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Afin de prendre la mesure de l’état d’esprit de certains heideggeriens français parmi les plus incondionnels le phiblogZophe publie, à la suite d’une indication et d’un commentaire d’Yvon Er, l’extrait suivant de l’ouvrage de Janicaud sur Heidegger.
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Heidegger en France, tome 2 (Albin Michel 2001), p. 97-100 :
Dominique Janicaud (…) : en 1967, Ousia et Grammè, n’est-il pas d’abord publié dans l’hommage à Beaufret ?
Jacques Derrida : Du point de vue du texte lui-même, ce fut d’abord un séminaire (quel en était le prétexte, je ne m’en souviens plus). En tout cas, la chose était écrite quand Fédier m’a demandé de participer à cet hommage à Beaufret. J’ai d’abord hésité parce que, au fond, je ne me sentais pas particulièrement proche de Beaufret, avec qui j’avais un bon rapport personnel ; mais, je ne me sentais ni beaufrétien ni heideggérien à la mode Beaufret et, comme il y a dans Ousia et Grammè, quelques questions inquiètes sur Heidegger, je pensais répondre négativement. Mais Fédier a beaucoup insisté, il a été extrêmement prévenant avec moi (cela n’a pas duré tout le temps par la suite) ; sa façon fut un peu séductrice. Je me suis dit : « Et si, finalement, je publiais ça au moins pour marquer un travail questionnant, à l’occasion de cet hommage à Beaufret et à Heidegger (c’était, en fait, un livre sur Heidegger) ? » Après une longue hésitation, j’ai accepté. Je donne ce texte à Fédier qui en accuse réception de façon chaleureuse et approbatrice. Et puis, un jour, alors qu’il a le texte, Laporte et sa femme viennent déjeuner chez moi, à Fresnes, dans l’hiver 1967-1968 (probablement déjà en 1968). Au cours d’une conversation à bâtons rompus, Laporte, qui a été son élève, me parle de certaines remarques antisémites de Beaufret. Des remarques graves. Il en cite quelques unes qui concernent Lévinas, ou le fait que les exterminations alléguées de Juifs étaient aussi peu crédibles que les bruits qui couraient au sujet des horreurs en Belgique après la guerre de 1914 (les Allemands qui tuaient et égorgeaient les enfants) ; enfin, quelques propos de ce type qui m’ont paru choquants non seulement parce qu’ils étaient antisémites, mais dans la forme de leur violence. Et donc je suis bouleversé. Laporte a été un peu surpris. Il n’avait peut-être pas mesuré l’effet que cela pouvait faire sur moi.
DJ : Il ne t’en avait donc pas parlé pour t’alerter ?
JD : Ah non ! vraiment sans penser que ça exploserait ! Et évidemment, en moi, ça a explosé. Aussitôt, le jour même ou le lendemain, j’ai écrit à Fédier (j’ai toute cette correspondance que j’avais confiée à Bident) : « Écoutez, je viens d’apprendre ça ; je ne veux pas en faire d’histoire publique, je ne veux pas mettre ça sur la place publique, mais permettez-moi de retirer mon texte discrètement. » Mais voilà ! Fédier n’entendait pas garder la chose sous le secret. Il a réagi violemment : calomnie ! etc. J’ai ses lettres. Bien sûr, je ne lui avais pas dit que je tenais ces propos de Laporte. Au bout d’un certain temps, il le découvre, par je ne sais quels canaux. Laporte devient alors le véritable accusé des amis de Beaufret qui montent la garde devant lui. Il y a plusieurs épisodes, échanges de toutes sortes, jusqu’au jour où on a organisé une rencontre, dans mon bureau de l’école normale, entre Beaufret et Laporte ; rencontre contradictoire. Beaufret est venu avec Vezin. Nous étions tous les quatre dans mon bureau. Laporte a confirmé. Beaufret a, naturellement, violemment dénié. Et c’en est resté là.
Comme Laporte se sentait, paradoxalement, de plus en plus en accusation lui-même – c’était lui qui devenait l’accusé et il en était très malheureux (parce qu’il y a eu les protestations d’autres amis communs à Beaufret et à Laporte comme Munier, Fourcade – ni Deguy ni Granel ne se sont manifestés). Il l’a très mal supporté. Et c’est Jacqueline Laporte qui, m’a-t-on dit, pour protéger son mari, a alerté Blanchot. Blanchot, lui aussi, était dans la situation d’avoir donné un texte à Fédier. Naturellement, les Laporte savaient que, sur ces questions, Blanchot était très sensible, irritable et nerveux. Donc, dès que Blanchot est alerté, il me fait signe. Je ne le connaissais pas, à ce moment là. Je le lisais, naturellement ; nous avions échangé quelques lettres, mais je ne l’avais jamais rencontré. C’est á l’occasion de cette affaire que j’ai rencontré Blanchot assez souvent, pendant cette période limitée de 1968, pendant les « événements », comme on dit. Nous nous sommes vus à plusieurs reprises, nous demandant ce que nous devions faire – retirer ou ne pas retirer les textes. Et, après d’interminables délibérations, nous sommes tombés d’accord : Beaufret ne reconnaissant pas avoir dit ces choses et nous ne pouvions pas prouver qu’il les avaient dites – c’était témoin contre témoin, c’était Laporte contre lui -, nous n’avions pas le droit d’accuser Beaufret publiquement de quelque chose qu’il ne reconnaissait pas ; donc, nous devions laisser paraître les textes promis ; mais nous pensions, Blanchot et moi, qu’il serait bon de nous expliquer sur notre attitude devant les autres participants de ce volume – qui étaient déjà au courant – en disant : « Voilà, on a appris ça ; n’ayant pas de preuve, nous faisons crédit à Beaufret ; nous ne voulons pas l’accuser publiquement et donc nous laissons nos textes. Mais voilà ce qui s’est passé. » Nous écrivons donc cette lettre, nous la signons en commun et nous décidons que cette lettre, multipliée en autant d’exemplaires que de participants, ne serait envoyée que le jour où le volume paraîtrait : nous ne voulions pas nuire à la sortie du livre. Le jour où il paraît, nous envoyons la lettre à chacun des participants pour expliquer notre attitude pendant ce processus.
