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Le phiblogZophe visite le pavillon que Mies van der Rohe a dessiné en 1929 pour l’exposition universelle de Barcelone. Des restes du pavillon démonté ont dormi durant des années dans des caisses. Il a été reconstruit et restauré de 1984 à 1986. Mais ceci fera l’objet d’un chapitre à part.
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Regardons tout d’abord le plan de 1929.
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Les lignes obliques des vues de côté représentent la déclivité du terrain. En augmentant le contraste du plan on fait apparaître les modules de la composition : des dalles carrées de 1,09 X 1,09m pour le sol et des panneaux rectangulaires de 1,03 X 2,18m pour les murs (sauf pour les murs recouverts d’onyx).
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Dans le plan suivant nous avons désigné les éléments les plus importants du projet.
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A droite du plan se trouve un « bloc creux » de couleur vert foncé. Il contient un petit bassin, bassin dans lequel se trouve la sculpture emblématique du pavillon ainsi qu’un salon. Ce bloc sombre se trouve au nord.
A gauche du plan on peut voir un grand angle clair, sorte de bloc encore plus évidé, qui semble retenir l’ensemble. Il détermine les limites sud d’un grand bassin peu profond où l’on peut contempler un tapis de galets.
Le local de service au sud-ouest est affecté aujourd’hui à la billetterie et à la librairie.
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La photo suivante permet « d’incarner » le plan.
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Bloc sombre au nord avec, à l’intérieur, son petit bassin et le salon. Bloc « déconstruit » au sud, de couleur claire, qui sert d’angle à un grand bassin peu profond.
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A la fin des années 90 ont été démolis des batiments qui perturbaient la vision de ce pavillon « ressucité » en 1986. Conçu comme un objet d’exposition pour une exposition universelle cette valeur d’exposition acquiert un sens nouveau. Dans le premier cas il s’agissait encore, pour l’Allemagne du Bauhaus, de montrer son implication dans l’invention de la modernité. Cette dimension est toujours présente mais se double d’une très forte valeur historique. (Nous allons maintenant associer à chaque photographie un plan de situation. La flèche et le symbole « i » indique à chaque fois la direction générale correspondant au point de vue de la photographie.)
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La prochaine vue montre comment l’ensemble est traversé par une grande transparence. Le regard survole le bassin et va se perdre dans la verdure du jardin. Le pavillon au sens strict, c’est-à-dire le salon qui se trouve du côté du bloc sombre, s’il peut être physiquement clos par des portes de verre, est également irrigué par une transparence fondamentale. L’oeuvre correspond bien à ce que Schindler avait décrit comme architecture d’espace. Le pavillon n’est plus une boîte percée. La boîte est déconstruite en éléments » glissants » lesquels mettent en tension l’espace selon les directions orthogonales et les qualités d’opacité et de transparence des matériaux. La réflexion est également une propriété importante de certains matériaux.
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Nous allons nous éloigner vers la gauche (vers le sud) par rapport au cliché précédent afin de comprendre le rôle de délimitation joué par le bloc clair.
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Il ne reste plus qu’à sauter de l’autre côté, côté nord, pour apprécier la dualité clair-sombre, sud-nord qui tient l’ensemble.
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La photographie suivante est une invitation à entrer.
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Alors montons! Remarquons que le regard bute sur l’équerre du fond laquelle est aussi une invitation à nous diriger vers la droite. L’escalier est bien une entrée dans l’espace de l’oeuvre. Mais l’entrée du salon se trouve immédiatement à droite et selon la direction opposée. Nous entrons dans l’espace par l’escalier selon une direction nord-sud mais nous entrons dans le salon selon une direction sud-nord.
Jetons un coup d’oeil sur l’ensemble avant d’entrer dans le salon.
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En faisant volte face nous découvrons le salon avec, au fond, le petit bassin. Après le grand bassin extérieur nous sommes surpris d’en découvrir un deuxième. Soulignons que, sur notre droite, un grand rideau rouge fait la transition entre la paroi de verre et le mur.
