Le musée juif de Berlin de Daniel Libeskind – Une étude de Jérôme Charel et Julien Mortet

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> Cliquer sur les images pour les agrandir.

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Pour communiquer avec les auteurs :

Julien Mortet : julien.mortet@hotmail.fr

Jérôme Charel : charjero@hotmail.com

 

L 1Photographie issue du site officiel du musée juif de Berlin, crédit photographique : Jens Ziehe

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Le concours pour le musée juif de Berlin a été lancé en 1988. Parmi de nombreux architectes, Daniel Libeskind le remporte, ce sera son premier projet construit. En effet, l’architecte est alors connu pour ses travaux théoriques tels que les Micromegas en 1979 et les Chamber Works en 1983, qui posent la question des limites de l’architecture et de son domaine conceptuel. Les travaux du musée se déroulent entre 1993 et 1998 pour une livraison en 1999. Alors qu’il n’ y a aucune collection, le musée est visité et obtient un vif succès. L’inauguration officielle du bâtiment aura lieu en 2001, l’édifice abritant désormais 3000 m² d’exposition retraçant 2000 ans de la culture juive en Allemagne à travers des objets d’art, de culte et de la vie courante.

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Le projet de Daniel Libeskind affiche une grande force conceptuelle à différents niveaux de lecture. Non seulement le bâtiment aborde le thème de l’Histoire et de la Mémoire par son programme, mais Libeskind les incorporent dans son architecture. Tout d’abord, le projet s’intitule Between the lines. Cela évoque les portées des partitions de musique. Pour le concepteur, le musée constitue le 3ème acte de l’opéra inachevé Moïse et Aaron d’Arnold Schoenberg, un acte de silence. L’autre source d’inspiration directe est Sens unique de Walter Benjamin. Benjamin développe à travers son œuvre et ses portraits de ville la notion de savoir-habiter. Il est question de méthode inductive où par exemple, on ne peut mieux connaître une ville qu’en s’y perdant ou en côtoyant les habitants. Between the lines peut devenir flotter entre les lignes. Enfin, ce sous-titre introduit la notion d’invisible : lire entre les lignes. Nous verrons que le musée juif est porteur de sens et que son architecture n’est pas seulement faite de béton mais aussi d’émotions et de réflexion qu’elle suscite chez l’homme. A propos de l’invisible, Libeskind explique que :

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« Le musée juif est conçu comme un emblème dans lequel l’invisible et le visible sont des éléments structurels qui ont été assemblés dans cet espace de Berlin et révélés dans une architecture où l’innommable rappelle le nom de ceux qui ont disparu. »

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1. L’éclair, Blitz (réflexion autour de la question du plan-masse)

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 L 2Plan du rez-de-chaussée.

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Le musée juif est réparti dans 2 édifices. D’une part, il y a le Kollegienhaus, ancienne cour de justice Prusse, qui abrite les expositions temporaires, les vestiaires et autres lieux de restauration et de vente de souvenirs. D’autre part, il y a l’édifice de Daniel Libeskind. Celui-ci s’organise en une forme d’éclair, ce qui lui vaut le surnom de Blitz de la part des Berlinois. Ce geste fort de Daniel Libeskind s’interprète à différents niveaux. Dans un premier temps, il aborde le thème de l’aléatoire. En effet, cette forme spécifique préserve les arbres existants du site. On peut imaginer qu’avec une autre disposition naturelle, le musée aurait pris une autre forme. Puis, le bâtiment s’installe sur le site comme un objet-sculpture. Ce geste est alors artistique. Cet aspect est renforcé par les ouvertures du musée, ces sortes de failles, qui n’évoquent pas des fenêtres traditionnelles. L’emploi de l’inox en façade met également en avant ce caractère sculptural. Enfin, cette ligne brisée est symbolique car celle-ci évoque une étoile de David éclatée, qui n’est pas sans rappeler l’histoire juive en Allemagne et en Europe durant la Shoah. De cette manière, l’architecte explique qu’il a conceptualisé la forme de la ligne brisée en traçant sur le plan de Berlin une étoile de David. Celle-ci correspond à la liaison des adresses de berlinois juifs victimes de la déportation et de figures berlinoises célèbres. Ce travail se poursuit également dans le dessin des façades et des traitements de sol autour du musée. On peut ajouter que le choix de l’éclair exprime la violence, violence subie par le peuple juif. Cette violence se traduit également par le caractère scuptural du bâtiment et son ouverture restreinte au monde extérieur à travers ses meurtrissures.

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.L’étoile de David dessinée sur le plan de Berlin.

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.La relation entre le musée juif et le Kollegienhaus.