Moi, j’étais aux Etats-Unis en septembre 1968. J’avais tapé les lettres, je les avais préparées ; il y avait dix-huit ou vingt lettres ; nous les avions signées et je les avais laissées à Blanchot qui devait les mettre à la boîte le jour où le livre sortirait pendant que je serai, moi, à Johns Hopkins. Donc, Blanchot les poste – et ces lettres n’arrivent jamais ! Il les a postées « aux bons soins » de l’éditeur…Ces lettres ont été apparemment interceptées parce que personne ne les a reçues. Notre hypothèse, voire notre soupçon, c’est que Fédier les a interceptées. On ne peut pas le prouver, bien sûr. En tous cas, ces lettres ne sont jamais arrivées…
(…) C’est longtemps après qu’il y a eu des histoires de négationnisme. »
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25 commentaires à Blanchot, Derrida, Fédier : quelques lettres qui n’arrivèrent jamais.
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Ce qui serait honnête , ce serait de publier les écrits où Derrida et Blanchot parlent de Heidegger comme de l’un des penseurs incontournables de notre temps. Sinon, je connaissais cette histoire sur Beaufret ellee st troublante; Fédier essaye de le défendre dans « Regarder voir » mais avec toujours aussi peu de succès…
Pour parer aux plus basses diffamations prononcées contre moi ici , je dois bien dire et montrer ici que je me réjouis de l’information suivante:
Prison requise contre Robert Faurisson pour des propos négationnistes
PARIS (AFP) – Le ministère public a requis mardi de la prison, assortie ou non du sursis, à l´encontre de l´ex-professeur de littérature Robert Faurisson, pour des propos niant la réalité de l´Holocauste diffusés sur une chaîne satellitaire iranienne en février 2005.
Le jugement sera rendu le 3 octobre par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. M. Faurisson encourt un an de prison et 45.000 euros d´amende.
M. Faurisson est poursuivi pour « complicité de contestation de l´existence de crime contre l´humanité » pour des propos tenus sur la chaîne satellitaire gouvernementale Sahar 1, le 3 février 2005.
Le négationniste de 77 ans, qui vit « à Vichy », avait nié la réalité du génocide juif et l´existence des chambres à gaz d´Auschwitz.
« Il n´a jamais existé une seule chambre à gaz d´exécution chez les Allemands, pas une seule (…). Par conséquent, ce que des millions de touristes visitent à Auschwitz, c´est un mensonge, c´est une falsification, c´est une tromperie pour touristes », avait par exemple déclaré l´ex-professeur de littérature à l´Université de Lyon.
Le procureur a estimé qu´il était « temps aujourd´hui de passer à un cran supérieur » pour M. Faurisson, déjà condamné à plusieurs reprises entre 1992 et 1998 à des amendes pour la même infraction ou pour apologie de crimes de guerre.
A l´audience, ce dernier a maintenu l´intégralité de ses déclarations à la télévision iranienne tout en expliquant qu´il ignorait qu´elles seraient retransmises en France.
Le prévenu a profité de cette comparution pour exposer pendant près d´une heure et demie sa thèse « révisionniste », provoquant de vives contestations de la partie civile, le président Nicolas Bonnal lui demandant en vain de « terminer brièvement ».
« Je ne nie rien. J´affirme au terme de mes recherches qu´il n´y a jamais eu de politique d´extermination physique des Juifs », a soutenu M. Faurisson s´en prenant à « Simon Wiesenthal et autres menteurs » ou affirmant encore que le « journal d´Anne Frank » était « un faux ».
Ses partisans nombreux dans la salle d´audience l´ont applaudi à la fin de sa diatribe.
L´avocat de la Ligue internationale contre le racisme et l´antisémitisme (LICRA), Me Christian Charrière-Bournazel, partie civile tout comme le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l´amitié entre les peuples) et la Ligue des droits de l´homme, l´a qualifié dans ses conclusions de « marchand de pourriture ».
Me Eric Delcroix a soutenu que son client, le « professeur Faurisson », était victime d´un « délit d´opinion » pour son « oeuvre », contestant la loi Gayssot de 1990 sur le racisme et contre le négationnisme.
Les propos du révisionniste ainsi que le contenu d´autres émissions de la chaîne avaient conduit le Conseil supérieur de l´audiovisuel (CSA) à adresser le 10 février 2005 une mise en demeure à Eutelsat, l´invitant à faire cesser la diffusion des programmes de Sahar 1.
http://fr.news.yahoo.com/%5B…]negationnistes.html
Ce n’est pas en prison qu’il faudrait mettre ce pauvre type de Faurisson, mais à l’asile psychiatrique: il existe de très bons médicaments pour calmer ce genre d’obsessions délirantes. Zut! J’ai oublié que M. Domeracki est contre l’usage de ce qu’il nomme d’une manière charmante, avec d’autres grands inspirés, la camisole chimique. O tempora! O mores! comme disait l’autre.
R. Misslin
Une petite lecture de Foucault ferait pas de mal à certains il me semble. Entre deux poignées de Prozac…
J’ai bien évidemment cité J.Derrida parce qu’il s’agissait d’un heideggérien, mais qui face à un soupçon de négationnisme s’est comporté cette fois là de manière adulte et cohérente : le but était de donner un exemple de responsabilité intellectuelle à M. Teitgen, j’ai donc choisi quelqu’un qu’il ne peut aisément débiner.
Par ailleurs M. Domeracki renouvelle l’emploie du terme « diffamation » (cette fois il s’agit même de « basses diffamations »), j’imagine en visant les critiques que je lui ai faites. Je copie donc de nouveau la réponse que je lui ai faite sous le blog qui suit la lettre de F. Dastur, réponse écrite à la suite d’une accusation du même type et qui précise la nature de ma critique. Il va de soi que j’effectuerai cette précision chaque fois que nécessaire.
M. Domeracki, je me réjouis avec vous que la loi ait été appliquée, même si je m’attriste que M. Faurisson jouisse d’un soutien arrogant jusque dans la salle d’audience.
Le problème est que vous ne pouvez échapper aux critiques que je vous ai faites ainsi. M. Faurisson lui-même, au besoin, cite des auteurs juifs, a reçu l’appui de quelques juifs négationnistes (cela existe, comme il y a eu des juifs collabos, des gens qui en Israel ne voulaient pas entendre parler de la Shoah, etc.). On arrivera toujours ainsi à tout justifier en trouvant, en cherchant bien, les auteurs juifs ou d’origine juive qui ont eu des propos inacceptables sur l’extermination (M. Shamir étant le dernier en date). On peut aussi, autre technique, cacher sa tunique brune sous un camouflage rouge. Combien sont ainsi passés du gauchisme au nazisme ? Les déclarations généreuses ne suffisent pas là non plus.
