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On comprend que des académiciens qui ont fait de Heidegger une des grandes figures de la pensée humaine, ou que des auteurs qui ont cheminé dans la compagnie étroite de son texte, se mettraient en contradiction s’ils leur venaient l’idée, saugrenue pour le coup, de reconnaître l’intensité et la détermination du nazisme de leur auteur.
Pourquoi, se demandera-t-on, en écartant l’hypothèse que tous ceux qui pratiquent cette occultation ont des sympathies pour le nazisme?
Pour une raison fort simple, dont j’en découvre peu à peu toutes les déterminations : le nazisme de Heidegger dépasse tout ce qu’on peut imaginer de la part, précisément, d’une figure, et d’une figure récente, qu’on nous a invité et habitué à admirer et dont les textes sont proposés à notre méditation. Et donc le plus souvent sans recul critique et sans aucune connaissance historique du contexte. Lequel contexte n’est d’ailleurs pas qu’une sorte de « milieu » dans lequel baignerait une pensée mais un réseau de réseaux étroitement intriqués et dont les textes de Heidegger eux-mêmes sont des élements constitutifs. Le texte heideggérien n’est pas dans un contexte comme un portrait dans la lumière mais un des textes qui, croisant de multiples références – l’histoire de la philosophie, les événements historiques et politiques de la période, la doctrine hitlérienne… – contribue à la mise en résonance sémantique de sa forme et de l’histoire.
Nous faisons totalement fausse route lorsque nous nous représentons Heidegger comme un philosophe simplement « dans » un contexte ou « dans » une situation. Qu’on l’isole du contexte pour éviter le problème de son nazisme, ou qu’on l’associe au contexte pour lui trouver des excuses ou une forme de responsabilité, on passe dans les deux cas à côté de la question. Et pour cause : Heidegger n’a eu de cesse d’entrer à sa manière en résonance aussi bien avec l’historique qu’avec l’historial. Et il s’enfonçait pour ainsi dire d’autant plus lui-même dans le contexte qu’il se pensait comme le membre prophétique d’une communauté de sol et de sang ayant vocation à ce que cesse « l’obscurcissement du monde ».
Le caractère profondément pervers de ce négationnisme tient à ce qu’il se nourrit de la méthode trés sophistiquée mise au point par Heidegger lui-même pour crypter et pour mettre au secret l’ensemble des arguments qu’il affine pour justifier la biopolitique d’extermination.
C’est, au minimum, se faire complice d’un geste totalement et absolument contraire à la philosophie.
Il y a, par exemple, à partir des années 30, tout une sémantique codée de ce qui deviendra le génocide le plus terrifiant de l’histoire. Heidegger y aura été pour quelque chose.
Et, à partir de 1945, Heidegger n’a eu de cesse de glorifier, toujours de manière cryptée, « l’oeuvre » de Hitler et de la SS.
Le problème n’est pas de savoir s’il faut continuer à lire ou non Heidegger.
Heidegger a atteint un degré de reconnaissance dans l’histoire de la philosophie. C’est un fait même si cette reconnaissance est appelée à se modifier dans le temps.
Je veux surtout dire qu’un écrivain philosophe aussi nazi que Heidegger ne peut que remettre en cause certains modes habituels de la reconnaissance ainsi que certaines notions afférentes comme : « oeuvre », « grand philosophe du XXe siècle »…
Et cela d’autant plus que le nazi Heidegger a précisément compté sur le philosophe reconnu Heidegger pour transmettre sa justification du crime de masse d’Etat.
Les supposés « grands transmetteurs » qui tirent profit de la naïveté du lecteur pour gommer le nazisme de Heidegger sont au minimum « à côté de la plaque ».
Le « contre-événement » Heidegger nous oblige à repenser entièrement ce qu’est la réception et la reconnaissance. Hitlérien acharné Heidegger met en péril même ce qu’on appelle la culture. On ne protègera pas celle-ci, sur le long terme, à nier ou à minimiser le nazisme heideggérien.
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QUESTION: qu’a écrit ou dit le Pape Benoit XVI sur Heidegger?
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