Le tour de France de Heidegger : dope, dope, dope…

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En un sens la manière avec laquelle des heideggériens montent au créneau pour arracher Heidegger à la « calomnie » infâmante de nazisme joue en faveur de la thèse de Emmanuel Faye.

Car, pour l’essentiel, ils frappent volontairement à côté de la question. Je veux dire que, sauf à vouloir défendre comme le gourou d’une secte, un philosophe libre n’a rien à faire de protéger à n’importe quel prix un confrère. Ce n’est au reste pas un confrère.

La problèmatique serait d’instruire le public de ce que fut le nazisme (idéologie et « modes opératoires ») et ce que fut  ce que j’appellerai le « nazisme de culture ». Le seul spectacle de la brute SS peut largement induire en erreur. Et contribuer à dédouaner tous les « nazis de culture », de l’instituteur de village « démontrant » à ses élèves l’inégalité des races au chef d’orchestre renommé jouant Wagner, sans lesquels les brutes SS n’auraient jamais existé et n’auraient jamais opéré.

Puis, dans un deuxième temps, « mettre à plat » l’hypothèse d’un nazisme inhérent au texte heideggérien. La condition préalable étant d’établir ce que j’appellerai les conditions de possibilité d’une introduction du nazisme dans la philosophie.  

Une de ces conditions, la première en réalité, étant qu’il est absolument impératif que le nazisme ne constitue pas une référence explicite.

Soit l’exemple du Quadriparti. Je suis convaincu que, dans le texte correspondant des années 50, il s’agit d’une référence au svastika, à la croix gammée hitlérienne. Mattéi répond qu’il s’agit d’un fantasme… que Emmanuel Faye introduit le fantasme en philosophie.

C’est un mélange de naïveté et de mensonge.

La question n’est pas de savoir s’il s’agit d’une croix gammée ou  non. Les nobles et grandes considérations sur Hölderlin poussent à nous faire refuser l’éventualité d’une telle « ignominie grotesque ». Et pourtant… En réalité qu’on puisse seulement imaginer que le Quadriparti est bien une croix gammée prouve l’intention de Heidegger d’introduire le nazisme dans la philosophie.

Tout Heidegger est là. Il offre à la fois la possibilité d’une lecture académique, déférente, « innocente » et spirituelle de son texte et celle d’une lecture politique reposant sur la complicité tacite avec la criminalité nazie. C’est au reste bien dans la tradition de ce « réseau ». Et si Heidegger se le permet c’est aussi qu’il a la conviction que, même dans le monde intellectuel de l’après-guerre, même dans le monde s’affichant comme « résistant », existe une approbation sournoise de l’hitlérisme.

Comment se fait-il que Jean Beaufret, auquel est dédicacée La lettre sur l’humanisme et que Heidegger a décoré de la médaille de « l’homme le plus intelligent de France », s’est avéré antisémite et se soit rallié aux thèses de Faurisson?

Il faut qu’on apprenne à nous débrouiller avec un philosophe qui introduit le nazisme dans la philosophie. Tant pis pour la mythologie.

Un aspect de la « catastrophe Heidegger » est bien que des représentants de la culture philosophique, parfois jouissant d’une grande reconnaissance, défendent leur penseur à l’aide d’un dispositif mythologique. Ils contreviennent en ce sens aux règles élémentaires de la démarche philosophique. Mais faut-il rappeler que Heidegger lui-même leur donne le droit de mépriser la « production philosophique »?

On assiste alors à un spectacle affligeant, lequel constituera sans doute une des pages les plus sombres de l’activité philosophique française du début du troisième millénaire : des « philosophes » défendant Heidegger contre la calomnie de nazisme avec la même hypocrisie que le système médiatico-publicitaire défend un monde du sport ravagé par le dopage.

Pourquoi en est-il ainsi?

Plus tard, et presque trop tard, quelqu’un devra écrire un nouveau « Janicaud » et s’attacher à révéler les enjeux politiques profonds de la réception de Heidegger made in France.

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2 commentaires

  1. J’ai vu dans les liens sur ce blog apparaître une référence qui concerne une émission sur France Culture, à laquelle E. Faye et Philippe Lacoue-Labarthe participaient. Or ce lien précise la participation d’un jeune chercheur auquel je me suis intéressé. C’est Jean-Edouard André qui vient à nouveau de publier une étude sur la question politique chez Heidegger (Heidegger et la politique, l’épreuve de la liberté, l’Harmattan). Il vous donne raison sur un point: pas besoin d’être aggressif à l’égard de Faye pour faire la démonstration que son livre est une erreur. Ceci dit, on a jamais reproché à Faye d’avoir cherché à prouver que la pensée de Heidegger était nazie, on lui reproche d’avoir inventé des phrases qui n’existent pas chez Heidegger pour le prouver. Avouons que ça peut franchement énerver!!!

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    Juste pour attirer votre attention sur le fait qu’une proposition de type : « on lui reproche d’avoir inventé des phrases qui n’existent pas chez Heidegger » est comme telle indécidable. Pourquoi serait-ce Faye qui mentirait et non JE André?

    Ce genre de reproche ne peut être décisif que dans le cadre d’un débat contradictoire où « l’accusé » peut se défendre en justifiant ses choix. En laissant penser que, dans cette histoire, c’est Faye qui ment, et non André, on part du principe que c’est Faye qui est en position de menteur. Pour ma part je pense qu’on en a pas terminé pour la raison que Heidegger a créé volontairement un texte ambigü. Pour cause : il y introduit le nazisme!

    Sk

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  2. Remarque : dans l’émission de radio-débat où étaient présents E. Faye et JE André, il a été remarqué que ce dernier ne citait pas de textes allemands dans sa thèse…
    quand on parle de compétences…
    M.

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