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Puis, il n’y a pas de lien apparent entre le Kollegienhaus et le musée juif. Pourtant, l’entrée du musée s’effectue par l’ancien musée et constitue une tour de béton imbriquée à travers les étages de l’édifice Prusse. Ceci est un autre geste fort de l’architecte, qui nous fait comprendre que l’histoire allemande et l’histoire juive sont entremêlées. En effet, la relation souterraine entre les deux édifices montre que cette histoire commune est gravée à jamais dans le sol.

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L’entrée depuis l’ancien musée.

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Enfin, dans son approche urbaine, le musée respecte l’alignement sur la Lindenstrasse entrant en dialectique avec le Kollegienhaus. Par ailleurs, un parc est aménagé autour du musée permettant aux passants de traverser l’îlot. Ainsi on peut appréhender le musée grâce à de la porosité, notion chère à Walter Benjamin. On peut côtoyer les habitants qui ont apprivoisé le musée et sa forme si particulière. Il y a en quelque sorte deux flux de passants entre les habitants accoutumés et les visiteurs du musée qui s’aventurent aux alentours de l’éclair et le découvre. On remarque alors le caractère spécifique des fenêtres qui laisse très peu transparaître l’intériorité du bâtiment.

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2. Le musée à travers son parcours

 

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Le sous-sol.

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On entre dans la nouvelle partie de l’édifice en descendant dans un puits de béton de toute hauteur, qui transperse l’ancien bâtiment. 3 axes se présentent successivement. On peut également accéder au centre de recherche Rafael Roth. Pour visiter la collection proprement dite, il faut se diriger vers l’escalier. Ce passage dans les souterrains du musée met mal à l’aise le visiteur. Ainsi Libeskind conditionne son corps afin d’essayer de faire ressentir et méditer les expériences du peuple juif qu’il s’agisse de l’Exil ou de l’Holocauste. Cette méditation est provoquée par les sensations que nous produisent l’architecture du musée. Le visiteur est exposé à un choc « violent » qui lui fait prendre conscience des choses. Cette violence se trouve dans les formes employées (l’omniprésence de lignes brisées et d’intersections de droites), les conditions dans lesquelles le visiteur est plongé (des plafonds bas, des parois non verticales, la lumière artificielle). Le visiteur subit les lois dictées par cette architecture non conventionnelle, qui impose un parcours difficile pour suggérer les douleurs endurées par le peuple juif, avant même d’avoir découvert la collection du musée. On retrouve ce choc « violent » qui génère une prise de conscience tout au long de la visite du musée. De cette manière, les émotions produites par l’architecture touchent beaucoup plus le public que tous les mots ou photographies qui peuvent lui être exposés. Ici, l’architecture fait elle-même sens. Elle ne met pas seulement le visiteur dans de bonnes conditions pour admirer les pièces de la collection. Au contraire, elle bouscule le visiteur dans son quotidien et impose physiquement un choc, qui lui fait prendre conscience de la tragédie d’expériences vécues par le peuple juif. Cet aspect de l’architecture de Libeskind est développé à travers d’expériences fortes du musée, telles que le jardin de l’Exil, la tour de l’Holocauste, le vide de la Mémoire.

L 10Escalier de l’entrée

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Le rez-de-chaussée est constitué essentiellement du vide de la Mémoire et d’une partie de la collection.

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Le 1er étage.

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.Le 2ème étage.

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Ils contiennent la majeure partie de la collection du musée. Pour respecter le sens de la visite, il faut accéder au 2ème étage par l’escalier principal, pour redescendre au 1er étage par les escaliers à l’extrémité de l’éclair. On remarque les vides en noir sur les plans, puits de béton sur toute la hauteur de l’édifice, autour desquels la visite s’effectue sans pouvoir y accéder. Ce parcours sinueux est troublant voire même éreintant pour le visiteur. En effet, chaque salle d’exposition se ressemble et emploie le même langage. Il n’y pas de distinctions fortes entre les salles d’exposition. De la même manière, les vides que l’on rencontre successivement se ressemblent. Cela donne  une impression de distorsion du temps et de l’espace, engendrée par la confusion des espaces que l’on parcourt.

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.Pièces de la collection du musée.

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.Le volume noir d’un vide perçu pendant la visite.

