarder. Les écrivains peuvent à cet égard vous aider au moins autant que les philosophes (vous avez essayé Heinrich Mann ?).
    Mais j’ai dit ce que j’avais à dire, et puisque vous n’avez pas vraiment rebondi sur mes arguments ce sera le dernier mot. J’estime avoir fait mon devoir en décrivant avec plus de précision ce qui vous « appelle » et en vous prévenant de ses dangers. Vous avez par ailleurs atteint la majorité légale, et je n’ai pas à en faire plus, même si mon souci pour votre devenir est sincère.
    Le reste relève de vous. Je vous souhaite bon courage.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 27/04/2006 à 18:34 | Répondre | Modifier
  20. Bonjour à tous,

    Puisque même mon silence ne me met pas à l’abri des injures, je me résouds (la mort dans l’âme) à ajouter encore un mot dans un débat qui ne vaut cependant décidément pas qu’on s’y attarde.

    Puisque M.Er, outre d’être un fin connaisseur de Heidegger, est aussi un distingué germaniste, qu’il se penche donc un peu sur le texte suivant, et particulièrement sa dernière phrase (que j’ai déjà citée ailleurs, mais sans aucun écho):

    « Schon für die erste Aufhellung dieser Fragen legt sich die Hauptschwierigkeit in den Weg, daß wir uns von der Historie kaum los zu machen vermögen, zumal wir schon gar nicht mehr übersehen, wie weit die Historie, in mannigfachen versteckten Formen, das menschliche Sein beherrscht. Die »Neuzeit« bringt nicht zufällig die Historie zur eigentlichen Herrschaft. Diese erstreckt sich heute, im Beginn des entscheidenden Abschnitts der Neuzeit, schon so weit, daß durch die von der Historie be-stimmte Geschichtsauffassung die Geschichte in das Geschichts-lose abgedrängt und daß dort ihr Wesen gesucht wird. Blut und Rasse werden zu Trägern der Geschichte. Die Praehistorie gibt der Historie den nun gültigen Charakter » (Beiträge zur Philosophie, p. 492-493).

    Faut-il rappeler la date de rédaction des Beiträge ? Que M. Er relise aussi le cours de 42-43 sur Parménide où Heidegger analyse, chemin faisant, ce qu’est l’imperium : son seul fondement, c’est le commandement et la domination, termes qui n’ont pas chez Heidegger une signification précisément laudative. (Faut-il préciser que la critique ne vise pas que l’imperium romain, mais également un autre Reich?)

    Qu’il regarde également une des très rares occurrences où Heidegger cite une phrase de Hitler (le texte se trouve dans Besinnung, p.122), et qu’il lise attentivement le commentaire que Heidegger en fait. Je suis certain qu’il en tirera des conclusions propres à nous instruire.

    Quant aux reproches récurrents que M. Er fait à Sein und Zeit (la cécité à la socialité, à la sexualité et que sais-je encore), elle me semble là encore reposer sur une grave mécompréhension du projet de l’analytique existentiale : il ne s’agit pas de se livrer à une anthropologie, fût-elle transcendantale : il s’agit d’analyser les structures de l’existence eu égard à la question de l’être. L’homme, cela est certain, ne s’y résume pas ; l’analytique existentiale n’a donc aucune prétention à résumer le tout de l’existence (ce qui serait absurde, surtout dans la perspective de Sein und Zeit où e Dasein, précisément, n’est jamais « présent en entier »!). Je conçois cependant que M. Er considère que la métaphysique est un passe-temps inutile ; ce serait toutefois là une opinion dont il est seul juge.

    Un dernier conseil, cependant, à M. Domeraki: il faut laisser Bouvard et Pécuchet (à moins qu’il ne s’agisse de Laurel et Hardy) se donner séné en échange de rhubarbe, et se bien garder d’intervenir: « Qui savonne un âne perd son temps, et sa lessive » (Char).

    J’ai assez perdu le mien. Je laisse donc toute latitude à M. Er pour se répandre : il a pour cela un talent certain.

    P. Teitgen

    Rédigé par : Pierre Teitgen | le 28/04/2006 à 03:15 | Répondre | Modifier
  21. A Pierre Teitgen,
    .
    Cela faisait bien longtemps que vous n’étiez pas apparu pour nous dire que le phiblogZophe ne valait pas grand chose et que c’était probablement la dernière fois que vous interveniez.
    .
    Rassurez-vous le blog est grand ouvert à vos « derniers tours ».
    .
    Cela dit l’homme qui a, dans un texte signé le 8 mai 1945, écrit ceci : »Cet étouffement, qui plus est, se dérobe derrière quelque chose de captieux, qui se manifeste sous la figure des idéaux soi-disant les plus hauts de l’humanité, à savoir : le progrès, l’accroissement sans frein de la productivité dans tous les domaines de la production, l’offre de travail identique et indifférenciée pour tout un chacun – et par-dessus tout, enfin : le bien-être identique de tous les travailleurs compris comme sécurité sociale uniformisée » et bien cet homme s’avère effectivement être un nazi confirmé.
    .
    En tous cas il excelle dans la récidive de certaines « grosses bêtises ». Cette phrase, en vantant indirectement les bienfaits de l’inégalité des travailleurs devant la « sécurité sociale », et d’autant plus parce qu’elle est prononcée par un prisonnier d’un camp soviétique, est une légitimation du système concentrationnaire, et du système dans ce qu’il a eu de pire : Auschwitz.
    .
    Car l’inégalité devant la « sécurité sociale » – inégalité censée pouvoir s’opposer à la « dévastation » – ne peut conduire qu’à l’extrême de l’inégalité devant la « sécurité sociale » : l’extermination.
    .
    Mehdi Belhaj Kacem écrit, dans « La psychose française » : « On a vu de sympathiques supporters de football « blancs », en Italie, brandir une banderole à l’adresse de tous les joueurs noirs évoluant dans ce pays : « Auschwitz est votre patrie, et les chambres à gaz votre maison ».
    .
    Belle rencontre entre les « fachos » et l’analyse de Heidegger sur la dévastation. Mais elle n’est absolument pas étonnante sur le fond. Car même quand Heidegger semble critiquer le Reich ce n’est que pour mieux, à terme, « introduire le nazisme dans la philosophie ». Il a été le champion de ce que j’appellerai le « dénégationnisme tactique ».

    Rédigé par : Skildy | le 28/04/2006 à 16:33 | Répondre | Modifier
  22. M. Teitgen,
    puisque vous me m’interpellez ainsi pour la première fois je vais vous répondre, même si vous usez de ma patience par votre pose et en répétant des arguments qui n’ont pas vraiment la force que vous proclamez.

    1/ Pour la phrase que vous citez sans la traduire, oublieriez-vous qu’elle n’est pas restée sans écho, mais que monsieur Bel vous a déjà longuement répondu. Si vous avez bien lu mes interventions vous savez combien j’ai pu m’opposer à monsieur Bel, mais sur ce point je n’entends pas répéter la réponse qu’il vous a faite sur le blog d’Assouline (« Rififi dans les marges », un titre…).
    Je donne donc ici les passages de votre échange d’alors qui nous concerne ici, et notamment les passages de monsieur Bel qui sur ce point précis me semblent importants (bien sûr contrairement à vos dires M. Faye n’a jamais eu à avouer qu’il était un médiocre germaniste, et il traduit de fait fort bien) :

    Intervention de Pierre Teitgen :

    (…)Je cite au hasard un texte des Beiträge, texte de 1936-38 que d’aucuns ont considéré comme la grande allégeance de Heidegger au régime (faut-il préciser que les d’aucuns en question, de leur propre aveu, ne parlent pas allemand, ce qui est gênant lorsqu’il s’agit d’un livre encore non traduit! Faut-il rappeler que Faye a fait publiquement état de sa qualité de germaniste fort médiocre?)
    Voilà le texte:

    « Schon für die erste Aufhellung dieser Fragen legt sich die Hauptschwierigkeit in den Weg, daß wir uns von der Historie kaum los zu machen vermögen, zumal wir schon gar nicht mehr übersehen, wie weit die Historie, in mannigfachen versteckten Formen, das menschliche Sein beherrscht. Die »Neuzeit« bringt nicht zufällig die Historie zur eigentlichen Herrschaft. Diese erstreckt sich heute, im Beginn des entscheidenden Abschnitts der Neuzeit, schon so weit, daß durch die von der Historie be-stimmte Geschichtsauffassung die Geschichte in das Geschichts-lose abgedrängt und daß dort ihr Wesen gesucht wird. Blut und Rasse werden zu Trägern der Geschichte. Die Praehistorie gibt der Historie den nun gültigen Charakter » (Beiträge zur Philosophie, p. 492-493).

    Le délicieux « Gesamtausgabe », qui ignore visiblement tout d’une distinction courante en philosophie depuis au moins Hegel (celle qui sépare Historie et Geschichte) serait sans doute bien en peine de commenter ce texte, selon laquelle la pensée de la « race » amène à assurer contre l’historial la supériorité de l’historique… et même du préhistorique, ie d’une histoire qui n’a plus rien d’humain — d’une histoire qui pour le coup, est bel et bien l’histoire des animaux ! Le « sang et la race » NIENT l’historialité propre à l’homme, voilà ce que Heidegger dit clairement en 1936. Qu’on vienne me soutenir alors qu’il a été, jusqu’au bout, un indéfectible partisan de l’idéologie « Blut und Boden » !

    Mais, pour comprendre ce que Heidegger dit ici, pour comprendre ce que veut dire « Geschichte », il faudrait peut-être le lire un peu. Tout à fait honnêtement, il est clair que E. Faye ne l’a pas fait. L’ignorance est un droit ; ce qui est gênant, c’est quand elle prétend s’ériger en devoir.

    Pierre Teitgen

    Rédigé par: Pierre Teitgen | 3 mars 06 13:15:49

    Réponse de Michel Bel :

    Où avez-vous appris l’allemand monsieur Teitgen? Arrêtez de prendre les lecteurs pour des plouks. C’est la deuxième fois à ma connaissance que vous essayez de faire passer vos contre-vérités pour la traduction correcte de Heidegger mais les lecteurs savent lire l’allemand. On aurait bien aimé trouver sous la plume de Heidegger qu’il avait « nié », comme vous dites , (leugnen) le sang et la race. On aurait croyez-moi applaudi très fort. Mais tel n’est pas le cas. Heidegger ne cesse de dire aux racistes sans esprit que si le sang et la race sont « nécessaires » (cours de 1933/34 que vous avez refusé de traduire cet été), ils ne sont pas « suffisants ». Il répète la même chose ici, dans les Contributions (Beiträge) en se référant à une différence très artificielle en allemand courant entre « Geschichte » et « Historie ». Nous savons tous que pour Heidegger l’accomplissement de la « mission » se situe au-dessus de la simple descendance génétique. Le « rai de lumière » porte la « naissance » (ou « l’origine ») à son degré de perfection absolue. Et ce que vous prenez pour la négation de la race est au contraire son apothéose.

    Et cet esprit, où Heidegger propose-t-il d’aller le puiser pour s’en nourrir? Chez Hölderlin: le poète de la race. Le poète de sang germanique dont il a fait le prophète de sa Germanie. Il suffit de lire les lettres à Elfriede pour savoir que la question Hölderlin a été un des points de friction avec Bäumler, avec Krieck et avec Jaensch. En 1943 pour le centenaire de la mort de Hölderlin il leur dira: Ah! vous y venez quand même. L’essentiel n’est pas de commémorer, c’est de se pénétrer de l’esprit de Hölderlin (tel que le conçoit Heidegger bien sûr). En 1934 dans le cours sur la Germanie, il disait déjà : celui qui se pénètre de cet esprit n’a pas besoin de théorie politique. Nous savons tous que c’est sous l’angle pseudo mystique qu’ Heidegger voit le nazisme, tout son vocabulaire emprunté au mysticisme le prouve. Mais cette dimension mystique n’enlève rien à son désir de purifier le sang germanique (aryen). Et cette purification ne peut se faire que par le feu: « Jetzt komme, Feuer » 1942. Der Ister). Purification et spiritualisation sont les deux grands axes du nazisme de Heidegger qui diffère de la science des races de Günther, nous le savons tout cela monsieur Teitgen.
    (…)
    Voilà la vraie Geschichte , monsieur Teigen. Elle n’est pas du tout ce que vous voulez nous faire croire. En nous méprisant, de surcroît. Cette Geschichte dès 1933 inclut l’anéantissement « Vernichtung »(G.A. Band 36/37 p.91).La question du sang et du sol est traitée page 263. (Vom Wesen der Warheit. Semestre d’hiver 1933/34). Malgré cela, bien qu’il en ait été informé le ministère a voulu maintenir trois ouvrages de Heidegger au programme de l’agrégation de philosophie. J’ai honte pour mon pays. Profondément honte. Serait-ce un Vichy rampant qui recommence? J’ose espérer que ce faux pas sera corrigé l’année prochaine. Mais déjà le mal est fait.
    Michel bel

    Rédigé par: bel | 3 mars 06 18:14:58

    Réponse de Pierre Teitgen au précédent message :

    Je rapelle à M. Bel qu’il a lui-même (j’ai gardé les textes) admis qu’il ne « parlait pas allemand » mais qu’il avait des « amis agrégés d’allemand » qui traduisaient pour lui. Que M. Bel leur donne donc à traduire le passage que j’ai cité, et qu’il se demande un peu ce que veut dire Heidegger quand il affirme que dans notre modernité, c’est l’histoire (Historie) qui s’est assurée la domination, et que lorsque le sang et la race deviennent le vecteurs de l’histoire (Geschichte), c’est désormais la préhistoire qui donne à l’histoire (Historie) sa validité. J’avais laissé le texte en allemand pour le plaisir de voir M. Bel, qui est si visiblement incapable d’en comprendre deux lignes, s’acharner à n’en tenir aucun compte (et pour cause!).

    Quant au reste de ses attaques, M. Bel peut s’en donner à coeur joie : je ne m’abaisserai même plus à lui répondre, parce qu’il n’est guère charitable de se moquer des pauvres types. Comme on dit, abyssum abyssus invocat.

    Pierre Teitgen

    Rédigé par: Pierre Teitgen | 3 mars 06 20:43:53

    ce à quoi Michel Bel a répondu ceci :

    Ne pas parler l’allemand, au sens phonétique du terme,Monsieur Teitgen, ne signifie pas ne pas le comprendre. Je ne parle pas non plus l’anglais ce qui ne m’empêche pas de le comprendre. Apparemment monsieur Teitgen ne sait pas faire la différence entre une langue écrite et une langue parlée. Un détail.

    Puisque monsieur Teitgen s’obstine à ne pas vouloir faire la différence entre la compétence et la performance, distinction pourtant capitale en linguistique je le laisse à son illusion de supériorité. Puisque ça lui fait plaisir. On se défend en bottant en touche quand on est en tort. Je continue de poser la question centrale: Où Heidegger a-t-il écrit, monsieur Teitgen (je vous cite), que: »le sang et la race NIENT l’historialité propre à l’homme »? puisque vous dites qu’il le dit clairement en 1936. Est-ce « werden zu Trägern » que vous traduisez ainsi? N’ayant pas votre arrogance ni vos fausses certitudes chaque fois que je doutais de la signification d’un terme ou d’un passage, je demandais à mes collègues agrégés d’allemand si je ne m’étais pas trompé. C’est ce que je vous ai dit. Monsieur Boutot lui-même demande des conseils pour traduire certaines expressions ou certains énoncés qui ne vont pas de soi – et il y en a beaucoup chez Heidegger..Malheureusement monsieur Boutot est parfois mal conseillé mais c’est un autre problème. Les lecteurs qui connaissent l’allemand monsieur Teitgen ont déjà apprécié vos coups de force linguistiques.

    Heidegger, de sinistre mémoire était doué aussi pour ce genre de violence. Ses traductions de Platon, d’Anaximandre et de Parménide ne manquent pas de sel. C’était devenu tellement proverbial qu’il s’en faisait un titre de gloire dans ces cours en disant : certains vont encore voir là un acte de violence.

    Tel maître, tel disciple. Au lieu de vous réfugier dans la pose d’un prétendu piège pour le lecteur auquel vous répondiez, la moindre courtoisie aurait consisté à lui proposer votre traduction avec le plus grand soin et la plus grande honnêteté. Car, sauf erreur de ma part, la « Praehistorie » dont il est question ici n’est pas la préhistoire qui se dit « Urgeschichte » (attention aux pièges des faux amis monsieur Teitgen) mais: la prae-« Historie » c’est à dire, pour Heidegger, l’histoire telle qu’elle se montre avant toute interrogation scientifique, c’est à dire « le mode d’être » et « la constitution originaire de l’histoire » dans « le regard phénoménologique » de Heidegger. Et je continue de répéter que de la préhistoire au sens où nous l’entendons nous , il n’en a que faire. Le « pré »- historique , (et non la préhistoire) pour Heidegger, c’est l’affectif, l’amour, la haine au sens augustinien du terme en tant que « phénomène originaire du Dasein ». Alain Boutot a merveilleusement rendu cela dans sa traduction du cours sur l’histoire du concept de temps (NRF p.19/20; 38-40 et 241 à 245).

    L’année où il écrit ses Contributions, dans son cours sur Schelling Heidegger explicite encore cette notion; il s’agit dit-il de « l’âge originaire où le bien et le mal n’ont pas encore fait leur apparition comme tels, à la suite duquel on passe à l’âge d’or dont seules les légendes nous ont gardé le souvenir. » (se reporter aux pages 251 à 260 Schelling NRF). Mais puisque vous savez, Monsieur Teitgen, puique vous êtes plus fort qu’Heidegger lui-même, il ne nous reste plus qu’à nous incliner devant votre « science ».
    Michel bel

    Rédigé par: Bel | 3 mars 06 22:58:17

    Ce à quoi vous avez répondu :

    PS. A Michel Bel, tout de même:

    Je m’accorde avec vous sur deux points : et d’une, la distinction Geschichte – Historie n’est pas évidente en allemand courant ; elle l’est en revanche dans la langue philosphique (pas seulement chez Heidegger) et elle est précisément l’objet de ce § 273 des Beiträge: vous ne sauriez donc en faire ici l’économie. Deuxièmement, il est évident alors que la Praehistorie n’est pas la préhistoire d’Yves Coppens, laquelle n’intéresse effectivement guère Heidegger ; il me semble cependant délicat de plaquer sur un texte de 1936 une signification très antérieure.

    Pour tenter de comprendre ce que veut dire ce texte; il faudrait peut-être se demander ce que signifie beherrschen et Herrschaft pour Heidegger dans les Beiträge. Que veut dire Heidegger lorsqu’il affirme que « ce n’est pas par hasard que la « modernité » place l’histoire (Historie) en position de domination au sens propre. Aujourd’hui, au début d’une partie décisive de la modernité, cette domination s’étend si loin déjà, que la façon de saisir l’historialité (Geschichte) déterminée par l’histoire (Historie) déporte l’historialité vers le non – historial (Geschichtslose), et que c’est là qu’on recherche son essence. Le sang et la race deviennent les supports (vecteurs) de l’historialité. C’est maintenant la préhistoire qui donne à l’histoire son caractère de validité ».

    Voilà donc : même traduit « à la louche » (traduction contestable, que M. Bel se fera j’en suis sûr un plaisir de contester ; je note cependant que malgré mes fréquentes invites, il s’est quant à lui toujours refusé à pratiquer ce genre de sport, risqué il est vrai), le texte est parfaitement clair: sang et race assurent la domination de l’historique et même du pré-historique sur l’historial, en sorte que l’historialité elle-même est reversée dans le non-historial.

    Heidegger s’en réjouit-il ? A qui allez-vous tenter de le faire croire?

    Pierre Teitgen

    Rédigé par: Pierre Teitgen | 4 mars 06 16:02:13

    Réponse de Michel Bel :

    Monsieur Teitgen,
    enfin un changement de ton que j’apprécie. C’est comme si une chape d’hostilité s’était levée d’un coup. Aussi, si vous ne m’agressez pas je ne vous agresserai pas non plus.

    Heidegger a précisé son rapport à l’histoire , en dehors des Beiträge, essentiellement dans le cours de 1925 sur l’histoire du concept de temps et dans le cours sur Schelling. C’est dans la préparation du cours sur Schelling qui est strictement contemporain des Beiträge qu’il précise la notion de prae-« Historie » qu’il va retravailler dans les Beiträge avant de la livrer, enfin définitivement, dans le cours sur Schelling. Je vous ai même indiqué les pages la dernière fois.(p.251 à 260 NRF)

    La distinction que fait Heidegger entre Geschichte et Historie m’est toujours apparue suspecte dans tous les textes que j’ai pu lire sur cette question. Elle ne l’est plus dans les Beitrâge où on retrouve le ton ferme et assuré de Rothacker. Lui n’hésitera pas à écrire dans son Beitrag que le but de l’histoire, c’est Hitler.

    Heidegger qui a déjà déclaré en 1933 que’ »Le Führer est la vérité présente et future de l’Allemagne et sa loi » écrira dans ses contributions qui devaient servir de document final, de clé de voute, au Handbuch der Philosophie : (§ 273) « Das Seyn als Er-eignis ist die Geschichte;(…) » (p.494). Je vous passe la suite; c’est souligné par Heidegger. Cette seule parole quand on sait que l’ »événement est l’avènement de l’Être germanique incarné dans Hitler, guide de la Germanie présente et future, événement fondateur du futur temps mondial – le temps germanique – , suffit à me faire tomber le livre des mains.

    Qu’un prétendu philosophe se permette d’écrire ça prouve que ce n’est pas un philosophe. D’ailleurs Heidegger le dira à plusieurs reprises. En 1925 dans l’histoire du concept de temps « je n’ai aucune philosophie (NRf p.435) Puis plus tard à Cerizy.(Cf. Essais et conférences) »Il n’y a pas de philosophie de Heidegger ».

    Qu’y a-t-il donc? Il y a une onto-mytho-logie qui apparaît comme la tentative de construction à la fois mentale et historique d’un autre « monde » plus favorable aux aspirations de Heidegger que le monde de l’onto-théo-logie judéo chrétienne; ce « monde » de Heidegger caractérisé par « la sensualité et la cruauté » (Concepts fondamentaux de la métaphysique ) est censé donner au « plaisir » sa « profonde éternité » grâce à son éternel retour générateur du surhomme porteur de la transcendance.(texte mis au programme de l’agrégation de philosophie cette année, vous ne le savez que trop. En attendant la réalisation de ce programme , c’est « l’ennui ».

    L’événement chez Heidegger se réalise en deux temps: 1°: illumination de Heidegger (1911), 2° incarnation de l’être ainsi conçu (Seyn)dans l’histoire des hommes (représentant du parti de l’être au pouvoir (Hitler) guidé par la providence : « le dernier Dieu  » celui qui clot le cycle de la métaphysique en incarnant le Zarathoustra de Nietzsche : Heidegger. (cf Qui est le Zarathoustra de Nietzsche?); alors , si la « Geschichte » incarne l’être (Seyn) en réactivant l’ »avoir été », qu’est l’Historie? La répnse tombe brutalement comme tranchée à la hache: »Historie gar keinen Sinn » (p.494) L’histoire en tant qu’Historie n’a absolument aucun sens. Je crois que c’est suffisamment clair. Du moins pour moi.

    Comment pouvez-vous vous complaire dans cet univers-là? Que vous ayez pu vous tromper au départ, je l’admets, mais persévérer, non. J’espère que vous ouvrirez les yeux avant que l’engrenage ne vous happe. Levinas, Löwith et Jonas, eux, les ont ouverts après avoir admiré Heidegger. Ils ont reconnu s’être trompés, séduits par le style et la compétence philosophique apparente de Heidegger. C’est tout à leur honneur. Ils ont fait une belle carrière par la suite. Quand on voit où Heidegger nous mène, il faut dire non.

    Pour votre dignité , pour votre honneur et celui de la profession que vous exercez, ne restez pas dans ce bourbier. Amicalement , michel bel. Je n’ai absolument aucune hostilité envers vous. Simplement , ouvrez les yeux.MB

    Rédigé par: Bel | 5 mars 06 00:01:16

    Il n’y a pas eu à ma connaissance de réponse signée Pierre Teitgen à ce dernier message.

