.
.
.
Dans une note publiée sur un site de philosophie Gérard Guest termine sa brève, mais paraît-il décisive, critique des thèses d’ Emmanuel Faye sur l’introduction du nazisme dans la philosophie, par cette conclusion sans appel :
Mais pour peu que l’on s’y rapporte pour en juger par soi-même, on ne manque pas de s’apercevoir : qu’il s’agit là d’une interprétation du célèbre fragment d’Héraclite sur le « polémos », donc de la « guerre » — « der Krieg » — ou du « combat » — « der Kampf » —, conçus comme le rapport de fond (« ontologique ») de l’homme « au monde », à « l’étant dans son ensemble » et « à l’Être » ; et qu’il s’y agit plus particulièrement du « peuple grec » dans son rapport immémorial d’intime « confrontation » avec l’élément «asiatique» : « das Asiatische » ; que la « souche originairement germanique », dont il est effectivement question dans le Cours, n’est donc autre que celle du « fonds » historique et culturel (et non pas « racial ») «indoeuropéen» à l’égard dudit « élément asiatique » ; enfin : qu’il s’agit là, en dernière instance, de l’intense, féconde et inépuisable opposition discernée par Nietzsche au coeur même du classicisme grec, dans son Origine de la tragédie, entre l’élément « apollinien » et l’élément « dionysiaque »… Ce dont Emmanuel Faye se garde bien de rendre compte, préférant visiblement orienter son lecteur en direction de tout autres associations d’idées…
Il faudra sans doute un jour faire une thèse de pataphysique sur l’humour guestien. La conclusion de l’auteur, qu’on attend avec impatience comme une mise en lumière de l’antinazisme de Heidegger, est en réalité un retour à la thèse qu’il s’agissait de réfuter. Notamment « le rapport de fond (ontologique) de l’homme « au monde », à « l’étant dans son ensemble » et « à l’Etre » pourrait précisément caractériser le nazisme à formulation philosophique de Heidegger. Comme tel l’énoncé est effrayant car il signifie rien moins que le concept d’un nazisme total. L’homme dont il est question dans la formule n’a rien d’universel. Il est le Mensch heideggérien, fleuron « indoeuropéen », et parlant précisément la seconde langue de l’ être après le Grec. A ce titre il répéte à sa manière, depuis son lieu d’élection, la confrontation grecque avec « l’élément « asiatique ».
Par ailleurs faire fonctionner l’aiguillage en direction de l’opposition entre « l’apollinien » et le « dionysiaque » demeure une tentative sans lendemain pour étouffer la signification nazie du texte heideggérien. La notion « d’un peuple grec » dans son rapport immémorial d’intime » confrontation avec l’élément « asiatique » est au reste largement suffisante en tant que mise en évidence du caractére fondamentalement nazie de certaines catégories heideggériennes de « l’histoire de l’être ».
Mais je remercie Gérard Guest. Sa conclusion ne fait que confirmer le caractère effrayant du « nazisme total » de Heidegger. Le fantasme central de ce nazisme, à travers lequel on entend des échos de Schmitt, de Jünger mais surtout de Spengler, est celui d’un européocentrisme à direction allemande se donnant le droit de pratiquer à grande échelle la biopolitique d’extermination.
Mais j’ai déjà dit ailleurs que ce nazisme total était en passe de devenir un « mondialsocialisme » : le Cambodge, le Rwanda… le Darfour?
S’agirait-il alors de se préparer à un choc terrifiant des « civilisations »? Heidegger aurait tenté de surmonter le côté kamikaze d’Oswald Spengler. La mondialisation de la maîtrise des armes de destruction massive, qui contribue (avec le chantage à l’accès aux énergies fossiles) à l’impuissance de la conscience internationale à s’impliquer dans la défense des « petits peuples » en danger de mort, pourrait remettre au goût du jour le « romantisme suicidaire » de l’auteur de L’homme et la technique.
.
.
.
.
Bonjour.
En lien, une autre preuve de cet humour (involontaire) de Gérard Guest.
Cordialement.
—–
Voir le site :
stalker.hautetfort.com/archive/2010/03/02/le-miroir-de-pensee-de-gerard-guest.html
J’aimeJ’aime