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3. Les concepts forts du projet

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– Les Axes

L 16Les trois axes

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En descendant par le vide de l’entrée, on rejoint l’axe de la Continuité. Celui-ci est coupé par l’axe de l’Exil qui mène au jardin de l’Exil et l’axe de l’Holocauste qui mène à la tour de l’Holocauste. Cette notion d’axe se ressent physiquement. En effet, ils sont bas de plafond, éclairés artificiellement, en pente. La profondeur de l’axe est ainsi accentuée. Des arêtes vives se présentent au visiteur que ce soit les intersections des lignes lumineuses du plafond ou celle des parois des axes qui ne sont pas d’aplomb. Le visiteur ressent le malaise physique créé par l’architecture du musée. Celle-ci nous conditionne à une réflexion sur la condition du peuple juif durant l’histoire et les épreuves affrontées. Enfin, la notion d’axe développée par Daniel Libeskind présente le bâtiment comme le résultat de forces extérieures émanant du site, c’est-à-dire de la ville de Berlin à laquelle l’histoire juive est imbriquée. En évoquant les axes, l’architecte explique que :

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« Le musée juif est basé sur les figures invisibles dont les tracés constituent la géométrie du bâtiment. Le sol sur lequel le musée est bâti n’est pas seulement celui qui est visible dans le quartier du Kreuzberg, mais également celui qui est à la fois au-dessus et en dessous. »

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.L’axe de l’Exil

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L 18L’axe de l’Holocauste.

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– Les vides, voids

L 19Les vides

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Le musée contient des puits de béton sur toute la hauteur de l’édifice, les vides. Ils ponctuent la visite. En effet, on peut observer l’intérieur de ces vides à plusieurs instants de la visite. 6 de ces vides constituent l’axe du Vide. Ces vides côtoient la visite sans être accessible. Ils incarnent l’absence qui fait partie de l’histoire juive. Cette absence est accentuée par la présence de « tribunes » dans les vides. D’une part, ces « balcons » ne sont pas accessibles et montrent l’absence de ceux qui devraient occuper cet espace. D’autre part, la fonction de ces « tribunes » est la contemplation. Leur présence marque donc la contemplation du vide qui ne peut être réalisée. De cette manière, ces lieux de contemplation désertés incarnent l’absence d’une partie du peuple juif qui ne peut plus contempler l’avenir.

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Pour Daniel Libeskind, le vide « est un espace qui est très proche des salles d’expositions mais qui, en même temps, appartient encore à l’espace urbain. Car il renvoie fondamentalement à ce que l’on ne pourra jamais montrer de l’histoire des juifs de Berlin, à tout ce qui a été réduit en cendres. »

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De cette manière, ces mises sous vide de l’espace urbain de Berlin constituent la colonne vertébrale du projet. Elles sont paradoxalement les éléments structurels du bâtiment. Et si les vides ponctuent la visite, ils ne constituent jamais des points de repère. Car leur répétition et leur ressemblance nous confondent et nous troublent. Cette perte de repère est très sensible durant la visite. Par ailleurs, l’importance des vides dans le projet se ressent. En effet, le musée s’intériorise vers les vides. On en perçoit mieux l’intérieur que le monde extérieur. Le musée tire toute sa force symbolique de ce paradoxe structurel, de se fonder sur le vide.

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4. Les expériences physiques et sensibles

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Au musée juif de Berlin, Il y a une réelle mise en résonance entre le corps et l’esprit. Il s’agit non seulement d’une prise de conscience par le biais des pièces exposées, mais aussi par des sensations procurées par l’architecture et des émotions générées. Ces expériences transcrivent directement celles de l’histoire juive. De cette manière, l’architecture du musée incarne l’Histoire et la Mémoire de la culture juive. Le bâtiment devient une pièce maîtresse de la collection, qui en exprime tout à fait le sens. C’est ce qui a fait le succès du musée alors qu’il était dépourvu de toute exposition. En quelque sorte, l’architecture parle d’elle-même.

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– L’escalier

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.Coupe sur l’entrée, l’axe de la Continuité et l’escalier.

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Lorsque l’on découvre l’escalier principal, on passe de l’espace comprimé des axes à un espace sur toute hauteur du bâtiment. Il y a une dilatation verticale de l’espace qui donne une impression d’infini. Cette sensation est appuyée par la lumière naturelle que l’on retrouve après la descente dans le sous-sol et qui inonde cet espace. D’autre part, cette remontée vers la lumière paraît difficile. L’escalier traverse une sorte de faille maintenue entrouverte grâce aux poutres, qui sous l’effet de la présent se dérobent à l’horizontale. Cette expérience de remontée vers la lumière incarne l’avancée perpétuelle de la culture juive. Enfin, la visite fait en sorte que l’on s’accoutume à cet espace en y passant à plusieurs reprises. L’escalier devient une pause que l’on retrouve au cours du parcours et que l’on apprend à apprécier pour sa lumière.