    2/ Quant à la citation de Besinnung, oublieriez vous là encore que E.Faye en a déjà traité dans son livre ? Comme je suis soucieux de palier vos oublis je vous copie pour cette fois la page en question :

    « Un autre passage de Besinnung mérite d’être signalé : celui où Heidegger commente et critique une phrase de Hitler. Cette phrase relève de la langue de bois du totalitarisme nazi : Hitler affirme que toute conduite, toute « tenue »(Haltung) trouve sa justification dernière dans le service (Nutzen) rendu à l’ensemble (Gesamtheit) [note 146]. Heidegger remet en question non pas l’affirmation même énoncée dans la phrase, mais les termes employés par Hitler : Gesamtheit, Nutzen, Haltung. Il est possible que cette page de Heidegger traduise un certain désenchantement à l’égard de Hitler en 1939, ou du moins à l’égard d’un langage qui ne lui semble plus à la mesure de la « relation cachée de l’essence de l’homme à l’être ». Néanmoins, il est difficile de lire le commentaire de Heidegger sans éprouver un profond malaise. Quel sens y a-t-il, en effet, à écrire en 1939 que le langage employé par le Führer -qui, pour le terme de Haltung notamment, a longtemps été celui de Heidegger lui-même – exprimerait le renoncement à tout questionnement essentiel portant sur la relation de l’essence de l’homme à l’être ? Si l’on ne peut qu’approuver par principe toute remise en cause des propos de Hitler, la teneur de la critique heideggérienne n’en demeure pas moins consternante. Elle nous révèle qu’après avoir longtemps pensé et affirmé que la parole de Hitler exprimait la vérité et la loi cachée de l’être allemand et annonçait la transformation complète de l’essence de l’homme, Heidegger n’aurait découvert qu’en 1939 « l’indigence de pensée » de certains propos du Führer (Mein Kamppf était pourtant paru en 1925-27). Ce ne serait donc qu’à cette date qu’il se serait acheminé vers la position qu’il exprimera dans son entretien au Spiegel où il affirme que malgré l’indigence de pensée de ses dirigeants, le national-socialisme serait allé dans la direction jugée « satisfaisante », et cela sans doute parce que la Führung heideggérienne a continué jusqu’au bout d’être quelque part agissante. »

    Note 146 p. 458 : « Es gibt keine Haltung, die ihre letzte Rechtfertigung nicht in dem aus ihr entspringenden Nutzen für die Gesamtheit finden könnte. » (Hitler, cité par HEIDEGGER, « Besinnung », GA 66, 122.) La référence donnée en note est la suivante : « Rede des Führers vor dem 1. Großdeutschen Reichtag am 30. Januar 1939. Drückerei der Reichbank Berlin 1939, S. 19. » »
    (Emmanuel Faye, « Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie », pp. 458-459)

    Voici, ceci pour cette unique fois, car votre manque chronique de mémoire suscite un élan de charité de ma part. Il va de soi qu’on n’enregistre pas de prise de distance vis à vis de la politique antisémite du régime à ce moment ni par la suite, et j’espère que vous n’allez pas essayer de faire passer cette « critique » heideggérienne pour un appel à la lutte contre ce qui se prépare-E.Stein, qui n’a eu que le tort de voir « Dieu » dans l’être heideggérien n’a, elle, rien entendu en 1942.

    3/quant à votre renvoi au cours sur Parménide, comment pouvez vous affirmer que Heidegger vise le troisième Reich ? Il ne faut pas une grande connaissance du nazisme pour savoir que celui ci se dresse contre la latinité et la romanité, pour privilégier les hellènes et les allemands. Je me souviens d’avoir entendu Gilbert Romeyer-Dherbey démonter l’interprétation heideggérienne qui voudrait accuser les romains au profit du monde grec. Allez vous accuser M. Dherbey d’être un « fayien » enragé ? Il est du reste connu depuis longtemps que Heidegger y décrit l’engagement des américains comme une preuve de dégénérescence, ce qui n’est pas vraiment une critique du III. Reich. Cela est tellement connu que E.Faye ne l’a pas rappelé, inutile donc de vous en prendre à lui comme lorsque vous avez fait sur le même site d’Assouline comme si il se livrait dans son livre à une analyse de la phrase où Heidegger dit que les noirs ont une histoire comme les singes et les oiseaux en ont une ( je reprocherais d’ailleurs cet oubli à M. Faye pour qui j’ai de l’estime, car enfin pour moi cette phrase suffit, et les 550 pages de son livre pouraient n’en être qu’un commentaire).

    4/ Ce que vous dites de SuZ est par ailleurs une platitude. Heidegger y répète lui-même que si son anthropologie est limitée c’est qu’elle est soumise à son projet « ontologique ». Le problème est qu’il constitue bien cependant une anthropologie et qu’à ce titre il n’est pas dénué de sens de pointer le fait que cette anthropologie est pour le moins partielle, mais surtout orientée dans cette partialité même. Le « gnosticisme tronqué » qui est celui de Heidegger permet donc bien d’évacuer toute réalité sociale et corporelle, que cette dernière soit sexuelle ou pas (amusant la traduction martinienne par « sous la main » : où sont les mains du Dasein ? Le corps n’est pas simplement laissé de côté pour une autre étude, il est dénié). A cet égard l’aller retour qu’il est obligé d’opérer entre analyse « contrète » (toujours orientée) et « fondation » « ontologique » est à cet égard l’aveu d’un cercle dont il prétend (magnifique, l’illogisme devenant ainsi une preuve de profondeur) qu’il est le propre du penseur, du vrai.
    C’est peu de dire que je ne me suis pas laissé prendre dans ce cercle là, et que l’analyse de l’être vers/pour la mort me semble dégager une odeur bien déterminée (cf. Adorno entre autres).

    5/Vous vous estimez par ailleurs insulté, sans doute du fait des propos suivants que j’ai tenu ici même, et que je ne nomme pas des insultes (mais qui contiennent il est vrai un peu de moquerie, et beaucoup de consternation) :
    « J’étais il y a peu avec un ami historien allemand, et je lui ai ressorti ce que j’ai pu lire ici même (écrit par Pierre Teitgen, pour ne pas le nommer). Je me souviendrai longtemps de la façon dont son visage s’est allongé, puis effondré, en entendant que l’on peut oser affirmer que parler de « Blut und Boden » durant la période dont il est question puisse n’être pas du nazisme et ce de manière « eindeutig »… » (sur ce même blog, le 18.04)
    Et cet autre passage :
    « Entre Pierre Teitgen pour qui le Blut und Boden n’est pas forcément nazi (si c’est la position de Vincent Carraud et de ses petits copains du jury de l’agrégation, M. Teitgen prétendant parler pour les « spécialistes », bonjour), et le dit « Zacharie Cohen » dont les diffamations à l’égard de Emmanuel Faye ont conduit les modérateurs du Monde à faire cesser le dernier blog d’Assouline autour de la question Heidegger, ceux avec qui vous hurliez faisaient si triste figure que vous en sortiez presque grandi. »(id., le 20.04).
    Le problème, monsieur Teitgen, c’est que vous avez eu des propos absolument terribles, et la mauvaise foi avec laquelle vous citez le cours sur Parménide ne m’encourage guère à penser comme pour M. Domeracki que vous ne savez pas ce que vous faites et dites. Je ne souhaite pas vous persécuter, loin de là, mais attendez vous à ce que d’autres que moi remettent vos propos sur la table, et le fait que vous rappeliez si souvent que vous venez d’une grande famille ne change pas grand chose à l’affaire. Comme je l’ai expliqué à M. Domeracki, internet n’est pas un espace de défoulement mais un lieu public qui a les désavantages de l’oral et de l’écrit à la fois : la parole s’y relâche, mais les écrits restent néanmoins. Ayiez donc un peu de tenue. Il est de toutes façons inenvisageable pour moi de continuer de discuter avec vous tant que vous n’aurez pas présenté d’excuses publiques à monsieur Faye pour la campagne à caractère diffamatoire que vous avez mené contre lui pendant des mois, et que vous n’aurez pas retiré vos propos sur le Blut und Boden (pour lequel vous avez eu l’audace de convoquer les historiens !!) : le faire serait pour le coup un acte de grand courage, vous y gagneriez mon admiration et nous pourrions continuer. Si j’ai accepté de discuter avec M. Domeracki c’est parce que malgré certains de ses propos j’ai pensé qu’il n’en était pas arrivé au même point que celui où vous êtes rendu, mais je vous demande d’arrêter de continuer à vous enfoncer vous même et à enfoncer vos collègues en soutenant sans cesse des arguments aussi usés (et depuis souvent des années avant le travail de M. Faye), et jusqu’à l’insoutenable.
    Tout ce que j’espère est que votre violence ne représente qu’une mince partie des « spécialistes » auto-proclamés de Heidegger. Sinon nous pourrons aller aux funérailles de l’université philosophique française, que j’aimais bien malgré tout…
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 28/04/2006 à 22:00 | Répondre | Modifier
  23. En fait , pour vous ,tout souhait d’un penseur d’une socièté hierarchisée, comme par exemple Nietzsche , le pousse inéxorablement vers une pensée cautionnant l’organisation du camp de concentration, avec ses kapos et ses s.s. ,c’est cela? Le fait de stigmatiser l’égalisation ,l’objectivation intégrale de l’être- homme à travers toutes les modalités technocratiques qui s’en emparent dans le communisme,c’est obligatoirement être un ami de la Gestapo?…Les analogies ont malheureusement des limites ;déjà,Skildy , je ne pouvais vous suivre lorsque vous compariez les magouilles de nos chers libéraux au pouvoir ,de leur cpe, avec un « souhait heideggerien d’une inégalité sociale principielle ». Mais laissons ce point de désaccord sur cette intempestivité heideggerienne. Un qui est autrement plus important est celui sur ce vous désirez nommer son « dénégationnisme tactique ». Votre propos semble , excusez-moi , tourner en pure paranoïa dans la mesure où même lorsque Heidegger nous donne des armes pour résister à l’infâmie nazie telle qu’elle s’est déployée sous ses yeux, vous en concluez que c’est pour mieux nous en faire accepter les exactions! Cette posture a au moins le mérite d’être insistante et tortueuse.Mais je persiste aussi pour ma part à ne pas voir en quoi Heidegger serait le tenant d’un national-socialisme au sens d’un sordide antisémitisme criminel. Je crois bien plutôt qu’à l’instar d’un Jünger ou d’un Niekiesch, il a cherché sa propre concpetion de la politique et du monde à partir des résultats de sa philosophie. Heidegger n’est pas un minable au point d’avoir écris toute cette oeuvre juste dans le but de supprimer ces pauvres juifs dont on se demande toujours plus quel est leur rapport avec cet auteur qui n’en touche jamais mot , si ce n’est ,comme en 1936 ,pour traiter devant des élèves en costumes S.S, les linéaments des pensées de Jacobi et de Spinoza.
    Si Heidegger attaque -et vous le reconnaissez- ça et là le nazisme , ce n’est certes pas par humanisme ou compassion avec ceux qui en souffrent dans leurs biens et leur chair, mais ce n’est certes pas non plus afin de toujours plus martyriser cette partie de la population qu’il a cotoyée pendant toutes ces années dans ces sales de cours…Pour ne pas parler de Hannah…Je crois sincèrement que le propos heideggerien tâche de contenter tout le monde : ces cours sont funambuliques, pouvant être compris autant par les spécialistes , les élèves candides comme moi, les nazis,et leurs ennemis humanistes de tout bord: pas un ne donne la même version interprétation, tous revendiquant la « clarté » de tel ou tel aspect. Quel joyeuse mascarade que l’affaire Heidegger! Chacun y va de l’autorité d’un tel ou un tel…En fait la situation est similaire à celle que provoquèrent les oeuvres nietzschéennes, chacun se construisant « son » Nietzsche.
    Je crois qu’il faut gagner quelque chose à étudier un penseur : je ne pense pas que se focaliser sur les délires politiques heideggerien ait beaucoup d’interêt philosophique…Surtout que cela , à mon sens,olige à déformer certains de ses propos pour les égaliser à ceux moins futés ou carrément stupides…Beau gachis , apparemment déjà en vigueur en Allemagne où,d’après les dires de Monsieur Er, on aurait depuis longtemps compris que le « bonhomme » ,comme il dit , aurait été un furieux antisémite…Dans cette mesure , je suis bien content d’être « en retard » : que la France universitaire continue de s’enquérir de Heidegger sous l’égide de la philosophie montre certes qu’elle peut se montrer naïve , mais surtout qu’elle laisse aux misérables comme nous le soin d’alimenter et de faire vivre une polémique sans grand interêt philosophique.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 28/04/2006 à 22:45 | Répondre | Modifier
  24. A Monsieur Er;

    Je ne sais pas trop par où commencer. Peut être par l’attitude des universitaires. A aucun moment je ne me serais donné à leur insu le rôle des les représenter où de les défendre. Comme vous le dites il y a des chances qu’ils ne partagent pas toutes mes hypothèses,voire qu’ils me jettent le type d’anathème dont vous êtes coutumier. Au passage , je n’ai pas même envie de savoir qui vous êtes et ce que vous avez apportés à la philosophie pour pouvoir juger ainsi ce que beaucoup reconnaissent comme étant le plus grand penseur de son temps. J’aimerais beaucoup que Heidegger vous réponde directement, avec un cynisme tout nietzschéen : « me voilà réfuté – n’en parlons plus ».
    Pour ce qui est de la thématisation par Heidegger de l’essence du mal , des phénomènes destructifs et du nihilisme nationAliste (auquel il préfère le libre usage du nationnEl), vous écrivez : « Le tout est de ne pas confondre connaissance d’un objet et identification avec lui ». Fort bien! Heidegger a bien dû comprendre à un moment qu’il ne pourrait en aucun cas donner le frappe qu’il souhaitait au nazisme. Son attitude n’a pas été, de 1934 à sa mort, de cautionner le déploiement du pire , mais de tenter de penser celui-ci. Et c’est cela qui dérange : la pensée, la métaphysique, vous le reconnaissez ,a bien à s’enquérir de la crasse et du poil. C’est peut être bien ce qu’ a voulu signifier Heidegger en affirmant tout de go que le « national-socialisme avait une vérité intérieure » : qu’en la manifestation de nihilisme actif (et pas forcément dans ses dommages collatéraux dûs à sa mes-essence) se fait jour une nouvelle configuration du monde : bien que celle-ci soit le fruit d’une traîtrise , d’une malignité de l’avenance elle-même , elle en serait été pour lui une nouvelle vérité qu’il convenait de penser en sa provenance. Comme vous le dites pour la Shoah ,les évènements , y compris les plus infâmes, ne poussent pas comme des champignons. Un long processus de maturation historiale pourrait bien être ce qui possibilise le nihilisme, cette frappe spécifique de notre époque.Tout cela , est-ce à dire « haro sur les juifs! » ?….Est-ce dire : « oh les nazis ont bien eu raison » ?…. Une telle mécompréhension est dû à l’obnubilation bien compréhensible , mais non-philosophique , sur les dommages collatéraux , hyperdestructeurs ,de ce sur quoi Heidegger s’est penché à savoir ,une nouvelle donne pour la polis, qui seraint ajointée , configurée de façon ontologico-historiale. Que cette Polis exclue , comme celle grecque , certains individu de la communauté ne signifie pas qu’elle va dresser de grands bûchers pour les anéantir! Que certains textes heideggeriens vous fassent penser à cette infâmie ne me convainc pas de l’intégrale obnubilation de cet auteur pour la destruction d’un peuple.C’est réduire Heidegger à un psychopathe : celui qui aurait écrit pendant plus de cinquante ans des milliers de pages , juste pour cautionner un holocauste , y compris avant son effectivité. Cette façon d’exclure Heidegger de la communauté des grands penseurs arrange à coup sûr Faye et les signataires de la pétition en sa faveur , puisque tous travaillent sur des auteurs que Heidegger aurait « critiqué » (or chacun de nous sait que la critique par exemple de Descartes n’est pas un primaire « Anti-cartesianismus » de bas-étage , la « Destruktion » se tenant au contraire à l’écoute du propre des métaphysiques).
    Je ne me fais pas de souci pour mes propos mais sur leur déformation par les humanistes qui croient bon de penser toute pensée allemande à partir de la Shoah ( on a déjà vu de telles attaques , absurdement anachroniques , contre Hegel et Fichte). Mais heureusement , je ne pense pas arriver un jour à une « carrière » dans la philosophie…Ce qui n’empêche que ça fait très mal d’entendre dire qu’on serait proche des négationnistes , sitôt qu’on essaie de lire philosophiquement Heidegger sans s’obnubiler de ses collusions, ddes contiguïtés de son propos avec celui nazisme. Il faut rester sur ses gardes , mais en aucun cas mélanger Heidegger ou Nietzsche avec leurs abjects contemporains. Je trouve dommage que vous ne soyez pas impréssionné par ses écrits , mais c’est votre affaire: je serais quand même curieux de savoir d’où vous vous permettez un tel mépris pour une pensée si ample et si actuelle… De même , j’aimerais beaucoup que vous réfutiez point par point ce que les heideggerolâtres de Parole des jours ont écris contre Faye. Là aussi vous préfèrez tout rejeter d’un revers de la main : c’est gratuit…Moi j’ai lu deux fois le travail de Faye. J’ai même lu les inépties de Michel Bel : c’est dire! Dans l’avenir , je me laisserai peut être tenté par l’idée que j’ai eu il y a peu d’aller interviewer plusieurs professeurs d’université ayant travaillés sur Heidegger , pour qu’ils expriment leur vision,désormais , du travail du chercheur à son sujet et à celui de son nazisme. Ce serait intéréssant à plus d’un titre : et je n’aurais plus à parler en leur nom , à me coltiner le sale boulot de questionnement face à ceux qui ont déjà selon eux toutes les réponses…Ceux-ci tapent sur la tronche de tout opposant à coup de « houlà mais vous êtes négationniste jeune homme attention à ce que vous manifestez ». Le terrain est certes miné. Mais je tâcherai , contre l’avis de Monsieur Teitgen qui a pourtant raison, de m’aventurer encore dans ces marécages journalistiques assez distrayants bien qu’assez répétitifs. D’ailleurs , que faites vous encore ici à me lire , si l’auteur que j’apprécie travailler (entre autres, encore heureux) en est un coupables de « platitudes » qui ne vous impressionne jamais? Déprécier,dégrader, rabotter une pensée extraordinaire à partie de certains de ses mauvais pronostics voilà des jobs à plein temps , apparemment! D’ailleurs , j’imagine que Faye continuera , avec la bénédiction des lecteurs de Télérama et du Monde, à essayer de trouver des analogies douteuses entre les écrits heideggeriens et les stupidités nazies :voilà en effet une tâche de hauuuute spéculation philosophique que tout « honnête homme » « plein d’expérience » ne peut que saluer,depuis sa chaise longue…

  25. Cher Skildy,

    Votre blog vaut précisément ce que les gens y écrivent. Quand je lis la prose qui s’y étale, j’en déduis effectivement que cela n’est pas grand chose. J’ai cependant la faiblesse (car c’en est une) de m’agacer un peu lorsque des demi-habiles traînent mon nom dans la boue, surtout au bout de trois ou quatre fois (la surprise s’émousse).

    Concernant le texte que vous citez, et quant aux analyses que vous faites, à ce compte là, Tocqueville serait un dangereux idéologue du totalitarisme.
    Je cite pour mémoire ce passage fameux de la Démocratie en Amérique::

    « Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme (…). Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il semblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser, et la peine de vivre ».

    Eh oui ! Que voulez-vous : le totalitarisme n’est pas mort en 1945 ; il y avait même un régime, qui au nom de la sécurité sociale uniformisée des travailleurs, allait bientôt s’approprier la moitié de l’Europe pour un demi-siècle. Que voulez-vous : Heidegger n’était pas non plus stalinien…

    Enfin ! J’aimerais tout de même qu’un des intervenants de ce blog (y compris vous-même), puisque tous rivalisent ici d’une connaissance approfondie de la langue allemande autant que de l’oeuvre de Heidegger, commente un peu le passage que j’ai cité dans mon précédent message.
    Il est vrai cependant que c’est une tâche difficile, en ces temps où, effectivement, certains totalitarismes de nouvelle génération (souriants ceux-là ô combien) sont pour de bon en train de nous ôter « la peine de penser ».

    Sur ce, je vous laisse : vous m’excuserez, mais j’ai du travail.

    Pierre Teitgen

    Rédigé par : Pierre Teitgen | le 29/04/2006 à 00:23 | Répondre | Modifier
  26. Bonjour Monsieur Teitgen,

    Permettez-moi de réagir à votre dernier message dans lequel vous citez un texte célèbre de Tocqueville. Mais, je dois tout d’abord préciser que je ne me considère pas comme un « habile », ni même un « demi-habile », j’essaie simplement de suivre ici et là les débats soulevés par la parution du livre de M. Faye. Ce que je trouve réconfortant dans ces débats, c’est le fait que, quoi qu’on puisse penser des propos de M. Faye, ils nous rappellent que même la pensée philosophique ne peut pas prétendre s’arroger le privilège de parler d’un lieu où elle n’aurait pas à rendre des comptes à la cité, c.à.d. à une communauté d’hommes. Que nous le voulions ou non, nous n’échappons pas à la politique. En citant le texte de Tocqueville, vous voulez nous montrer que Heidegger appartenait en somme à la catégorie des penseurs aux yeux de qui l’égalitarisme prôné par certains dissimule de fait une nouvelle forme de despotisme. Nietzsche aussi se méfiait, semble-t-il, d’une forme politique « égalitaire », et bien d’autres, à commencer par Platon. Mais qui parle, dans nos régimes dits « démocratiques », de vouloir nier les différences, « en fait » (pour parler comme Kant), entre les hommes? Ce qui est préconisé ici c’est une égalité « en droit », non un nivellement. On peut toujours considérer que l’activité d’un « penseur » (ein Denker) est supérieure à celle d’un artisan ou d’un paysan, par exemple , (et dans l’histoire de la philosophie, cette attitude est un lieu commun). Mais, de là à conclure qu’un penseur a des droits supérieurs à d’autres hommes de la cité, cela, le système démocratique ne l’admet pas. C’est tout. En réclamant l’avènement d’un Führer à la place de la République dite de Weimar, Heidegger a opté pour un régime non démocratique, c.à.d. pour un système politique qui n’accorde pas les mêmes droits à tous les citoyens. Mais, c’est là justement confondre le fait et le droit, et personnellement, je trouve que cette confusion est le signe d’une pensée terriblement ambiguë.
    Bien cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 29/04/2006 à 11:51 | Répondre | Modifier
  27. « Dans ces sales de cours… »
    Il y au moins des lapsus calami qui ont du charme et du sens, même et surtout si par définition ils sont indépendants de la volonté de leurs auteurs et que les dits auteurs sont peu doués pour faire rire.
    Il y aurait bien des choses à dire sur la philosophie politique de Tocqueville et de Fichte (ne parlons pas de Jünger et de Niekiesch) et les conséquences politiques de certains passages de Nietzsche (pas tous, il est vrai pour le coup, Jean-Pierre Faye a fait des travaux assez honnêtes à ce sujet), mais monsieur Domeracki je ne vous répondrai plus. Vous savez autant que moi que Heidegger parle des juifs, et comment, il en a déjà été question.
    Vous tournez en rond, et répétez des arguments déjà en soi circulaires et auto-légitimants auxquels moi et d’autres ont déjà répondu (nous ressortir le coup d’Arendt ! Revenez un peu en arrière sur ce blog même).
    La preuve de ce petit cercle duquel vous ne voulez sortir, c’est que vous osez ressortir sur votre site le texte de Catherine Malabou sans les réponses de Jean-Pierre et Emmanuel Faye, et en « oubliant » que déjà vous n’aviez pas répondu à mon message suite à la réponse de J-P Faye sur le « PhiblogZophe ».
    Un cercle de cercles, les hégéliens seront heureux.
    Il va de soi bien sûr que je ne digère décidément pas les « dommages collatéraux ».
    Je vous laisse à vous même M. Domeracki.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 29/04/2006 à 12:33 | Répondre | Modifier
  28. « qui suis-je pour… »
    Oui tient qui suis-je ?
    Qui est-ce qui vous connaît, messieurs, depuis de nombreuses années déjà, qui est-ce qui vous a eu en cours et en séminaire avant de se retrouver à vos côtés ? Vous étiez alors un peu plus jeunes, l’âge ne vous arrange pas.
    Qui est-ce qui a beaucoup travaillé Heidegger sans l’aimer jamais, et de moins en moins à mesure qu’il avançait ?
    Qui est-ce qui vous a vu blêmes de rage à la sortie du livre de Faye ? Se dire qu’on allait répondre, puis que bon finalement mieux vaut attendre que cela passe, prenons la posture du sage éloigné des contingences fayiennes, en plus on va dire que c’est la réponse suprême, mais à l’oral hein, et serrons nous cela va passer comme les dernières fois ?
    Qui est-ce que les propos de la jeune garde heideggérienne que vous couvez a inquiété au point de vouloir lancer des bouteilles à la mer ? Qui est-ce qui espère encore que Pierre Teitgen n’est qu’un sismographe temporaire, mais qui en est de moins en moins sûr chaque jour ?
    Cherchez bien, je suis tout près.
    Nous sommes légion.
    YE.

