Théorème sur la catastrophe Heidegger

.
.

On ne voit d’abord pas pourquoi, si Heidegger introduit le nazisme dans la philosophie, devrait-il bénéficier d’un sentiment de respect plus grand que celui que l’on éprouve pour les fantômes de Hitler, de Göring, de Himmler ou de Göbbels. Heidegger lui-même a sans doute compté précisément sur le respect, l’admiration, voire une certaine fascination intellectuelle pour réussir le cryptage et la « transmission » du nazisme.

En ce sens malgré sa panthéonisation récente par l’institution française de l’agrégation je m’autorise  de l’appartenance de Heidegger au club des nazes pour proposer cet aphorisme :

Heidegger est à Hitler ce que des salles de douche ont été au gaz ziklon B

La certitude que Heidegger introduit le nazisme dans la philosophie, confortée par celle que j’ai qu’après 1945 Heidegger capitalise Auschwitz et regrette « symboliquement » sa fermeture précoce, me conduit à accepter la répugnance de l’aphorisme : elle est celle de Heidegger lui-même.

On devine toutefois que la forteresse Heidegger ne se laissera pas prendre comme ça. Car la salle de douche du penseur ne s’adresse pas à des gens épuisés et désespérés par l’ignoble convoyage, mais à des lecteurs libres – libérés par la disparition des premiers? – cultivés et raffinés pour lesquels il a bel et bien conçu une « machination spirituelle » capable de réunir ensemble des nazis intelligents et des démocrates illusionnés ou silencieux.

La métaphore serait alors celle-ci : en vertu du rejet de la peine capitale Heidegger ne sera pas condamné à mort. Et, dans la patience mais la fermeté, il sera question de déconstruire l’aura de légitimité qu’il a élaborée pour transmettre la « bête immonde ».

Pas un seul de ses textes postérieurs à 1945 n’est exempt du « quantum » susceptible de le convertir en « théorie idéologique » du nazisme. C’est ce qu’il faut établir et, comme le disait Derrida, « sans limites ».

La « grandeur heideggérienne » a cependant un point faible, qui vient de la monstruosité même du projet à savoir qu’il y a comme une course en avant destinée à embellir à tout prix la salle de douche. L’horreur de la catastrophe heideggérienne exprime son intensité dans l’énergie qui est mise pour transformer la salle de douche en palais spirituel.

Des faux pas, parfois, révèlent ce que ce palais tente de dissimuler. Ainsi de Jean Beaufret quand il se rallie au négationniste Faurisson.

Sauf que, pour la tragédie, cela ne dérange pas nécessairement beaucoup de monde que parmi les « transmetteurs » traditionnels de Heidegger comptent des négationnistes.

============

4 commentaires à Théorème sur la catastrophe Heidegger

  1. Si moi ça me gêne. D’ailleurs je n’ai jamais lu Beaufret; et ça ne me plaît guère de lire ses admirateurs.
    Mais bon pour vous Skildy tout lecteur conséquent de Heidegger est foncièrement négationniste donc j’imagine que ça m’inclut d’office.

    ________________

    Skildy :

    Un lecteur conséquent n’est pas nécessairement un suiveur.

    Mais de quel lecteur parlez-vous?

    Sk

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 23/01/2007 à 09:27 | Répondre | Modifier
  2. Bonjour à tous,