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Le salon se révèle à nous avec son luxe et cette qualité particulière à l’architecture d’espace : nous sommes enveloppés sans jamais être enfermés. La paroi en verre du fond est une clôture thermique et protège du vent mais créée un lien optique organique entre l’intériorité du salon et le petit bassin. L’espace est continu et modulé par la lumière par le truchement de divers écrans.
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Nous faisons ainsi connaissance avec l’habitante du lieu et la profondeur du bassin.
La sculpture est de Georg Kolbe. Sa ligne de regard « théorique » est dirigée selon l’axe nord-sud. En réalité, éblouie, la statue détourne le regard mais elle dit ce qu’est l’architecture : une modulation du montré et du caché, de la transparence et de l’opacité, du voilé et du dévoilé. Le visiteur, grâce à l’oeuvre de Mies van der Rohe, transforme son éblouissement premier en découverte enchantée.
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Nous revenons légèrement sur nos pas vers l’intérieur du salon. Nous découvrons ainsi la « boîte à lumière ». Il s’agit surtout d’une paroi dont le matériau translucide et dépoli diffuse une lumière qui descend de manière zénithale. Faisons une liste, au passage, des qualités définissant de manière graduelle la dualité transparence/opacité.
* Le simple vide. Par exemple la transparence qui ouvre l’ensemble sur le jardin du côté ouest. C’est la faille, l’ouverture béante sans possibilité de fermeture.
* Le panneau de verre (en général) amovible. Il s’agit de ce qu’on appelle habituellement » fenêtre ». Les panneaux de verre peuvent pivoter, basculer ou glisser selon le type de fenêtres.
* La paroi de verre amovible. Elle correspond davantage à ce qu’on appelle » porte-fenêtre ». Ce sont des porte-fenêtres qui permettent de fermer le salon.
* La paroi de verre fixe. La photographie ci-dessous en donne un exemple.
* La boîte à lumière. C’est ce que nous voyons devant nous dans la photographie.Elle diffuse donc une lumière qui est prise au zénith.
* La paroi opaque amovible. Le rideau rouge en consitue ici un exemple.
* La paroi opaque fixe. A l’origine aucun mur du pavillon ne devait être porteur. Pour des raisons de constructibilité certains des murs sont en réalité porteurs. Mais, théoriquement, ils ne sont pas nécessaires à la structure. Ils sont donc, comme le voulait par ailleurs Frank LLoyd Wright, des écrans d’opacité.
Voici la boîte à lumière :
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En nous avançant un peu et en dirigeant notre regard sur la droite nous découvrons le grand panneau central qui « chauffe », tel une cheminée, le salon du pavillon. Il découpe l’espace abrité par le toit en deux régions. La première correspond au salon, dont Mies van der Rohe a prévu le tapis (ainsi que le rideau rouge près de l’entrée), la seconde est une sorte de vestibule qui regarde en direction du local de service. Les flèches dessinées dans le marbre souligne l’axe nord-sud et célèbrent à leur manière la lumière. Cette paroi est comme un tableau de peinture abstraite. Ce tableau joue à sa manière sur le reflet. Si le pavillon se reflète dans le miroir du grand bassin la découpe du marbre met en valeur des phénomènes de symétrie qui sont comme des échos.
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Nous sortons du salon pour admirer le grand bassin. La photographie est prise en diagonale. Cette diagonale articule l’ensemble selon un axe de transparence qui relie le « côté rue » au « côté jardin ».
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Regardons cette « diagonale de transparence ». Quand on se trouve près du grand bassin au voisinage de la diagonale il est possible de voir le jardin. Ce qui ne peut se faire selon une direction orthogonale.
Précisément faisons l’expérience de cette diagonale.
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Regardons de plus près ce qu’il en est de la diagonale de transparence.