    Rédigé par : Yvon Er | le 29/04/2006 à 12:55 | Répondre | Modifier
  29. A P. Teitgen,
    .
    Cher monsieur Teitgen,
    .
    Permettez-moi d’abord de vous plaindre moralement. Vous ne parvenez pas à résister à la tentation de venir vous agacer, et ainsi probablement de souffrir en condescendant à feuilleter le blog. Et comme cela vous côute en précieuses minutes de travail je conçois qu’il y a là un petit problème auquel vous devriez porter attention. Puis-je me permettre de vous signaler que ceux que vous daignez lire sont tellement inaptes qu’ils sont parfaitement insensibles au trésor que vous représentez et que vous tentez de faire briller par votre mépris et vos agacements princiers?
    .
    Je compatis cependant. Se vouer à être un gardien du temple heideggerien suppose une abnégation et un don de soi qui confinent au sacrifice. Encore un peu plus et, sans partager votre foi, j’en arriverais à admirer votre sens du devoir.
    .
    Mais je vous plains également intellectuellement. Impliquer Tocqueville pour justifier le fait qu’au lendemain de la fermeture d’Auschwitz notre grand philosophe est fondé à mettre au premier rang des « causes » de la dévastation l’égalité des travailleurs devant la « sécurité sociale » relève du confusionnisme. Je conçois que la phrase constitue une des « grosses bétises » – une de plus – commises par Heidegger. Car enfin que signifie-t-elle dans le con-texte de « La dévastation et l’attente » sinon qu’Auschwitz même n’aurait pas été suffisant?
    .
    Cela est si embarrassant que, lorsque vous bottez en touche du côté du stalinisme, vous vous gardez bien de remettre vous-même en cause directement l’égalité devant la « sécurité sociale » puisque vous dites que c’est au nom de cette égalité que le stalinisme s’est constitué. Ne faut-il pas être naïf pour confondre les principes et leur instrumentalisation cynique? L’analyse de Hannah Arendt de la terreur stalinienne montre au contraire que c’est en manipulant L’INEGALITE DEVANT LA « SECURITE SOCIALE » que le système a réussi à créer un climat de soupçon et de délation généralisés.
    .
    Votre incompréhension du problème s’avère au moins aussi abyssale que votre mauvaise foi.
    .
    Vous gagneriez en dignité à développer clairement les merveilleux résultats que nous serions en droit d’attendre de l’INEGALITE DEVANT LA « SECURITE SOCIALE ».
    .
    Vous trouveriez facilement de bons exemples. En France même, par exemple, avec le scandale des sans-papiers. Quant à Tocqueville le citer pour oublier à quel point « l’Amérique » est particulièrement défaillante en matière d’égalité devant la « sécurité sociale » relève au moins de l’approximation. Si l’agacement que vous éprouvez sur le blog vous aveugle à ce point… il vaut mieux pour vous, en effet, d’y renoncer.
    .
    Je me souviens que vous vous êtes un jour réclamer d’une généalogie qui passe par la Résistance. Mais de quoi héritez-vous au juste lors même que la « sécurité sociale » constituait ce me semble un des points forts du programme de la Résistance? En termes heideggeriens celle-ci aurait-elle donc été un chef d’oeuvre de « dévastation »?
    .
    Skildy

    Rédigé par : Skildy | le 29/04/2006 à 14:23 | Répondre | Modifier
  30. Skildy , jen e comprends tojour pas la critique de l’uniformaisation généralisée avancée par Heidegger aurait un rapport exclusif au système concentrationnaire. Ce n’est pas le seul lieu de hierarchie et d’inégalité sociale. C’est il me semble bien plutôt à ce qu ‘il se représente du communisme déferlant dans son pays qu’il tente de répondre…Rien ne prouve qu’Auschwitz serait l’aerchétype de son souhait de socièté , si ce n’est votre interprétation quelque peu unilatérale. A tel point unilatérale que vous ne concevez pas autrement que sous l’égide de la bêtise ou de la servitude le refus de celle-ci par vos interlocuteurs.C’est dommage…
    Pendant ce temps-là,l’université française lâche un long baillement significatif. Pour vous de sa torpeur , pour moi de son mépris pour ces interprétations qui n’ont absolument rien de philosophique et qui ne sont que peu probantes…Je répète « circulairement » (!) une dernière fois qu’au bout du compte , l’interêt de la pensée de la pensée de Heidegger réside dans ce que l’on en fait. Sa « vérité » ne m’interesse pas tant que toutes les possibilités qu’elle offre pour penser la vérité de notre temps hyper-moderne, où en aucun cas,démicratie ou non,la violence exacerbée n’a disparue. Allez-vous nous dire bientôt que le moindre viol ou le moindre meutre sont « heideggeriens »?…

  31. A S. Domeracki,
    .
    Je n’ai pas grand chose à répondre. Je suis très étonné que des champions de l’interprétation, et de l’interprétation en plusieurs langues, ne voient pas la différence ABYSSALE qui existe entre la critique de l’uniformisation et le fait de mettre au premier rang des causes de la dévastation l’EGALITE DEVANT LA SECURITE SOCIALE.
    .
    Rejeter le principe de l’égalité des êtres humains devant la « sécurité sociale » est tout simplement immonde et ne fait que cautionner le principe concentrationnaire.
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    Vous manquez cruellement d’un certain sens des « situations concrètes ». Essayez donc d’imaginer une société qui légaliserait l’INEGALITE DES ‘TRAVAILLEURS’ DEVANT LA SECURITE SOCIALE… C’est au reste ce vers quoi tant la société française actuelle.(Et la « libérale-mondialisation »)
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    En Allemagne, en 1945, cela revient à avaliser les lois de Nüremberg. En France, cela revient à justifier les lois « anti-juives » de Vichy…
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    Il faut avoir la vue bien courte pour interpréter le refus heideggerien de l’égalité devant la sécurité sociale comme une critique de l’uniformisation du monde.
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    L’inégalité devant la sécurité sociale c’est tout simplement le droit de tuer. C’est le nazisme en personne.
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    1. Vous, si vous êtes un « bon heideggerien », vous aurez droit à la sécurité sociale.
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    2. Vous, par contre, il faudra faire preuve de la plus totale soumission si vous voulez avoir accés aux soins.
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    3. Quant à vous, qui êtes dans les catégories X, Y, Z… vous ne méritez même pas de vivre.
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    Je vous propose le sujet de philosophie politique suivant :
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    Qu’est-ce que la sécurité sociale? Imaginez une société reposant sur l’inégalité devant la sécurité sociale. Quelles sont les conséquences pratiques et concrètes de l’application de ce principe? Vous prendrez soin de réfléchir à partir d’exemples non seulement pris dans l’histoire mais aussi dans les sociétés actuelles.
    .
    Bon travail… Quant à moi je « persiste et signe » :
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    Thèse : le rejet de l’égalité devant la sécurité sociale est l’euphémisme dont se sert Heidegger pour justifier le système concentrationnaire nazi. C’est la réaffirmation, en 1945, d’une adhésion du philosophe à la terreur national-socialiste.
    .
    Skildy

    Rédigé par : Skildy | le 29/04/2006 à 16:44 | Répondre | Modifier
  32. Bonsoir à tous,

    Le hasard a voulu que je tombe ce soir sur la phrase qui clôt « Impostures intellectuelles » d’Alan Sokal et Jean Bricmont: « Souvenons-nous qu’il y a bien longtemps il était un pays où des penseurs et des philosophes étaient inspirés par les sciences, pensaient et écrivaient clairement, cherchaient à comprendre le monde naturel et social, s’efforçaient de répandre ces connaissances parmi leurs concitoyens et mettaient en question les iniquités de l’ordre social. Cette époque était celle des Lumières et ce pays était la France. » Jean-Français Revel, qui vient de nous quitter, avait écrit dans « Le Point », en 1997, un fort joli résumé de ce livre, lui qui, dans « Pourquoi des philosophes » avait su épingler, en 1957, le jargon fumeux et mystificateur d’un Heidegger et d’un Lacan. O vous tous qui faites confiance à l’humanisme, qui savez que les droits de l’homme et du citoyen sont une des conquêtes humanistes les plus précieuses, qui combattez le faux prophète de l’Etre qui, à force de courir après une ombre d’ontologie, a oublié le sort réel de millions d’êtres voués à la mort par un régime qui avait sa sympathie, ne désespérez pas: les vraies lumières sont toujours là!
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 30/04/2006 à 21:56 | Répondre | Modifier
  33. Personnellement je suis bien content de ne pas faire partir de ces humanistes là , qui ne sont pas précisément des « lumières »…

  34. Bonjour,
    Pour moi, en tous les cas, la cause est entendue. M. Skildy s’est demandé s’il était possible, comme certains le prétendent, de séparer la « pensée » et l’engagement politique de Heidegger. Il y a effectivement toute une tradition philosophique qui a voulu croire que la pensée humaine a le don de la lévitation. Personnellement, je n’adhère pas à cette croyance. En ce qui concerne Heidegger, le fait qu’il ait mis sur le compte de la soi-disant métaphysique occidentale, qu’il dénonçait comme oubli de l’être, l’apparition de la pensée humaniste, de la démocratie, de la science et de la technique est parfaitement cohérent avec son opposition à la République de Weimar, sa posture politique réactionnaire, sa haine de la modernité, son appel à un régime autoritaire et inégalitaire. Doit-on dire que c’est sa pensée qui lui a dicté cette posture, je ne le pense pas, c’est le comportement qui est premier. Ses écrits peuvent donner le change parce qu’ils sont rédigés dans un style tellement alambiqué qu’il peuvent égarer. Mais leur contenu régressif correspond bien à sa posture réactionnaire fondamentale de petit bourgeois provincial allemand de l’époque. Son fameux tournant fait partie de son jeu d’égarement.
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 02/05/2006 à 18:21 | Répondre | Modifier
  35. Si Heiegger avait eu « que ça à foutre » que de vouloir égarer ceux qui ne prennent pas le temps de lire ses « écrits alambiqués » , il n’aurait alors pas laissé le passage de l’Introduction à la métaphysique de 1935 qui lui aurait été loisible d’enlever,technique utilisée ailleurs du reste. Mais libre à vous de vous vautrer dans les mièvreries moralisantes a posteriori. Que vous postuliez à l’aveuglette que le plus important pour ce penseur faut le politique prouve surtout que vous ne l’avez guère lu. Allez ,je vous laisse à vos chaussons et à votre robe de chambre!

  36. Monsieur Domeracki,

    Ce n’est pas moi qui ai inventé que Heidegger était un fieffé menteur, c’est Hannah, qui le connaissait certainement mieux que vous. Ce n’est pas moi qui suis le premier à mettre en question l’intérêt des écrits de Heidegger, beaucoup de ses anciens admirateurs (dont certains de ses anciens étudiants) en sont revenus aussi des écrits du sophiste de Messkirch: Löwith, Jonas, Jaspers, Anders et bien d’autres. Du reste, vous savez aussi bien que moi que beaucoup de philosophes ont été d’emblée allergiques aux fumées « bleues et brunes » de l’ontologie de Heide. Enfin, sachez que je ne me suis pas retiré dans une Hütte comme l’Autre pour méditer à des fadaises, je n’ai donc besoin ni de chaussons, ni de robe de chambre, car je voyage beaucoup. C’est le bien que je vous souhaite aussi, car je trouve que vous sentez le renfermé.
    De toute façon, comme nous n’avons rien à nous dire d’intéressant, je vous tire ma révérence à l’instar de M. Er: l’âge vous apprendra peut-être à distinguer les sophistes, les faux-prophètes et les faux-jetons des vrais penseurs.
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 03/05/2006 à 15:36 | Répondre | Modifier
  37. Cher monsieur Misslin,
    je vous souhaite donc bon voyage. Je vous félicite d’avoir su garder votre sens de l’humour lors des derniers « échanges ». Si il y a quelqu’un ici qui est porteur de la « belle humeur », c’est vous. Pour ma part j’ai bien du mal à rire en entendant dire que les auteurs de la pétition en faveur du travail d’Emmanuel Faye l’ont fait parce que les philosophes sur lesquels ils travaillent ont été si finement critiqués par Martin Heide. Ne parlons pas du pauvre Descartes, que l’on devrait hériger en martyr de l’heideggerianisme. Quant à Carnap et au Tractatus, si magistralement réfutés par le penseur de l’être…j’arrête, si finalement je parviens de nouveau à rire.
    Dans la mesure où vous ne semblez pas un adepte d’une forme d’être pour la mort quelconque, je pense que vous allez contredire la prophétie de M. Domeracki du 25 avril sur son site (« ce n’est pas à votre âge qu’on va vous changer. Heureusement c’est bientôt fini ! »). Ce dernier a montré son « fond », et maintenant que tout est en pleine lumière, il ne nous reste plus qu’à laisser ces messieurs à leurs pulsions et à leurs diverses rationalisations.
    Musique !
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 03/05/2006 à 16:48 | Répondre | Modifier
  38. Cher Monsieur Er,

    Merci pour me souhaiter bon voyage: je vais dans quelques jours faire un tour dans le pays de Homère. Mais, rassurez-vous, je n’aurais pas d’extase métaphysique là-bas comme le monsieur Jourdain de Messkirch! Je n’idéalise pas le monde grec, parce que je le connais bien et que j’adore trop la rugueuse réalité.
    De grâce, retrouvez vite votre sens de l’humour. Un seul remède: oubliez ce triste et insipide poseur de Heide, ce sombre dépressif germanique qui croyait que la nescience valait mieux que la science, qui s’imaginait être malin en faisant de nous des êtres pour la mort, alors que comme le dit le souriant et aimable Grec, Aristote, c’est un délicieux plaisir que celui qu’on éprouve au réveil quand on découvre qu’on est encore vivant. Peu importe ce que Heide pouvait bien dire d’un Descartes, d’un Carnap, d’un Wittgenstein: il était tout simplement incapable de supporter leur intelligence, car c’était un jaloux.
    Merci encore pour tout ce que vous m’avez appris: ce soir même, je boirai un verre de vin d’Alsace, frais, léger, gracieux en votre honneur, car le rire est le propre de l’homme et d’un certain nombre d’autres primates, n’en déplaise à Heide qui se prenait pour un prophète, mais en réalité n’avait rien à dire.
    Bien amicalement
    R. Misslin

38 commentaires

  1. A S. D.

    Je doute que vous m’ayez bien lu. Quand je regrette l’affrontement des camps je ne veux pas dire qu’il faut renoncer à son point de vue, mais que le point de vue devrait être développé et argumenté dans un espace philosophique(notamment libre d’insultes). L’insulte – je serais un calomniateur – clôt la discussion en supposant que je n’aurais « rien lu » de Heidegger. Vous mêmes, en parlant de soupçon et en déclarant qu’il n’a rien à voir avec la philosophie souscrivez au système de l’affrontement des camps.
    Je voudrais simplement pouvoir envisager sereinement qu’entre les phrases nazies de Heide et sa philosophie il n’y a pas qu’une simple juxtaposition quelque peu monstrueuse mais congruence.
    Comme je l’ai dit : on ne voit pas pourquoi le fait de prendre de l’intérêt à certaines pages de Heide excluerait d’avoir à déconstruire cette congruence. Encore faut-il en accepter l’hypothèse et ne pas l’étouffer dans l’oeuf au prétexte de soupçon… mot qui n’adoucit pas vraiment celui de calomnie.

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  2. Bonjour,

    D’accord avec vous, M. Skildy, pour penser qu’il est difficile d’admettre une coupure entre les engagements politiques de Heide et sa soi-disante philosophie. Son engagement politique n’était pas une espèce d’engouement passager pour la cause d’un parti. Il attendait quelque chose de ce parti, à savoir qu’il remplisse une mission, celle que la philosophie de Heide voulait lui fixer: établir un régime autoritaire, de droite, et foncièrement anhistorique et réactionnaire. C’est en cela que sa philosophie de l’être (contre les égarements historiques de l’étant c.à.d. l’humanisme, la démocratie, la science, la technologie, bref la modernité), de nature foncièrement théologique, non seulement ne se dissocie pas de son engagement nazi, mais le fonde, l’explique et le JUSTIFIE, du moins à ses yeux. D’où aussi son refus, après le désastre, de reconnaître son erreur: Heide ne s’est pas trompé, aussi est-il resté fidèle à lui-même en dépit de tous et de tout. La pensée de Heide est de celle des fondamentalistes, c.à.d. religieuse. Heide n’a pas accepté le cartésianisme parce que Descartes sépare la philosophie de la religion. Heide ne peut pas concevoir la séparation des genres: la pensée de Heide est une pensée totalisante, et son engagement politique est en faveur d’un système totalitaire. C’est parfaitement cohérent. Les défenseurs de Heide, en essayant de séparer sa pensée de son engagement, eux sont incohérents et se trompent (dans le double sens de ce mot).
    Bien amicalement
    R. Misslin

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  3. Je me suis muni d’un microscope suffisamment puissant pour aller observer le site de Stéphane Domeracki, représentant avec d’autres des « penseurs qui pensent ». Outre une série d’articles sur des gens dont l’immense pensée est bien entendu autonome de leur engagement dans l’extrême droite (Scheler, Spengler, Heidegger, les frères Jünger…) et l’oeuvre de Servane Jollivet à la gloire des écrits nazis de Heidegger (dès que l’on met le verbe être en plus louer la domination devient de la grande pensée…de qui se moque-t-on ? et de qui se moque M. Domeracki ? à qui fera-t-il croire qu’il est mû par une curiosité de chercheur ?), on y trouve une bibliographie des oeuvres critiques sur Heidegger en langue française.
    Et c’est là tout le problème, car les penseurs qui pensent ne maîtrisent visiblement pas les langues étrangères, car si ils maîtrisaient ne serait ce que l’anglais et l’allemand comme votre serviteur ils pourraient voir qu’un certain nombre d’ouvrages existent déjà dans ces langues sur ce sujet qu’ils trouvent le plus souvent indigne d’aborder pour un penseur qui pense.
    Ils pourraient aussi voir qu’il y a des travaux publiés sur la romance de la gauche caviar française avec le fachisme, sur cette curieuse spécificité française qui consiste à recycler tous les théoriciens de la révolution conservatrice et au delà.
    J’étais il y a peu avec un ami historien allemand, et je lui ai ressorti ce que j’ai pu lire ici même (écrit par Pierre Teitgen, pour ne pas le nommer). Je me souviendrai longtemps de la façon dont son visage s’est allongé, puis effondré, en entendant que l’on peut oser affirmer que parler de « Blut und Boden » durant la période dont il est question puisse n’être pas du nazisme et ce de manière « eindeutig »…
    Quant est-ce que le cercle étroit des heideggériens français va-t-il cesser de se prendre pour le centre du monde parce qu’il règne sur sa basse cour ?
    Pour les autres animaux de la ferme, puisque la révolution semble reportée, il nous reste en attendant à « fuir là-bas loin d’ici ».
    Yvon Er.

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  4. La curiosité de chercheur pousse précisément à enlever les oeillères et à s’intérésser avec minutie au nazisme si particulier de Heidegger. Pour cela il faut tâcher d’aborder les auteurs avec lesquels il est entré en discussion pour penser à neuf les rapports de l’être, de la puissance et de la polis. C’est uniquement pour cela que des auteurs comme Jünger, Spengler ou Niekiesch sont entrevus.
    Les années 30 allemandes ont quelque chose de fascinant , je ne peux pas le nier. Doit-on m’accuser d’être une espèce de néo-nazi parce que j’essaie de comprendre les textes de Heidegger comme « Zu Ernst Jünger » ou « Koinon » , sans les expédier comme l’ont fait Faye et votre ami allemand (il aurait pu être tchétchène d’ailleurs : son avis tranché ne le met guère en valeur) c’est bien dommage. Il faut essayer de comprendre ce que l’on met à distance de soi. Pour justement ne pas recommencer. Ce n’est pas l’ignorance du nazisme heideggerien qui nous en préservera, mais son étude minutieuse. Les textes mis sur mon blog ont cette spécificité. Que des anti-heideggeriens intégristes et obscurantistes (puisque ils ne se mettent pas au niveau de la nuance de son écriture) m’insultent , cela m’amuse à la limite plus qu’autre chose. Personnelement je sais que je suis démocrate,et d’une ligne politique qui n’a vraiment rien à voir avec Heidegger. Vos critique ne m’empêcheront donc pas de publier des travaux conséquents , assez courageux pour comprendre vraiment Heidegger et non pas déformer ses propos pour les faire correspondre à un banal nazisme de bas étage. Son nazisme ,ça me fait bien mal de le dire , est plus « élaboré », et n’est pas guidé par la perspcetive de la Solution Finale. Heidegger , là aussi c’est dur à entendre , s’est mis au niveau des éxigences de son époque; il est d’ailleurs ainsi l’un des rares capable de nous faire penser les grands totalitarisme du vingtième siècle et l’im-position de la technique.

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  5. Bonsoir Monsieur,

    Vous êtes vraiment impayable. Vous vous dites démocrate, et vous cherchez l’inspiration auprès d’un penseur qui n’avait pas la moindre motivation démocratique. Je n’ai pas vis-à-vis de Heide de parti pris. Je m’intéresse au tourbillon que M. Faye a provoqué, dans la mesure où j’ai eu comme premier instituteur un allemand nazi pendant 4 ans et que j’essaie, simplement, de comprendre comment un fils de sacristain de Messkirch a pu devenir un des grands philosophes du XXème siècle et qu’il n’a pas hésité à s’engager du côté des nationalistes hitlériens. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour admettre que ce qu’on appelle le « nazisme » de Heidegger n’était pas un nazisme banal. Et c’est du reste en cela qu’il est intéressant de l’étudier calmement, sans passion, sans idéologie et sans parti pris. Après tout, comme disait si magnifiquement Wittgenstein, « même Hitler on peut le comprendre. » Que les années 30, en Allemagne, vous fascinent, tant mieux pour vous, moi, elles me terrifient. Pourquoi sommes-nous si arrogants, pourquoi les philosophes sont-ils entre eux si intolérants? Et si par hasard nous ne devrions pas nous poser la question , à partir de Heide, de savoir si nous ne nous illusionnions pas trop en croyant « penser » là où peut-être que nous ne faisons que rêver?
    Bien à vous
    R. Misslin

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  6. Réponse d’un « obscurantiste notoire ».
    M. Domeracki,
    passons sur le fait que vous m’insultiez sur votre blog, puisqu’aujourd’hui je souhaiterais savoir si votre naufrage intellectuel et moral est définitif, ou bien si on peut encore espérer en une certaine humanité chez vous. Vos messages précédents ne m’avaient guère impressionné d’un point de vue intellectuel, mais ne laissaient toutefois pas présager que vous tomberiez aussi bas.
    Vous dites aujourd’hui vous intéresser au nazisme de Heidegger, nazisme qui serait plus « élaboré », et par là à même de nous éclairer sur les totalitarismes du 20ème siècle et ce que vous traduisez par « l’im-position » de la technique.
    Je dirais pour ma part que les jérémiades de la révolution conservatrice et de Heidegger sur la technique et le nihilisme me paraissent d’une platitude totale, mais je vous laisse le soin de me prouver le contraire.
    Vous ajoutez par ailleurs que le nazisme de Heidegger n’allait pas dans la direction de la solution finale. Il s’agit là d’une forme de révisionnisme, purement et simplement : le nazisme va dans la direction de l’extermination, par essence et depuis le début-Adolf Hitler parle déjà de gazages dans « Mein Kampf », et qu’on ne vienne pas me dire que Heidegger ne l’a pas lu.
    Je ne crois pas à la subtilité du nazisme de Heidegger, car il n’y a pas de forme « raffinée » du nazisme, il n’y a que des « raffinements » visant à légitimer cette brutalité, et Heidegger en a suivi tous les stades de développement. Mais mademoiselle Froidecourt nous avait déjà habitué à tout entendre, en disant que Heidegger n’aurait jamais soutenu de mouvements antisémites durant la période du rectorat-ce à quoi Kurt Flasch a répondu « War vielleicht der Nazismus keine Antisemitische Bewegung ? ».
    J’aprends ici que mon « ami allemand » et moi même aurions jeté trop vite « Koinon » et « Zu Ernst Jünger » à la poubelle.
    Je dirai par ailleurs à l’ami allemand qu’il aurait tout aussi bien pu être tchétchène. Ce que je voulais simplement dire, sans préjuger de sa position sur les textes en question dont nous n’avons pas parlé (mais l’esprit d’à propos n’est pas toujours ponctuel, et vous obéissez en cela à la « logique » qui depuis le début consiste à répondre à des critiques qui n’ont pas été formulées, ou pas ainsi), c’est que l’ami en question avait certainement une approche de la langue allemande et une connaissance du nazisme réel que vous n’avez pas.
    J’apprends par ailleurs que vous étudiez « Koinon » et le « Zu Ernst Jünger », ce qui ne serait pas mon cas-j’ignorais par ailleurs que vous maîtrisiez l’allemand, et en lisant votre bibliographie j’en avais peut-être à tort déduit que ce n’était pas le cas.
    Comme votre sort ne m’est pas complètement indifférent je vous propose donc de m’exposer vos traductions et interprétations des textes en question, et je vous répondrai.
    En effet vous étiez un des derniers à s’acharner contre le livre de Faye sur internet dont eût pu espérer quelque chose. Entre Etienne Pinat qui diffuse une version de Sein und Zeit numérisée par un neo-nazi et falsifie la page wikipedia sur Heidegger (accompagné par « la Glaneuse », qui confond les positions de Hugo Ott et de Emmanuel Faye, mais ils ne sont pas à ça près…). Entre Pierre Teitgen pour qui le Blut und Boden n’est pas forcément nazi (si c’est la position de Vincent Carraud et de ses petits copains du jury de l’agrégation, M. Teitgen prétendant parler pour les « spécialistes », bonjour), et le dit « Zacharie Cohen » dont les diffamations à l’égard de Emmanuel Faye ont conduit les modérateurs du Monde à faire cesser le dernier blog d’Assouline autour de la question Heidegger, ceux avec qui vous hurliez faisaient si triste figure que vous en sortiez presque grandi.
    Je vous demande donc d’assumer en personne la position de chercheur que vous prétendez être la votre (les « études » que vous citez, l’avouerais-je, sentent assez peu la démocratie, et en plaçant la photo d’un soldat de la Wehrmacht au milieu de l’article de Servanne Jollivet vous saviez ce que vous faisiez), et d’analyser pour moi les textes « Koinon » et « Zu Ernst Jünger », puisque je les aurais écartés trop vite, imitant en cela E. Faye et l’historien en question, qui doit en avoir entendu d’autres.
    Cela avait été mon premier message pour vous : je vous souhaitais bon courage dans votre recherche au milieu de « l’éboulis ». Vous n’avez par la suite émis que des lazzis d’adolescent attardé, avant d’avouer votre fascination pour le nazisme et de collectionner des études révérencieuses envers le pire. Vous en venez maintenant à trouver dans un nazisme plus « élaboré » (et les guillemets sont de vous) la clé de l’interprétation du monde moderne.
    En viendrez vous comme votre maître, et peut-être par déférence (c’est l’interprétation la plus charitable), à dire vous aussi que le nazisme est allé « dans la bonne direction » ?
    Depuis le début on a du supporter d’entendre qu’il devait y avoir quelque chose de grand dans le nazisme pour attirer de tels « grands ». Est-ce là ce que vous avez entendu auprès de vos maîtres en heideggérisme-on y entend parfois le pire ? Est-ce là la position de Pierre Rodrigo que vous citez avec révérence ?
    Je ne souhaiterais pas par mes critiques virulentes vous avoir poussé à une telle radicalisation. Qu’il soit bien clair pour tous que je n’en suis pas responsable, mais que je suis également prêt à vous entendre.
    Veuillez recevoir, monsieur, l’expression de mon respect pour ce qu’il reste d’humanité et de cohérence intellectuelle en vous, et de mon inquiétude.
    PS. Sur votre site, sous le titre « Emmanuel Faye vs. les Heideggériens », vous écrivez deux contre-vérités. D’abord lors de la conférence de l’APPEP, si il y a bien été question de diffamation, ni Jean-Pierre ni Emmanuel Faye n’ont parlé de procès. Bernard Sichère a parlé d’exclure Emmanuel Faye de la communauté des philosophes, et de de diffamation (à l’égard de Heidegger, et de plusieurs personnalités heideggériennes, ce à quoi Emmanuel Faye a répondu en précisant, tout comme dans son ouvrage, qui pour lui avait sombré dans le révisionnisme, qui dans le négationnisme, et en répondant à propos des textes mêmes de Heidegger). Jean-Pierre Faye a par ailleurs parlé de diffamation suite aux propos de Bernard Sichère qui parlait d' »affaire de famille », ajoutant « Nous avons eu l’opération Jean-Pierre Faye, nous avons aujourd’hui l’opération Emmanuel Faye ». Mais tout cela est lisible sur le site de l’APPEP, dont Skildy a donné les références. Vous renvoyiez par ailleurs vous même à cette conférence, ou du moins le prétendez, car le lien que vous donnez n’y renvoie pas, mais au numéro de la « pensée libre » tenu par le négationniste Karnooh, et qui produisait un texte infâme contre le travail de E. Faye (cette « erreur » de votre part ne tenant je l’espère qu’au hasard et à l’inattention).
    Votre,
    Yvon Er.

