Sur Philippe Sollers – Contradiction absurde des « amis de Heidegger »

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Je viens d’entendre sur les archives de France Inter une communication téléphonique de Philippe Sollers défendant Heidegger contre l’interprétation d’Emmanuel Faye de Heidegger penseur nazi. Le couplet de Sollers a mille fois été entendu. Il y a eu une carte au parti nazi… Cela n’a duré qu’un temps… L’oeuvre de Heidegger est une oeuvre majeure… complexe… Elle a une grandeur et une fécondité incomparables… Ce sont les « calomniateurs » – Sollers n’utilise pas le mot – qui font de la répétition obsessionnelle…

Il me semble que les amis de Heidegger sont pourtant empêtrés dans une épaisse contradiction. Souvent herméneutes virtuoses, champion de la complexité et de la nuance, voire de la déconstruction (façon Heidegger) ils donnent l’impression que ne leur viendrait même pas à l’esprit que leur penseur favori puisse précisément avoir confectionné un dispositif nazi d’une rare habileté. Ce serait pourtant là une problèmatique digne de leurs immenses talents!

S’il faut le préciser : un « ami de Heidegger » n’est pas un sympathisant nazi. Comme le projet de Heidegger était bien d’introduire le nazisme dans la philosophie, il ne pouvait le faire qu’à la condition expresse de ménager une sorte d’espace d’invisibilité du nazisme comme tel. Sans cela le projet ne pouvait qu’être voué à l’échec. Autrement dit un « ami de Heidegger » peut se mouvoir dans cet espace sans « activer » le dispositif dans sa globalité et sa systématicité « idéo-politique ». Mais ce dispositif est cependant bien en place comme l’a montré E Faye dans son approche de la Gesamtausgabe et de sa gestion « patrimoniale ».

Le risque que prennent Sollers et quelques autres est de finir par discréditer les thèmes de la grandeur et des « monuments culturels ». Cela finit par ressembler plus à du marketting éditorial qu’à une véritable pensée.

Il apparaîtra un jour en pleine lumière l’ignomie du dispositif heideggerien. Et ce que le philosophe de la Hütte a lui-même fait de la grandeur : un alibi pour justifier une entreprise criminelle. Et c’est bien ça le nazisme : Beethoven dans les camps. Orange mécanique.

Et la « différence ontologique » pour les élites sélectionnées pour dominer le monde.

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4 commentaires

  1. C’est assez drôle et assez touchant de voir aec quelle naïveté vous reprenez ce terme de « dispositif » qui est justement celui qu’a utilisé Heidegger pour décrire ce comble de l’insurrection que furent conjointement le communisme, le totalitarisme hitlerien et le libéralisme. L’anti-Heidegger-primaire s’ingénue à affirmer que le penseur décrivant la situation de son époque, en tant que tel, l' »aime », la promeut. Oh il y a peu de doutes que Heidegger ait versé beaucoup de larmes que le sort de ceux qui souffraient en Europe durant ces années noires. Mais affirmer que ses cours et traités sont tous tendus vers la chambre à gaz est à la fois candide et ignoble. Cela montre comme toujours chez eux l’incapacité foncière de faire la part des choses. Quitte à se ridiculiser, l’anti-Heidegger primaire ira jusqu’à affirmer haut et fort que les cours des années 20 sont des exercites de prosélytisme nazi, préludes aux pogroms, et que ceux des années 30 et 40 sont une « apologie » de l’insurrection et de la souveraineté de la volonté de puissance inconditionnée! Avec, bien entendu, toujours aussi peu d’arguments: juste un mot d’ordre redondant…

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  2. Mais on peut néanmoins s’étonner (la philosophie n’est-elle pas un perpétuel étonnement?)que ce grand penseur de l’être n’a su trouver dans son existence de mortel qu’une seule manifestation de l’être digne d’être fêtée à ses yeux, qu’une seule parousie (par-ousia)valable, le national-socialisme. Après la défaite de ce dernier, et jusqu’à nouvel ordre, nous voilà à nouveau livrés, o pauvres étants que nous sommes, à l’attente d’un nouvel Ereignis, d’un nouveau Führer, d’un nouveau surhomme providentiel. Merci, mais j’ai autre chose à faire. « N’aspire pas, o mon âme, à la vie éternelle, mais épuise le champ des possibles » (vers de Pindare, Pythiques III, mis en exergue par P. Valéry au Cimetière Marin).
    R. Misslin

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  3. épuiser le champ des possibles, c’est précisément le destin de notré époque consumériste , réjouissez-vous. Heidegger en a du reste bien montré les fondements dans le Nietzsche : la volonté de puissanc inconditionnée étant toujours en quête de l’accroissement de sa jouissance et de sa puissance. Logique gloutonne qui est précisément celle des camps d’extermination, et de l’Imperium (critiquée dans le Parmenides).

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  4. Bonjour M. Skildy, tout à fait d’accord avec vous pour dénoncer tous ces types qui s’autoproclament être des esprits supérieurs (la fameuse « différence ontologique », quelle blague sophistique tout de même!) pour occuper la place de dominants avec, en prime, les bénéfices narcissiques primaires et secondaires bien connus. C’est vraiment rigolo de voir tout cet aristocratisme faisandé qui fait son éternel comeback. Décidément, il y en a qui ont vraiment du mal avec l’esprit démocratique.
    R. Misslin

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