M. Domeracki, je ne vous demande pas d’avoir un intérêt particulier pour la culture juive et l’histoire juive, d’avoir des amis juifs, etc.
Je ne vous demande pas non plus de consacrer toute votre vie au combat contre l’extrême droite, à l’entente entre les peuples, à une redistribution juste des richesses de ce monde, non, même pas cela – même si vous m’avez dit être aux jeunesses socialistes, et que l’on sait tout ce que le PS a fait ces dernières années pour lutter contre l’injustice sociale…
Tout ce que je vous demande, c’est, tout négativement, d’éviter certains propos que je vous ai très précisément indiqués, et en vous expliquant pourquoi, et de ne pas participer à la propagation de telles choses.
Me suis-je fais comprendre ? Est-ce si compliqué ?
YE.
La diffamation étant une catégorie juridique, et M. Domeracki choisissant les mêmes sempiternelles techniques pour noyer le poisson, je me dois d’effectuer quelques précisions.
Heidegger, que j’ai dû pourtant beaucoup lire, n’est effectivement pas ma tasse de thé, mais je conserve toute mon admiration pour plusieurs personnalités qui le travaillent et que je ne soupçonne en aucune façon, mais qu’au contraire j’admire -sur un plan humain plus que sur le plan intellectuel d’ailleurs, même si ceci n’exclut pas cela. Je pense à Jean-Michel Salanskis en France, ou à Rainer Marten en Allemagne.
Je conserve par ailleurs une certaine admiration pour des personnalités partiellement sous inspiration heideggérienne, comme Emmanuel Lévinas.
Si j’ai pris plusieurs fois à partie M. Domeracki, ce n’est nullement du fait de ses prises de position réelles ou supposées sur ce qu’il nomme « l’affaire Faye », mais en fonction de propos bien précis : aveu de fascination pour le nazisme et pour la politique de Niekisch, usage répété du terme « collatéral » pour qualifier la violence nazie, hypothèse que Heidegger nous offrirait une voie somme toute intéressante pour un « nazisme amélioré », voire un nazisme non antisémite (?). Quant à l’argument qui consiste à traiter de resistant a posteriori ou de « tondeur » ceux pour qui le révisionnisme pose un problème, c’est une posture typiquement d’extrême droite, mais bon… comment pouvez vous dire que « la plupart des résistants français » n’étaient que des tonseurs de collabos ? Cette manière de discréditer l’ensemble de la résistance du fait des agissements de résistants de la dernière heure est inqualifiable.
Quant on entend prouver que l’on peut travailler Heidegger de manière « tout à fait saine », il vaut mieux éviter certains dérapages, au risque sinon de prouver l’inverse de ce qu’on avance. Dans le cas présent, vous pouvez toujours agiter votre carte du PS ou préciser que vous allez lire « un juif » (???), cela n’enlève rien à vos propos. Les neo-nazis ont ouvert la WM par une série d’agressions mortelles sur des étrangers, mais le grand socialiste que vous êtes ne semble pas trouver que cela soit un problème d’actualité.
Précisez donc vos sources à vos lecteurs, vous serez déjà moins soupçonnable de malveillance.
Je n’ai bien entendu pas réagi à un propos isolé, mais à une série de dérapages, dont un dernier, celui qui a consisté à copier sur votre blog le commentaire suivant, que je donne ici pour information :
Dimanche 04 Juin 2006
Avis d’un anonyme trouvé sur le net…
L’argumentation d’ E. Faye est faible, mais son art de travestir est consommé. Il cite des phrases de Heidegger où celui-ci appelle de ses voeux un « Fürher » : grosse malice, car si Heidegger parle de « guide », le mot dans sa langue n’avait pas encore en 1920 la conotation qu’il a pris aujourd’hui dans toutes les langues du monde. Pourquoi, sinon pour une basse raison polémique, ne garder que ce mot en allemand dans une traduction ?
Autre exemple : l’animosité de Heidegger à l’encontre de K. Jaspers qui a l’immense tort d’aimer sa femme, juive. Incontestablement, pour Heidegger, ce travers de K. Jaspers est une source de pollution de sa pensée. C’est un homme sous influence : K. Jaspers aurait dû choisir entre sa femme et la philosophie. E. Faye y voit une preuve de l’antisémitisme foncier d’Heidegger. N’est-ce un peu simpliste ?
Dernier exemple : Heidegger se plaint de l’enjuivement (« Einjüdung » : là aussi, E. Faye garde le mot allemand, plus stigmatisant) de l’Université dans une lettre à sa femme. Le mot « enjuivement » n’est pas une insulte, contrairement à ce que semble penser E. Faye : c’est la constatation d’une présence et d’une influence accrues des Juifs dans les rangs de l’Université. Heidegger aurait très bien pu ne pas s’en apercevoir : pour un phénoménologue, c’eût été une carence grave. Il eût pu aussi prendre le parti de faire semblant de ne pas s’en apercevoir, mais, dans une lettre à sa femme, ce n’est pas son choix : le « politiquement correct » n’avait pas encore été inventé, et l’eut-il été, Heidegger ne s’y serait certainement pas senti tenu. L’Histoire de la Philosophie doit-elle se lire dans les corbeilles à papier ? Quant au fait qu’il constate cet « Einjüdung » pour s’en plaindre, il traduit sans doute son désagrément d’une démarche intellectuelle, d’une spécificité, voire d’une spiritualité juives qui lui sont étrangères. C’est sa perception des choses, et il le dit. Où est l’offense ?
Mais le morceau de bravoure de E. Faye, c’est lorsqu’il tente de démontrer que la posture pro-nazi de Heidegger teinte et occulte toute sa philosophie. En effet, si un mathématicien ouvre une voie nouvelle dans la Théorie du corps de classes par quelque théorème fracassant, quoiqu’il puisse faire et dire par ailleurs, quelque soient ses déviances, sa percée est acquise définitivement, et sera reprise par les générations suivantes, son nom célébré à jamais. Dans le cas d’un philosophe, il faut démontrer que toute sa pensée est en fait empreinte de cette déviance et donc à jeter aux orties. C’est ce à quoi s’emploie E. Faye par de savantes gloses : la philologie est appelée à la rescousse pour prouver que, par ses traductions successives et contradictoires du mot grec « Genos », le philosophe a tiré honteusement les mots dans le sens qui lui convenait. C’est la pierre d’achoppement qui achève la démonstration.