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– Le jardin de l’Exil

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.C’est également par le biais du jardin de l’Exil que l’on retrouve la lumière naturelle depuis le sous-sol. Comme l’Exil apporte l’espoir d’une nouvelle vie, l’axe de l’Exil nous mène à la lumière. Le jardin est composé de 49 colonnes disposées en 7 rangées de 7 éléments. L’architecte évoque ce choix symbolique :

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« 48 colonnes remplie de terre de Berlin qui symbolisent la création de l’Etat d’Israël en 1948 et une colonne remplie de terre de Jérusalem qui symbolise la ville de Berlin elle-même. »

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Après la découverte de la lumière extérieure du jardin de l’Exil, s’offre devant le visiteur un véritable labyrinthe de piliers. Cet effet est accentué par la proportion des piliers qui sont très élancés et leur rapprochement. Pour accentuer cette désorientation, le sol et les piliers sont inclinés. Cela traduit la perte de repère qui accompagne l’Exil. Il s’agit alors de s’accoutumer à de nouvelles terres. Le visiteur expérimente l’aspect physique du changement de repère après avoir été guidé par la lumière. Cet effet de désorientation se réalise également par le changement de milieux en passant de l’intérieur à l’extérieur.

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Le jardin de l’Exil est encaissé et on ne perçoit toujours pas le monde extérieur.

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– Le vide de la mémoire

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.Au fur et à mesure que l’on se rapproche du vide de la mémoire, on distingue des fracas métalliques. En effet, au sol se trouvent une multitude de visages métalliques rouillés. Cependant, on ne comprend pas comment les fracas sont provoqués. Le visiteur hésite à marcher sur les visages. Ceux-ci donnent l’impression d’être regardé par les disparus juifs, ce qui provoque le malaise et la sensation de déséquilibre chez le visiteur. Par cette expérience du vide de la mémoire, on comprend que le musée juif est plus qu’un musée « classique », qui abrite des pièces ou des oeuvres dans de bonnes conditions de lumière. Le musée juif est plus qu’un lieu de contemplation, il nous plonge dans un rapport brutal avec la mort présente dans l’histoire juive. Le vide de la mémoire est un lieu inhospitalier générant des sonorités apeurantes. Pourtant la curiosité nous oblige à l’arpenter. C’est alors que les pas du visiteur se font entrechoquer les têtes de métal. L’écho amplifie ces sons métalliques et ces visages semblent crier pour l’éternité et pour qu’on ne les oublie jamais.

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Ecoutons les « sonorités apeurantes » :

(Il faut parfois attendre un moment pour que la bande son démarre).

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On peut dire que l’architecture du musée fait résonner l’histoire juive en ses propres murs et en nous. Elle nous fait ressentir l’invisible. Les sensations ressenties par le visiteur sont violentes, elles viennent le perturber dans son quotidien et l’oblige à méditer sur la condition du peuple juif et la condition de l’homme en général.

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On peut se rendre ici sur Youtube pour visionner une courte vidéo sur l’expérience du vide la mémoire :

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– La tour de l’Holocauste

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La tour de l’Holocauste n’est reliée au musée juif que par l’axe souterrain de l’Holocauste. Ce puits de béton est plongé dans le noir et la lumière n’est présente que par un fin rai de lumière situé au sommet de la tour. Cette ouverture laisse parvenir jusqu’aux oreilles du visiteur le tumulte ténu et lointain de la rue. A travers l’expérience de la tour de l’Holocauste, le visiteur est obligé d’effectuer une introspection personnelle sur les conditions des victimes de la Shoah ; et de se rappeler qu’on ne doit jamais oublier ce qui s’est passé dans l’histoire, aussi atroces que soient les évènements. Ainsi la mémoire occupe une place importante dans le travail de l’architecte américain. Le visiteur éprouve un enchaînement de sensations brutales. Il passe tout d’abord d’un espace chauffé, lumineux (bien qu’artificiellement), à échelle humaine qu’il domine parfaitement, à un espace froid et incommensurable. Il est alors plongé dans l’inconnu. Cette transition se réalise par le son lourd de la porte sur pivot qu’il franchit pour entrer. Le visiteur bascule dans l’obscurité et la froideur du béton. Il s’y retrouve sans repère tel un esprit errant perdu dans l’immensité imaginaire de la tour. Puis, le rai de lumière et les sons de la ville qui parviennent timidement jusqu’à lui le tire de la torpeur dans laquelle on l’avait plongé. Bien qu’il prenne conscience physiquement de cet espace jusqu’alors incommensurable, le visiteur découvre le seul échappatoire qu’il lui reste dans cette prison improvisée par Daniel Libeskind. Il s’agit de la lumière qu’il n’aurait jamais pensé auparavant comme révélatrice de ce monde dans lequel il vit quotidiennement.

