L’appel de Heidegger à la question, qui porte loin dans Introduction à la métaphysique, semble s’adresser de manière privilégiée à la fibre la plus philosophique du lecteur. L’auteur oppose ainsi la question aux réponses par exemple d’origine théologiques et plus spécifiquement chrétiennes. La démarche serait pleinement acceptable s’il s’agissait de demeurer philosophiquement, même dans l’inconfort, sur le fil du questionnement.
En réalité Heidegger ne fait que refuser certaines réponses pour en adopter d’autres. Plus précisément il disqualifie le christianisme – qui prolonge en fait le judaïsme – au profit du nazisme et de ses réponses. Imaginons que la question soit : « puis-je tuer ? » On peut naturellement se reporter au décalogue et considérer comme sacré l’interdit de meurtre. On peut aussi refuser le décalogue tout en reconnaissant la valeur sociale et morale de l’interdit. Il est possible d’adopter un point de vue « laïco-kantien » : « si je tue qui pourrait être motivé pour venir me défendre quand, à mon tour, je suis attaqué ?»
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« Celui qui se tient sur le terrain d’un telle foi – Heidegger fait référence à la Bible et à la révélation – peut certes de quelque manière suivre le questionnement de notre question – « Pourquoi y-a-t’il quelque chose et non pas plutôt rien ? » – et y participer, mais il ne peut pas questionner authentiquement sans renoncer à lui-même comme croyant avec toutes les conséquences de cet acte ». Martin Heidegger, Introduction à la métaphysique, PUF 1958, page 14.
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L’idée heideggerienne de la « vérité de l’être », qui met encore aujourd’hui en transe les amoureux des choses simples, recèle en vérité les principes du racisme et de l’antisémitisme le plus meurtrier. La « vérité de l’être » est qu’en vertu du fait que les juifs, les déracinés par excellence, font obstacle à une (ré)appropriation – Ereignis – du peuple allemand de l’authenticité de son essence, ils devront être totalement anéantis. C’est énoncé clairement, précisément, dans Sein und Wahrheit – Etre et vérité.
La « question » heideggérienne consiste ainsi, pour l’essentiel, à tracer le chemin conduisant de l’interdit de meurtre au « devoir de génocide » !
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