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Voilà encore une page ridicule, permise par Internet-la-poubelle, et signée par un ignare qui, effaçant de sa lourdeur l’éblouissement qui fut celui de Levinas et de Blanchot, nous inflige une calomnie supplémentaire. Saluons alors wikipédia qui n’hésite pas, quant à lui, à faire l’éloge de Heidegger en citant un de ses amis les plus fidèles : Eugen Fischer, théoricien-praticien de l’eugénisme et un des inspirateurs de Mein Kampf. Wikipédia :
Grand ami du philosophe Martin Heidegger, avant comme après la guerre (en 1944, Eugen Fischer écrit à son propos au gauleiter de Salzbourg que c’est un « penseur exceptionnel et irremplaçable pour […] le parti […] », ajoutant : « nous n’avons pas tellement de grands philosophes […] nationaux-socialistes. »
Le même wiki n’hésite pas à faire mention de certaines activités du grand homme que fut Eugen Fischer :
De ses études, il conclut aux « méfaits » de la mixité raciale entre Hereros et Allemands. Il poursuivit ses recherches dans les camps de concentration hereros du Sud-Ouest Africain en 1904 où il effectua des expérimentations anthropologiques, médicales dont des recherches génétiques sur les corps des Hereros pendus. Il procédera également à la stérilisation des femmes.
L’article est ainsi fait qu’il commence par la description de Fischer en Mengélé des tropiques et se termine par Heidegger, « grand philosophe national-socialiste ». Le voyage forme la jeunesse paraît-il!
L’heideggerien n° 1 n’a jamais rien compris au nazisme et, désolé de la brève aventure hitlérienne de son mentor, continue ses lectures transcendantes.
L’heideggerien n° 2 a compris beaucoup de choses mais, pour la bonne cause, minimise le nazisme de Heidegger. Il croit même en faire un personnage inutilisable par les nazis.
L’heideggerien n° 3 ajoute à sa compréhension une sympathie pour le nazisme. Mais il minimise le nazisme heideggérien afin de ne pas vendre la mèche. C’est un négationniste tacticien.
L’heideggerien n° 4 fait du Heidegger de manière heideggérienne, notamment en cryptant des signaux à l’intention des « kamarades ».
On peut imaginer d’autres heideggériens faisant l’interface entre la phraséologie people néo-nazie et le grand jeu de la magnificence ontologique.
Le nazisme doctrinal est un aigle à deux têtes : Heidegger et Hitler. Hitler est du genre jetable. Il s’est jeté lui-même. Heidegger c’est, au contraire, le « Reich pour mille ans » version virtuelle. Ce qui ne veut surtout pas dire irréelle.
Etre et temps fut en ce sens, et au moins en deux sens, le combat de Heidegger, son Kampf. Gagné!
Je me permets de rappeler cette condition à l’existence de ce Reich pour mille ans : Heidegger est le philosophe du nazisme à la condition qu’il ne soit pas un philosophe nazi!
Ce fut la motivation principale de son dépassement de la philosophie. Cela lui permettait, par exemple, de faire autre chose que d’exposer de manière systèmatique une « philosophie nazie ». Cela aurait été d’autant plus contre-productif qu’il lui aurait fallu rendre compte de ce qu’il faisait subir à la philosophie par le nazisme.
Mais alors Etre et temps?
Sur cette courte page je me bornerai à faire état d’une intuition. Le titre même, Etre et temps, est aussi, par-dessus le marché des analyses, un écho empathique au titre hitlérien Mon combat.
Traduisons l’écho : « être » est le mot pour le Volk, le peuple; c’est le mot pour l’ essence du Volk. Et cette essence est enracinée dans un paysage.
« Temps » : c’est le moment du combat, de la délivrance de cette essence; c’est le mot de ce combat qui, devenant plus tard « commencement originaire », « décision ultime », « travail », « historialité »… se fit solution finale.
Pour comprendre Etre et temps il faut admettre qu’ Heidegger, en écho à la bible hitlérienne, s’est lancé quant à lui – ce sera son combat! – à la conquête de l’ Université en forgeant une « fondation » ontologique à la culture völkisch, bien en place depuis la fin du XIX° siècle.
Il put séduire en associant à cet esprit völkisch la notion de « grand philosophe allemand », la notion de philosophie comme « chose allemande », comme musique spirituelle germanique.
Ce n’est évidemment qu’un programme de lecture. Mais telle est l’hypothèse phiblogZophique, le gérant du blog rappelant au visiteur que si Internet est une poubelle, Mein Kampf fut un livre sacralisé comme une Bible tandis qu’ Etre et temps est encore transmis comme un chef d’oeuvre apolitique.
Mein Kampf est paru en 1924, Sein und Zeit en 1927. Le génie stratégique d’Heidegger fut de comprendre qu’il ne fallait pas que Sein und Zeit soit un « livre nazi ». C’était la condition pour que le programme hitlérien, fondé sur le mouvement völkisch, puisse avoir un pendant universitaire ayant valeur de fondation notamment en s’appuyant, sans le compromettre, sur le prestige allemand en philosophie. Aujourd’hui, quand on reprend telle quelle cette mise à distance, on ne perturbe en rien le fonctionnement d’un dispositif encore en activité. A l’inverse il ne suffit surtout pas de dire : Etre et temps est un livre nazi. Certes, c’est vrai… mais c’est faux!.. C’est vrai parce que c’est faux!.. Ah! la raison heideggérienne!
Nous ne faisons pas du rétrospectivisme. Heidegger appartenait totalement au mouvement völkisch et, à l’instar de nombreuses de ses figures, était acquis dés les années 20 à l’idée de la solution finale. Cette idée qui se traduira diversement par des expressions comme : « commencement originaire », « tournant », « travail », « historialité », « tâche »… Sein und Zeit, Heidegger l’a dit, n’était pas un livre mais une tâche. Le terme est explicite dans le contexte völkisch.
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