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5. Approche rythmique

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Tout d’abord, le musée juif illustre le rythme au sens du rythmos. C’est-à-dire un phénomène formel que l’on peut apprécier que dans le mouvement. En effet, le dessin de l’éclair est régi par des forces émanant du site. Il y a les arbres existants, mais surtout le concept d’étoile de David éclatée à l’échelle de Berlin. Le musée est la conjonction de forces, telle une forme malléable contrainte à un instant donné. La conception de l’architecte nous incite à penser le bâtiment comme une forme momentanée et modifiable. Il est question d’une forme au sens de la beauté du geste de l’architecte, qui semble ne pas être réellement figée du fait de son caractère aléatoire et des contraintes issues de sa conception.

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.Photo de la maquette réalisée en 3ème année à l’ENSAN

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Cette logique du rythmos se poursuit dans le dessin des fenêtres. Ce sont des meurtrissures, de véritables cicatrices que le musée arbore. Pour Libeskind « les fenêtres sont la manifestation physique d’une matrice de connexions pénétrant le site. Ces coupures sont les lignes topographiques joignant les adresses des allemands et des juifs, directement autour du site et qui rayonne vers le lointain. Les fenêtres sont l’écriture des adresses par les murs du musée eux-mêmes. » Le dessin des façades rappelle les travaux réalisés par Libeskind en 1983, les Chamber Works. Il s’agit de 2 séries de 14 dessins accompagnés des textes de grands architectes et historiens tels que Peter Eisenman, Aldo Rossi, John Hejduk et Kurt Forster. Lors de ces travaux théoriques, Daniel Libeskind expérimente l’espace de la feuille de dessin en architecture. Ainsi, il détourne les conventions représentant les éléments architecturaux. Ces dessins doivent être lus comme une non-architecture, comme un langage empirique. Au musée juif de Berlin, la fenêtre traditionnelle est détournée de son usage. Elle prend ici un véritable sens. Ces fenêtres sont en quelque sorte la métaphore de la violence et les agressions subies par les Juifs au cours de l’Histoire.

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D’autre part, le rythme s’applique à l’art et à la musique en particulier. Lorsqu’on écoute de la musique, on la découvre successivement, note après note. C’est une suite d’évènements que l’on perçoit. A chaque instant, une partie disparaît au profit d’une autre, sans pour autant que l’on connaisse ni la suite, ni la fin. C’est une expérience indissociable de la notion de temporalité. Si le rythmos est une forme qui nous touche à un moment donné. Il est nécessaire pour celui qui le ressent qu’il soit au sein d’une expérience corporelle et temporelle. L’architecture de Daniel Libeskind nous donne la sensation d’être pris au piège dans l’édifice. En effet, nous subissons les effets du musée et sa découverte se fait par la succession d’expériences spatiales que notre corps ressent. Il s’agirait d’un voyage initiatique réalisé à travers des « rites » de passage. De la sorte, l’architecture nous dicte inconsciemment notre comportement et nous conditionne à la réflexion. Par exemlpe, on peut observer dans la tour de l’Holocauste le même comportement chez tous les visiteurs aussi différents qu’ils soient. L’architecture du musée juif implique une suite d’expériences rythmiques imposées au visiteur. Cette succession subie de manière inconsciente ne peut être interrompue. Puis, le rapport à l’espace s’exécute au musée juif à travers une succession de passages. Ces passages sont physiques avec la privation d’un sens dans la tour de l’Holocauste, le déséquilibre et la contradiction de l’espace orthonormé dans le jardin de l’Exil, la souffrance et l’image du corps lacéré dans l’escalier à travers les poutres transperçantes, l’étouffement dans les axes souterrains du musée, et la réduction du corps du visiteur à l’idée d’infime dans le vide de la Mémoire. Par ailleurs, ces passages posent le rapport de l’homme à l’espace inconnu. En effet, l’architecture du musée cherche sans arrêt à nous priver de nos répères. Cela implique une tentative de domination, d’appropriation de l’espace. Cette réponse peut être apportée par le rythme si l’on se réfère à De la ritournelle de Gilles Deleuze. Le musée permet au visiteur de se créer son propre rythme par sa configuration et ainsi de s’approprier l’espace, avec notamment le passage à plusieurs reprises dans l’escalier..