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  7. Je me doutais bien évidemment que la radicalité de mon propos sur mn blog ferait des remous. Vous voilà en fin de compte bien réactif. J’ai délibérément exagéré le trait afin de secouer votre posture sclérosée d’anti-Heidegger telle qu’elle a pu trannsparaître sur le présent blog.
    Pour commencer je tiens à écarter vos suppositions douteuses sur ce que mon directeur de recherche Pierre Rodrigo pourrait avoir à dire sur le sujet. A vrai dire je n’en sais strictement rien. Il doit pour l’instant , comme la plupart des chercheurs francais , s’abstenir d’émettre un avis tranché sur ces textes de des années 30-40, et s’en tenir à un point de vue philosophique très académique , ne traitant pas de ce fait étonnant pour nous tous qu’un philosophe ait eu une tentation politique en faveur du naitonal-socialisme. Son compte-rendu du formidable travail de Didier Franck , sur texte de 1945 « La parole d’Anaximandre » ,n’avait donc rien à voir avec cette grande mascarade française qu’est l' »affaire Faye ».
    Deuxièmement , j’avoue n’avoir pas vérifié le lien pour l’appep , je pensais sincèrement renvoyer au compte-rendu, que je n’ai pas relu en intégralité. étant présent ce jour-là en salle Cavaillès , je voulais juste rendre compte du comique de cette situation , où tout le monde se doutait bien que « pros » et « antis » allaient s’entredéchirer. Tous les protagonistes m’ont parus fort ridicules , et je dois dire que moi-même je me suis bien gaussé ce jour-là. Excusez-moi d’être un « adolescent attardé »,mais c’est tout ce que m’inspirent les uns et les autres! Mon blog n’entend nullement mettre en veilleuse cette dimension comique de « Heidegger en France ». D’ailleurs , et même si je dois bien confesser que mon allemand est déplorable , et que mon âge (23) ne me permet pas d’avoir lu beaucoup de commentaires allemands de son oeuvre , je dois quand même souligner que j’ai passé les trois dernières années à lire une masse importante de commentaires et de textes français et traduits , et que j’ai le mérite de m’attarder dans les recoins les plus vaseux de la Gesamtausgabe.
    Cela ne préjuge évidemment en rien de ma compréhension de ceux-ci : mais je fais de mon mieux. En AUCUN CAS je ne peux me laisser tenter par le choix de Faye de faire une réunion des pires textes , et en lancant des interprétations douteuses de certains textes « sains » (car il ya bien cela ne fait aucun doute ,d es textes nazis et malsains de Heidegger , personne ne le nie). Quand je parle de « fascination » pour le nazisme , je tend le bâton pour me faire battre : car il ne s’agit aucunement d’un désir morbide et nostalgique de revivre ces insanités. Je suis
    animé par le même dégoût que vous. A cet égard la photo douteuse qui accompagnait le texte de Jollivet ne pouvait que semer le trouble , alors que ce n’était tout au plus qu’un blague de mauvais goût , le commentaire qu’elle accompagnait démontrant bien ce que le penseur abordait sous l’égide du « polémos ».
    Je dois bien le confésser, ma référence pour comprendre Heidegger n’est en aucun cas un travail « journalistique » comme celui de Faye ou avant lui Farias. Et vous ne pouvez guère ue m’en blâmer , puisque votre choix est déjà fait. Vos amis Allemands qui ont une connaissance profonde de leur langue et de la pensée heideggerienne vous stimulent encore plus dans ce sens. L' »affaire »est rêglée. De même , puisque les remous politiques du début des années 30 ne peuvent être ramener qu’à la Shoah , en parler dans une autre perspective nous ramène inéxorablement à être entrevus comme des « négationnistes »…
    Ce qui est troublant, c’est que désormais toute étude qui ne thématisera pas le nazisme de Heidegger sera vue comme douteuse ou/et naïve.C’est en cela que le travail de Faye me dégoute. Sont ainsi discrédités tous les travaux des universitaires qui auraient le courage de se pencher sur cette période trouble, et sur les réèlles motivations heideggeriennes. C’est uniquement là qu’un nazisme plus « élaboré » (oh scandale!) pourrait être entrevu ,s’il n’était pas liquidé par un obscurantisme : celui de ne pas se pencher sur le détail des écrits heideggeriens. Je ne doute pas que vous l’ayez fait , mais les travaux de Faye et l’habitude de surligner des détails de texte certes douteux vous ont menés apparemment sur cette voie. Oh, bien sûr , elle vous évite absolument de vous faire traiter d’adolescent attardé fasciné par le nazisme. mais elle vous évite aussi de débattre sur le sujet , puisque vous arrivez avec votre réponse tranchée et moralisatrice. Je ne suis pas certain que la philosophie se propose ce type d’attitude…
    Je termine en réaffirmant ma croyance aux potentialités de la pensée heideggerienne, certes pour cautionner le pire , mais aussi pour pensee ce pire. Or je ne veux pas cautionner le nazisme mais comprendre la modernité dans laquelle elle a pu surgir. Heidegger , ainsi que Jünger ou Nietzsche par exemple , est de ceux , malheureusement anti-démocrates , qui le permettent.

    En éspérant que mon ton n’aura pas fait ue vous agacer, je souhaite vous voir faire des comminications sur heidegger.over-blog, y compris si elles critiquent vivement les articles publiés , qui tentent en vain de faire comprendre que Heidegger n’a pas été qu’un salaud , mais aussi un grand penseur : une possibilité que j’arrive pour ma part à me représenter.

    S.D.

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  8. Monsieur Domeracki,
    le ton de votre dernier commentaire ne m’irrite pas, il aurait plutôt tendance à me libérer d’un poids, celui d’un souçon.
    Si j’ai été aussi virulent, c’est que votre position me paraît absolument intenable : depuis 3 mois vous répétez le même argument qui consiste à dire que le travail de Emmanuel Faye est rejeté par les heideggériens français. Cet argument est doublement, voire triplement inacceptable.
    D’abord parce que c’est un argument d’autorité. Ensuite, parce que cette autorité n’a de surcroît aucune valeur « universelle », comme toute autorité d’ailleurs, mais ici d’autant plus qu’il suffit de franchir les frontières de l’hexagone pour se rendre compte des limites de cette autorité là. Enfin troisièmement parce que cette autorité est responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons : depuis des années les heideggériens français reçoivent les derniers exemplaires de la Gesamtausgabe sans rien dire. Tout le mérite de Emmanuel Faye, quoique vous pensiez de ses conclusions, aura été de poser la question du statut à donner à ces textes. La réponse de l’institution universitaire française consiste à faire le gros dos en faisant dire la messe et en attendant que cela passe. Honte à eux !!!
    Si le travail de E.Faye est si facile à démolir, cela devrait être fait, hors je ne vois rien venir qu’un silence vaseux, sinon pire, de la part de nos pontes. Dès lors, oui, on a le droit de soupçonner ces messieurs de complaisance, et la plus grande virulence est de mise jusqu’à ce que le mur soit perçé. Je comprends ici fort bien le fait que E.Faye ait choisi une position radicale et de faire le maximum de bruit. Cette stratégie se justifie parfaitement quand on voit à quelles tentatives d’étouffement elle fait face. Là où E.Faye a gagné, c’est que son livre connaît une réception mondiale et que si le monde académique français parvient en partie et en partie seulement à étouffer l’affaire, il aura des relais à l’étranger. Tout ce que je peux vous dire à ce sujet c’est que le comportement des membres de l’institution française consterne un nombre certain de leurs collègues à l’étranger, et que cela aura vraisemblablement des traductions très concrètes-mais restons dans notre trou, puisque si on en croit votre site les français savent mieux ce qu’est l’Allemagne spirituelle que les allemands. Le livre de Faye connaît aussi une réception aux Etats-Unis. Savons nous aussi mieux ce qu’est New Yorck que les New Yorckais ?
    Là où votre discours m’est absolument insupportable également, c’est que vous avez choisi en insultant E.Faye de hurler avec les loups. « Journaliste », pourquoi pas ? Suite à cette « affaire Faye » (c’est donc Emmanuel Faye celui à qui il faut faire son affaire…), j’aurais plutôt tendance à utiliser « académique » comme insulte suprême.
    M. Faye est en bute depuis le début à une campagne de diffamation d’une virulence rarissime pour un travail de recherche, et est pris à partie dans une revue tenue par un négationniste à laquelle vous renvoyez (j’espère que vous avez ou allez cesser ce renvoi). Avez-vous la moindre notion de ce que cela signifie ? Mes soupçons vous ont choqué. Souhaitez vous alors que je me répande dans tous les lieux possibles en vous qualifiant de « diffamateur », « escroc », voire pire, « journaliste » (sic. …) ou « historien » ? Que je vous qualifie d’antisémite parce que vous avez fait des recherches sur le nazisme ? Que je vous attribue des propos que vous n’avez jamais eu ? Que je vous décrive comme un excité, alors que je ne vous ai jamais rencontré (et entre nous, je n’ai pas vu ni eu connaissance d’une conférence où Emmanuel Faye ait haussé le ton…) ? et surtout, imaginez vous ce que c’est que d’être renvoyé dos à dos avec des révisionnistes, parce que vous vous opposez à eux et que donc vous êtes aussi un extrémiste ??
    Je ne peux supporter d’entendre renvoyer dos à dos MM. Faye et Fédier : vous pouvez penser ce que vous voulez des positions de Emmanuel Faye, mais il n’a pas recueilli quant à lui l’héritage de Jean Beaufret sans prendre ses distances vis à vis de son soutien à Faurisson, ni n’a soutenu Ernst Nolte.
    J’ai par ailleurs bien lu votre blog, et exprimé ce que je pensais des analyses du « nihilisme » et de la technique telles qu’exposées dans les articles que vous donnez à lire. Quant à l’article de S.Jollivet, qui reprend le pire de Heidegger hormis l’antisémitisme, il est en plein dans le type de problèmes soulevé par le livre de monsieur Faye. Je ne viendrai cependant pas critiquer ces articles sur votre blog tant qu’il contiendra les inexactitudes que j’ai pointé, et ces photos qui jouent par trop à mon goût avec l’héritage nazi-quoique je ne vous crois pas neo-nazi, je vous crois simplement inconséquent et dénué de tact, mais ce n’est pas totalement incurable…
    Je vous donne ici quelques points qui me paraissent importants et nécessaires. Si ils venaient à être respectés je suis tout prêt à engager le débat avec vous sur le terrain qui vous semblera bon.
    1/ le problème du statut des textes les plus nazis de Heidegger et de la postérité négationniste de Heide est d’importance. Ceci ne vous empêche pas bien sûr d’être en désaccord complet avec Emmanuel Faye, mais vous pouvez le faire sans attaque personnelle. Du genre, « Le problème pointé est d’importance, mais je suis en désaccord total avec les conclusions et les solutions apportées »… voyez ? cela se fait chez les gens civilisés.
    2/ EF, quoique vous pensiez donc du bonhomme, ne saurait être renvoyé dos à dos avec les révisionnistes et négationnistes.
    3/ l’argument d’autorité, en particulier si il fait référence à nos chères actuelles autorités, doit être banni, et en particulier face au problème nouveau posé par les derniers exemplaires de la GA. L’attitude de Didier Franck que vous admirez tant, et qui refuse de comparer les différentes versions du Nietzsche de Heidegger alors qu’il est censé être un spécialiste de ces deux auteurs, est à cet égard un excellent anti-modèle.
    Je ne saurais que trop vous conseiller d’abandonner toute référence à vos maîtres pour développer une réflexion personnelle, appuyée philologiquement et logiquement, et citant également avec précision le livre de Emmanuel Faye si vous souhaitez contester un ou plusieurs points de son analyse.
    Quand vous aurez ainsi articulé votre propre discours, nous verrons.
    Avec mes salutations,
    Yvon Er.

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  9. Pour ce qui est de l’argument d’autorité : ilest mis en avant parce qu tout ces chercheurs , aux pensées protéiformes , semblent tacitement d’accord pour refuser la méthode même de travail de l’ouvrage de Faye. Je reconnais pour ma part son mérite de mettre enfin essentiellement en avant des textes peu connus , ou plutôt peu manifestés par les chercheurs en question…
    Mais le problème reste le même : faire la collection , sur des milliers de page de pensée , des quelques passages de collusion avec le nazisme ne jette pas un discrédit sur l’oeuvre entière. Si le nazisme est effectivement « introduit » , il ne colore pas l’intégralité de l’oeuvre , mais seulement certains passages, parfois longs certes. Le soupçon consistant à voir dans l’oeuvre « ontologico-historiale »,un travail « idéologique » de plus tombe à l’eau car il existe bien trop de textes n’ayant pas ou si peu à voir avec le national-socialisme. Je suis constérné de voir l’acharnement à mattre en avant les textes douteux. Ne pas oublier , c’est bien , mais les penser comme pôle d’accessions à ce que « voudrait vraiment penser et cacher Heidegger » , je trouve cela , au bout du compte , quelque peu naïf. Et puis , cette manière d’aborder l’université française d’un seul bloc , comme cela , sous le prétexte fallacieux que le nazisme Heidegger n’obnubile pas suffisamment à leur goût , m’énerve au point de vouloir traiter cette affaire avec ironie et humour douteux…Peut-être les universitaires incriminés se doutaient que bientôt un nouveau Farias ferait un petite compliation des erreurs heideggeriennes (du reste Dionys Mascolo avait déjà proposé des « éléments pour un sottisier Heideggerien »…)
    Faye fait l’impasse sur 95% de Sein und zeit : et procède de la même manière dans les cours :il repère les quelques intermèdes que se proposait le professeur de Fribourg pour effectuer un renvoi à l' »actualité brûlante » et à la politique , dans lesquels Heidegger tentait d’articuler sa propre pensée à ses penchants politiques. Considèrer que ce sont ces derniers qui rêgnent sur la pensée entière relève d’une habitude de soupçonner qui a ses qualités et aussi ses limites. Je n’ai jamais caché à mes amis que la première lecture de l’ouvrage m’avait impréssionnée : une telle compilation d’infâmie , de la part du plus grand penseur de notre temps avait de quoi déboussoler. Mais le problème est que plus je lis Heidegger lui-même , plus je me dis que la figure du penseur qui « truque » en quelque sorte sa propre pensée afin d’y glisser une idéologie nauséabonnde n’est qu’un fantasme rétrospectif. Par exemple lorsque Faye tente de nous faire croire qu’il essaie de repenser à neuf la « race » mais dans le même but que les nazis , je m’interroge…Certes Heidegger voulait à coup sûr être le « Führer du Führer » ,mais pourquoi diable serait-ce avec pour visée la Shoah ,lui qui n’avait guère que des élèves juifs (pour ne pas parler d’Hannah Arendt…)
    Cette thèse fait passer un grand penseur pour un vulgaire psychopathe , et tranche bien trop à mon goût la nuance du propos. D’ailleurs jene sui spas certain que les textes de la « Révolution conservatrice » soient aussi simplistes que vous le dites. Là encore , je ne douterais pas que ce soit nos considérations humanistes qui rétrospectivement, nous font expédier ce type de propos que l’histoire a certes discréditée.
    Mais en 1932-33 ,Heidegger , même s’il avait lu Mein Kampf , ce qui n’est pour l’instant qu’une supposition, aurait très bien pu penser qu’il s’agissait d’une programmatique de fantoche qu’il convenait de reprendre en charge , afin que le nazisme ne devienne pas seulement le vulgaire nihilisme destructeur qu’il est malheureusement devenu.
    Je ne sui spas certain que ce que fait Faye , d’affirmer que tous les termes dépréciatifs de l’époque « nihilisme » « déclin » « asiatique » étaient compris par Heidegger comme « houlàlà saleté de juifs détruisons les ». Je crois même que Heidegger était lui-même naïf en tentant de penser ces termes selon des considèrations ontologico-historiales lors même que ses contemporains s’en servaient pour stigmatiser une population.
    Dans tous les cas je ne crois pas qu’on gagne beaucoup plus à penser Heidegger comme un Psychopathe sanguinaire que comme un philosophe se fourvoyant complètement en politique. A part bien entendu si notre but est de l’évacuer du domaine philosophique pour ne l’aborder plus qu’idéologiquement…Or , que les américains , les allemands ou les tchetchenes soient tous séduits par l’ouvrage de Faye n’est guère plus un argument probant que celui d’autorité citant Janicaud,Greisch,Derrida ou lacoue-Labarthe.

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  10. Bonjour Monsieur Domeracki,

    Bien que vous répondiez à M. Er dans le précédent message, permettez-moi de vous dire que le ton que vous utilisez tranche singulièrement par rapport à celui que vous avez l’habitude d’utiliser et je vous en félicite. Voir que l’admiration que vous portez à la pensée de Heide ne vous empêche pas d’argumenter est pour moi très réjouissant.
    Je m’étonne un peu que SuZ vous paraît une oeuvre si originale, alors qu’elle m’apparaît comme un remake, écrit dans une langue que je trouve épouvantable, de thèmes théologiques judéo-chrétiens très classiques: chute de l’Homme dans le péché, d’où comme châtiment perte de l’immortalité, chute dans la temporalité, la finitude, l’abandon, l’angoisse, l’ennui, la déréliction (cf Augustin, Pascal, Kirgegaard entre autres références). C’est ce qui m’a amené un jour à écrire à M. Er que Heide avait une philosophie négative comme on parle de théologie négative (il admirait du reste beaucoup Eckart, comme par hasard). Avec une philosophie de la vie aussi sombre et un habitus socio-politique (pour parler comme Bourdieu)aussi marqué(nationalisme revanchard, haine de la France, germanocentrisme, goût de la force, de l’autorité, du chef), son allégance au régime fasciste de Hitler était pour ainsi dire prévisible, comme l’a si bien écrit un jour G. Anders qui avait pratiqué le bonhomme!
    Bien cordialement
    R. Misslin

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  11. Ce que vous dites de l’écritude d’Etre et temps n’est pas faux. Mais la différence ontologique est quand même une pure nouveauté. Tout comme l’ontologie temporale. C’est l’analytique existentiale qui s’inspire de concepts théologiques , pas les racines temporales et historiales du Hauptwerk. Enfin , il me semble…
    Mon ton change selon mon envie d’être sérieux ou de déconner. Il serait dommage de perdre pour si peu notre « belle-humeur ».
    SD

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  12. Cher monsieur Domeracki,
    je tiens d’abord à vous féliciter pour ces messages, parmi les premiers un peu construits depuis des mois. J’ai bien vu par ailleurs que vous avez corrigé le lien et enlevé à ce qu’il me semble au moins une de vos photos peu bienvenues.
    Par ailleurs si je ne comprends pas en quoi l’attaque de N.Plagne constitue une « recension », et si je regrette que vous renvoyiez toujours au torchon infâme de Lehugneur, j’apprécie néanmoins le fait que vous ayiez également mis une réponse de Emmanuel Faye à des critiques qui lui ont souvent été faites. Si je dois dire que votre « humour » ne m’a jamais fait rire, la vue de votre site ce matin m’a au moins arraché un sourire.
    Le révisionnisme par ailleurs ne m’a non plus jamais fait rire, et je ne serais pas là à vous répondre si je n’avais au contraire de vous le sentiment qu’il y a un certain nombre d’académiques à être « obsédés par le nazisme » pour reprendre vos mots. Il y a un certain temps déjà que je roule ma bosse dans l’institution, et j’ai eu avant vous ces gens que vous admirez comme professeurs (ils étaient un peu plus jeunes…), et le moins que l’on puisse dire c’est que mon enchantement n’a pas duré, s’il a jamais eu lieu. C’est à force d’entendre des propos et des comportements limites de la part de professeurs, de collègues, etc., que mon malaise a fini par naître. A cet égard la collusion tacite (du moins à l’écrit, puisque j’ai été le témoin de collusions orales on ne peu plus claires) des universitaires heideggériens ou d’une bonne partie d’entre eux avec la bande de « Parolesdesjours » a été pour moi une terrible confirmation de mes soupçons. Vous avez dû lire cette année cette phrase de Spinoza qui parle de ceux qui veulent se faire passer pour des sages alors qu’ils écument de colère. C’est bien à cela que me font penser la pseudo-distance prise par les heideggériens du circuit académique : les quelques conversations que j’ai pu avoir ne m’ont pas laissé voir des hommes contemplant avec distance et componction les événements, mais des petits capitalistes du savoir (« touche pas à mon capital symbolique » !!) verts de rage. Par contre il n’a jamais été question pour moi (ni d’ailleurs pour M.Faye) de prendre l’université française « en bloc ». Je peux d’autant moins le faire que j’y ai encore quelque très bon amis. Il s’agissait par contre de pointer les disfonctionnements d’une structure, qui n’est jamais tenues que par quelques personnes autour desquelles un groupe fait bloc(age), justement.

    Pour ce qui est du contenu de votre message, il ne dit pas forcément des choses très nouvelles, mais contient bien une argumentation. Le problème est qu’elle minimise l’ampleur de ce à quoi nous faisons face : il n’y a pas « quelques textes » clairement nazis de Heidegger, et vous le savez aussi bien que moi. De plus ces textes arrivent à des points clés des développements heideggériens, et ne sont pas des « exemples », des « applications » ou des « excursus ». Quand un philosophe dit que l’opposition être/étant qu’il a mis au coeur de sa philosophie recouvre la distinction peuple/état, on n’est plus dans la digression…
    Souvenez vous du témoignage de Karl Löwith au sujet de sa rencontre avec Heidegger à Rome en 36, où celui-ci lui a dit que son engagement était une conséquence de sa compréhension du « souci ». Qui peut dire après cela qu’il n’y a aucun lien entre pensée et action ? Je ne pense pas par ailleurs que l’on puisse dire Heidegger « nazi » en 1927, nous disposons de trop peu d’éléments pour pouvoir l’affirmer, mais je pense par contre qu’il y a plus d’un passage problématique dès la deuxième moitié des années 20. A quoi conduit cette grande transformation de l’homme à laquelle la philosophie ne peut que nous préparer, et dont il est question dans le cours de 29 mis cette année à l’écrit de l’agrégation ? Tout l’art heideggérien consiste à euphémiser l’appel, mais il y a déjà des « tonalités » bien étranges avant 33, et E.Faye n’est certainement pas le premier à l’avoir dit.
    Mais laissons là le témoignage de Löwith : le problème est bien que c’est Heidegger « himself » qui a choisi de nous envoyer post mortem, en guise de commentaire ultime, ces textes dont parle Emmanuel Faye. Le dernier mot de Martin Heidegger, c’est celui-ci, et il savait ce qu’il faisait puisqu’il a auparavant retouché les textes qu’il a choisi de publier après-guerre et de son vivant. Est-ce à dire qu’il espérait en une évolution politique plus favorable à la réception de ses écrits nazis que dans les années 50 et 60 ? Toujours est-il que le dernier mot heideggérien est un nazisme assumé, accompagné néanmoins d’un refus d’en payer les conséquences de son vivant. On ne saurait donc parler d’une « erreur » ou d’un fourvoiement en politique. Une erreur se corrige. Une compromission totale dans le nazisme, par contre, c’est infiniment plus rare que quelqu’un en sorte, et je dirais qu’à partir d’un certain degré cela n’est plus possible.
    Là où votre discours me pose problème, c’est quand vous avancez des choses comme « Heidegger n’avait que des élèves juifs ». Et entre 33 et 45, où sont-ils ?? Pour 33, nous avons le témoignage d’Arendt et celui de Husserl, pour les années 20 celui de Anders (du moins pour madame Heide) et celui de Löwith, qui se décrit lui même comme un des « bons juifs » de Heidegger.
    Dès le départ le nazisme s’avoue d’un antisémistime total, et en devenant recteur d’une université dont tous les professeurs juifs avaient été bannis, université qui de surcroît était un « laboratoire » (Ott) du nazisme académique, comment Heidi aurait-il pu ignorer la couleur du programme ? Il est absolument insoutenable d’avancer qu’il y aurait somme toute une « bonne » compréhension du terme « asiatique » avec Heidegger, une compréhension plus respectable parce que plus « pensée ». Il y a des actes de discours d’où toute ambivalence est exclue. Vous pouvez toujours faire le test, et vous balader en hurlant « mort aux juifs » dans les rues de Dijon (puisque la « lutte contre l’asiatique » ne veut rien dire d’autre), mais vous aurez bien du mal à expliquer par la suite que vous vouliez signifier quelque chose de beaucoup plus fin et déterminé métaphysiquement.
    Je partage enfin assez peu votre admiration pour Etre et temps, mais là la discussion serait plus intéressante que votre défense impossible du pire. L’inachèvement de SuZ, qui ne comporte que les deux premières sections de la première partie, est pour moi un aveu d’échec. La conférence d’après-guerre qui porte le nom de « Temps et Etre » avance pourtant bien que la tentative de reconduire la spatialité à une temporalité plus originaire a échoué. Quant à la fameuse « différence » ontologique, avec ou sans petit a, je n’en vois pas la grandeur, sinon celle de l’indétermination.
    Cela n’est sans doute pas le plus grave, du moins en apparence. Mais il ne faudrait pas que cette indétermination serve de cache-misère intellectuelle et morale, ce qui en ferait alors un des pieux du « piège » dont a traité Jean-Pierre Faye.
    Avec mes salutations,
    Yvon Er.

