Heidegger : jolies phrases de Paris 4 philo

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Pourquoi bouder son plaisir, intellectuel s’entend, quand on tombe sur des phrases aussi philosophiquement décisives :

Je me suis fait traiter de révisionniste, alors que j’ai tout bonnement recopié des livres d’histoire.

Mon but était avant tout de rassurer les lecteurs de Heidegger : il n’était ni antisémite, ni raciste, ni totalitaire, bref pas facho pour un sou (en passant, Fédier non plus, qui serait plutôt du genre vieux gauchiste – encore un – certainement pas penseur de droite comme j’ai entendu dire sans en croire mes oreilles). La philosophie n’a jamais collaboré à la pire engeance qui fut au monde. Vous pouvez sans risque continuer à étudier cette pensée admirable en tous points.

Il faut d’abord apprécier le langage : « recopier des livres d’histoire », « rassurer », « pas facho pour un sou », « sans en croire mes oreilles », « jamais collaboré », « pire engeance », « admirable en tous points », « François Fédier… vieux gauchiste ». Cela foisonne de concepts en tous genres.

Il s’agit de phrases trouvées sur Paris 4 philo lequel site, enfin, vient de retirer son lien en direction du phiblogZophe. (Lequel est  qualifié de manière sélective de « débile ».)

Ces phrases concluent cependant un essai intitulé « penser Auschwitz avec Heidegger. » Il s’impose de regarder de plus prés ce qui prétend être dit.

1) Hannah Arendt et Martin Heidegger

C’est un classique des gardiens de la planque philosophique du nazi Heidegger que de mettre en avant la « maîtresse juive géniale ». Je laisse de côté la relation personnelle et ne considére ici que les textes. En réalité H. Arendt répond à M. Heidegger.

Citons d’abord le texte heideggérien :

« Des centaines de milliers meurent en masse. Meurent-ils ? Ils périssent. Ils sont tués. Ils deviennent les pièces de réserve d’un stock de cadavres en cours de fabrication. Meurent-ils ? Ils sont liquidés sans bruit dans les camps d’extermination. (…) Au milieu des morts innombrables l’essence de la mort demeure méconnaissable. » 

J’ai soutenu sur d’autres pages que, lorsqu’on met en relation ce texte de Heidegger (conférence de Brême de 1949) avec l’origine völkisch de ses thèmes fondamentaux – le mouvement völkisch fut antisémite et préconisa dés la seconde moitié du XIX° siècle l’extermination des juifs d’europe – le texte apparaît dans toute son horreur. Heidegger, dans ces phrases abjectes, ne fait en réalité que décrire ce qui, selon lui, est la conséquence du caractère parasitaire, exogène, « non humain » de ceux qui représentaient, par leur cosmopolitisme, leur absence de souche, la menace principale pour l’intégrité du Volk en tant qu’enraciné essentiellement dans un paysage. Or le texte d’H. Arendt remet précisément les choses à leur place :

« Les camps de concentration, en rendant la mort elle-même anonyme (en faisant qu’il soit impossible de savoir si un prisonnier était mort ou vivant) dépouillaient la mort de sa signification : le terme d’une vie accomplie. En un sens ils dépossédaient l’individu de sa propre mort, prouvant que désormais rien ne lui appartenait et qu’il n’appartenait à personne. Sa mort ne faisait qu’entériner le fait qu’il n’avait jamais vraiment existé. »

La dernière phrase est essentielle. Elle rappelle à Heidegger lui-même l’existence d’un processus d’exclusion et de déshumanisation sans lequel les camps n’auraient jamais existé. Et ce processus prend son point de départ dans l’idéologie völkisch, dans son antisémitisme « spirituel » virulent cela même auquel Heidegger s’est évertué de donner une formulation philosophique de légitimation, formulation qui contribua à faire le lien entre l’état national-socialiste et l’université.