Ensuite, on peut considérer le rythme au sens moderne avec la considération de la mesure. En effet, tout au long du parcours, on retrouve les différents vides que l’on peut observer depuis les salles d’exposition. Puis, il y a l’escalier principal. Au fur et à mesure de la visite, il y a des mesures de temps entre chaque observation de vides. On obtient donc la répétition :

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… visite – Vide – visite – Vide – visite – Vide – visite …

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Cependant, avec le parcours sinueux la mesure de la visite peut s’étendre ou rétrécir. On a :

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… visite —- Vide — visite – Vide — visite …

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La notion abstraite de ce rythme est ressentie et assimilée par le visiteur. Il n’est jamais prisonnier d’un système strictement répétitif puisque chaque mesure de visite est différente par ses expositions ainsi que chaque vide par sa configuration. De plus, ce jeu s’enrichit tout au long de la visite avec l’entrée en mesure de l’escalier principal et d’autres éléments. Par ailleurs, cette diversité entraîne la confusion. Les vides se succèdent ainsi que les passages à travers l’axe qu’ils forment. Cependant on n’arrive pas à situer la partie du musée dans laquelle on se trouve. Cette situation trouble le visiteur. En effet, à l’intérieur du musée, la tendance est d’oublier cette forme si spécifique en éclair. L’esprit est occupé aux expositions même si l’on ressent la sinuosité du parcours. L’escalier de l’axe de la Continuité devient un refuge car on s’y accoutume et on l’apprivoise. A cet endroit, on sait à peu près où l’on est.

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L 37A la dernière ligne, les vides sont rapportés à l’écart mesuré en temps de visite.

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Enfin, le visiteur ne connaît pas les règles exactes du jeu de ce rythme. Ainsi, il peut pressentir ou anticiper un élément de ce rythme. On peut alors aborder le thème de la conscience rythmisante développée par Nicolas Abraham. Dès lors, qu’il y a de la créativité, de la perception anticipée par le visiteur, c’est lui qui décide de l’expérience rythmique, de l’implantation des vides par exemple. La magie et l’illusion opèrent. Cette conscience rythmisante est possible à plusieurs endroits dans le musée. De la sorte, il y a l’anticipation des vides au cours du parcours de la collection. Cela est également le cas dans le jardin de l’Exil, on se retrouve en présence de 49 piliers. Il est peut-être plus question de répétition du point de vue de la configuration de l’espace. Cependant, l’improvisation est laissée libre au visiteur qui arpente le jardin comme bon lui semble. La conscience rythmisante se manifeste dans la rencontre au hasard d’autres visiteurs ou à leur simple vue, dans la mesure où le visiteur a l’illusion qu’il a crée ce jeu. La multiplicité des cheminements possibles et le rétrécissement du champ de vision dans cette forêt de piliers permet cette illusion.

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Pour conclure, nous pouvons dire que le musée juif incarne l’expérience rythmique vécue à travers l’architecture. De cette manière, l’architecture de Libeskind n’est pas seulement faite de béton, mais aussi des émotions provoquées chez le visiteur. C’est l’architecture qui nous fait entrer dans une méditation provoquée par des chocs sensibles ressentis à travers des expériences physiques fortes. Le musée juif est une oeuvre d’art à part entière qui transfigure le visiteur et le plonge dans l’histoire parfois tragique du peuple juif. Le passage à travers cet édifice, cette expérience au sens propre, éprouve le visiteur dans son corps et dans son esprit. Enfin, nous pouvons réfléchir à la proposition de Kahn dans la pensée du projet et de l’idéalité formelle. En effet, pour Kahn le projet débute dans le non mesurable, passe ensuite dans le mesurable pour finir dans le non-mesurable. Le musée juif peut illustrer cela, lorsque celui-ci dépasse la conception du musée « classique » pour devenir une architecture qui produit du sens et devient une oeuvre d’art à part entière. Effectivement, le musée juif nous fait ressentir l’invisible, l’incommensurable de l’histoire du peuple juif.

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Jérôme Charel

Julien Mortet

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Complément photographique du phiblogZophe :

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45 commentaires

  1. bonjour, je suis un étudiant en 5eme Année à l’école d’architecture d’Alger et je prépare mon projet de fin d’étude qui porte sur la mémoire des anciens combattants algériens qui ont fait la 1ère et la 2eme guerre mondiales avec les francais contre les allemands dont le site choisi est le « quartier de la marine d’Alger » et je m’inspire beaucoup de ce musée « musée de juif à berlin » de Daniel.L, j’aimerai bien vous demander si vous avez l’étude du programme du musée, soit tous les éspaces qui le composent avec les surfaces si c’est possible
    je vous remercie à l’avance

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  2. Bonjour.
    Je suis une étudiante belge et, dans le cadre de mon projet de fin d’études, je dois réaliser une maquette du Musée Juif de Daniel Libeskind.
    Je suis à la recherche des dimensions extérieures du bâtiment du musée ainsi que celles de la Tour de l’Holocauste et du Jardin de l’Exile.
    Pouvez-vous de dire où je pourrais obtenir ces dimensions ou tout plan, croquis et fichier 3D relatifs à ces constructions?
    D’avance merci.
    Cordialement.
    Louise Marville

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  3. bonjour, le site est très bien sauf qu’on a un peu de mal à tout comprendre car on a 13 ans. sa serait bien de l’adapter aux plus jeunes.
    bonne continuation.