Sur le fond, sur l’adhésion progressive de Heidegger aux théses nazies, l’Histoire a déjà jugé et les faits sont connus de longue date. Mais faire de Heidegger le mentor de l’auteur de « Mein Kampf » est un peu fort de café et les « scoops » de E. Faye ne sont que des pétards mouillés.
Faut-il faire disparaître le nom même de Heidegger de l’Histoire de la Philosophie ? A ce régime, il faudrait aussi faire disparaître celui de Sartre. Cela rappellerait fâcheusement les pratiques de l’Union soviétique, qui supprimaient de la liste de l’Union des Ecrivains ceux qui étaient accusés de dissidence, et faisait disparaître visages ou légendes sur des photos de groupe. (Lire Soljénitsyne et Sakharov sur le sujet). Bien au contraire, la critique des textes incriminés peut être une source utile de progrès.
publié par Stéphane dans: heidegger
Ce commentaire, donc, qui confond grotesquement « Einjudung » et « Verjudung », avance des arguments rebattus contre Emmanuel Faye (et oui, le mot « Führer » n’avait pas à l’époque de connotation democ-soc…), mais aussi une singulière nouveauté avec sa « phénoménologie du juif ». Il est avancé que Heidegger manifesterait une agressivité contre une spiritualité et une spécificité juive qui lui serait étrangère sans qu’il y aurait offense (?). Non seulement la contradiction est patente, mais il faut de plus savoir que la plupart de ceux que l’on nomme « juifs » à l’université d’alors sont des gens qui n’ont pour la plupart, aux yeux des critiques de la « Verjudung », que le tort d’une origine juive. Où est la « spiritualité juive » de Cassirer ? Pour Heidegger et ses semblables c’est clair : leur universalisme n’est que la face intellectuelle de l’emprise juive.
Quelle ânerie de parler de « phénoménologie » pour décrire les personnes si différentes dont l’origine juive est visée par les critiques de la « Verjudung ». Ou s’agissait-il peut-être d’une « phénoménologie de l’inapparent », capable de reconnaître le juif éternel sous le costume occidental ?
Bref le moins que l’on puisse dire est que vous pourriez surveiller ce que vous publier, mais que pour vous (c’est du moins l’interprétation la plus généreuse), tout ce qui tire contre Faye est bon, fût-ce un tissu de contresens sur son livre entrecoupé de remarques puant la mauvaise foi antisémite. Ne publiez pas ce genre de choses, et je vous laisserai tranquille.
Du reste, un commentateur vous a fait une remarque à propos du danger en question (« Ping Pong »), mais il a été suivi d’un nouveau commentaire auquel vous n’avez pas plus réagi, celui de Pierre Teitgen :
Sur la Verjudung (et non « Einjudung », ce qui ne veut pas dire grand-chose). Le terme est d’abord plus que rare chez Heidegger: seules quelques occurrences dans la correspondance avec sa femme (en 1915) empêchent l’expression de la Lettre à Schwörer d’être un hapax legomenon. Je reviens sur cette lettre rapidement : écrite par Heidegger à un Conseiller dont tous savaient (y compris Heidegger lui-même) qu’il n’était pas antisémite (« parfaitement étranger » à toute forme d’antisémitisme, dit U. Stieg lors de la publication initiale de ce document dans die Zeit), elle a pour objet une demande d’attribution de bourse pour l’assistant de Heidegger, Baumgarten. On le sait, c’est finalement Werne Brock, qui était juif, qui deviendra en 1931 l’assistant de Heidegger — Heidegger ignorait-il sa confession au moment de son choix ? C’est ce que prétend Hugo Ott… Quoi qu’il en soit, deux ans plus tard, il ne pouvait plus l’ignorer… C’est lui, pourtant, qui lui a trouvé un poste à l’Université de Cambridge, où il est resté jusqu’à la fin de la guerre. Quoique le terme soit devenu très marqué, il n’est pas certain du tout, alors, que Verjudung désigne simplement l’entrée des juifs dans un corps quelconque… « Au sens large », comme le dit Heidegger, « verjuden » signifie déraciner, corrompre, bref, mettre à un poste quelqu’un qui ne le mérite pas. Il est certain cependant que l’usage de ce terme est extrêmement grave, parce qu’il a un « sens restreint » que Heidegger ne pouvait pas ignorer, et dans lequel il faut sans doute voir l’expression (détestable, cela va sans dire, inexcusable bien sûr mais pas incompréhensible) d’un antisémitisme religieux courant dans les milieux catholiques (et pas seulement catholiques allemands). Nous tombons cependant ici dans un autre procès : non pas celui de Heidegger, mais celui d’une génération. Nombre d’écrivains et d’intellectuels (et pas forcément droitiers) ont écrit des choses effarantes à ce propos (qu’on songe aux propos haineux d’un Blanchot… et bien après 1929 !). Force est cependant de constater que très visiblement, Heidegger a pris ses distances avec ce milieu ; force est de constater qu’il n’y a plus aucune déclaration de ce genre au moment où il était de bon ton de déverser son fiel (et plus si affinités) sur les juifs — quand il en est question après 1933, c’est dans l’expression « judéo-chrétien », entendue en un sens visiblement nietzschéen. Cela dédouane-t-il Heidegger des propos tenus avant-guerre ? Non pas : ils sont et demeurent inexcusables. Cela fait-il de Heidegger un nazi avant l’heure, pendant l’heure et après l’heure ? Je ne le crois pas — et songe ici à Bernanos, revenu sur bien des opinions qui furent les siennes, une fois contemplée d’un peu près la guerre d’Espagne. Pierre Teitgen
Commentaire n° 6 posté par: Pierre Teitgen le 07/06/2006 – 12:33:29
Je ne sais ce qu’entendait faire Pierre Teitgen en affirmant que le conseiller Schwörer n’était pas antisémite. Parce qu’on ne peut pas envoyer des textes antisémites à des non-antisémites ?
Le terme « Verjudung » est univoquement antisémite, en 29 comme aujourd’hui. Ce que M. Teitgen ajoute par ailleurs à propos de l’introduction dans un corps et le pourrissement qui s’ensuit est un topos antisémite des plus chargé. Quelle manière de sauver Heide !!
Quant à l’affirmation selon laquelle il n’y aurait plus trace d’antisémitisme chez Heidegger après 33, cela n’a pas de nom.