2) La question agricole

« L’agriculture est aujourd’hui une industrie d’alimentation motorisée, dans son essence (Wesen) le Même (das Selbe) que la fabrication de cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’anéantissement, le Même (das Selbe) que le blocus et la réduction de pays à la famine, le Même (das Selbe) que la fabrication de bombes à hydrogène. »

 

C’est du Heidegger dans toute son horreur. Paris 4 philo cite Gérard Guest qui s’évertue à protéger Heidegger en soulignant le fait que das Selbe, chez Heidegger, ne signifie pas dasselbe. Das Selbe veut dire le Même et non pas la même chose (dasselbe). L’explication est que, par das Selbe, Heidegger veut dire que l’agriculture moderne, les chambres à gaz, le blocus, la bombe à hydrogène relèvent d’une même histoire de l’être, à savoir précisément en tant qu’ oubli de l’être et déploiement du Gestell, de l’arraisonnement technique du monde.

La couverture de Guest aggrave en réalité le cas Heidegger. Car, trés précisément, cette critique de la modernité a depuis longtemps, à la formulation prés, servi à justifier dans le mouvement völkisch l’antisémitisme. Il y a tout un réseau sémantique qui associe le cosmopolitisme, le déracinement, l’absence de souche à la perte d’intégrité et d’authenticité du Volk. Le concept scientifique d’espace est dit par exemple, dans les Prolégomènes à l’histoire du concept de temps, détruire « la structure spécifique de l’ambiance ». Le mot « détruire » est particulièrement fort et diabolisant. Mais, ce qu’il vise en réalité c’est la rationalité cartésienne et, avec elle, la phénoménologie « juive » de Husserl.

Sur le fond tout ceci ne tient pas la route une seule seconde. Heidegger a largement contribué à constituer un antisémitisme spirituel meurtrier. Notamment, et cela est déjà sensible dans les Prolégomènes, en diabolisant ce qui est censé détruire le paysage « ensouchant » du Volk.

Heidegger n’a fait qu’élaborer un système de justifications d’une politique du crime. Pour lui, comme pour tous les héritiers du völkisch, toute une population était considérée comme étrangère à la « structure spécifique de l’ambiance ». Les camps, dans cette perspective qui dissimule ses intentions criminelles derrière l’invocation d’un processus, n’auront été que les dépôts d’ordures, incinérateurs compris, destinés à purifier la « structure spécifique de l’ambiance » de tout ce qui était censé faire obstacle à l’anamnèse de l’être.

Si Auschwitz a pu avoir lieu ce n’est pas  à cause du fait qu’on pouvait produire des barbelés, construire des chambres à gaz, organiser des transports et des sélections, mais bien parce que des intellectuels comme Heidegger ont fourni les justifications « nobles », « transcendantes » au crime de masse d’état.

Et Heidegger aura été le champion  du langage de mort. Lui, le seigneur, n’avait pas besoin de faire le salut hitlérien dans ses cours. (De quelles protections a-t-il pu bénéficier pour se permettre un tel manquement à l’ordre du Reich!?)

La sélection heideggérienne c’est : par ici l’ ontologique – le Volk – par ici l’ ontique : handicapés – Eugen Fischer grand ami de Martin Heidegger – juifs, tziganes, slaves, latins…

Le tout avec une magnifique et splendide propension à se moquer du monde : « grande bêtise » a dit le grand homme. (En pouffant de rire, sans doute, dans son for(t) intérieur).

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1 commentaire

  1. Eh bien, ca continue à ce que je vois ! La philosophie n’est elle pas le lieu de l’objectif ? Je pense, et je m’adresse surtout à Paris 4 Philo (qui malgrès sa haine envers ces propos, continue sans cesse de parcourir les articles de ce blog) que si le philblogzophe tente de remettre en question l’origine d’un tel penseur, il doit bien y avoir une raison! Dans ce cas posez vous cette question : quelle est cette raison ? Est-ce qu’il peut y avoir de mauvaise intention dans le dénonciation de la plus perverse imiction de la pensée nazi, dans le monde de pensée ? Pourquoi un philosophe se risquerait-il à remettre en cause un des plus grand penseurs du 20e siècle ?

    Par contre si l’on pose la même question à Paris 4 Philo, c’est à dire, la raison de leur haine et de leur insulte au philblogzophe, on peut tout de suite trouver une réponse, qui elle est très effrayante.

    Tentez d’y réfléchir et de répondre à ces interrogations (je m’adresse bien sur à Paris philo) et ce de manière intelligente et objective, pour une fois.

    Un lecteur.

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