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  4. Bonjour !

    Je suis une étudiante à l’école de design Nantes Atlantique. Votre approche artistique vers le musée de Juif est très interèssant. J’ai un exposé sur musée de Juif. Cette site m’aide beaucoup pour le préparer.

    Je vous remercie

    Sharmeen Aqeel

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  5. ce musée est magnifique le texte est vraiment écrit avrc en rapport avec le musée et l’histoire de celui-ci ! Tout ce que Daniel Libeskind veut dire à travers son architecture le texte le retranscri !!! je n’ai peut-être que 14 ans mais je sais quand même reconnaître un texte qui parle correctement des sentiments d’un architecte ! :p merci beaucoup pour ce texte formidable !

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  6. Bonjour, je suis actuellement étudiant en 3ème année à l’école d’architecture de Marne-la-Vallée. Je prépare une mémoire qui contiendra une étude sur le musée juif de berlin. Serait-il possible de savoir où vous avez obtenu l’ensemble des plans et coupe sur le musée ? Ou si possible de les obtenir ! En vous remerciant à l’avance. Thibaud

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  7. je suis un étudiant à l’université de Laghouat, Algerie ,et je suis entrain d’analyser le projet de Libeskind,c’est vrement manifique comment il a exprimer ses sentiments avec l’architecture……

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  8. je suis une étudiante en architecture, à tunisie, je suis en train de faire une analyse sur ce projet, je trouve ce projet trés magnifique et trés intéressant.
    merci beaucoup à vous..

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  9. salut; je suis étudiante en 3eme année architecture et je voudrai dire :
    très bonne analyse de cette oeuvre monumentale de cet architecte qui a su sculpter son idée et ses émotions positives et même négatives.
    je voudrai bien avoir plus de détail sur l’analyse contextuelle c-a-d le rapport avec le site et la topographie car je suis entrain de faire l’analyse de la villa préfabriquée a datteln (villa Libeskind) en comparant avec les principes de conception de ce musée.
    merci d’avance et bonne continuation …

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  10. bounjour, je suie une étudiante en toisieme année architecture al’université de jijel, algerie, je suie actuellement etudiante à l’architecte bouteliss, je le remercie au nom de tout mes collégues qu’il avait mis en place une analyse de ce projet et je trouve ça trés beau projet de l’architecte daniel libeskind ou il à étè en mésure d’executer ce projet

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  11. je suis une étudiante en architecture à l’ecole d’architecture et l’urbanisme d’oran ,ce projet ma vrément toucher à couse de sa forme bizar belle et fonctionale

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  12. salut .je suis un etudiant en 3eme année architecture a l’université de tizi ouzou (algerie).et j’ai un exposé a faire sur ce musée juif .et j’aimerai bien de vous m’aidé dans l’analyse contextuelle de ce projet .
    sincerement c’est un projet magnifique . merci……..

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  13. Bonjour
    Je viens de lire le beau texte sur le musée juif de Berlin et il se trouve que je m’y rends en avril avec un groupe d’élèves de 11 à 14 ans .On me demande de choisir 2 thèmes de visite différents pour chaque groupe.Vu leur âge,pourriez-vous me conseiller afin de les préparer au mieux pour cette visite ?
    Merci d’avance.
    Pascale Gruson.

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  14. L’analyse est très complète en ce qui concerne la symbolique et la démarche de projet, cependant il est dommage qu’elle ne parle pas de la structure du bâtiment, des techniques de mise en oeuvre et des différentes étapes de la construction nécessaire à l’élaboration d’un tel projet.

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  15. merci beaucoup pour votre travail qui m’a permis de simplifier les écrits de libeskind sur son oeuvre et de la rendre accessible à mes classes de 3èmes de collège.

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  16. Bonjour, je suis en première, je reviens d’un voyage à Berlin et je dois faire un exposé sur Le Musée Juif de Berlin. On nous avait expliqué que le si le musée avait cette forme c’est parce que Daniel Libeskind avait relier des adresses de personnes importantes sur une carte de Berlin. Je ne me souviens plus très bien, mais j’aimerai savoir si ces personnes étaient toutes Juifs (il me semble que non mais je ne suis plus très sûre). Et qu’est-ce quelles faisaient spécialement dans la vie, pour avoir compter dans la construction du musée, car je ne suis pas sûr de l’avoir vu dans votre analyse.
    Merci d’avance si vous avez une réponse à m’apporter.

