.
.
.
Gallimard, donc, vient de publier dans sa Bibliothèque de philosophie (il est vrai au rayon des oeuvres de Heidegger) La logique comme question en quête de la pleine essence du langage.
On se demande, aprés la lecture du livre, comment on a pu encore récemment défendre qu’Heidegger aurait pris ses distances avec le nazisme à partir de la démission du rectorat. La logique… est un cours du second semestre 34 et est postérieur à la démission. Et il se confirme qu’il s’agit d’un cours de nazisme racidal. De fins lecteurs de Heidegger connaissaient probablement l’ouvrage allemand mais ont persisté à diffuser le mythe.
Comme souvent chez Heidegger le titre se lit au moins en deux sens. Or celui-ci a un sens qui, à la lumière du contenu du livre, est un sens nazi. C’est contre toute une tradition dite « intellectualiste » – on sait que la « science allemande » appréciait le savoir intuitif – que la logique est répudiée en faveur de la « pleine essence du langage ». La formule est presqu’aussi grotesque qu’ampoulée et farcie d’hitlérisme. Heidegger y légitime par exemple la « voix du sang ».
Voilà donc un cours de nazisme à couverture philosophique trônant en bonne place dans une bibliothèque de philosophie, la bibliothèque de Gallimard!
Certes la 4eme de couverture nous prévient : « Le lecteur trouvera ici matière à méditer sur les liens de la pensée de Heidegger avec son engagement ». La formule ne se mouille pas trop même si on devine qu’elle avoue la menterie d’un Heidegger démissionnaire-désenchanté. Le cours est au contraire une sorte de manuel enthousiaste de révolution nazie. Et dans la foulée de cette démission qu’un Jean-Luc Nancy a jusqu’ici brandie comme une preuve de prise de distance.
On se prend à rêver que Gallimard constitue une collection spécialisée dans les documents d’histoire des totalitarismes, par exemple, et sorte de notre bibliothèque de philosophie un des doublets heideggériens du Mein Kampf d’Hitler.
Il faut espérer que c’est uniquement dans un souci de marketting qu’on nous vante le fait qu’ « il est ici question de manière très originale du peuple, de la résolution, de l’histoire, et aussi de l’Etat, de libéralisme, de socialisme. »
La formule « manière très originale » est grosse de tous les dérapages possibles. Auschwitz aussi était trés original.
Au reste l’ouvrage est pour moi une confirmation qu’Heidegger a été en première ligne pour « penser » la solution finale.
Mais enfin voilà où en est une des collections les plus prestigieuses de la pensée française.
Un volume entre l’ être de la pensée et le néant du nazisme. Les philosophes menteurs doivent se frotter les mains. C’est à maints égards consternant et inimaginable.
Rappel d’une autre note (http://skildy.blog.lemonde.fr/2008/02/04/la-logique-de-heidegger-un-traite-de-nazisme/) :
« Le travail, selon ce qu’il y a en lui de spirituel, est le présent, pour autant qu’il met notre être dans l’obligation qui satisfait à l’exigence de l’oeuvre, c’est-à-dire lui impose de libérer l’étant lui-même. » (Heidegger, La logique… Page 182).
« Libérer l’étant lui-même » : le travail sera pour une part, et pour autant que nous sommes convaincus qu’Heidegger a appelé au moins dés 1935 à la solution finale, ce travail particulier qui sera effectué dans les centres d’extermination et les camps.
Heidegger : « C’est pourquoi avoir le coeur joyeux au travail est si important. Ce n’est pas là une disposition affective qui ne fait qu’accompagner notre travail, ce n’est pas un supplément au travail; mais la joie comme disposition affective fondamentale est le fondement d’un vrai travail, dont l’accomplissement seul rend l’homme apte à être-le-là ». (Page 183).
Les photographies sont extraites de l’album Karl Höcker.
Le deuxième à gauche s’appelle Mengele.
La voix du sang et l’ être-le-là.
Ou comment sélectionner l’ontique en faveur de l’ontologique.
Bref, la différence ontologique au travail.
.
.
.
.