Ces précisions faites, vous pouvez me faire un procès si vous le voulez, puisque vous m’avez traité de diffamateur. Il est vrai que je n’aime guère voir mon nom trainé dans la boue par des gens qui n’ont pas ma faveur, mais je ne suis nullement « planqué », étant facilement retrouvable par mon adresse IP : déposez une plainte, et nous nous retrouverons à argumenter devant un tribunal, nous verrons qui diffame.
Rédigé par: Yvon Er | le 21/06/2006 à 18:18
Cher monsieur Misslin,
les psychotropes ont certes fait de formidables progrès, mais je crains qu’ils ne nous protègent aucunement de certaines formes de maladies – dont la perversion, qui semble bien transmissible.
Bien à vous,
Yvon Er.
Bref, vous me demandez de suivre vos interprétations de Heidegger et celles de Faye et co. Mais cela ,voyez vous , je ne le ferai pas, puisque je ne suis nullement convaincu. Mon seul engagement sera de faire plus attention à mes sources. Ce n’est pas pour autant que je ne vais pas donner voix au chapitre à tous ceux qui voient en le brûlot de Faye qu’une somme de considérations malhonnêtes; Heidegger fut un salaud mais aussi un grand penseur. Je veux bien vous laisser le premier pour vous faire les griffes si cela vous divertit. Je n’entend pas abandonner le second , étant donné que je ne suis pas convaincu que le nazisme heideggerien supposé réussisse à influencer ma connaissance historique. Monsieur Er pourra bien à l’occasion essayer de me salir, puisque c’est là sa distraction favorite.
Ce qui est drôle avec Yvon Er ,c’est qu’il entend en toute sincèrité nous faire dire à partir des auteurs et des interprétations que nous mettons en avant, que effectivement, je serais négationniste à mon propre insu. Le simple fait d’accoler cette possibilité à mon nom est une infâmie et c’est en cela que je parle de « basse diffamation ». Vous devriez avoir honte d’utiliser de tels procédés lors d’une argumentation: mais vous ne savez que trop bien le type d’efficace que peut avoir une telle rhétorique.
Cher Monsieur Er,
Ne me prenez pas trop au mot quand je suggère qu’il faudrait soigner M. Faurisson par des neurotropes (je préfère « neurotropes », car de mon point de vue, le terme « psychotropes » est du non sens). En revanche, je suis persuadé que des personnes comme M. Faurisson qui pratiquent le genre de déni de façon aussi publique souffrent d’un dérangement de la personnalité. On peut appeler cela « perversion », mais je ne sais pas si ça nous avance beaucoup en ce qui concerne la signification de ce type de déni. Ce qui est clair, c’est que ce monsieur semble tirer un grand plaisir en adoptant cette posture. Pauvre homme, tout de même. Pathétique.
Amicalement
R. Misslin
Monsieur Domeracki,
vous avez eu certains propos, point.
S’intéresser à Heidegger est un droit, la vigilance intellectuelle est un devoir.
Je ne vous crois pas à proprement parler « négationniste » au sens où M. Faurisson l’est, dans la mesure où vous n’êtes pas un militant tendu vers un but. Mais vous avez sûrement des fascinations malsaines, ce qui dans votre cas n’est peut-être pas définitif.
Je vous ai de ce fait simplement signalé que la manière dont vous lisiez certains textes bien déterminés de Heidegger vous conduisait à des positions, postures et propos à tous égards insoutenables.
Rien de plus, mais rien de moins.
YE.
Cher monsieur Misslin,
mes connaissances en matière de pharmaco-chimie sont par trop miniscules pour que je puisse vous faire une réponse développée.
Je me demande simplement si cela a un sens d’essayer de « soigner » quelqu’un comme M. Faurisson, et si passé un certain degré dans certaines maladies de l’esprit l’idée même d’un retour à la vie a le moindre sens.
Mais je n’ai pas l’intention de vous miner par de si tristes considérations…
Bien à vous,
Yvon Er.
« vous avez sûrement des fascinations malsaines, ce qui dans votre cas n’est peut-être pas définitif »
Mais quelle fascination malsaine? Je ne suis pas absolument fasciné par le nazisme que je pense connaître moins que vous. Je suis extrêmement choqué par les récits de la Shoah : mais il me semble que cela est relativement rassurant au contraire.
Evidemment, si vous décrétez que les pensées heideggeriennes sont obligatoirement « malsaines », e peux effectivement me voir affubler de ce qualificatif disgracieux, car je pense sincèrement qu’il a écrit des choses pertinentes sur les dernières conséquences de l’hyper-modernité.
M. Domeracki,
le terme de fascination a été il me semble employé par vous même sur le blog d’Assouline.
Je ne doute pas de l’horreur que vous inspire la Shoah, qui en a inspiré parfois jusqu’à ses auteurs mêmes, écrasés par le poids de leurs propres pulsions. Comment d’aucuns peuvent vouloir l’abject, c’est un problème philosophique dont je n’ai pas l’intention de traiter ici.
J’ai énuméré avec précision les dires dont j’ai entendu vous signaler les dangers, que ce soit vos propres dires ou ceux tenus sur des liens auxquels vous renvoyiez ou renvoyez toujours.
C’est à vous par la suite d’agir en toute conscience, pas à moi.
Yvon Er.
Lorsque j’ai parlé de « fascination » , il ne fallait évidemment le prendre en un sens appréciatif. Qui peut nier ici que ce phénomène européen n’a pas été le plus incroyable hubris de l’occident, et qu’en tant que tel il ne peut que nous laisser un instant songeur? Mais puisque je n’entend nullement rester figé dans cette posture faussement naïve face à l’innomable , j’essaie pour ma part de comprendre comme une telle infâmie si structurée a pu se déployer dans un espace sensé être si rationnel et si humaniste. Pour ma part , je trouve les explications de Heidegger stimulantes, bien que souvent trop proches du gouffre. Je dois dire aussi à ce sujet que j’aimerais beaucoup voir une discussion entre un Yvon Er et un Gérard Guest qui vient de republier (déjà!) sur Parole des jours d’ailleurs.
Monsieur Domeracki,
je suis heureux que vous reveniez à des propos moins « aventureux » au mauvais sens du terme, même si mes critiques gardent à mon avis leur validité et que vous n’avez pas répondu à mon message sur le lien entre pensée et négationnisme.
Je n’ai guère envie de discuter avec M. Guest, même si je serais moi aussi curieux du résultat.
Je m’en vais de ce pas lire sa nouvelle intervention.
Yvon Er.
Je suis allé lire la dernière oeuvre de Gérard Guest sur « Parolesdesjours ».
Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas perdu ses habitudes d’écriture (italiques, tirets, guillemets, etc.)
Une des rares choses intéressantes à noter est que nos amis de Parolesdesjours semblent désormais se plaindre de la modération des « universitaires » de l’institution (silence tout modéré somme toute, puisqu’on a des gens pour nous tenir au courant de leur état d’esprit…).
Ainsi Gérard Guest parle p. 1 d’un « silence universitaire » assourdissant après avoir dénoncé la collusion des « médias ». M. Plagne, dans sa dernière recension sur Parutions.com du numéro de l’Infini sur Heidegger (avec toute la bande), enregistre en semblant le regretter le décalage entre attentisme et propos privés d’un monde universitaire qu’il semble connaître :
« le livre condamnable d’Emmanuel Faye sur le prétendu nazisme fanatique et obstiné de Heidegger et le battage partisan qui lui a apporté son soutien ont incité une partie de ceux qui ont une connaissance sérieuse de Heidegger à prendre position publiquement sur cette question (comme à chaque réitération du «scandale» depuis 1945) à l’occasion de cet anniversaire. Ces réactions sont de valeur variable pour une compréhension du fond de la question : la meilleure défense est d’articuler analyse historique précise et contextualisée des faits incriminés avec lecture sérieuse de ce que les textes disent de la pensée du professeur Heidegger sur la politique, le peuple, l’Etat, l’Allemagne, l’Europe, l’histoire occidentale, les Grecs et le christianisme, voire (mais ce sujet semble mince chez Heidegger qui n’y voyait pas d’enjeu majeur pour la philosophie) les Juifs ou le judaïsme. Le scandale semble avoir fait «flop» grâce à la rapidité de réponses vigoureuses et courageuses, si l’on en juge par le décalage entre propos privés et prudence attentiste dans des milieux qu’on aurait cru tenus à un devoir d’expertise devant l’opinion. N’était-il pas question d’une subversion nazie de notre enseignement philosophique depuis 60 ans ? »
Et oui messieurs, nos amis de l’université sont beaucoup plus discrets, et on peut vous remercier pour votre manque d’habileté dans la dissimulation.
Un Jean-François Courtine, par exemple, peut fort bien diriger une Servanne Jollivet, mais il pense bien aussi à diriger des thèses sur Lévinas, voire Adorno, voyez ? C’est comme cela qu’on fait quand on est doué.
Et Didier Franck, qui se moque de François Fédier dans ses séminaires, mais a été le seul universitaire à l’inviter quand il a publié son volume sur les « écrits politiques » de Heidegger ?
La bande de « Parolesdesjours » n’a certainement pas réussi à couler le livre d’Emmanuel Faye, au contraire la bêtise de leurs attaques, si elle a soudé autour d’eux les milieux négationnistes et le pire du monde intellectuel, est au moins précieuse en ce qu’elle permet de mettre au jour les agités du bocal qui ont droit de cité dans le petit monde intellectuel français.
Une fois n’est pas coutume, je lève donc mon verre à ces messieurs !
Répétez simplement un peu plus souvent que vous fréquentez la crème du monde académique, et ceux à qui cela ne crève pas encore les yeux vont finir par comprendre…
Santé !
Yvon Er.
J’ai lu le « nouvel article déterminant de Guest » (pour reprendre une expression de S.Domeracki sur son site) : « Supplément à « hurler avec les loups » ».
Rien de nouveau…la seule chose avec laquelle je suis en accord, c’est sur la nullité neo-libérale de la rubrique économique et sociétale du « Point », mais je ne vois pas en quoi cela détruirait les articles de MM. Faye et Gourinat…
mais on apprend que selon notre grand homme le jury de l’agrégation aurait dû reculer et faire tomber Spinoza plutôt que Heidegger en troisième épreuve, averti par l’inspection générale que des agitateurs « quasi professionnels », « issu du corps enseignant des lycées » perturberaient les épreuves si il faisait tomber un texte de Heidegger.
La chose est bien curieuse, et j’aimerais en avoir des preuves, ce que M. Guest ne donne pas. Pourquoi n’en avons nous pas entendu parler (je connais quand même bien le milieu enseignant, c’est la moindre des choses …) ? Un complot du Gestell ?
Mais peut être sauront nous bientôt d’où vient ce complot diabolique qui aurait fait de professeurs de terminale des agitateurs quasi professionnels.
Sinon Gérard Guest déploie une activité toute fédiéenne : celle qui consiste à nier les évidences les plus énormes avec un incroyable aplomb.
Il fait plusieurs fois référence aux fameux cahiers de Heidegger que la bande est la seule à pouvoir consulter. On se demande pourquoi ils sont contre l’ouverture des archives, si ces cahiers sont tant à la gloire de Heidi…
je ne peux faire pour des raisons techniques une copie des pp. 13 à 15 de cet immortelle oeuvre, mais quand on lit p. 13 que dans la phrase « Ce ne sont pas des principes et des « idées » qui doivent être la règle de notre être. Le Führer lui-même et lui seul est, pour aujourd’hui et pour l’avenir, la réalité allemande et sa loi », Heidegger vise en fait les « idées » nationale-socialistes, pensant « naivement » pouvoir se servir du Führer pour les combattre, on en perd la voix.
Note 9 de la p. 14, on a droit à la phrase sur les « criminels en chef planétaires de la toute dernière modernité ». J’ai bien peur que cette attaque contre des « criminels » qui se comptent « sur les doigts de la main » soit en fait une attaque contre les juifs, tant le poncif est gros, mais bien sûr Gérard Guest y voit une critique du nazisme…
p. 16, M. Guest m’a donné pour la première fois à lire une analyse de la phrase sur la grandeur interne du mouvement national-socialiste où elle devient une critique du nazisme. Il fallait oser, Gérard l’a fait.
note 24 p. 26 Gérard Guest dénonce lui aussi les « systèmes de complaisances et de collusion médiatiques » qui ne chercheraient même plus à se cacher, et ce parce que M. Faye a eu une page dans la semaine qui a suivi le dossier du Point pour répondre à l’accusation de calomnie portée par F.Fédier. M. Guest ignore donc lui aussi que cela s’appelle un droit de réponse, auquel F.Fédier aurait pu lui-même répondre, mais tant pis, à son âge c’est trop tard. Du coup bien sûr nada sur le contenu de la réponse d’Emmanuel Faye…
P. 27 enfin Gérard Guest accuse à nouveau Emmanuel Faye de calomnie : il y aurait bien eu un texte qui aurait circulé dans les rédactions, par lequel E. Faye aurait tenté « en vain » de faire reculer un « grand éditeur ». Pour l’instant le dit « grand édteur » a bien reculé, mais j’ai maintenant hâte de voir le livre de ces messieurs enfin publié, que l’on juge enfin du point où on en est…j’espère qu’ils ne modifieront rien du contenu avant la publication.