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  17. Bonjour et merci , je trouve cette analyse parfaite, elle traite tous les point important de ce bâtiment, je suis un élève de 3° et pour l’épreuve d’Histoire des arts je vais m’inspirer de votre recherche !

    Encore merci et bravo 🙂

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  18. Bonjour, je m’appelle Mathilde, je suis une jeune étudiante de 15 ans!
    J’ai un sujet d’histoire des arts qui est donc le musée juif de Berlin, et je voudrais vous remerciez pour ces informations qui m’ont beaucoup servit

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  19. J’ai moi aussi une épreuve d’histoire des arts sur ce sujet à préparer et cette page contient toute les infos dont j’ai besoin. Merci beaucoup

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  20. En préparation d’une épreuve histoire des arts, cela m’a beaucoup aidée à trouver d’autres informations sur le Musée Juif de Berlin. Merci beaucoup.

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  21. bonjour, je dois bientôt passé un oral d’histoire des arts dont mon sujet est le musée juif. jai choisis ce dernier car je l’ai visité et je le trouve très intéressant. Je trouve votre site assez complet mais j’ai toujours un doute sur le sujet des vides. Je n’ai absolument pas compris ce que c’est et comment on fait pour les distinguer lors de la visite du musée.

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  22. Enseignante dans un lycée suisse, avec un cycle de trois années en histoire de l’art, j’y intègre l’architecture pendant une année et j’aime clore cette série par ce musée passionnant, véritable oeuvre d’art total, qui permet de vraiment sensibiliser les élèves au potentiel de l’architecture. Votre analyse est une remarquable synthèse à laquelle je peux les renvoyer… Merci

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  23. Bonjour,
    On m’a signalé la présence dans le musée d’une image particulière: il s’agit d’un gros plan de visage en noir et blanc très contrasté représentant vu de face un jeune homme ( ou femme?) tenant une petite caméra (de type ancien) une main en haut cachant sont front et l’autre en bas au niveau du menton. Les yeux et l’objectif se confondent et le nez est représenté par le corps allongé de l’appareil. Seriez- vous en mesure de me dire qu’elle est sa provenance?

    Merci beaucoup

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  24. Bonjour,
    je suis en 3éme, je devais faire un exposé sur « le musée de Berlin » en Histoire. J’ai commencé à le faire sur Wikipédia. Wikipédia ne creusait pas assez les informations, alors j’ai décidé d’aller voir sur un autre site c’est là que je suis tombé sur votre site.Il est tellement bien fait par rapport à Wikipédia que j’ai recommencé mon exposé a zéro (j’en étais quand même rendu aux trois quart!).
    Bravo pour se site rempli d’informations importante! 🙂

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  25. j’ai de même un sujet d’histoire des arts à préparer sur ce sujet. merci beaucoup pour toutes ces informations et ce super dossier qui va très bien me servir.

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  26. je suis en troisième et le musée juif de Berlin est une œuvre a étudié pour l’histoire des arts. votre page m’a énormément servi je vous remercie, j’ai maintenant toutes les informations nécessaire pour l’examen!!!

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  27. Bonjour,

    je passe également l’histoire des arts cette année et ce sujet étais dans ma liste ,mais ayant eu quelques retard dans notres programme de 3ième je n’ai pas encore eu le temps d’aborder le musée juif de berlin avec ma classe, et grace a vous j’ai absolument tout compris, les explication etais clair et très complete je remercie beaucoup les personnes qui ont su faire toutes sses recherches et j’espere que grace à vous j’aurais une bonne appréciation sur mon exposées.

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  28. Bonjour,

    J’ai 14 ans et je prépare un oral sur cet oeuvre, votre site est très mais peut-être moins adapté pour les jeunes de mon âge au niveau du vocabulaire.
    Cependant j’ai trouvé beaucoup d’information mettant nécessaire !

    Merci, bonne continuation.

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  29. Tout simplement génial ! Merci beaucoup car étant en 3ème et ayant pour sujet le musée juif de Berlin en Histoire des arts je ne comprenais pas vraiment. Grâce à cet analyse tout c’est clarifié. Encore merci.

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  30. Bonjour,

    Je suis en troisième et j’ai un exposé en histoire des arts à rédiger ainsi qu’un carnet à faire sur le musée juif de berlin et votre « analyse » m’a énormément aidé alors merci beaucoup !!

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  31. Je voulais vous remercier pour ce dossier très bien fait et très complet qui m’a beaucoup aidé pour mon dossier d’histoire des arts !

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