Dans ce schéma nous voyons le rôle essentiel que joue la paroi qui bloque la vue orthogonale sur le jardin. Si cette transparence orthogonale avait existé l’oeuvre aurait paru littéralement cassée en deux. Mies a évité ce grave défaut en glissant la paroi entre la paire de poteaux sud. On ne peut donc pas voir ces poteaux en enfilade. Le jardin se laisse voir de loin uniquement dans la mesure où nous prenons du champ en nous promenant du côté du grand bassin aux galets.
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Cette vue du pavillon est une des plus célèbres. Nous en proposons une version légérement plus serrée.
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Nous allons maintenant nous rendre auprès de la sculpture de Kolbe et faire volteface :
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Puis, de nouveau, revenons sur nos pas .
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L’image suivante montre l’enfilade des poteaux du côté rue (côté est).
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Précisons :
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Dans la photographie suivante on voit les deux poteaux qui se trouvent à l’extérieur du salon et sur le bord du bassin. Il est à jamais impossible de voir ces poteaux de face. On ne peut les voir qu’en enfilade.
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Regardons maintenant la perspective que l’on a sur le salon depuis le fond du grand bassin.
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Nous avons vu à l’instant la paire de poteaux du côté nord. Ce qui est remarquable est que la paire de poteaux du côté sud est à l’inverse de la première. Dans le petit bassin on ne peut pas voir la paire de face mais seulement en enfilade. Depuis le fond du grand bassin on peut voir la paire du côté sud de face. Mais on ne pourra jamais voir les poteaux correspondants en enfilade. En effet un écran d’opacité passe irrémédiablement entre les deux poteaux.
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En empruntant la diagonale de transparence nous allons pénétrer dans le jardin et découvrir la face jusqu’ici inconnue de l’oeuvre.
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On remarquera sur le toit la prise de lumière de la boîte de lumière.
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En prenant du champ on découvre l’importance du jardin.
En faisant volteface nous découvrons le volume du local de service.
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Nous allons faire une pause en contemplant le pavillon depuis la hauteur du jardin.
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Cette vue axonométrique permet de comprendre de manière plus synthètique la logique spatiale mise en oeuvre par Mies van der Rohe. Nous avons mis en valeur le dispositif des 2 X 4 poteaux.
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A l’origine ces poteaux devaient être suffisants pour tenir le toit. Des problèmes de mise en oeuvre ont fait que certaines parois ont joué un rôle de mur porteur. Le dispositif poteaux-toits (c’est une forme de portique) était conçu pour permettre de disposer les parois en fonction d’une logique spatiale fondée sur la gradation alternée des opacités et des transparences l’ensemble constituant en soi un petit monde à découvrir. Nous avons vu comment les deux poteaux des côtés sud et nord inversaient leur mode de visibilité. On peut se représenter la série des poteaux comme définissant une sorte de ligne bouclée au nord.
Cette ligne fonctionne comme un principe de liaison dynamique de l’espace construit.
Cette autre vue axonométrique précise la disposition de l’ensemble.
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CARNET DE NOTES
Nous ouvrons ici un carnet de notes destiné à recueillir les réflexions que nous escomptons faire sur cette oeuvre de référence.
1. Sur transparence et opacité.
La séquence d’entrée, qui est une de celles qui s’exposent le plus notamment à la photographie, décline un vocabulaire de la transparence et de l’opacité.
De gauche à droite :
* Nous avons tout d’abord une transparence permanente simplement avec le vide.
* Puis se présente une transparence permanente par le biais du verre. (Notons que, comme c’est le cas pour les entrées, certains grands panneaux de verre peuvent laisser place au vide).
* Elle est suivie par une transparence temporaire obtenue par le glissement possible du grand rideau rouge de l’entrée.
* Qui dit transparence temporaire dit nécessairement opacité temporaire. Quand le rideau est fermé, et il est généralement fermé, on obtient une opacité temporaire.
* Enfin la séquence se termine par une opacité permanente correspondant au mur vert foncé du côté nord.