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  13. Je suis bien d’accord pour dire que l’inachèvement de Sein und zeit pose un problème à l’économie générale de l’oeuvre heideggerienne , du moins sitôt qu’on postule qu’Etre et temps en est le point nodal. Pour moi il n’en n’est que l’un des tenants. Du reste une grande partie de ce qui y est tenté est abandonné par la suite (l’analytique existentiale , en grande partie , les thématiques du Gewissen , de l’angoisse et de l’être-pour-la mort sont largement moins présents par la suite).
    Mais surtout , l’ontologie temporale telle qu’elle est dévelloppée dans le tome XXIV n’est pas très convaincante , pas plus que la tentative de son rapprochement à l’intuition kantienne dans le Kantbuch. Mais Heidegger lui-même abien été obligé de voir les limites de son approche et a pris une nouvelle direction , « onto-historiale » ,pas tellement plus convaincante de prime abord. Ses linéaments sont décrits dans les opuscules De l’essence dela vérité et La doctrine de platon , en 1930.
    Comment peut-on soutenir qu’à ce moment charnière de son oeuvre , Heidegger pourrait avoir en vue la Shoah ,que l’étude de la météhysique se ferait en vue de quelconques pogroms à venir? La plupart des textes me paraissent bien loin du type de considérations politiques qui ont pu être menées indûment en 1933-34; Indûment parce que si l’on prends Etre et temps à la lettre (j’essaierai de retrouver les textes précis) , rien ne laissait présager d’une telle imbécilité à venir!
    De même les écrits de 1935 à la fin de la guerre témoigne au moins autant d’un « nationalisme »- rétrospectivement lu comme étant infect- que d’une critique des outrances du régime hitlérien. Du reste jamais Heidegger ne fait la promotion de ce que la régime a eu de pire –ET QU’EST CE QU’IL L’EN AURAIT EMPECHé? Je ne vois pas pourquoi ce penseur , puisque vous le voyez si antisémite , se serait privé de faire une apologie de la Shoah lors de ses cours et dans ses traités.
    Je persiste à penser que prendre certaines parties de texte sur trois cent ou qautre cent pages d’un traité , pour montrer que l’intégralité de l’oeuvre est corrompue est une tâche absurde et de mauvais aloi. Faye ne peut pas montrer cette « intégralité » car la plupart des textes résistent à ses accusations. Un petit défi: trouvez-moi sur les 2000 pages de cours d’entre 1925 et 1929 ne serait-ce que cinquante pages douteuses. Mais douteuses pour elle-même , pas « en rapport » avec ce qui a été fait après. Parce que , par exemple , ce qu’ a soi disant entendu Löwith , c’est bien beau , mais invérifiable. Alors que les textes eux , nous les avons tous sous les yeux : et ils sont longs , touffus , intelligents. Je continuerai d’ailleurs de mettre des extraits , sans aucun commentaire , avec la même mauvaise foi que Faye : en prenant les txtes cette fois-ci les plus critique envers le régime et le mal en général ;et aussi des textes qui mettent en valeur le travail de sa pensée, ce , même si il ne vous impressionne guère…
    Je trouv eau bout du compte dommage que l’on parle tant de son nazisme dans la mesure où nous tous , même ceux que vous soupconnez certes d' »inconséquence » , sommes d’accord pour dire que nous n’avons pas grand chose de nazi (je doute qu’Arnaud Montebourg que je soutiens le soit! 🙂 Tâchons donc plutôt de mettre en valeur ce qui est satisfaisant dans le questionnement heideggerien : à ne parler que de cette période trouble nous allons finir par tendre des perches à ceux qui effectivement pourraient être tentés par le nazisme. Et je pense qu’il faut un esprit faible pour ne voir que le nazisme en Heidegger. Ou en tout cas il faut une certaine dose de mauvaise volonté et d’obnubilation. Ces scories infâmes que personne ne conteste à part quelques illuminés de Parole des jours ne représentent guère qu’1% de l’ensemble du corpus; c’est à la fois trop et trop peu.
    Je vais vous dire : moi les textes qui m’ont passionnés sont le Nietzsche , le Schelling, Koinon ,les Grundprobleme der Phänomenologie et la Parole d’Anaximandre. Je ne compte en aucun cas cesser de lire le premier parce que Gallimard l’a tronqué de quelques phrases disgracieuses ou carrément honteuses , le second parce qu’Heidegger préfèrait le fascisme Mussolinien et Hitlerien aux aggravations de la métaphysique que seraient les démocraties et le socialisme (en tant que demi-mesures). Je ne cesserai pas de lire le fantastique cours de 1927 même si il se termine en queue de poisson et que le mot « race » y est prononcé deux fois au tout début à titre indicatif. Je relirai Koinon parce que je sens qu’Heidegger essaie vraiment de comprendre le communisme en tant que connfiguration spécifique et historialement déterminée du monde. Enfin je verrai encore longtemps en la lecture de la parole initiale d’Anaximandre l’envoi déstinal de l’insurrection de l’homme et de l’oubli de l’être.Non que j’y « croit » , mais que l’herméneutique qui se déploît dans tous ces textes est extra-ordinaire , et puise dans des ressources ontologiques indéniables. Bien souvent Heidegger est conséquent. Mais quand il est inconséquent , c’est flagrant et impardonnable. Peut être est ce celui qui a flirté le plus avec le Mal et ses suppôts , qui peut nous en dire les vérités les plus intîmes…Cette hypothèse de lecture n’est pas plus inadmissible que celle qui cherche à diaboliser un penseur en rabottant le moindre de ses grands textes au niveau de ses quelques déchets. Enfin il me semble…que le seul Heidegger intéréssant est celui qu’on lave de tout soupçon, ne serait-ce que le temps d’une étude détaillée n’ayant que peu à voir avec le nazisme. L’autre est méprisable. Non pas à nier ,mais à minimiser…Sinon, on ne fais plus de philosophie, mais de l’histoire–idéologiquement déterminée.

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  14. Bonsoir Monsieur Domeracki,

    Permettez-moi de me mêler à votre échange avec M. Er, car votre dialogue m’intéresse. Vous êtes décidément quelqu’un de paradoxal, pour moi, en ce sens que vous vous dites démocrate et que vous affirmez en même temps ne pas cesser de lire Heidegger qui « préférait le fascisme Mussolinien et Hitlérien aux aggravations de la métaphysique que seraient les démocraties et le socialisme en tant que demi-mesures ». Bravo! Comme j’ai appris que vous êtes un jeune homme qui, de sucroît, passe sa jeunesse dans une démocratie et qui ne voit le fascisme qu’à travers des textes philosophiques, je mets votre indulgence pour des régimes de terreur sur le compte d’une singulière inexpérience. Décidément, la pratique de la philosophie ne vous rend pas plus perspicace qu’elle a rendu Heide, en tous les cas pas cette sorte de philosophie-là que vous aimez et honorez. Le fait d’avoir dû subir pendant quatre ans un instituteur allemand nazi durant la guerre, qui nous terrorisait en nous menaçant de mort si l’on parlait le français, m’a permis d’acquérir une philosophie de la vie moins livresque que la vôtre, mais nettement plus lucide, et qui m’a donné les moyens de résister tout au long de ma vie aux sortilèges des funestes rêveurs qui aiment se mentir. Car Heidegger était un rêveur qui se gonflait de vanité en survolant de son orgueil creux la vie, les hommes, les événements. N’avez-vous pas lu certaines lettres que Jaspers lui a adressées après la guerre dans lesquelles il ne se prive pas de relever avec écoeurement et conternation les balivernes grandiloquentes de Heide. Par exemple, celle-ci (avril 1953): « Nous devons nommer les choses et ne pas rester dans l’approximation. » Jaspers condamne les « rêveries » qui ont trompé un demi-siècle et qui ont préparé le lit du totalitarisme. Il lui écrit encore: « Etes-vous sur le point de jouer au prophète qui montre le supra-sensible à partir d’une connaissance occulte, au philosophe qui, se fourvoyant loin de la réalité, fait échouer le possible en lui préférant des fictions. » Toute sa vie, Heidegger a adopté cette invraisemblable posture angélique qui lui a permis de s’innocenter à ses yeux à bon compte. Et vous appelez cela, sans broncher, faire de la philosophie, comme si pour vous la philosophie consistait à se camoufler de la vie en la saupoudrant de mots creux, grandiloquents, généraux et vagues. Mais pourquoi ne lisez-vous pas Nietzsche? Non pas à travers ce qu’en dit Heide qui lisait tout de travers, mais dans le texte: il vous guérirait de ce vain songe-creux triste, ennuyeux et malsain comme la musique de Wagner.
    Cordialement
    R. Misslin

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  15. Monsieur Domeracki,
    je tiens d’abord à vous signaler un lapsus : c’est bien M. Misslin qui vous a opposé Nietzsche à Heidegger, non moi. Je ne vois donc pas pourquoi vous commencez votre réponse à ce dernier, que vous avez jugé bon de faire sur votre blog et non ici (afin de mieux pouvoir déployer votre virulence ?)par un « mais vous avez raison monsieur Er ! ». Je connais en effet bien ces passages où Nietzsche exalte la violence, et je ne pense pas que le bonhomme soit en effet une « solution » à cet égard, même si je suis par ailleurs convaincu que son oeuvre est d’une autre tenue que celle de Heidegger, quand bien même elle a laissé des prises au relectures fachistes.
    Continuez donc à lire Nietzsche si vous y trouvez votre miel, mais je ne pense pas pour ma part qu’avec lui ont a une potion anti-Heide ; ni non plus une caution…
    La façon dont vous en prenez à monsieur Misslin, en présentant comme une grâce le fait que vous ne vous laissiez pas (complètement) aller est indigne, et moi qui avais certains espoirs à votre sujet je recommence à désespérer de vous et à voir un caractère là où je croyais à un état de crise. Que savez vous de la vie de M.Misslin pour vous poser ainsi en face de lui en grand vivant et en courageux sûr de lui ? Il vous a parlé de son expérience du fachisme réel, vous auriez pu l’écouter.
    Je suis consterné de manière générale par la façon dont on oppose la force des régimes fachistes à la « faiblesse » des régimes démocratiques : ainsi de Weimar, dont on a pu aller jusqu’à dire que c’était sa démocratie qui avait accouché du nazisme. De même ceux qui voient dans les doctrines fachistes la clé du monde moderne sont des courageux penseurs, ceux qui s’en méfient de craintifs indécis.
    Cette posture, produit d’une fascination pour la violence sans frein, oublie cependant un peu vite qui a gagné la seconde guerre mondiale. Les idolâtres des platitudes de la révolution conservatrice et de sa postérité rencontreront sans doute aussi un jour leur Churchill.
    Pour ce qui est du contenu de votre dernier message, c’est peu dire qu’il est problématique. Vous affirmez que jamais Heidegger n’a fait la promotion de ce que le régime a eu de pire, et ajoutez en gras « ET QU’EST-CE QUI L’EN AURAIT EMPÊCHé ? ». Réponse : rien, et il ne s’en est pas privé. Ainsi dans le cours de 33/34 il exhorte ses étudiants à identifier l’ennemi greffé sur les racines du peuple en vue de son « anéantissement total ». Qui est ainsi désigné ? Les opposants bien sûr, mais pas de manière indéterminée. Cette « greffe » sur les « racines » du peuple, greffe qui est donc à la fois intime et étrangère, comme toute greffe, et qu’il s’agit d’éliminer puisqu’elle utilise le sang du greffé, comme tout greffon, oserez-vous me soutenir que ce n’est pas les juifs ? Comment dire après cela que Heidegger n’a pas voulu la Shoah ? Parce qu’il n’a pas participé directement à son organisation en se « contentant » de la bénir ? Parce qu’il s’identifie à tous les beaufs allemands qui ont hurlé à la mort pendant que leur pays se couvrait de KZs, et ont fait les surpris après-guerre quand de force on les a conduit dans les camps dont ils étaient voisins ? Mais il est vrai, vous l’avez dit, que Martin Heidegger n’était pas qu’un gros beauf dans son rapport au nazisme : il entendait bien le fonder en durée… Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a donc pas refusé la Shoah, et vous savez aussi bien que moi que le consentement est en soi un crime-et il y a ici plus que consentement à l’hitlérisme, mais exaltation. Direz vous qu’en participant à l’académie pour le droit allemand il ne continuait pas, après le rectorat, à promouvoir la persécution des juifs ? Ensuite, qu’il est donc innocent de ce qui vient dans les années 40, parce qu’il n’avait pas de poste à la droite de Eichmann ? J’espère que vous n’irez pas aussi loin.
    Vous continuez par ailleurs à minimiser le nazisme de Heidegger. Tout le problème, et le véritable danger est là, est que le bonhomme a eu l’art de diluer son nazisme, sans le rendre moins virulent, et on le rencontre à des endroits inattendus (pour certains) chez lui. Ainsi je serais d’accord pour dire que ses développements sur la technique d’après-guerre sont une des plus vastes entreprise d’escroquerie révisionniste (par dilution des causes). De même dans ses commentaires d’oeuvres d’art : direz-vous que sa définition de Hölderlin comme poète des allemands soit vide d’enjeux idéologiques ? Elle est pourtant centrale dans sa lecture. Je ne comprends absolument pas comment vous pouvez affirmer que nous jugeons son nationalisme « après coup ». Le nationalisme ne date pas d’hier, mais ses opposants non plus, et il y avait déjà un certain nombre de critiques virulents du nationalisme allemand en Allemagne même, celui-ci n’était donc pas un paradigme « indépassable ».
    Ou quand Heidegger parle du temple grec, « oubliant » que le peuple grec ne se réunissait pas dans le temple pour mieux pouvoir faire allusion à la tribune pseudo-grecque de Nüremberg ?
    Vous me mettez au défit de trouver 50 pages de passages problématiques dans les cours entre 25 et 30. Je ne les connais pas tous, mais je pourrai au besoin y réunir un certain nombre de citations. Par contre dans Être et temps il y a bien pour moi aisément 50 pages qui provoquent l’interrogation, à commencer bien sûr par les passages sur l’historicité, mais on pourrait déjà commencer au § 27 où il nous est dit (ruinant toute interprétation « individualiste » de SuZ) que ce qui est visé c’est un changement dans la structure du « On ». Nous pourrions ensuite nous tourner, à partir du § 35 par exemple, sur les occurences et les signification de « l’absence de sol » (Bodenlosigkeit). Mais nous pourrions aussi nous tourner vers le choix de « Issac Israeli » comme origine de la définition de la vérité qu’il entend combattre, en dépit de tout bon sens historique, ou vers l’analyse de l' »être pour la mort » (ou « vers la mort », comme ne le traduit pas si mal Vezin, pour une fois…) et du souci. Il y aurait bien des choses à en dire. Cela doit bien faire 50 pages…
    Je vous ai dit sinon pourquoi il était désormais clair pour moi que « Parolesdesjours », pour être seul à parler, était néanmoins un symptôme d’un problème plus profond et important. Si vous vivez dans ce monde vous savez par ailleurs que le racisme et l’antisémitisme amorcent (et font plus qu’amorcer) partout un retour en force, et jouent d’anciennes et de nouvelles stratégies de légitimation. Dans cette mesure je vois mal ce qui permet de trivialiser les questions posées par M. Faye. Si les allemands sont en effet en proie à ce que vous appelez sur votre site des « principes moraux diffus », c’est qu’on a là-bas plus gardé de souvenirs des charniers. En quoi exercer un jugement moral (vous savez, ce mot qui renvoie déjà à l’intelligence, avant de renvoyer au « moralisme ») serait-il contradictoire avec une compréhension « philosophique » ?
    En faisant référence aux lectures allemandes de Heidegger, je n’entendais pas seulement vous opposer un argument d’autorité en réponse au votre, mais vous dire que vous n’avez pas lu véritablement Heidegger. Le problème est ici tout à la fois philologique et philosophique. Avez-vous bien lu « Koinon », que vous avez qualifié d’étude des possibilités du communisme ? Pensez-vous alors qu’une forme « chrétienne et bourgeoise » du « bolchevisme » ait jamais régné en Angleterre ? J’ai bien peur que sur ce point l' »historial » heideggérien recouvre la réalité historique tout court, et ne vous déplaise, j’ai du mal à comprendre la grandeur d’une analyse non plus simplement historique, mais hautement philosophique, si elle se trouve en contradiction grotesque avec ce si médiocre « réel ».
    Mais pour revenir sur ces textes que vous prétendez avoir lu, au point de mettre votre mémoire de maîtrise sur le Nietzsche I sur internet. Vous n’êtes guère au courant de l’état de la recherche, puisque pour vos maîtres eux-mêmes les différences entre les versions des cours sur Nietzsche ont bien de l’importance : voyez le « Heidegger-Jahrbuch 2 » sur Heidegger et Nietzsche (2005). Vous y trouverez un relevé des occurences de Nietzsche chez Heidegger qui pourrait vous être utile, ainsi qu’une comparaison des différentes éditions qui confirme que Heide a tendance a évacuer le contexte historique et politique de ses leçons (lisez ne serait-ce que les pages 151 à 153, ne serait-ce que pour avoir un aperçu de ce qui se fait et s’écrit dans ce milieu sur lequel vous prétendez vous appuyer). Il y a également plus d’un problème dans le « Schelling », notamment dans le rapport à Spinoza, la compréhension du rapport bien/mal chez Schelling, etc. Il n’est pas dit à cet égard que le contexte politique n’y joue pas un rôle.
    J’espère, monsieur Domeracki, que vous allez commencer à vous comporter en chercheur, et non plus en adolescent vexé, si vous souhaitez continuer à traiter de tels sujets. Vous revendiquez une certaine mauvaise foi dans la sélection des textes que vous donnez sur internet, en l’opposant à celle qui serait celle de M. Faye. Quand bien même M. Faye serait de « mauvaise foi », ce dont je ne crois rien, ignorez vous qu’un adulte ne répond pas « toi même d’abord », ou « c’est c’ui qui dit qui est ? » Il est vrai que de plus âgés que vous vous ont donné le mauvais exemple. Mais il est toujours temps de grandir.
    Je vous le souhaite.
    Votre,
    Yvon Er.

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  16. Bonsoir monsieur Er,

    Je vous remercie pour m’avoir informé que M. Domeracki a répondu sur son blog au message que je lui ai adressé ici. Il a très mal pris mes propos, sans doute parce que je lui ai écrit que décidément, pour moi, Heidegger est un non penseur, que ses écrits n’ont pas la moindre valeur sinon imaginaire. Mais puisque Heide est l’idole de M. Domeracki, c’est vrai que mes propos ont de quoi stimuler les réactions de colère d’un jeune homme qui ne sait pas encore que penser c’est se coltiner avec la réalité, non avec ses songes!
    Bien amicalement
    R. Misslin

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  17. Monsieur Er (je ne crois pas que Monsieur Misslin peut apporter autre chose ici que sa posture morale de vieillard bienveillant); je tiens avant tout à reconnaître votre connaissance du sujet et des textes, sans laquelle il paraît impossible de s’exprimer sur le sujet.Je ne suis pas certain d’être à la hauteur de celle-ci , mais j’y tend. Je voudrais pour autant commencer par mettre auclair une chose : ce que j’écris sur internet , bien que je le reconnaisse (j’ai donné mon vrai nom),n’est pas à mélanger avec mon petit travail universitaire d’étudiant voué à l’échec. Beaucoup de choses m’ont montrées que j’ai peu de chance d’avoir un poste de prof un jour. Ce que j’écris sur internet est à différencier de ces essais purement académiques, bien que j’y exprime certaines de mes postions. En effet ici je souhaite comme je l’ai déjà dit garder ma belle-humeur,mélange de colère de mépris et d’humour qui ne sera jamais au gout de quelqu’un d’autre que moi. Passons;vous écriver : « j’ai du mal à comprendre la grandeur d’une analyse non plus simplement historique, mais hautement philosophique, si elle se trouve en contradiction grotesque avec ce si médiocre « réel ». « . Je dois dire que c’est en plein en ce que vous reconnaissez comme étant « grotesque » que doit se situer le chercheur ou le flâneur bavardant sur internet doivent se placer. Comme vous le dites avec raison, il y a bien sûr quelque chose de ridicule dans l’écart des écrits heideggeriens avec l’ampleur des charniers. Mais ce , uniquement si l’on en reste à une posture moralisante qui n’est peut être pas ce qui nous ouvrira à la vérité plus profonde de la Shoah. C’est bien beau de s’indigner. Quiconque s’enquiert un peu des informations courantes ne fait que ça. Mais se mettre à la hauteur des écrits heideggeriens ne consiste pas à passer son temps à rester obnubilé par les érrances politiques du bonhomme.Je n’aime pas la manière que vous avez de me pousser sur un terrain qui me forcerait à dire que Heidegger est un des auteurs de la Shoah, en ce qu’il serait consentant. Vous savez comme moi qu’on ne philosophe pas à coup de dicton : alors le « qui n e dit mot consent » me paraît quelque peu léger : et c’est aussi une des figures rhétorique courante du pamphlet de Faye. »Tiens Heidegger emploit le mot Umwelt comme Röthacker donc il partage le vocable nazi ». « Tiens Heidegger essaie de repenser à neuf l’ordre et la communauté à partir d’une certaine authenticité donc il acquiesce au pire qu’a commis la révolution conservatrice ». « Tiens Heidegger aime son pays et ne tient pas à réster sur la touche au moment où elle se révolutionne docn il souhaite de gigantesque charniers d’enfants juifs ». Pour moi ça sonne comme de dire que puisque Derrida aimait le concept d’Amérique il aurait cautionné sans réserve l’anti-communisme ou les guerres en Irak. Sartre, serait l’ami de tous les gardiens de goulag…Je vais arrêter les énumérations QUI COMME LES ANALOGIES CRATUITES NE SONT PAS PHILOSOPHIQUES.En revanche, la remémoration de la métaphysique en ses traits essentiel que propose Heidegger de 1930 à 1946 sont eux hautement important pour comprendre celle-ci , comprendre la tournure technique de l’occident et ce point ultime que fut la production industrielle de cadavres. Une de mes thèses est que pendant toute cette période Heidegger arrive presque à réussir cet exploit d’une écriture double : car elle contenterait presque les trois lectures qui en sont proposées : celle des heideggerolâtre, celle des chercheurs avertis mais qui ne s’enquièrent que de philosophie ,et celle des chercheurs de poux qui ne parlent plus guère de philosophie. Pour ma part je dois dire que je m’amuse beaucoup à passer par chacun de ces stades , car Heidegger est tout ça: un gourou, un penseur et un salaud. Il fait donc tour à tour rire , stimule la pensée , et dégoute. Je trouve dommage que certains ne s’en tiennent qu’à l’une de ces tonalités. Le flâneur s’exclaffe,le chercheur cherche,le moralisateur enrage. Pourquoi ne pas faire vibrer à l’unisson toutes ces complexions et reconnaître que l’on peut être à la fois , comme le dit justement Nietzsche quelque part, un fanfarron, un génie et un criminel? Le dévoir de mémoire,certes.J’y suis sensible. Mais ce n’est que la troisième des figures que j’ai cité.Celle dont vous dites qu’elle fait « grandir » . Selon les deux autres elle n’est pourtant guère qu’une « perspective de grenouille » ou de « journaliste ».Attention! En aucun cas je ne veux faire la promotion de la criminalité en l’homme.Celle-ci est bien plutôt , de toute façon été l’apanage de ceux (faisons plaisir à M. Misslin avec un beau slogan) qui « font l’ange » et qui arrivent donc à en « faire la bête ». Heidegger pense dans le Schelling le mal d’une manière étonnante,digne d’interêt.mon mémoire de cette année tâche d’en montrer les ressources (mais que celles philosophiques : pour celles morales, à critiquer il ya vous ,et pour se marrer de ses naïvetés il ya moi).Mais c’est assez. Tâchez de prendre ce que vous voudrez lire de moi ici et sur mon blog selon les trois modes que je vous ai décris. Sans quoi il n’y aura qu’incompréhension et vous pourrez toiser l’adolescent inconséquent en moi , comme il ‘marrive de toiser le moralisateur gateux en M. Misslin.S.D.

