Nous ne savons pas encore ce qu’est « penser Heidegger »

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« Mais aujourd’hui nous ne quittons pas le pays, mais nous sommes chassés non comme peuple mais comme créatures répugnantes » (Zalmen Gradowski, in Des voix sous la cendre – Manuscrits des Sonderkommandos d’Auswchwitz-Birkenau – Le livre de Poche, Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah 2005, page 53)

Penser Heidegger c’est, peu à peu, prendre conscience qu’il s’agit en réalité de penser un « événement philosophique » qui n’a aucune commune mesure avec, par exemple, les justifications que des grands philosophes de l’antiquité ont produit de l’esclavagisme.

Penser Heidegger c’est, peu à peu, prendre conscience que la rupture heideggérienne « intra-philosophique » consiste, en tant « qu’introduction du nazisme dans la philosophie », en une tentative de légitimation de l’extermination d’état et de masse.

Pour approcher le plus prés de la pensée de Heidegger il faut alors acquérir le savoir de ce que fut l’extermination de masse, génocidaire et programmée, des Juifs et des Tziganes.

On ne peut lire aussi bien Etre et temps que l’ Homme habite en poète dans l’ignorance de ce que fut Auschwitz.

En déclarant, en parfaite consonnance avec l’hitlérisme de « bas étage », que l’ennemie la plus acharnée de la pensée était la raison, Heidegger n’a pas uniquement fait état d’une option irrationnaliste : il a ménagé dans l’espace philosophique une niche de légitimation du crime de masse d’état.

On ne comprendra rien à la pensée de Heidegger si on ne la considére pas comme une pensée criminelle, comme le crime « sublimé » en pensée.

Heidegger, c’est l’intelligence philosophique du crime.

La « pensée de l’Etre » heideggérienne « n’est que » la « pensée »  de l’autonomie absolue, de la liberté absolue du Volk en tant que puissance de domination n’ayant de compte à rendre devant aucune autre loi que celles qui expriment cette domination elle-même.

Il est ridiculement scolaire de comparer en ce sens Heidegger à un Aristote esclavagiste, l’étude légitime de ce dernier justifiant la reconnaissance académique du premier.

Le pouvoir criminel du (néo) nazisme n’est pas une affaire du passé mais une menace pour l’avenir.

Penser Heidegger c’est, en ce sens, prendre la mesure que même l’esclavagisme, dont il faut encore aujourd’hui dénoncer l’inhumanité, est moins « bestial et diabolique » que la politique d’extermination qu’à mon avis Heidegger met au centre de sa « pensée ».

En mettant ainsi en question le syntagme même de Heidegger philosophe, il ne s’agit nullement de porter atteinte à une liberté académique, mais de prendre la mesure du fait que Heidegger lui-même, qui prétendait par ailleurs en avoir fini quant à lui avec la philosophie, a édifié un « système de l’ambiguïté » ayant une puissance d’instrumentalisation criminelle du « philosophique ».

Heidegger fait de la « philosophie » une folie criminelle.

La preuve : il existe dans l’univers au moins un lecteur de Heidegger, et heideggérien, pour lequel le nazisme est une option philosophique parmi d’autres.

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