Du nord au sud la séquence s’ouvre ainsi sur le vide, sur l’espace et auquel, comme en écho, répond le grand bassin.
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2. Sur l’entrée.
Regardons tout d’abord cette photo-analyse.
La flèche ‘a’ indique la direction que prend d’abord le visiteur pour accéder au pavillon. C’est une sorte d’entrée dans la mesure où nous entrons dans un « espace », et non pas dans une chose. Et c’est bien ce qui se produit puisque, avant même d’en savoir plus sur l’intériorité du pavillon, nous pouvons contempler le grand bassin aux galets. Cette arrivée sur le podium fait penser à la manière dont nous accédons à certains temples de l’antiquité. Par exemple, à Nîmes, c’est ainsi que nous entrons à la Maison Carrée. Une fois parvenu près du grand bassin nous pouvons flâner au bord, nous rendre jusqu’à la billetterie voire aller directement dans le jardin en empruntant la diagonale de transparence. Abstraction faite de la nécessité d’avoir un billet… nous pouvons nous retourner et entrer dans le salon du pavillon (direction « b ») . Ce n’est pas, là non plus, sans évoquer un temple. Mais la statue du Dieu (de la Déesse) a une attitude humaine : elle est éblouie par la lumière du soleil. Et sa ligne théorique de regard renvoie à la direction nord-sud qui est celle de tout le pavillon. Le sacré du temple est celui du monde même, de ce monde si riche en sensations lumineuses : formes – elles sont de plusieurs types notamment physiques et phénomènologiques – intensités, couleurs.
Au passage nous observons comment fonctionne la diagonale de transparence dans son articulation à la paroi de blocage visuel.
En attendant la fin.
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Siento no poder escribir en francés. Muchas gracias por esta página, de lejos es la mejor en cuanto a fotografías y planos que pienso utilizar, si no tiene usted inconveniente, en mis clases en la Facultad de Bellas Artes de Madrid.
Quizá le interese, si puede leer en español, la magnífica monografía de
Josep Quetglas: El horror cristalizado. Imágenes del Pabellón de Alemania de Mies van der
Rohe. Barcelona, ed. Actar, 2001. Este texto precisamente relaciona el vacío y la pesadilla del movimiento moderno a través del cristal
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J’ai « El Horror Cristalizzado » en espagnol, mais je serais interessé par une version française, anglaise, italienne ou allemande. Est-ce que les traductions de ce beau livre existent?
Merci et bien à vous tous
BP
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Merci de cette remarquable analyse! =D
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je suis étudiante en architecture à sidi bousaid Tunis, je suis vraiment ravi de ce que j’ai vu parce que vraiment c’était une leçon d’architecture, je vous remerci
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je suis étudiant en architecture à Sétif en Algerie
Vrément!je vous remercie beaucoup car c’est une tres grande leçon d’Architecture
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Je suis étudiant en architecture,et j’ai un exposé sur ce pavillon,et j’avoue je ss very glad d’avoir trouvé tt ces détails et ces explications,je crois qu’il me reste plus que la maquette,merci bcp.
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Fantastique !
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Bravo!
J’ai compris, même si je n’y suis pas allée. Mieux que toutes les explications foireuses dans les bouquins!
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très fore merci
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Merci ca m’a aidé beaucoup
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Je ne suis pas architecte mais ingénieur. La création de MIes aurait été encore plus aérienne avec les matériaux actuels: les poteaux notamment seraient infiniment plus discrets, ou de forme plus fluide que ces cornières assemblées par 4.
Les ancrages des poteaux, devenus inutiles rendraient la réalisation beaucoup plus simple….
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Merci pour cette bonne description et analyse, mais je veux juste rajouter qu’il manque ses dimensions qui pourraient rajouter une meilleur perspective du monument
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Une superbe explication, claire et rationnel. Je suis en école d’architecture et cette étude m’a autant aidé qu’éclairci, merci !
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