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  18. Monsieur Domeracki,
    vous oscillez entre l’énoncé de thèses insoutenables à tous les sens du termes, moraux et intellectuels, et des déclarations d’intention d’une candeur telle que votre interlocuteur ne peut qu’hésiter sur la portée réelle de vos dires et de vos intentions : on se demande alors quelle est la part de la naiveté et celle de la rouerie en vous, d’où les oscillations de mon ton.
    Sachez donc que je ne vous « toise » pas, pas plus que vous n’avez à toiser quiconque. Mon but est bien plutôt de vous mettre en face du caractère insoutenable de certaines de vos positions, et de vous appeler à une certaine responsabilité intellectuelle.
    Ne considérez pas à cet égard internet comme un espace moins noble que celui d’un travail académique : vos écrits y sont lus, et vous y avez associé votre nom. Conservez donc pour votre propre bien une certaine décence et une certaine exigence, car vous avez un public, qui en tant que tel et quel qu’il soit a le droit au meilleur de vous.
    J’hésite à répondre à votre tout dernier message, tant il fait preuve d’une incompréhension totale de ce que j’ai pu avancer. Je dirais simplement ici que ce que j’ai dit, c’est bien que Heidegger s’est compromis dans l’oppression hitlérienne au point de participer à certains des appareils d’oppression, et pas seulement dans les facultés de philosophie : voyez l’académie pour le droit allemand. Il l’a par ailleurs bénie « spirituellement ». Enfin je vous ai donné des éléments prouvant selon moi le lien entre le coeur même de la philosophie heideggérienne et son engagement politique. J’ai par ailleurs pointé le fait que l’on trouvait des traces de cette « politique philosophique » plutôt que de cette philosophie politique (et sur ce point je serais assez d’accord pour dire qu’il n’y a pas de philosophie politique chez Heidegger-quoique en un sens tout différent que celui où vous l’entendez) jusque dans des passages qui ont pu tromper des lecteurs bien intentionnés mais inavertis du contexte, comme l’interprétation de la technique ou de l’oeuvre d’art.
    Mes remarques ne sauraient donc se limiter à un rappel moralisateur au devoir de mémoire. Mais puisque vous ne semblez pas décidé à répondre à ces remarques brisons là, je me contenterai de répondre une dernière fois à votre dernière intervention sur votre blog. Comme je n’ai pas l’habitude de répondre dans le vide j’en donne ici le copier-coller :

    Mercredi 26 Avril 2006
    La pensée doit-elle se calfeutrer loin de ses pires possibilités?
    Puisque il faut bien stimuler la mémoire et l’aptitude théorique de nos aînés , laissons Messieurs Er et Misslin répondre à la question suivante:

    Démontrez de manière précise que l’oeuvre de Heidegger ne correspond pas à cette maxime : »penser c’est se coltiner avec la réalité, non avec ses songes » (lu sur un autre blog)

    Voilà! Bon courage!

    Plus sérieusement , je crois que le mauvais procès que l’on fait continuellement à Heidegger tient justement au fait qu’il ait voulu se frotter de trop près à la « réalité » politique de son époque. Sa pensée est une immersion dans le devenir des « destins de puissance » européens, dont il a souhaité être acteur , sans succès. A la limite son rêve a été de croire qu’il aurait pu influencer le Führer au moment des pires luttes de factions et d’interêts entre personnes,au moment où la ligne du parti aurait encore pû être influencée.

    J’essaierai pour ma part de lire plus d’ouvrages d’historiens conséquents pour savoir si oui ou non le nazisme est réductible à un seul bloc, qui serait intégralement tendu vers ce but infâme que fut la Shoah.Pourquoi une conférence comme celle de Wannsee n’aurait-elle pas alors eu lieu dés 1933? Je ne souhaite pas me faire traiter de révisionniste par le premier moraliste sans main venu.

    JE LE REPETE ce qui me dégoute dans l’affaire Heidegger c’est que de grands interprètes sont plus ou moins traînés dans la boue car du fait qu’il ne se focalisent pas sur le nazisme de Heidegger ils seraient coupables de bienveillances trop ample avec lui. Une étude digne de ce nom sur lui s’acharnerait à le ridiculiser en le mettant au niveau des bourreaux.

    Monsieur Er , vous m’avez écris :  » De même ceux qui voient dans les doctrines fachistes la clé du monde moderne sont des courageux penseurs, ceux qui s’en méfient de craintifs indécis.
    Cette posture, produit d’une fascination pour la violence sans frein, oublie cependant un peu vite qui a gagné la seconde guerre mondiale »

    En quoi la victoire alliée aurait-elle quelque chose à nous dire sur l’essence de la puissance,de la technique et du mal tels qu’Heidegger a essayer de les aborder? Cet argument se place au niveau de la bêtise de 1940 de Heidegger selon laquelle la victoire de la Blitzkrieg signifierait que les Francais ne sont pas la hauteur de la métaphysique cartésiennne; Quand à la fascination pour la violence sans frein , je ne sais pas trop quoi vous répondre, si ce n’est peut être de regarder notre monde actuel : le nazisme n’est pas la seule cause d’atrocité la démocratie elle-même en cause loin de ses terres. et ne me dites pas que c’est un argument de négationniste car moi je n’ai rien à nier : ce qu’ont fait les Allemands est l’un des summums d’atrocité. Je crois qu’il faut tout faire pour l’éviter : justement -et oui- en ne détournant pas notre regard du pire mais en essayant de comprendre la sordide logique qui la préside. Je crois qu’un rapide visionnage d’Orange mécanique vous ferait du bien à cet égard. La fascination pour la violence a au moins ceci de bon qu’elle sait de quoi elle parle , là où les inoffensifs s’aventurent loin de leur domaine,qui est celui de la démocratie des bienveillants bienheureux. Le mépris pour l’hyper-violence ne l’a toujours pas éradiqué. Et, comme vous le dites , une résurgence des formes ses plus structurées-le nationalisme et le racisme- appelle bien plus de penser l’apparition de tel phénomènes que de juste les condamner.Nul ne s’illusionne plus qu’un homme faisaannt continuellement appel à la froide raison: celle-ci n’étendant pas son empire jusque dans les recoins les plus obscurs de l’être-homme ,qu’il ne convient pas de minimiser. Exclure l’hyper-violent consiste à mon sens à répéter son geste.Comme le fou,l’inceste et le violeur (je vous laisse vous reporter aux cours de foucault sur « Les anormaux »), le bourreau mérite certes sa peine juridique et morale,tout le mépris et les moqueries qu’il convient. Mais il ne faut pas exclure ses agissements de la sphère des oeuvres humaines que les sciences de l’homme doivent thématiser. Un Bourdieu et un Faye se focaliseront sur l’aspect sociologique. Fort bien. Un Michel Bel nous sortira sa science psychanalytique : épatant…Mais les philosophes? Doivent -ils toiser ces phénomènes et les pensées de leurs auteurs car n’étant pas à la hauteur des attentes de la « raison » ou quelque chose de ce genre? Ce serait une erreur anachronique. La pensée des salauds a aussi une éfficience , et -bouchez vous les oreilles- certains vérités à prononcer , toutes malodorantes qu’elle soient en leur proximité du pire.

    Tant pis si vous contestez mon argument d’autorité. tout ce que j’ai lu chez Courtine , Greisch et les autres était fort intéréssant et tout à fait sain. Que vous ne sachiez le reconnaître est votre problème. Pour ma part , ouvert à toutes les dimensions de la pensée de Heidegger (le penseur , la brute et le clown dirons-nous) , j’essaierai de me procurer l’exemplaire du Heidegger Jahrbüch qui va certainement m’interesser ,même s’il contredira une de ces dimensions en particulier (le penseur).

    publié par Stéphane dans: heidegger
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  19. Monsieur Domeracki,
    je suis au moins d’accord pour dire avec vous que tout ce que fait l’homme est humain, même la barbarie qui consiste à vouloir exclure d’autres membres de l’espèce, et que tout ce que fait l’homme doit donc être connu et pensé.
    Le tout est de ne pas confondre connaissance d’un objet et identification avec lui, ce qui suppose l’apprentissage d’une certaine distance que vous n’avez pas toujours manifestée.
    Vous me mettez au défi de dire en quoi la philosophie heideggérienne s’éloigne du réel. C’est en effet ce que je lui reproche : de servir de couverture à un réel pulsionnel, qui se traduit par une réalité politique, mais pas seulement, car corrélativement à cet engagement cette réalité pulsionnelle se traduit aussi par un style, des prises de positions irrationnalistes, etc.
    La notion de l' »oubli de l’être » joue pour moi à plein le rôle de ce travestissement. Autant préciser de suite que pour moi il n’y a rien de tel qu’une « Seinsvergessenheit ». Faire d’un quelconque « oubli de l’être » la cause de quoi que ce soit relève effectivement d’une régression par rapport à l’aristotélisme, qui nous avait pourtant légué la définition de l’explication scientifique par la cause prochaine, et non par le plus général et le plus vague. L’éloignement du réel logique et physique commence donc pour moi au moins avec le § 1 de SuZ , sans que je me prononce par ailleurs sur les proclamations « phénoménologiques » de retour aux choses mêmes et sur la soi-disant « herméneutique de la facticité » que je connais moins, et se prolonge par un déni de la réalité sociale (ce que R.Linde a qualifié d' »Autisme social » de l’auteur de SuZ), ainsi que corporelle.
    Ce serait pourtant vos contradicteurs qui n’auraient par ailleurs pas de mains. Ne donnez pas de leçons d’engagement politique et de réalisme à la légère à des gens de plus d’expérience. Faut-il pour avoir des mains se faire le recteur zélé d’une faculté nazie ? La détermination avec laquelle vous agitez votre petit sabre en plastique dans votre petite main serrée, dressé sur votre petit cheval en bois et criant « à l’attaque » en vous enfonçant dans la nuit, n’est pas une preuve de force d’âme.
    Ne croyez pas que je vous « toise » en vous moquant si durement. C’est que vous avez déjà donné de quoi m’alarmer.
    Vous avez en effet prouvé bien malgré vous la puissance d’envoûtement du révisionnisme heideggérien en déclarant rechercher une forme plus noble du nazisme ou l’intelligence d’un antisémitisme fondé philosophiquement. Allez donc lire les historiens dont vous venez de parler (l’histoire fait du bien à la philosophie, sachez le, il faut vous sortir de l' »habitus » enseigné souvent en classe prépa et ailleurs) : ils vous décriront la virulence de l’antisémitisme du nazisme, et ce dès ses débuts. Comment ensuite ne pas voir la cohérence du parcours de 33 (et avant) à 42 ? La phrase que vous avez sur la conférence de Wannsee est terrible, et je veux croire que vous ne comprenez pas la portée de vos propos. Des crimes comme Auschwitz ne surgissent pas au petit bonheur la chance, ils sont le produit d’un effort sur une longue durée, effort qui se traduit par une propagande, des agressions de plus en plus ciblées et violentes. Il s’agit d’un crime organisé, qui se rêve puis s’organise bien avant 42. Chercher à la fin des années 20 ou dans les années 30 une forme intellectuellement féconde de nazisme, c’est chercher une bonne forme de « lutte contre le judeo-bolchevisme », puisque le nazisme n’est rien d’autre. Je crois que la force du travail de Emmanuel Faye n’est pas d’avoir réuni un « dossier », mais d’avoir montré que la succession des prises de positions et des réflexions heideggériennes obéit à une logique, celle du développement du « Bewegung », et à cet égard la mise en perspective chronologique est destructrice : elle trace le portrait d’un opportuniste du crime « spirituel ».
    Sur votre site vous jetez à monsieur Misslin un défi supplémentaire, celui de trouver du nazisme dans les textes que vous donnez. A cet égard l’article de S.Jollivet en est un bel exemple, elle qui cite tous les textes consternants de Heidegger sur la domination-en « oubliant » toutefois les textes antisémites, il y a des tabous que l’on ne viole pas encore. Ces textes sont par surcroît parfaitement plats et conformes à la « mode » de l’époque, et je n’y ai pas vu le salaud génial dont il a été parfois question. Que JF Courtine tolère de tels « articles » de la part d’une de ses étudiantes me pose problème, et la question sera peut être un jour posée (souhaitez vous que je lui demande ce qu’il pense de votre défense à l’occasion ? Prenez garde à ce que vous dites si vous souhaitez défendre vraiment les spécialistes de Heidegger en France… plus d’un de vos dires ne grandit pas le parti des « pros »).
    Ceci ne constitue toutefois bien sûr pas une interdiction de lire Heidegger : le bonhomme était après tout cultivé et futé, et je comprends qu’il ait eu de l’influence. Ce que j’affirme par contre c’est que le coeur de sa pensée est nazie, et que ce nazisme se ramifie partout, et sous des formes diverses que cet habile politicien a eu la force de « recycler ». Il faut donc pour le lire une vigilance que vous n’avez pas montré vouloir pour vous même. Si vous souhaitez faire une thèse sur le bonhomme j’espère au moins que vous prendrez la recherche au sérieux et apprendrez l’allemand (je sais par ailleurs très bien quelles peuvent être les difficultés d’un jeune en fin d’études de philosophie). Mais je vous conseille aussi de lire autre chose : Schelling, et pas forcément uniquement sous le prisme heideggérien, Nietzsche si vous voulez, mais aussi les historiens et les romanciers. Si vous souhaitez poursuivre sur votre blog votre collecte d’article, pour l’instant peu judicieuse, j’espère que vous saurez en ouvrir l’horizon.

    Sur ce que j’ai dit de la victoire alliée en 1945 : il ne s’agissait bien entendu pas pour moi de voir une justification quelconque dans un triomphe militaire. Je voulais simplement pointer le ridicule d’un régime non viable qui se voulait supérieur et qui a poussé son propre peuple au désastre. C’est que le nazisme n’est pas qu’une destruction d’autrui, c’est aussi un « être vers la mort » de soi, une destruction de soi en même temps que l’on vise la perte des autres.
    Mon but n’était donc pas non plus de bénir les bombardements sur l’Irak. Le problème est que lorsque l’on bombarde au nom de la liberté on n’est pas vraiment en parfaite cohérence avec les principes de la démocratie américaine, et il ne me viendrait pas à l’idée de qualifier un bombardement de démocratique et de sanctifier nos dites « démocraties » en les identifiant avec l’idéal enseigné en primaire. Simplement de remarquer que si les régimes prétendus démocratiques vivent en contradiction avec leurs dires, Auschwitz est par contre en accord parfait avec Mein Kampf.
    Monsieur Domeracki, si j’ai pris le temps de vous écrire c’est parce que j’ai senti que l’abîme vous regardait au moment où vous prétendiez le regarder. Les écrivains peuvent à cet égard vous aider au moins autant que les philosophes (vous avez essayé Heinrich Mann ?).
    Mais j’ai dit ce que j’avais à dire, et puisque vous n’avez pas vraiment rebondi sur mes arguments ce sera le dernier mot. J’estime avoir fait mon devoir en décrivant avec plus de précision ce qui vous « appelle » et en vous prévenant de ses dangers. Vous avez par ailleurs atteint la majorité légale, et je n’ai pas à en faire plus, même si mon souci pour votre devenir est sincère.
    Le reste relève de vous. Je vous souhaite bon courage.
    Yvon Er.

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  20. Bonjour à tous,

    Puisque même mon silence ne me met pas à l’abri des injures, je me résouds (la mort dans l’âme) à ajouter encore un mot dans un débat qui ne vaut cependant décidément pas qu’on s’y attarde.

    Puisque M.Er, outre d’être un fin connaisseur de Heidegger, est aussi un distingué germaniste, qu’il se penche donc un peu sur le texte suivant, et particulièrement sa dernière phrase (que j’ai déjà citée ailleurs, mais sans aucun écho):

    « Schon für die erste Aufhellung dieser Fragen legt sich die Hauptschwierigkeit in den Weg, daß wir uns von der Historie kaum los zu machen vermögen, zumal wir schon gar nicht mehr übersehen, wie weit die Historie, in mannigfachen versteckten Formen, das menschliche Sein beherrscht. Die »Neuzeit« bringt nicht zufällig die Historie zur eigentlichen Herrschaft. Diese erstreckt sich heute, im Beginn des entscheidenden Abschnitts der Neuzeit, schon so weit, daß durch die von der Historie be-stimmte Geschichtsauffassung die Geschichte in das Geschichts-lose abgedrängt und daß dort ihr Wesen gesucht wird. Blut und Rasse werden zu Trägern der Geschichte. Die Praehistorie gibt der Historie den nun gültigen Charakter » (Beiträge zur Philosophie, p. 492-493).

    Faut-il rappeler la date de rédaction des Beiträge ? Que M. Er relise aussi le cours de 42-43 sur Parménide où Heidegger analyse, chemin faisant, ce qu’est l’imperium : son seul fondement, c’est le commandement et la domination, termes qui n’ont pas chez Heidegger une signification précisément laudative. (Faut-il préciser que la critique ne vise pas que l’imperium romain, mais également un autre Reich?)

    Qu’il regarde également une des très rares occurrences où Heidegger cite une phrase de Hitler (le texte se trouve dans Besinnung, p.122), et qu’il lise attentivement le commentaire que Heidegger en fait. Je suis certain qu’il en tirera des conclusions propres à nous instruire.

    Quant aux reproches récurrents que M. Er fait à Sein und Zeit (la cécité à la socialité, à la sexualité et que sais-je encore), elle me semble là encore reposer sur une grave mécompréhension du projet de l’analytique existentiale : il ne s’agit pas de se livrer à une anthropologie, fût-elle transcendantale : il s’agit d’analyser les structures de l’existence eu égard à la question de l’être. L’homme, cela est certain, ne s’y résume pas ; l’analytique existentiale n’a donc aucune prétention à résumer le tout de l’existence (ce qui serait absurde, surtout dans la perspective de Sein und Zeit où e Dasein, précisément, n’est jamais « présent en entier »!). Je conçois cependant que M. Er considère que la métaphysique est un passe-temps inutile ; ce serait toutefois là une opinion dont il est seul juge.

    Un dernier conseil, cependant, à M. Domeraki: il faut laisser Bouvard et Pécuchet (à moins qu’il ne s’agisse de Laurel et Hardy) se donner séné en échange de rhubarbe, et se bien garder d’intervenir: « Qui savonne un âne perd son temps, et sa lessive » (Char).

    J’ai assez perdu le mien. Je laisse donc toute latitude à M. Er pour se répandre : il a pour cela un talent certain.

    P. Teitgen

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  21. A Pierre Teitgen,
    .
    Cela faisait bien longtemps que vous n’étiez pas apparu pour nous dire que le phiblogZophe ne valait pas grand chose et que c’était probablement la dernière fois que vous interveniez.
    .
    Rassurez-vous le blog est grand ouvert à vos « derniers tours ».
    .
    Cela dit l’homme qui a, dans un texte signé le 8 mai 1945, écrit ceci : »Cet étouffement, qui plus est, se dérobe derrière quelque chose de captieux, qui se manifeste sous la figure des idéaux soi-disant les plus hauts de l’humanité, à savoir : le progrès, l’accroissement sans frein de la productivité dans tous les domaines de la production, l’offre de travail identique et indifférenciée pour tout un chacun – et par-dessus tout, enfin : le bien-être identique de tous les travailleurs compris comme sécurité sociale uniformisée » et bien cet homme s’avère effectivement être un nazi confirmé.
    .
    En tous cas il excelle dans la récidive de certaines « grosses bêtises ». Cette phrase, en vantant indirectement les bienfaits de l’inégalité des travailleurs devant la « sécurité sociale », et d’autant plus parce qu’elle est prononcée par un prisonnier d’un camp soviétique, est une légitimation du système concentrationnaire, et du système dans ce qu’il a eu de pire : Auschwitz.
    .
    Car l’inégalité devant la « sécurité sociale » – inégalité censée pouvoir s’opposer à la « dévastation » – ne peut conduire qu’à l’extrême de l’inégalité devant la « sécurité sociale » : l’extermination.
    .
    Mehdi Belhaj Kacem écrit, dans « La psychose française » : « On a vu de sympathiques supporters de football « blancs », en Italie, brandir une banderole à l’adresse de tous les joueurs noirs évoluant dans ce pays : « Auschwitz est votre patrie, et les chambres à gaz votre maison ».
    .
    Belle rencontre entre les « fachos » et l’analyse de Heidegger sur la dévastation. Mais elle n’est absolument pas étonnante sur le fond. Car même quand Heidegger semble critiquer le Reich ce n’est que pour mieux, à terme, « introduire le nazisme dans la philosophie ». Il a été le champion de ce que j’appellerai le « dénégationnisme tactique ».

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  22. M. Teitgen,
    puisque vous me m’interpellez ainsi pour la première fois je vais vous répondre, même si vous usez de ma patience par votre pose et en répétant des arguments qui n’ont pas vraiment la force que vous proclamez.

    1/ Pour la phrase que vous citez sans la traduire, oublieriez-vous qu’elle n’est pas restée sans écho, mais que monsieur Bel vous a déjà longuement répondu. Si vous avez bien lu mes interventions vous savez combien j’ai pu m’opposer à monsieur Bel, mais sur ce point je n’entends pas répéter la réponse qu’il vous a faite sur le blog d’Assouline (« Rififi dans les marges », un titre…).
    Je donne donc ici les passages de votre échange d’alors qui nous concerne ici, et notamment les passages de monsieur Bel qui sur ce point précis me semblent importants (bien sûr contrairement à vos dires M. Faye n’a jamais eu à avouer qu’il était un médiocre germaniste, et il traduit de fait fort bien) :

    Intervention de Pierre Teitgen :

    (…)Je cite au hasard un texte des Beiträge, texte de 1936-38 que d’aucuns ont considéré comme la grande allégeance de Heidegger au régime (faut-il préciser que les d’aucuns en question, de leur propre aveu, ne parlent pas allemand, ce qui est gênant lorsqu’il s’agit d’un livre encore non traduit! Faut-il rappeler que Faye a fait publiquement état de sa qualité de germaniste fort médiocre?)
    Voilà le texte:

    « Schon für die erste Aufhellung dieser Fragen legt sich die Hauptschwierigkeit in den Weg, daß wir uns von der Historie kaum los zu machen vermögen, zumal wir schon gar nicht mehr übersehen, wie weit die Historie, in mannigfachen versteckten Formen, das menschliche Sein beherrscht. Die »Neuzeit« bringt nicht zufällig die Historie zur eigentlichen Herrschaft. Diese erstreckt sich heute, im Beginn des entscheidenden Abschnitts der Neuzeit, schon so weit, daß durch die von der Historie be-stimmte Geschichtsauffassung die Geschichte in das Geschichts-lose abgedrängt und daß dort ihr Wesen gesucht wird. Blut und Rasse werden zu Trägern der Geschichte. Die Praehistorie gibt der Historie den nun gültigen Charakter » (Beiträge zur Philosophie, p. 492-493).

    Le délicieux « Gesamtausgabe », qui ignore visiblement tout d’une distinction courante en philosophie depuis au moins Hegel (celle qui sépare Historie et Geschichte) serait sans doute bien en peine de commenter ce texte, selon laquelle la pensée de la « race » amène à assurer contre l’historial la supériorité de l’historique… et même du préhistorique, ie d’une histoire qui n’a plus rien d’humain — d’une histoire qui pour le coup, est bel et bien l’histoire des animaux ! Le « sang et la race » NIENT l’historialité propre à l’homme, voilà ce que Heidegger dit clairement en 1936. Qu’on vienne me soutenir alors qu’il a été, jusqu’au bout, un indéfectible partisan de l’idéologie « Blut und Boden » !

    Mais, pour comprendre ce que Heidegger dit ici, pour comprendre ce que veut dire « Geschichte », il faudrait peut-être le lire un peu. Tout à fait honnêtement, il est clair que E. Faye ne l’a pas fait. L’ignorance est un droit ; ce qui est gênant, c’est quand elle prétend s’ériger en devoir.

    Pierre Teitgen

    Rédigé par: Pierre Teitgen | 3 mars 06 13:15:49

    Réponse de Michel Bel :

    Où avez-vous appris l’allemand monsieur Teitgen? Arrêtez de prendre les lecteurs pour des plouks. C’est la deuxième fois à ma connaissance que vous essayez de faire passer vos contre-vérités pour la traduction correcte de Heidegger mais les lecteurs savent lire l’allemand. On aurait bien aimé trouver sous la plume de Heidegger qu’il avait « nié », comme vous dites , (leugnen) le sang et la race. On aurait croyez-moi applaudi très fort. Mais tel n’est pas le cas. Heidegger ne cesse de dire aux racistes sans esprit que si le sang et la race sont « nécessaires » (cours de 1933/34 que vous avez refusé de traduire cet été), ils ne sont pas « suffisants ». Il répète la même chose ici, dans les Contributions (Beiträge) en se référant à une différence très artificielle en allemand courant entre « Geschichte » et « Historie ». Nous savons tous que pour Heidegger l’accomplissement de la « mission » se situe au-dessus de la simple descendance génétique. Le « rai de lumière » porte la « naissance » (ou « l’origine ») à son degré de perfection absolue. Et ce que vous prenez pour la négation de la race est au contraire son apothéose.

