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Grand philosophe, référence académique incontournable, Heidegger permet à des heideggériens, dont certains sont prestigieux, d’écrire des articles parfois excellents.
Rien à redire.
Mais par définition ce « qu’ils font », et pour autant qu’il est aussi bien impossible qu’inconcevable que leurs textes constituent une propagande nazie – et dans quels grands textes de Heidegger une telle propagande est-elle saisissable? – ils découpent avec un scalpel trés fin le texte heideggérien, et là où il est prévu qu’on puisse le faire, entre la « pensée sublime » et la « pensée abjecte » ou, autrement dit, entre philosophie et nazisme.
Il faut rappeler les deux conditions absolument nécessaires à l’introduction du nazisme dans la philosophie :
1. Il est nécessaire qu’on puisse toujours argumenter pour montrer qu’elle n’a pas lieu.
2. Il est nécessaire, corrélativement, que le nazisme effectivement introduit soit protégé par une forme de négationnisme.
Et c’est pourquoi, au reste, et alors que certains lecteurs peuvent y voir la marque d’un événement philosophique majeur, Heidegger transforme de fond en comble le rapport philosophique à la vérité.
Heidegger a-t-il déclaré en 1945 qu’il s’est livré à une forme de « résistance spirituelle »?
Et bien des heideggériens le croient sur parole et disent : Heidegger a fait de la résistance spirituelle!
Un grand penseur ne saurait mentir. Quels que soient les contours et détours de la doctrine heideggérienne de la vérité là, sur ce point, il a émis une proposition vraie et adéquate.
Il est vrai que p, (p = Heidegger résistant spirituel).
P est adéquate à S, décrit effectivement un état ou un attribut de S (S=Heidegger).
Je me permets d’indiquer sommairement la solution heideggérienne à cette embrouille.
1. Il n’y a rien au-dessus de la « vérité de l’Etre ».
2. La vérité de l’Etre a été mise en oeuvre par le Führer en l’espèce du temple du III° Reich.
3. Donc le mensonge de la résistance spirituelle est en réalité une preuve de fidèlité à la vérité de l’Etre.
Mais, bien entendu, il est toujours possible d’accorder son assentiment à la déclaration du grand penseur Heidegger. Et de pouvoir faire un bout de chemin avec le concours de textes « innocents ».
Autre exemple : celui du tournant.
Le tournant du Heidegger de l’académie est strictement intra-spirituel ou intra-philosophique. On peut le décrire comme l’élaboration d’une direction à partir de laquelle la phénoménologie d’origine husserlienne devient une ontologie fondamentale notamment en l’espèce d’une herméneutique du Dasein.
Mais ce n’est absolument pas un hasard si ce tournant a lieu au moment où le parti nazi monte en puissance.
Notre philosophe a trouvé le parti de la « vérité de l’Etre ».
D’où l’efflorescence de la terminologie de l’ontologie qui accompagne l’ébauche puis la construction du temple hitlérien de la « vérité de l’Etre ».
La grande réussite stratégique de Heidegger est d’avoir magistralement réussi la fusion, à la condition d’une Destruktion, entre la tradition philosophique allemande et la promotion politique du Volk au sens völkisch.
Dasein, par exemple, a l’apparence d’un concept universel. On peut donc écrire de bons textes philosophiques à propos ou à partir du Dasein.
Mais Heidegger rigole. Car l’ être-le-là c’est d’abord et avant tout le Volk en tant qu’il est enraciné d’une manière telle dans un paysage « naturel-culturel » que cela lui confère une autorité ontologique et politique absolue.
Il a le droit à l’esclavage et à l’extermination.
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