Vu de près, ils sont quand même un peu inquiétants, mais vus de loin et de derrière une grille ça va, ils sont juste grotesques.
Yvon Er.
Il faut quand même une dose impressionnante de mauvaise foi pour voir dans le paragraphe cité de Bsinnung une attaque contre les juifs; une nouvelle preuve de « probité philosophique » en somme. Du reste, à part moquer Guest, vous ne faites pas grand chose, ici.
Me moquer de Gérard Guest ?
Oui à la limite on pourrait en rire…
l’histoire du complot contre Heidegger en 3ème épreuve d’agrégation est assez drôle…drôle, mais peu cohérente : si l’inspection avait repéré des agitateurs, pourquoi ne pas avoir pris des mesures répressives comme elle en a le pouvoir, surtout si les « agitateurs » appartiennent » au « corps professionnels des lycées » ? Corps qui au demeurant fait volontiers grève et syndicalise, mais agite-prop beaucoup moins.
Où y avait-il une horde de CPE et de capétiens grisonnants arborant un foulard rouge avec écrit au feutre « Heidegger ne passera pas par moi » ?
Il est par contre possible que l’inspection ait inventé une telle histoire pour faire pression sur un jury réputé pour avoir des oeillères bien fixées. Parce que raconter des conneries par contre, cela se fait dans notre chère éducation nationale…
mais je crois surtout que notre ami Gérard Guest débloque.
Et je suis généreux, car je n’ai lu de révisionnisme aussi éhonté que lorsque F.Fédier nous a expliqué que « Sieg Heil » était une invitation à la paix. Passons sur
« Le Führer lui-même et lui seul est, pour aujourd’hui et pour l’avenir, la réalité allemande et sa loi », puisque M. Guest nous a expliqué que Heidegger en disant ceci n’était pas nazi mais hitlérien, ce qui est sûrement beaucoup mieux.
Mais expliquer qu’une phrase comme celle là est de l’anti-nazisme :
« Ce qui aujourd’hui se trouve partout colporté comme philosophie du national-socialisme, sans avoir pourtant la moindre chose à faire avec la vérité interne et la grandeur de ce mouvement (à savoir avec la rencontre de la technique planétairement déterminée et de l’homme des temps modernes), cela fait sa pêche dans les eaux troubles des « valeurs » et des « intégralités » »
(G.Guest, Ibid., p. 16)
cela explose un record.
Cette phrase, connue depuis plus de 50 ans et qui avait provoqué l’indignation du jeune Habermas, vient donc d’être découverte comme de l’anti-nazisme, quand on pensait depuis trop longtemps qu’elle ne recouvrait qu’un reglement de compte entre universitaires nazis.
M. Domeracki, voici des mois que vous nous renvoyez, quand vers « La pensée libre », quand vers une biographie révisionniste de Jünger (sans citer vos sources), quand vers une lecture fascisante du livre de M. Faye. Des mois que vous nous inventez un nazisme non-antisémite, une violence nazie qui ne serait qu’un collatéral « pour la pensée », et j’en passe.
Vous reculez il est vrai bien souvent quand on vous fait remarquer le caractère intenable de vos avancées, ce qui fait que je vous ai beaucoup laissé, charité interprétative oblige.
Mais après avoir fait un pas en arrière, vous avez l’art d’en faire deux de côtés pour ensuite en faire deux en avant. Vous rendez vous seulement compte de l’évolution de vos dires depuis votre première entrée sur internet ? Quoiqu’il en soit je n’entends plus jouer le jeu, vous irez danser cette danse qui tend vers le pas de l’oie sans moi. Votre renvoi à l’ »article déterminant » de Gérard Guest a achevé de me convaincre.
Vous avez, tout en modération, déclaré qu’il s’agissait pour vous de « choisir votre camp ». Tout en modération, puisque j’imagine que des gens comme Taminiaux ou Benoist sont incapables pour vous de représenter un Heidegger fréquentable entre les critiques de Emmanuel Faye et les délires de Parolesdesjours : il vous faut le « vrai Heidegger », celui de France-Lanord et de Gérard Guest.
Fort bien : puisque vous êtes dans votre camp que vous vous êtes choisi, je vous y laisse.
Yvon Er.
un peu partout, ce qui doit finir par sortir sort, que ce soit pointé par d’autres ou du fait de son mouvement propre…
ce que je trouve particulièrement choquant, c’est que la dégradation de la réception heideggérienne suive le rythme de la publication des oeuvres complètes de Heidegger. Le suivisme de l’institution heideggérienne est ainsi total, à quelques exceptions près, de plus en plus rares et rejetées par les autres.
On a ainsi le spectacle d’une oeuvre qui s’effondre sous son propre poids vers son propre fond.
La destruction de la pensée heideggérienne ne devrait de ce fait pas être l’oeuvre de Emmanuel Faye, mais suivre son mouvement propre, celui de son fond nazi.
Il ne devrait pas y avoir de nouvelle « affaire Heidegger », dans la mesure où à ce rythme le nazisme devrait finir par pouvoir se parer à nouveau des lauriers de la philosophie – temporairement, puisqu’un régime nazi de par son venin propre finit par entraîner sa destruction, mais non sans avoir entraîné celle des autres.
La question est donc plutôt de savoir si nous saurons trouver de quoi répondre aux émanations qui se dégagent des grands arbres déjà morts du Schwarzwald heideggérien. Étrange que sur une « Heide » poussent d’aussi grands végétaux difformes.
J’étais intervenu suite à une surprise (que je ne suis pas le seul à avoir vécue) : celle de la solidarité entre l’institution heideggérienne et monsieur Fédier, que nous étions nombreux à croire marginalisé par les mêmes qui l’ont soutenu avec plus ou moins de discrétion.
Ce qu’il m’a été donné de lire n’a fait que trop confirmer ce que je pensais : j’en ai assez vu.
Schluß !
Yvon Er.
Lorsque j’affirme que le nazisme est un fait fondamental intervenu dans l’histoire de l’hubris occidental, on me reproche le fait d’avoir parler de « fascianation » face à ce phénomène.