    Et cet esprit, où Heidegger propose-t-il d’aller le puiser pour s’en nourrir? Chez Hölderlin: le poète de la race. Le poète de sang germanique dont il a fait le prophète de sa Germanie. Il suffit de lire les lettres à Elfriede pour savoir que la question Hölderlin a été un des points de friction avec Bäumler, avec Krieck et avec Jaensch. En 1943 pour le centenaire de la mort de Hölderlin il leur dira: Ah! vous y venez quand même. L’essentiel n’est pas de commémorer, c’est de se pénétrer de l’esprit de Hölderlin (tel que le conçoit Heidegger bien sûr). En 1934 dans le cours sur la Germanie, il disait déjà : celui qui se pénètre de cet esprit n’a pas besoin de théorie politique. Nous savons tous que c’est sous l’angle pseudo mystique qu’ Heidegger voit le nazisme, tout son vocabulaire emprunté au mysticisme le prouve. Mais cette dimension mystique n’enlève rien à son désir de purifier le sang germanique (aryen). Et cette purification ne peut se faire que par le feu: « Jetzt komme, Feuer » 1942. Der Ister). Purification et spiritualisation sont les deux grands axes du nazisme de Heidegger qui diffère de la science des races de Günther, nous le savons tout cela monsieur Teitgen.
    (…)
    Voilà la vraie Geschichte , monsieur Teigen. Elle n’est pas du tout ce que vous voulez nous faire croire. En nous méprisant, de surcroît. Cette Geschichte dès 1933 inclut l’anéantissement « Vernichtung »(G.A. Band 36/37 p.91).La question du sang et du sol est traitée page 263. (Vom Wesen der Warheit. Semestre d’hiver 1933/34). Malgré cela, bien qu’il en ait été informé le ministère a voulu maintenir trois ouvrages de Heidegger au programme de l’agrégation de philosophie. J’ai honte pour mon pays. Profondément honte. Serait-ce un Vichy rampant qui recommence? J’ose espérer que ce faux pas sera corrigé l’année prochaine. Mais déjà le mal est fait.
    Michel bel

    Rédigé par: bel | 3 mars 06 18:14:58

    Réponse de Pierre Teitgen au précédent message :

    Je rapelle à M. Bel qu’il a lui-même (j’ai gardé les textes) admis qu’il ne « parlait pas allemand » mais qu’il avait des « amis agrégés d’allemand » qui traduisaient pour lui. Que M. Bel leur donne donc à traduire le passage que j’ai cité, et qu’il se demande un peu ce que veut dire Heidegger quand il affirme que dans notre modernité, c’est l’histoire (Historie) qui s’est assurée la domination, et que lorsque le sang et la race deviennent le vecteurs de l’histoire (Geschichte), c’est désormais la préhistoire qui donne à l’histoire (Historie) sa validité. J’avais laissé le texte en allemand pour le plaisir de voir M. Bel, qui est si visiblement incapable d’en comprendre deux lignes, s’acharner à n’en tenir aucun compte (et pour cause!).

    Quant au reste de ses attaques, M. Bel peut s’en donner à coeur joie : je ne m’abaisserai même plus à lui répondre, parce qu’il n’est guère charitable de se moquer des pauvres types. Comme on dit, abyssum abyssus invocat.

    Pierre Teitgen

    Rédigé par: Pierre Teitgen | 3 mars 06 20:43:53

    ce à quoi Michel Bel a répondu ceci :

    Ne pas parler l’allemand, au sens phonétique du terme,Monsieur Teitgen, ne signifie pas ne pas le comprendre. Je ne parle pas non plus l’anglais ce qui ne m’empêche pas de le comprendre. Apparemment monsieur Teitgen ne sait pas faire la différence entre une langue écrite et une langue parlée. Un détail.

    Puisque monsieur Teitgen s’obstine à ne pas vouloir faire la différence entre la compétence et la performance, distinction pourtant capitale en linguistique je le laisse à son illusion de supériorité. Puisque ça lui fait plaisir. On se défend en bottant en touche quand on est en tort. Je continue de poser la question centrale: Où Heidegger a-t-il écrit, monsieur Teitgen (je vous cite), que: »le sang et la race NIENT l’historialité propre à l’homme »? puisque vous dites qu’il le dit clairement en 1936. Est-ce « werden zu Trägern » que vous traduisez ainsi? N’ayant pas votre arrogance ni vos fausses certitudes chaque fois que je doutais de la signification d’un terme ou d’un passage, je demandais à mes collègues agrégés d’allemand si je ne m’étais pas trompé. C’est ce que je vous ai dit. Monsieur Boutot lui-même demande des conseils pour traduire certaines expressions ou certains énoncés qui ne vont pas de soi – et il y en a beaucoup chez Heidegger..Malheureusement monsieur Boutot est parfois mal conseillé mais c’est un autre problème. Les lecteurs qui connaissent l’allemand monsieur Teitgen ont déjà apprécié vos coups de force linguistiques.

    Heidegger, de sinistre mémoire était doué aussi pour ce genre de violence. Ses traductions de Platon, d’Anaximandre et de Parménide ne manquent pas de sel. C’était devenu tellement proverbial qu’il s’en faisait un titre de gloire dans ces cours en disant : certains vont encore voir là un acte de violence.

    Tel maître, tel disciple. Au lieu de vous réfugier dans la pose d’un prétendu piège pour le lecteur auquel vous répondiez, la moindre courtoisie aurait consisté à lui proposer votre traduction avec le plus grand soin et la plus grande honnêteté. Car, sauf erreur de ma part, la « Praehistorie » dont il est question ici n’est pas la préhistoire qui se dit « Urgeschichte » (attention aux pièges des faux amis monsieur Teitgen) mais: la prae-« Historie » c’est à dire, pour Heidegger, l’histoire telle qu’elle se montre avant toute interrogation scientifique, c’est à dire « le mode d’être » et « la constitution originaire de l’histoire » dans « le regard phénoménologique » de Heidegger. Et je continue de répéter que de la préhistoire au sens où nous l’entendons nous , il n’en a que faire. Le « pré »- historique , (et non la préhistoire) pour Heidegger, c’est l’affectif, l’amour, la haine au sens augustinien du terme en tant que « phénomène originaire du Dasein ». Alain Boutot a merveilleusement rendu cela dans sa traduction du cours sur l’histoire du concept de temps (NRF p.19/20; 38-40 et 241 à 245).

    L’année où il écrit ses Contributions, dans son cours sur Schelling Heidegger explicite encore cette notion; il s’agit dit-il de « l’âge originaire où le bien et le mal n’ont pas encore fait leur apparition comme tels, à la suite duquel on passe à l’âge d’or dont seules les légendes nous ont gardé le souvenir. » (se reporter aux pages 251 à 260 Schelling NRF). Mais puisque vous savez, Monsieur Teitgen, puique vous êtes plus fort qu’Heidegger lui-même, il ne nous reste plus qu’à nous incliner devant votre « science ».
    Michel bel

    Rédigé par: Bel | 3 mars 06 22:58:17

    Ce à quoi vous avez répondu :

    PS. A Michel Bel, tout de même:

    Je m’accorde avec vous sur deux points : et d’une, la distinction Geschichte – Historie n’est pas évidente en allemand courant ; elle l’est en revanche dans la langue philosphique (pas seulement chez Heidegger) et elle est précisément l’objet de ce § 273 des Beiträge: vous ne sauriez donc en faire ici l’économie. Deuxièmement, il est évident alors que la Praehistorie n’est pas la préhistoire d’Yves Coppens, laquelle n’intéresse effectivement guère Heidegger ; il me semble cependant délicat de plaquer sur un texte de 1936 une signification très antérieure.

    Pour tenter de comprendre ce que veut dire ce texte; il faudrait peut-être se demander ce que signifie beherrschen et Herrschaft pour Heidegger dans les Beiträge. Que veut dire Heidegger lorsqu’il affirme que « ce n’est pas par hasard que la « modernité » place l’histoire (Historie) en position de domination au sens propre. Aujourd’hui, au début d’une partie décisive de la modernité, cette domination s’étend si loin déjà, que la façon de saisir l’historialité (Geschichte) déterminée par l’histoire (Historie) déporte l’historialité vers le non – historial (Geschichtslose), et que c’est là qu’on recherche son essence. Le sang et la race deviennent les supports (vecteurs) de l’historialité. C’est maintenant la préhistoire qui donne à l’histoire son caractère de validité ».

    Voilà donc : même traduit « à la louche » (traduction contestable, que M. Bel se fera j’en suis sûr un plaisir de contester ; je note cependant que malgré mes fréquentes invites, il s’est quant à lui toujours refusé à pratiquer ce genre de sport, risqué il est vrai), le texte est parfaitement clair: sang et race assurent la domination de l’historique et même du pré-historique sur l’historial, en sorte que l’historialité elle-même est reversée dans le non-historial.

    Heidegger s’en réjouit-il ? A qui allez-vous tenter de le faire croire?

    Pierre Teitgen

    Rédigé par: Pierre Teitgen | 4 mars 06 16:02:13

    Réponse de Michel Bel :

    Monsieur Teitgen,
    enfin un changement de ton que j’apprécie. C’est comme si une chape d’hostilité s’était levée d’un coup. Aussi, si vous ne m’agressez pas je ne vous agresserai pas non plus.

    Heidegger a précisé son rapport à l’histoire , en dehors des Beiträge, essentiellement dans le cours de 1925 sur l’histoire du concept de temps et dans le cours sur Schelling. C’est dans la préparation du cours sur Schelling qui est strictement contemporain des Beiträge qu’il précise la notion de prae-« Historie » qu’il va retravailler dans les Beiträge avant de la livrer, enfin définitivement, dans le cours sur Schelling. Je vous ai même indiqué les pages la dernière fois.(p.251 à 260 NRF)

    La distinction que fait Heidegger entre Geschichte et Historie m’est toujours apparue suspecte dans tous les textes que j’ai pu lire sur cette question. Elle ne l’est plus dans les Beitrâge où on retrouve le ton ferme et assuré de Rothacker. Lui n’hésitera pas à écrire dans son Beitrag que le but de l’histoire, c’est Hitler.

    Heidegger qui a déjà déclaré en 1933 que' »Le Führer est la vérité présente et future de l’Allemagne et sa loi » écrira dans ses contributions qui devaient servir de document final, de clé de voute, au Handbuch der Philosophie : (§ 273) « Das Seyn als Er-eignis ist die Geschichte;(…) » (p.494). Je vous passe la suite; c’est souligné par Heidegger. Cette seule parole quand on sait que l' »événement est l’avènement de l’Être germanique incarné dans Hitler, guide de la Germanie présente et future, événement fondateur du futur temps mondial – le temps germanique – , suffit à me faire tomber le livre des mains.

    Qu’un prétendu philosophe se permette d’écrire ça prouve que ce n’est pas un philosophe. D’ailleurs Heidegger le dira à plusieurs reprises. En 1925 dans l’histoire du concept de temps « je n’ai aucune philosophie (NRf p.435) Puis plus tard à Cerizy.(Cf. Essais et conférences) »Il n’y a pas de philosophie de Heidegger ».

    Qu’y a-t-il donc? Il y a une onto-mytho-logie qui apparaît comme la tentative de construction à la fois mentale et historique d’un autre « monde » plus favorable aux aspirations de Heidegger que le monde de l’onto-théo-logie judéo chrétienne; ce « monde » de Heidegger caractérisé par « la sensualité et la cruauté » (Concepts fondamentaux de la métaphysique ) est censé donner au « plaisir » sa « profonde éternité » grâce à son éternel retour générateur du surhomme porteur de la transcendance.(texte mis au programme de l’agrégation de philosophie cette année, vous ne le savez que trop. En attendant la réalisation de ce programme , c’est « l’ennui ».

    L’événement chez Heidegger se réalise en deux temps: 1°: illumination de Heidegger (1911), 2° incarnation de l’être ainsi conçu (Seyn)dans l’histoire des hommes (représentant du parti de l’être au pouvoir (Hitler) guidé par la providence : « le dernier Dieu  » celui qui clot le cycle de la métaphysique en incarnant le Zarathoustra de Nietzsche : Heidegger. (cf Qui est le Zarathoustra de Nietzsche?); alors , si la « Geschichte » incarne l’être (Seyn) en réactivant l' »avoir été », qu’est l’Historie? La répnse tombe brutalement comme tranchée à la hache: »Historie gar keinen Sinn » (p.494) L’histoire en tant qu’Historie n’a absolument aucun sens. Je crois que c’est suffisamment clair. Du moins pour moi.

    Comment pouvez-vous vous complaire dans cet univers-là? Que vous ayez pu vous tromper au départ, je l’admets, mais persévérer, non. J’espère que vous ouvrirez les yeux avant que l’engrenage ne vous happe. Levinas, Löwith et Jonas, eux, les ont ouverts après avoir admiré Heidegger. Ils ont reconnu s’être trompés, séduits par le style et la compétence philosophique apparente de Heidegger. C’est tout à leur honneur. Ils ont fait une belle carrière par la suite. Quand on voit où Heidegger nous mène, il faut dire non.

    Pour votre dignité , pour votre honneur et celui de la profession que vous exercez, ne restez pas dans ce bourbier. Amicalement , michel bel. Je n’ai absolument aucune hostilité envers vous. Simplement , ouvrez les yeux.MB

    Rédigé par: Bel | 5 mars 06 00:01:16

    Il n’y a pas eu à ma connaissance de réponse signée Pierre Teitgen à ce dernier message.

    2/ Quant à la citation de Besinnung, oublieriez vous là encore que E.Faye en a déjà traité dans son livre ? Comme je suis soucieux de palier vos oublis je vous copie pour cette fois la page en question :

    « Un autre passage de Besinnung mérite d’être signalé : celui où Heidegger commente et critique une phrase de Hitler. Cette phrase relève de la langue de bois du totalitarisme nazi : Hitler affirme que toute conduite, toute « tenue »(Haltung) trouve sa justification dernière dans le service (Nutzen) rendu à l’ensemble (Gesamtheit) [note 146]. Heidegger remet en question non pas l’affirmation même énoncée dans la phrase, mais les termes employés par Hitler : Gesamtheit, Nutzen, Haltung. Il est possible que cette page de Heidegger traduise un certain désenchantement à l’égard de Hitler en 1939, ou du moins à l’égard d’un langage qui ne lui semble plus à la mesure de la « relation cachée de l’essence de l’homme à l’être ». Néanmoins, il est difficile de lire le commentaire de Heidegger sans éprouver un profond malaise. Quel sens y a-t-il, en effet, à écrire en 1939 que le langage employé par le Führer -qui, pour le terme de Haltung notamment, a longtemps été celui de Heidegger lui-même – exprimerait le renoncement à tout questionnement essentiel portant sur la relation de l’essence de l’homme à l’être ? Si l’on ne peut qu’approuver par principe toute remise en cause des propos de Hitler, la teneur de la critique heideggérienne n’en demeure pas moins consternante. Elle nous révèle qu’après avoir longtemps pensé et affirmé que la parole de Hitler exprimait la vérité et la loi cachée de l’être allemand et annonçait la transformation complète de l’essence de l’homme, Heidegger n’aurait découvert qu’en 1939 « l’indigence de pensée » de certains propos du Führer (Mein Kamppf était pourtant paru en 1925-27). Ce ne serait donc qu’à cette date qu’il se serait acheminé vers la position qu’il exprimera dans son entretien au Spiegel où il affirme que malgré l’indigence de pensée de ses dirigeants, le national-socialisme serait allé dans la direction jugée « satisfaisante », et cela sans doute parce que la Führung heideggérienne a continué jusqu’au bout d’être quelque part agissante. »

    Note 146 p. 458 : « Es gibt keine Haltung, die ihre letzte Rechtfertigung nicht in dem aus ihr entspringenden Nutzen für die Gesamtheit finden könnte. » (Hitler, cité par HEIDEGGER, « Besinnung », GA 66, 122.) La référence donnée en note est la suivante : « Rede des Führers vor dem 1. Großdeutschen Reichtag am 30. Januar 1939. Drückerei der Reichbank Berlin 1939, S. 19. » »
    (Emmanuel Faye, « Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie », pp. 458-459)

    Voici, ceci pour cette unique fois, car votre manque chronique de mémoire suscite un élan de charité de ma part. Il va de soi qu’on n’enregistre pas de prise de distance vis à vis de la politique antisémite du régime à ce moment ni par la suite, et j’espère que vous n’allez pas essayer de faire passer cette « critique » heideggérienne pour un appel à la lutte contre ce qui se prépare-E.Stein, qui n’a eu que le tort de voir « Dieu » dans l’être heideggérien n’a, elle, rien entendu en 1942.

    3/quant à votre renvoi au cours sur Parménide, comment pouvez vous affirmer que Heidegger vise le troisième Reich ? Il ne faut pas une grande connaissance du nazisme pour savoir que celui ci se dresse contre la latinité et la romanité, pour privilégier les hellènes et les allemands. Je me souviens d’avoir entendu Gilbert Romeyer-Dherbey démonter l’interprétation heideggérienne qui voudrait accuser les romains au profit du monde grec. Allez vous accuser M. Dherbey d’être un « fayien » enragé ? Il est du reste connu depuis longtemps que Heidegger y décrit l’engagement des américains comme une preuve de dégénérescence, ce qui n’est pas vraiment une critique du III. Reich. Cela est tellement connu que E.Faye ne l’a pas rappelé, inutile donc de vous en prendre à lui comme lorsque vous avez fait sur le même site d’Assouline comme si il se livrait dans son livre à une analyse de la phrase où Heidegger dit que les noirs ont une histoire comme les singes et les oiseaux en ont une ( je reprocherais d’ailleurs cet oubli à M. Faye pour qui j’ai de l’estime, car enfin pour moi cette phrase suffit, et les 550 pages de son livre pouraient n’en être qu’un commentaire).

    4/ Ce que vous dites de SuZ est par ailleurs une platitude. Heidegger y répète lui-même que si son anthropologie est limitée c’est qu’elle est soumise à son projet « ontologique ». Le problème est qu’il constitue bien cependant une anthropologie et qu’à ce titre il n’est pas dénué de sens de pointer le fait que cette anthropologie est pour le moins partielle, mais surtout orientée dans cette partialité même. Le « gnosticisme tronqué » qui est celui de Heidegger permet donc bien d’évacuer toute réalité sociale et corporelle, que cette dernière soit sexuelle ou pas (amusant la traduction martinienne par « sous la main » : où sont les mains du Dasein ? Le corps n’est pas simplement laissé de côté pour une autre étude, il est dénié). A cet égard l’aller retour qu’il est obligé d’opérer entre analyse « contrète » (toujours orientée) et « fondation » « ontologique » est à cet égard l’aveu d’un cercle dont il prétend (magnifique, l’illogisme devenant ainsi une preuve de profondeur) qu’il est le propre du penseur, du vrai.
    C’est peu de dire que je ne me suis pas laissé prendre dans ce cercle là, et que l’analyse de l’être vers/pour la mort me semble dégager une odeur bien déterminée (cf. Adorno entre autres).

    5/Vous vous estimez par ailleurs insulté, sans doute du fait des propos suivants que j’ai tenu ici même, et que je ne nomme pas des insultes (mais qui contiennent il est vrai un peu de moquerie, et beaucoup de consternation) :
    « J’étais il y a peu avec un ami historien allemand, et je lui ai ressorti ce que j’ai pu lire ici même (écrit par Pierre Teitgen, pour ne pas le nommer). Je me souviendrai longtemps de la façon dont son visage s’est allongé, puis effondré, en entendant que l’on peut oser affirmer que parler de « Blut und Boden » durant la période dont il est question puisse n’être pas du nazisme et ce de manière « eindeutig »… » (sur ce même blog, le 18.04)
    Et cet autre passage :
    « Entre Pierre Teitgen pour qui le Blut und Boden n’est pas forcément nazi (si c’est la position de Vincent Carraud et de ses petits copains du jury de l’agrégation, M. Teitgen prétendant parler pour les « spécialistes », bonjour), et le dit « Zacharie Cohen » dont les diffamations à l’égard de Emmanuel Faye ont conduit les modérateurs du Monde à faire cesser le dernier blog d’Assouline autour de la question Heidegger, ceux avec qui vous hurliez faisaient si triste figure que vous en sortiez presque grandi. »(id., le 20.04).
    Le problème, monsieur Teitgen, c’est que vous avez eu des propos absolument terribles, et la mauvaise foi avec laquelle vous citez le cours sur Parménide ne m’encourage guère à penser comme pour M. Domeracki que vous ne savez pas ce que vous faites et dites. Je ne souhaite pas vous persécuter, loin de là, mais attendez vous à ce que d’autres que moi remettent vos propos sur la table, et le fait que vous rappeliez si souvent que vous venez d’une grande famille ne change pas grand chose à l’affaire. Comme je l’ai expliqué à M. Domeracki, internet n’est pas un espace de défoulement mais un lieu public qui a les désavantages de l’oral et de l’écrit à la fois : la parole s’y relâche, mais les écrits restent néanmoins. Ayiez donc un peu de tenue. Il est de toutes façons inenvisageable pour moi de continuer de discuter avec vous tant que vous n’aurez pas présenté d’excuses publiques à monsieur Faye pour la campagne à caractère diffamatoire que vous avez mené contre lui pendant des mois, et que vous n’aurez pas retiré vos propos sur le Blut und Boden (pour lequel vous avez eu l’audace de convoquer les historiens !!) : le faire serait pour le coup un acte de grand courage, vous y gagneriez mon admiration et nous pourrions continuer. Si j’ai accepté de discuter avec M. Domeracki c’est parce que malgré certains de ses propos j’ai pensé qu’il n’en était pas arrivé au même point que celui où vous êtes rendu, mais je vous demande d’arrêter de continuer à vous enfoncer vous même et à enfoncer vos collègues en soutenant sans cesse des arguments aussi usés (et depuis souvent des années avant le travail de M. Faye), et jusqu’à l’insoutenable.
    Tout ce que j’espère est que votre violence ne représente qu’une mince partie des « spécialistes » auto-proclamés de Heidegger. Sinon nous pourrons aller aux funérailles de l’université philosophique française, que j’aimais bien malgré tout…
    Yvon Er.

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  23. En fait , pour vous ,tout souhait d’un penseur d’une socièté hierarchisée, comme par exemple Nietzsche , le pousse inéxorablement vers une pensée cautionnant l’organisation du camp de concentration, avec ses kapos et ses s.s. ,c’est cela? Le fait de stigmatiser l’égalisation ,l’objectivation intégrale de l’être- homme à travers toutes les modalités technocratiques qui s’en emparent dans le communisme,c’est obligatoirement être un ami de la Gestapo?…Les analogies ont malheureusement des limites ;déjà,Skildy , je ne pouvais vous suivre lorsque vous compariez les magouilles de nos chers libéraux au pouvoir ,de leur cpe, avec un « souhait heideggerien d’une inégalité sociale principielle ». Mais laissons ce point de désaccord sur cette intempestivité heideggerienne. Un qui est autrement plus important est celui sur ce vous désirez nommer son « dénégationnisme tactique ». Votre propos semble , excusez-moi , tourner en pure paranoïa dans la mesure où même lorsque Heidegger nous donne des armes pour résister à l’infâmie nazie telle qu’elle s’est déployée sous ses yeux, vous en concluez que c’est pour mieux nous en faire accepter les exactions! Cette posture a au moins le mérite d’être insistante et tortueuse.Mais je persiste aussi pour ma part à ne pas voir en quoi Heidegger serait le tenant d’un national-socialisme au sens d’un sordide antisémitisme criminel. Je crois bien plutôt qu’à l’instar d’un Jünger ou d’un Niekiesch, il a cherché sa propre concpetion de la politique et du monde à partir des résultats de sa philosophie. Heidegger n’est pas un minable au point d’avoir écris toute cette oeuvre juste dans le but de supprimer ces pauvres juifs dont on se demande toujours plus quel est leur rapport avec cet auteur qui n’en touche jamais mot , si ce n’est ,comme en 1936 ,pour traiter devant des élèves en costumes S.S, les linéaments des pensées de Jacobi et de Spinoza.
    Si Heidegger attaque -et vous le reconnaissez- ça et là le nazisme , ce n’est certes pas par humanisme ou compassion avec ceux qui en souffrent dans leurs biens et leur chair, mais ce n’est certes pas non plus afin de toujours plus martyriser cette partie de la population qu’il a cotoyée pendant toutes ces années dans ces sales de cours…Pour ne pas parler de Hannah…Je crois sincèrement que le propos heideggerien tâche de contenter tout le monde : ces cours sont funambuliques, pouvant être compris autant par les spécialistes , les élèves candides comme moi, les nazis,et leurs ennemis humanistes de tout bord: pas un ne donne la même version interprétation, tous revendiquant la « clarté » de tel ou tel aspect. Quel joyeuse mascarade que l’affaire Heidegger! Chacun y va de l’autorité d’un tel ou un tel…En fait la situation est similaire à celle que provoquèrent les oeuvres nietzschéennes, chacun se construisant « son » Nietzsche.
    Je crois qu’il faut gagner quelque chose à étudier un penseur : je ne pense pas que se focaliser sur les délires politiques heideggerien ait beaucoup d’interêt philosophique…Surtout que cela , à mon sens,olige à déformer certains de ses propos pour les égaliser à ceux moins futés ou carrément stupides…Beau gachis , apparemment déjà en vigueur en Allemagne où,d’après les dires de Monsieur Er, on aurait depuis longtemps compris que le « bonhomme » ,comme il dit , aurait été un furieux antisémite…Dans cette mesure , je suis bien content d’être « en retard » : que la France universitaire continue de s’enquérir de Heidegger sous l’égide de la philosophie montre certes qu’elle peut se montrer naïve , mais surtout qu’elle laisse aux misérables comme nous le soin d’alimenter et de faire vivre une polémique sans grand interêt philosophique.