    Voici un extrait du commentaire de Louis Pinto (Revue de Philosophie, n° 5, 2005) à propos des réflexions de J. Bouveresse sur Heidegger (« Essai IV », Agone):
    « Heidegger est évidemment un personnage incontournable pour le genre de démarche illustré par Bouveresse dans la mesure où il conduit à poser la question des conditions de possibilité de l’emploi de la règle d’exception « deux poids deux mesures ». Heidegger a été compromis avec le nazisme au-delà de ce qu’une recherche charitable de preuves demanderait, et il nous a offert un discours sur la technique indigne d’une renommée de grand penseur. Imagine-t-on ce qui aurait été dit si des membres du Cercle de Vienne s’étaient égarés à la façon de Heidegger dans une idéologie régressive ? Et, de même, imagine-t-on la moue réprobatrice que tout autre que lui aurait suscitée (en particulier sur des individus à prétentions progressistes) avec des considérations aussi banales sur les méfaits de la maîtrise universelle de la nature et le destin de l’Occident ? La pensée du héros philosophique est constituée en point de vue suprême, soustrait à des objections qui ne feraient de toute façon que s’inscrire dans l’histoire de la méconnaissance des questions essentielles sur lesquelles cette pensée nous invite à méditer. »
    On pourrait rappeler à M. Pinto le proverbe latin: « Quod licet Jovi, non licet bovi » (« Ce qui est permis à Jupiter ne l’est pas au boeuf ». Or, comme Heidegger se prenait pour l’oracle de l’Etre, quand on est visité par la divinité en personne, on n’a plus de compte à rendre aux hommes-boeufs. Ceux-là n’ont plus qu’à se mettre à genoux. Amen!
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 23/01/2007 à 10:51 | Répondre | Modifier
  3. Bonjour,
    Nous voilà rassurés: le livre « Heidegger, à plus forte raison », dirigé par M. Fédier a trouvé un éditeur, Fayard, après que Gallimard eut renoncé à le publier. Ouf! Cela aurait été un comble si les grands prêtres de l’église ontologique heideggerienne n’avaient pas pu publier leur réponse à l’odieux pamphlet commis par E. Faye lequel avait osé suggérer que la pensée du divin Maître de Messkirch était entachée de nazisme, Lui qui avait sacrifié sa tranquillité d’âme (Gelassenheit) en prenant le risque insigne de spiritualiser le mouvement national-socialiste. Que ce livre lave de tout soupçon malveillant la pensée songeuse de notre vénérable maître inspirée par les révélations que lui fit l’Etre Suprême dans la grotte de Todtnauberg.
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 23/01/2007 à 15:28 | Répondre | Modifier
  4. Tiens Zagdanski vous menace d’un procès maintenant… De mieux en mieux…

.

.

4 commentaires

  1. Si moi ça me gêne. D’ailleurs je n’ai jamais lu Beaufret; et ça ne me plaît guère de lire ses admirateurs.
    Mais bon pour vous Skildy tout lecteur conséquent de Heidegger est foncièrement négationniste donc j’imagine que ça m’inclut d’office.

    ________________

    Skildy :

    Un lecteur conséquent n’est pas nécessairement un suiveur.

    Mais de quel lecteur parlez-vous?

    Sk

    J’aime

  2. Bonjour à tous,

    Voici un extrait du commentaire de Louis Pinto (Revue de Philosophie, n° 5, 2005) à propos des réflexions de J. Bouveresse sur Heidegger (« Essai IV », Agone):
    « Heidegger est évidemment un personnage incontournable pour le genre de démarche illustré par Bouveresse dans la mesure où il conduit à poser la question des conditions de possibilité de l’emploi de la règle d’exception « deux poids deux mesures ». Heidegger a été compromis avec le nazisme au-delà de ce qu’une recherche charitable de preuves demanderait, et il nous a offert un discours sur la technique indigne d’une renommée de grand penseur. Imagine-t-on ce qui aurait été dit si des membres du Cercle de Vienne s’étaient égarés à la façon de Heidegger dans une idéologie régressive ? Et, de même, imagine-t-on la moue réprobatrice que tout autre que lui aurait suscitée (en particulier sur des individus à prétentions progressistes) avec des considérations aussi banales sur les méfaits de la maîtrise universelle de la nature et le destin de l’Occident ? La pensée du héros philosophique est constituée en point de vue suprême, soustrait à des objections qui ne feraient de toute façon que s’inscrire dans l’histoire de la méconnaissance des questions essentielles sur lesquelles cette pensée nous invite à méditer. »
    On pourrait rappeler à M. Pinto le proverbe latin: « Quod licet Jovi, non licet bovi » (« Ce qui est permis à Jupiter ne l’est pas au boeuf ». Or, comme Heidegger se prenait pour l’oracle de l’Etre, quand on est visité par la divinité en personne, on n’a plus de compte à rendre aux hommes-boeufs. Ceux-là n’ont plus qu’à se mettre à genoux. Amen!
    R. Misslin

    J’aime

  3. Bonjour,
    Nous voilà rassurés: le livre « Heidegger, à plus forte raison », dirigé par M. Fédier a trouvé un éditeur, Fayard, après que Gallimard eut renoncé à le publier. Ouf! Cela aurait été un comble si les grands prêtres de l’église ontologique heideggerienne n’avaient pas pu publier leur réponse à l’odieux pamphlet commis par E. Faye lequel avait osé suggérer que la pensée du divin Maître de Messkirch était entachée de nazisme, Lui qui avait sacrifié sa tranquillité d’âme (Gelassenheit) en prenant le risque insigne de spiritualiser le mouvement national-socialiste. Que ce livre lave de tout soupçon malveillant la pensée songeuse de notre vénérable maître inspirée par les révélations que lui fit l’Etre Suprême dans la grotte de Todtnauberg.
    R. Misslin

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s