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BREVE OUVERTE A MICHAEL FOESSEL ET JEAN-CLAUDE MONOD
Messieurs,
Comment est-il seulement possible, compte-tenu des graves enjeux qui s’attachent à la lecture critique de Heidegger, de diriger une publication en acceptant les conditions imposées par les ayant droit à savoir l’interdiction d’inclure dans l’édition des préfaces ou des introductions qu’elles aient ou non un caractère critique prononcé?
Certes il faudrait en passer par là puisque aussi bien, même pour l’exercice normal de la critique, il faut disposer du texte les ayant droit faisant la loi. Il demeure qu’il y a quelque chose de profondément choquant dans cette soumission caricaturalement anti-kantienne à la limitation de la liberté de commenter, de critiquer, de préfacer…
Il ne resterait donc plus qu’à oeuvrer en parallèle par exemple sur des pages Facebook ou sur des blogs. Et cela pourrait aller jusqu’à proposer des traductions originales « pirates » accompagnées des critiques adéquates. Pour l’heure il est catastrophique que des lecteurs peu informés ne puissent disposer que de publications ainsi alignées. Le titre même de la collection où les cours du jeune Heidegger sont publiés se fait caricature : L’Ordre Philosophique! On frémit!
Le lecteur a cependant droit à une présentation parfaitement alignée et signée par les traducteurs. Et cette présentation vaut comme quittus quant au contenu purement philosophique du texte.
Il reste que Heidegger aurait puissamment innové, quant à la nécessité de penser le vécu comme tel, en proposant quelque chose comme une « intuition herméneutique ». La question est alors la suivante : n’est-ce pas précisément en vertu de cette intuition herméneutique que Heidegger gratifie le lecteur des Cahiers Noirs de sentences antisémites? L’intuition herméneutique n’est-ce pas, plus généralement, ce qui fait que l’oeuvre de Heidegger constitue, en s’ordonnant à un antisémitisme formulé de manière ontologique, une entreprise de fondation d’un Etat de type nazi et hitlérien?
Merci quand même, messieurs, pour cette traduction française. Mais faut-il saluer le courage dont vous faites preuve en avalant des couleuvres aussi peu ordonnées à l’exercice de la philosophie?
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