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  24. A Monsieur Er;

    Je ne sais pas trop par où commencer. Peut être par l’attitude des universitaires. A aucun moment je ne me serais donné à leur insu le rôle des les représenter où de les défendre. Comme vous le dites il y a des chances qu’ils ne partagent pas toutes mes hypothèses,voire qu’ils me jettent le type d’anathème dont vous êtes coutumier. Au passage , je n’ai pas même envie de savoir qui vous êtes et ce que vous avez apportés à la philosophie pour pouvoir juger ainsi ce que beaucoup reconnaissent comme étant le plus grand penseur de son temps. J’aimerais beaucoup que Heidegger vous réponde directement, avec un cynisme tout nietzschéen : « me voilà réfuté – n’en parlons plus ».
    Pour ce qui est de la thématisation par Heidegger de l’essence du mal , des phénomènes destructifs et du nihilisme nationAliste (auquel il préfère le libre usage du nationnEl), vous écrivez : « Le tout est de ne pas confondre connaissance d’un objet et identification avec lui ». Fort bien! Heidegger a bien dû comprendre à un moment qu’il ne pourrait en aucun cas donner le frappe qu’il souhaitait au nazisme. Son attitude n’a pas été, de 1934 à sa mort, de cautionner le déploiement du pire , mais de tenter de penser celui-ci. Et c’est cela qui dérange : la pensée, la métaphysique, vous le reconnaissez ,a bien à s’enquérir de la crasse et du poil. C’est peut être bien ce qu’ a voulu signifier Heidegger en affirmant tout de go que le « national-socialisme avait une vérité intérieure » : qu’en la manifestation de nihilisme actif (et pas forcément dans ses dommages collatéraux dûs à sa mes-essence) se fait jour une nouvelle configuration du monde : bien que celle-ci soit le fruit d’une traîtrise , d’une malignité de l’avenance elle-même , elle en serait été pour lui une nouvelle vérité qu’il convenait de penser en sa provenance. Comme vous le dites pour la Shoah ,les évènements , y compris les plus infâmes, ne poussent pas comme des champignons. Un long processus de maturation historiale pourrait bien être ce qui possibilise le nihilisme, cette frappe spécifique de notre époque.Tout cela , est-ce à dire « haro sur les juifs! » ?….Est-ce dire : « oh les nazis ont bien eu raison » ?…. Une telle mécompréhension est dû à l’obnubilation bien compréhensible , mais non-philosophique , sur les dommages collatéraux , hyperdestructeurs ,de ce sur quoi Heidegger s’est penché à savoir ,une nouvelle donne pour la polis, qui seraint ajointée , configurée de façon ontologico-historiale. Que cette Polis exclue , comme celle grecque , certains individu de la communauté ne signifie pas qu’elle va dresser de grands bûchers pour les anéantir! Que certains textes heideggeriens vous fassent penser à cette infâmie ne me convainc pas de l’intégrale obnubilation de cet auteur pour la destruction d’un peuple.C’est réduire Heidegger à un psychopathe : celui qui aurait écrit pendant plus de cinquante ans des milliers de pages , juste pour cautionner un holocauste , y compris avant son effectivité. Cette façon d’exclure Heidegger de la communauté des grands penseurs arrange à coup sûr Faye et les signataires de la pétition en sa faveur , puisque tous travaillent sur des auteurs que Heidegger aurait « critiqué » (or chacun de nous sait que la critique par exemple de Descartes n’est pas un primaire « Anti-cartesianismus » de bas-étage , la « Destruktion » se tenant au contraire à l’écoute du propre des métaphysiques).
    Je ne me fais pas de souci pour mes propos mais sur leur déformation par les humanistes qui croient bon de penser toute pensée allemande à partir de la Shoah ( on a déjà vu de telles attaques , absurdement anachroniques , contre Hegel et Fichte). Mais heureusement , je ne pense pas arriver un jour à une « carrière » dans la philosophie…Ce qui n’empêche que ça fait très mal d’entendre dire qu’on serait proche des négationnistes , sitôt qu’on essaie de lire philosophiquement Heidegger sans s’obnubiler de ses collusions, ddes contiguïtés de son propos avec celui nazisme. Il faut rester sur ses gardes , mais en aucun cas mélanger Heidegger ou Nietzsche avec leurs abjects contemporains. Je trouve dommage que vous ne soyez pas impréssionné par ses écrits , mais c’est votre affaire: je serais quand même curieux de savoir d’où vous vous permettez un tel mépris pour une pensée si ample et si actuelle… De même , j’aimerais beaucoup que vous réfutiez point par point ce que les heideggerolâtres de Parole des jours ont écris contre Faye. Là aussi vous préfèrez tout rejeter d’un revers de la main : c’est gratuit…Moi j’ai lu deux fois le travail de Faye. J’ai même lu les inépties de Michel Bel : c’est dire! Dans l’avenir , je me laisserai peut être tenté par l’idée que j’ai eu il y a peu d’aller interviewer plusieurs professeurs d’université ayant travaillés sur Heidegger , pour qu’ils expriment leur vision,désormais , du travail du chercheur à son sujet et à celui de son nazisme. Ce serait intéréssant à plus d’un titre : et je n’aurais plus à parler en leur nom , à me coltiner le sale boulot de questionnement face à ceux qui ont déjà selon eux toutes les réponses…Ceux-ci tapent sur la tronche de tout opposant à coup de « houlà mais vous êtes négationniste jeune homme attention à ce que vous manifestez ». Le terrain est certes miné. Mais je tâcherai , contre l’avis de Monsieur Teitgen qui a pourtant raison, de m’aventurer encore dans ces marécages journalistiques assez distrayants bien qu’assez répétitifs. D’ailleurs , que faites vous encore ici à me lire , si l’auteur que j’apprécie travailler (entre autres, encore heureux) en est un coupables de « platitudes » qui ne vous impressionne jamais? Déprécier,dégrader, rabotter une pensée extraordinaire à partie de certains de ses mauvais pronostics voilà des jobs à plein temps , apparemment! D’ailleurs , j’imagine que Faye continuera , avec la bénédiction des lecteurs de Télérama et du Monde, à essayer de trouver des analogies douteuses entre les écrits heideggeriens et les stupidités nazies :voilà en effet une tâche de hauuuute spéculation philosophique que tout « honnête homme » « plein d’expérience » ne peut que saluer,depuis sa chaise longue…

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  25. Cher Skildy,

    Votre blog vaut précisément ce que les gens y écrivent. Quand je lis la prose qui s’y étale, j’en déduis effectivement que cela n’est pas grand chose. J’ai cependant la faiblesse (car c’en est une) de m’agacer un peu lorsque des demi-habiles traînent mon nom dans la boue, surtout au bout de trois ou quatre fois (la surprise s’émousse).

    Concernant le texte que vous citez, et quant aux analyses que vous faites, à ce compte là, Tocqueville serait un dangereux idéologue du totalitarisme.
    Je cite pour mémoire ce passage fameux de la Démocratie en Amérique::

    « Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme (…). Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il semblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser, et la peine de vivre ».

    Eh oui ! Que voulez-vous : le totalitarisme n’est pas mort en 1945 ; il y avait même un régime, qui au nom de la sécurité sociale uniformisée des travailleurs, allait bientôt s’approprier la moitié de l’Europe pour un demi-siècle. Que voulez-vous : Heidegger n’était pas non plus stalinien…

    Enfin ! J’aimerais tout de même qu’un des intervenants de ce blog (y compris vous-même), puisque tous rivalisent ici d’une connaissance approfondie de la langue allemande autant que de l’oeuvre de Heidegger, commente un peu le passage que j’ai cité dans mon précédent message.
    Il est vrai cependant que c’est une tâche difficile, en ces temps où, effectivement, certains totalitarismes de nouvelle génération (souriants ceux-là ô combien) sont pour de bon en train de nous ôter « la peine de penser ».

    Sur ce, je vous laisse : vous m’excuserez, mais j’ai du travail.

    Pierre Teitgen

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  26. Bonjour Monsieur Teitgen,

    Permettez-moi de réagir à votre dernier message dans lequel vous citez un texte célèbre de Tocqueville. Mais, je dois tout d’abord préciser que je ne me considère pas comme un « habile », ni même un « demi-habile », j’essaie simplement de suivre ici et là les débats soulevés par la parution du livre de M. Faye. Ce que je trouve réconfortant dans ces débats, c’est le fait que, quoi qu’on puisse penser des propos de M. Faye, ils nous rappellent que même la pensée philosophique ne peut pas prétendre s’arroger le privilège de parler d’un lieu où elle n’aurait pas à rendre des comptes à la cité, c.à.d. à une communauté d’hommes. Que nous le voulions ou non, nous n’échappons pas à la politique. En citant le texte de Tocqueville, vous voulez nous montrer que Heidegger appartenait en somme à la catégorie des penseurs aux yeux de qui l’égalitarisme prôné par certains dissimule de fait une nouvelle forme de despotisme. Nietzsche aussi se méfiait, semble-t-il, d’une forme politique « égalitaire », et bien d’autres, à commencer par Platon. Mais qui parle, dans nos régimes dits « démocratiques », de vouloir nier les différences, « en fait » (pour parler comme Kant), entre les hommes? Ce qui est préconisé ici c’est une égalité « en droit », non un nivellement. On peut toujours considérer que l’activité d’un « penseur » (ein Denker) est supérieure à celle d’un artisan ou d’un paysan, par exemple , (et dans l’histoire de la philosophie, cette attitude est un lieu commun). Mais, de là à conclure qu’un penseur a des droits supérieurs à d’autres hommes de la cité, cela, le système démocratique ne l’admet pas. C’est tout. En réclamant l’avènement d’un Führer à la place de la République dite de Weimar, Heidegger a opté pour un régime non démocratique, c.à.d. pour un système politique qui n’accorde pas les mêmes droits à tous les citoyens. Mais, c’est là justement confondre le fait et le droit, et personnellement, je trouve que cette confusion est le signe d’une pensée terriblement ambiguë.
    Bien cordialement
    R. Misslin

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  27. « Dans ces sales de cours… »
    Il y au moins des lapsus calami qui ont du charme et du sens, même et surtout si par définition ils sont indépendants de la volonté de leurs auteurs et que les dits auteurs sont peu doués pour faire rire.
    Il y aurait bien des choses à dire sur la philosophie politique de Tocqueville et de Fichte (ne parlons pas de Jünger et de Niekiesch) et les conséquences politiques de certains passages de Nietzsche (pas tous, il est vrai pour le coup, Jean-Pierre Faye a fait des travaux assez honnêtes à ce sujet), mais monsieur Domeracki je ne vous répondrai plus. Vous savez autant que moi que Heidegger parle des juifs, et comment, il en a déjà été question.
    Vous tournez en rond, et répétez des arguments déjà en soi circulaires et auto-légitimants auxquels moi et d’autres ont déjà répondu (nous ressortir le coup d’Arendt ! Revenez un peu en arrière sur ce blog même).
    La preuve de ce petit cercle duquel vous ne voulez sortir, c’est que vous osez ressortir sur votre site le texte de Catherine Malabou sans les réponses de Jean-Pierre et Emmanuel Faye, et en « oubliant » que déjà vous n’aviez pas répondu à mon message suite à la réponse de J-P Faye sur le « PhiblogZophe ».
    Un cercle de cercles, les hégéliens seront heureux.
    Il va de soi bien sûr que je ne digère décidément pas les « dommages collatéraux ».
    Je vous laisse à vous même M. Domeracki.
    Yvon Er.

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  28. « qui suis-je pour… »
    Oui tient qui suis-je ?
    Qui est-ce qui vous connaît, messieurs, depuis de nombreuses années déjà, qui est-ce qui vous a eu en cours et en séminaire avant de se retrouver à vos côtés ? Vous étiez alors un peu plus jeunes, l’âge ne vous arrange pas.
    Qui est-ce qui a beaucoup travaillé Heidegger sans l’aimer jamais, et de moins en moins à mesure qu’il avançait ?
    Qui est-ce qui vous a vu blêmes de rage à la sortie du livre de Faye ? Se dire qu’on allait répondre, puis que bon finalement mieux vaut attendre que cela passe, prenons la posture du sage éloigné des contingences fayiennes, en plus on va dire que c’est la réponse suprême, mais à l’oral hein, et serrons nous cela va passer comme les dernières fois ?
    Qui est-ce que les propos de la jeune garde heideggérienne que vous couvez a inquiété au point de vouloir lancer des bouteilles à la mer ? Qui est-ce qui espère encore que Pierre Teitgen n’est qu’un sismographe temporaire, mais qui en est de moins en moins sûr chaque jour ?
    Cherchez bien, je suis tout près.
    Nous sommes légion.
    YE.

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  29. A P. Teitgen,
    .
    Cher monsieur Teitgen,
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    Permettez-moi d’abord de vous plaindre moralement. Vous ne parvenez pas à résister à la tentation de venir vous agacer, et ainsi probablement de souffrir en condescendant à feuilleter le blog. Et comme cela vous côute en précieuses minutes de travail je conçois qu’il y a là un petit problème auquel vous devriez porter attention. Puis-je me permettre de vous signaler que ceux que vous daignez lire sont tellement inaptes qu’ils sont parfaitement insensibles au trésor que vous représentez et que vous tentez de faire briller par votre mépris et vos agacements princiers?
    .
    Je compatis cependant. Se vouer à être un gardien du temple heideggerien suppose une abnégation et un don de soi qui confinent au sacrifice. Encore un peu plus et, sans partager votre foi, j’en arriverais à admirer votre sens du devoir.
    .
    Mais je vous plains également intellectuellement. Impliquer Tocqueville pour justifier le fait qu’au lendemain de la fermeture d’Auschwitz notre grand philosophe est fondé à mettre au premier rang des « causes » de la dévastation l’égalité des travailleurs devant la « sécurité sociale » relève du confusionnisme. Je conçois que la phrase constitue une des « grosses bétises » – une de plus – commises par Heidegger. Car enfin que signifie-t-elle dans le con-texte de « La dévastation et l’attente » sinon qu’Auschwitz même n’aurait pas été suffisant?
    .
    Cela est si embarrassant que, lorsque vous bottez en touche du côté du stalinisme, vous vous gardez bien de remettre vous-même en cause directement l’égalité devant la « sécurité sociale » puisque vous dites que c’est au nom de cette égalité que le stalinisme s’est constitué. Ne faut-il pas être naïf pour confondre les principes et leur instrumentalisation cynique? L’analyse de Hannah Arendt de la terreur stalinienne montre au contraire que c’est en manipulant L’INEGALITE DEVANT LA « SECURITE SOCIALE » que le système a réussi à créer un climat de soupçon et de délation généralisés.
    .
    Votre incompréhension du problème s’avère au moins aussi abyssale que votre mauvaise foi.
    .
    Vous gagneriez en dignité à développer clairement les merveilleux résultats que nous serions en droit d’attendre de l’INEGALITE DEVANT LA « SECURITE SOCIALE ».
    .
    Vous trouveriez facilement de bons exemples. En France même, par exemple, avec le scandale des sans-papiers. Quant à Tocqueville le citer pour oublier à quel point « l’Amérique » est particulièrement défaillante en matière d’égalité devant la « sécurité sociale » relève au moins de l’approximation. Si l’agacement que vous éprouvez sur le blog vous aveugle à ce point… il vaut mieux pour vous, en effet, d’y renoncer.
    .
    Je me souviens que vous vous êtes un jour réclamer d’une généalogie qui passe par la Résistance. Mais de quoi héritez-vous au juste lors même que la « sécurité sociale » constituait ce me semble un des points forts du programme de la Résistance? En termes heideggeriens celle-ci aurait-elle donc été un chef d’oeuvre de « dévastation »?
    .
    Skildy

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  30. Skildy , jen e comprends tojour pas la critique de l’uniformaisation généralisée avancée par Heidegger aurait un rapport exclusif au système concentrationnaire. Ce n’est pas le seul lieu de hierarchie et d’inégalité sociale. C’est il me semble bien plutôt à ce qu ‘il se représente du communisme déferlant dans son pays qu’il tente de répondre…Rien ne prouve qu’Auschwitz serait l’aerchétype de son souhait de socièté , si ce n’est votre interprétation quelque peu unilatérale. A tel point unilatérale que vous ne concevez pas autrement que sous l’égide de la bêtise ou de la servitude le refus de celle-ci par vos interlocuteurs.C’est dommage…
    Pendant ce temps-là,l’université française lâche un long baillement significatif. Pour vous de sa torpeur , pour moi de son mépris pour ces interprétations qui n’ont absolument rien de philosophique et qui ne sont que peu probantes…Je répète « circulairement » (!) une dernière fois qu’au bout du compte , l’interêt de la pensée de la pensée de Heidegger réside dans ce que l’on en fait. Sa « vérité » ne m’interesse pas tant que toutes les possibilités qu’elle offre pour penser la vérité de notre temps hyper-moderne, où en aucun cas,démicratie ou non,la violence exacerbée n’a disparue. Allez-vous nous dire bientôt que le moindre viol ou le moindre meutre sont « heideggeriens »?…

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  31. A S. Domeracki,
    .
    Je n’ai pas grand chose à répondre. Je suis très étonné que des champions de l’interprétation, et de l’interprétation en plusieurs langues, ne voient pas la différence ABYSSALE qui existe entre la critique de l’uniformisation et le fait de mettre au premier rang des causes de la dévastation l’EGALITE DEVANT LA SECURITE SOCIALE.
    .
    Rejeter le principe de l’égalité des êtres humains devant la « sécurité sociale » est tout simplement immonde et ne fait que cautionner le principe concentrationnaire.
    .
    Vous manquez cruellement d’un certain sens des « situations concrètes ». Essayez donc d’imaginer une société qui légaliserait l’INEGALITE DES ‘TRAVAILLEURS’ DEVANT LA SECURITE SOCIALE… C’est au reste ce vers quoi tant la société française actuelle.(Et la « libérale-mondialisation »)
    .
    En Allemagne, en 1945, cela revient à avaliser les lois de Nüremberg. En France, cela revient à justifier les lois « anti-juives » de Vichy…
    .
    Il faut avoir la vue bien courte pour interpréter le refus heideggerien de l’égalité devant la sécurité sociale comme une critique de l’uniformisation du monde.
    .
    L’inégalité devant la sécurité sociale c’est tout simplement le droit de tuer. C’est le nazisme en personne.
    .
    1. Vous, si vous êtes un « bon heideggerien », vous aurez droit à la sécurité sociale.
    .
    2. Vous, par contre, il faudra faire preuve de la plus totale soumission si vous voulez avoir accés aux soins.
    .
    3. Quant à vous, qui êtes dans les catégories X, Y, Z… vous ne méritez même pas de vivre.
    .
    Je vous propose le sujet de philosophie politique suivant :
    .
    Qu’est-ce que la sécurité sociale? Imaginez une société reposant sur l’inégalité devant la sécurité sociale. Quelles sont les conséquences pratiques et concrètes de l’application de ce principe? Vous prendrez soin de réfléchir à partir d’exemples non seulement pris dans l’histoire mais aussi dans les sociétés actuelles.
    .
    Bon travail… Quant à moi je « persiste et signe » :
    .
    Thèse : le rejet de l’égalité devant la sécurité sociale est l’euphémisme dont se sert Heidegger pour justifier le système concentrationnaire nazi. C’est la réaffirmation, en 1945, d’une adhésion du philosophe à la terreur national-socialiste.
    .
    Skildy

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  32. Bonsoir à tous,

    Le hasard a voulu que je tombe ce soir sur la phrase qui clôt « Impostures intellectuelles » d’Alan Sokal et Jean Bricmont: « Souvenons-nous qu’il y a bien longtemps il était un pays où des penseurs et des philosophes étaient inspirés par les sciences, pensaient et écrivaient clairement, cherchaient à comprendre le monde naturel et social, s’efforçaient de répandre ces connaissances parmi leurs concitoyens et mettaient en question les iniquités de l’ordre social. Cette époque était celle des Lumières et ce pays était la France. » Jean-Français Revel, qui vient de nous quitter, avait écrit dans « Le Point », en 1997, un fort joli résumé de ce livre, lui qui, dans « Pourquoi des philosophes » avait su épingler, en 1957, le jargon fumeux et mystificateur d’un Heidegger et d’un Lacan. O vous tous qui faites confiance à l’humanisme, qui savez que les droits de l’homme et du citoyen sont une des conquêtes humanistes les plus précieuses, qui combattez le faux prophète de l’Etre qui, à force de courir après une ombre d’ontologie, a oublié le sort réel de millions d’êtres voués à la mort par un régime qui avait sa sympathie, ne désespérez pas: les vraies lumières sont toujours là!
    R. Misslin

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  33. Bonjour,
    Pour moi, en tous les cas, la cause est entendue. M. Skildy s’est demandé s’il était possible, comme certains le prétendent, de séparer la « pensée » et l’engagement politique de Heidegger. Il y a effectivement toute une tradition philosophique qui a voulu croire que la pensée humaine a le don de la lévitation. Personnellement, je n’adhère pas à cette croyance. En ce qui concerne Heidegger, le fait qu’il ait mis sur le compte de la soi-disant métaphysique occidentale, qu’il dénonçait comme oubli de l’être, l’apparition de la pensée humaniste, de la démocratie, de la science et de la technique est parfaitement cohérent avec son opposition à la République de Weimar, sa posture politique réactionnaire, sa haine de la modernité, son appel à un régime autoritaire et inégalitaire. Doit-on dire que c’est sa pensée qui lui a dicté cette posture, je ne le pense pas, c’est le comportement qui est premier. Ses écrits peuvent donner le change parce qu’ils sont rédigés dans un style tellement alambiqué qu’il peuvent égarer. Mais leur contenu régressif correspond bien à sa posture réactionnaire fondamentale de petit bourgeois provincial allemand de l’époque. Son fameux tournant fait partie de son jeu d’égarement.
    R. Misslin

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  34. Si Heiegger avait eu « que ça à foutre » que de vouloir égarer ceux qui ne prennent pas le temps de lire ses « écrits alambiqués » , il n’aurait alors pas laissé le passage de l’Introduction à la métaphysique de 1935 qui lui aurait été loisible d’enlever,technique utilisée ailleurs du reste. Mais libre à vous de vous vautrer dans les mièvreries moralisantes a posteriori. Que vous postuliez à l’aveuglette que le plus important pour ce penseur faut le politique prouve surtout que vous ne l’avez guère lu. Allez ,je vous laisse à vos chaussons et à votre robe de chambre!

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  35. Monsieur Domeracki,

    Ce n’est pas moi qui ai inventé que Heidegger était un fieffé menteur, c’est Hannah, qui le connaissait certainement mieux que vous. Ce n’est pas moi qui suis le premier à mettre en question l’intérêt des écrits de Heidegger, beaucoup de ses anciens admirateurs (dont certains de ses anciens étudiants) en sont revenus aussi des écrits du sophiste de Messkirch: Löwith, Jonas, Jaspers, Anders et bien d’autres. Du reste, vous savez aussi bien que moi que beaucoup de philosophes ont été d’emblée allergiques aux fumées « bleues et brunes » de l’ontologie de Heide. Enfin, sachez que je ne me suis pas retiré dans une Hütte comme l’Autre pour méditer à des fadaises, je n’ai donc besoin ni de chaussons, ni de robe de chambre, car je voyage beaucoup. C’est le bien que je vous souhaite aussi, car je trouve que vous sentez le renfermé.
    De toute façon, comme nous n’avons rien à nous dire d’intéressant, je vous tire ma révérence à l’instar de M. Er: l’âge vous apprendra peut-être à distinguer les sophistes, les faux-prophètes et les faux-jetons des vrais penseurs.
    R. Misslin

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  36. Cher monsieur Misslin,
    je vous souhaite donc bon voyage. Je vous félicite d’avoir su garder votre sens de l’humour lors des derniers « échanges ». Si il y a quelqu’un ici qui est porteur de la « belle humeur », c’est vous. Pour ma part j’ai bien du mal à rire en entendant dire que les auteurs de la pétition en faveur du travail d’Emmanuel Faye l’ont fait parce que les philosophes sur lesquels ils travaillent ont été si finement critiqués par Martin Heide. Ne parlons pas du pauvre Descartes, que l’on devrait hériger en martyr de l’heideggerianisme. Quant à Carnap et au Tractatus, si magistralement réfutés par le penseur de l’être…j’arrête, si finalement je parviens de nouveau à rire.
    Dans la mesure où vous ne semblez pas un adepte d’une forme d’être pour la mort quelconque, je pense que vous allez contredire la prophétie de M. Domeracki du 25 avril sur son site (« ce n’est pas à votre âge qu’on va vous changer. Heureusement c’est bientôt fini ! »). Ce dernier a montré son « fond », et maintenant que tout est en pleine lumière, il ne nous reste plus qu’à laisser ces messieurs à leurs pulsions et à leurs diverses rationalisations.
    Musique !
    Yvon Er.

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  37. Cher Monsieur Er,

    Merci pour me souhaiter bon voyage: je vais dans quelques jours faire un tour dans le pays de Homère. Mais, rassurez-vous, je n’aurais pas d’extase métaphysique là-bas comme le monsieur Jourdain de Messkirch! Je n’idéalise pas le monde grec, parce que je le connais bien et que j’adore trop la rugueuse réalité.
    De grâce, retrouvez vite votre sens de l’humour. Un seul remède: oubliez ce triste et insipide poseur de Heide, ce sombre dépressif germanique qui croyait que la nescience valait mieux que la science, qui s’imaginait être malin en faisant de nous des êtres pour la mort, alors que comme le dit le souriant et aimable Grec, Aristote, c’est un délicieux plaisir que celui qu’on éprouve au réveil quand on découvre qu’on est encore vivant. Peu importe ce que Heide pouvait bien dire d’un Descartes, d’un Carnap, d’un Wittgenstein: il était tout simplement incapable de supporter leur intelligence, car c’était un jaloux.
    Merci encore pour tout ce que vous m’avez appris: ce soir même, je boirai un verre de vin d’Alsace, frais, léger, gracieux en votre honneur, car le rire est le propre de l’homme et d’un certain nombre d’autres primates, n’en déplaise à Heide qui se prenait pour un prophète, mais en réalité n’avait rien à dire.
    Bien amicalement
    R. Misslin

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