Lorsque j’affirme que la violence de tel ou tel parti politique n’est pas ce qui interesse en priorité la philosophie , et que c’est quelque chose qui l’interesse de manière collatérale, on se dit tout autant outré.
Toute les positions de ceux qui tentent de défendre Heidegger sont pillonées avec autant d’aveuglement que de présomption. Qui a dit que je ne goûte pas aux interprétations de Taminiaux et Benoist? (Ce dernier prenant d’ailleurs de plus en plus ses distances il me semble par rapport à cet auteur) Il me semble que ceux à qui je n’ai eu de cesse de renvoyer (Greisch, Franck , Dastur, Malabou,Sommer…) ne sont pas précisément réputés pour avoir de quelconques propensions négationnistes! Mais voilà : j’ai osé affirmer que Guest ne racontait pas que des sornettes ! Crime de lèse-Faye! Tout de suite je suis étiquetté « suiveur de révisionniste fasciné par le nazisme » (pour ce dernier point vous m’aviez affirmés il y a peu que c’est un argument , précisément, de négationniste d’accuser ceux qui s’interessent au nazisme d’en être subrepeticement un. Cela ne vous a pas empêché d’utiliser ce raccourci commode à mpon égard).
Je n’ai jamais cautionné les propos de Fédier sur le « socialisme-national » bien que je comprenne sa posture : celle de rendre compte de ce qu’aurait vraiment pensé Heidegger de ce rêgime. Vous, préférez postuler une identité TOTALE entre ce que Heidegger éspérait du nazisme en 1933 et ce que devint le nazisme sordide furieusement antisémite. En empaquetant ainsi tout sous une définition commode et expéditive , la cause de Heidegger est entendue : il n’a même pas le droit de penser le nazisme autrement de ce qu’il a été. Même le choix pourtant louable d’en critiquer le devenir effectif lui est dénié! Heidegger était en quête d’un nouvel « accord » , d’un nouvel « ajointement » qui passait aussi par le domaine politique. Il pensa le reconnaître en le nazisme. mais dés qu’il s’aperçu de la tournure effective de ce parti , qui au lieu de se courber vers une vraie révolution s’est empâté dans la banalité du mal, il a pris ses distances avec le rêgime : peut être insuffisamment à nos yeux aujourd’hui parce qu’il tenait à sa vie. Son oeuvre est à mon sens à multiples entrées et permet comme celle de Nietzsche un tas d’interrpétations divergentes : justement parce qu’il était à mon sens à mi-chemin entre une acceptation de la révolution national-socialiste telle qu’il l’espérait, et un mépris global de le tournure vulgaire et criminelle qu’elle a prise, bien qu’étant tributaire des ernières conséquences de la métaphysique de la volonté de puissance. La lecture de Guest ne me paraît insoutenable. Mais comme je suis aussi ici pour apprendre, je veux bien qu’on m’indique les textes qui invalident CLAIREMENT cette lecture de Guest selon laquelle Heidegger a reconnu en le nazisme une figure nécessaire de l’achèvement de l’occident , sans pour en « aimer » pour autant les ignobles conséquences. Le paragraphe 61 du tome 69 est à cet égard suffisamment clair: Heidegger vomit les exactions des nouveaux « criminels en chef » de l’ère de la Mobilisation Totale.
La diabolisation des « autorisés » qui s’occupent de l’oeuvre de Heidegger a des limites. Même si j’aime bien de temps à autre me moquer quelque peu de leurs postures exagérées, ou renier carrément les sauvetages outrés qu’ils tentent d’organiser, je trouve à la fois facile et peu pertinent de rejeter EN BLOC toutes leurs interprétations. Certaines donnant en effet à penser : en tout cas plus que les entreprises d’inquisitions qui fleurissent dans les journaux et les revues à l’usage des bobos de gauche et des cadres moyens…
Ce que vous ne voyez pas bien, M. Domeracki, c’est qu’en prétendant que « le nazisme est une figure nécessaire de l’achèvement occidental », ceci peut vraiment passer pour une disculpation du crime nazi, puisque « nécessaire », donc inévitable, et pas le fait contingent d’une bande de cinglés sanguinaires, et simplement, si je puis dire, un des aspects de la métaphysique occidentale. C’est pareil quand votre cher Heide prétend que les camps de concentration nazi et l’extermination des millions de juifs, c’était en fait non pas un crime de barbares xénophobes, mais un fait historique lié au Gestell. Je m’élève énergiquement contre ce qui, à mes yeux, est une énorme connerie (et encore je suis gentil avec Heide en disant connerie) de mettre tout cela sur le compte de je ne sais quelle métaphysique: métaphysique, métaphysique, les nazis n’étaient pas de la métaphysique. C’est la pensée (ou le délire comme vous voulez) de Heide qui est celle d’un méchant (au sens du 17ème siècle) métaphysicien doublé d’un théologien défroqué (le comble). C’est parce que Heide était un fumeux scolastique qu’il s’est fait piéger par les nazis. C’est pour cela aussi que sa pensée est pour moi une non pensée, mais des rêveries de séminariste. Lisez Anders. Il a bien connu Heide et a bien vu à quel point la philo de Heide était un existentialisme râté: la Sorge du Dasein est un souci abstrait, non un manque réel d’un être vivant réel. Dans son Dasein réel, Heide était un banal petit-bourgeois allemand de l’époque totalement conformiste. C’est pour cela que sa littérature m’apparaît tellement fumeuse, sans même parler de son idiome ridiculeusement pompeux, vaniteux et creux, « nihileux » si vous voulez bien me passer ce néologisme.
Je suis convaincu que vous êtes quelqu’un de sincère, mais vous prêtez trop le flanc à la critique de ceux qui ne marchent pas dans la combine du sophiste de Messkirch. Tout le monde n’a pas besoin de prophètes, encore moins de faux-prophètes (si du moins il en existe de vrais!)
R. Misslin
Je comprends évidemment le risque de « bénir » ce qui aurait été nécessaire. Mais c’est que Heidegger, à parti de l’ontologico-historial, arrive à reconnaître le destin , la provenance des différentes manières d’être-au-monde occidentales , y compris les pires. Sa critique de l’hyper-violence nihiliste ne s’adresse pas qu’aux nazis : c’est elle aussi qui permet de comprendre le cynisme à l’oeuvre dans les goulags, Guanatanamo, la thérapie génique, et tout un tas d’autres vilénies que l’éthique seule ne peut à mon avis pas affonter seule. Fumeux ou pas j’ai trouvé un intérêt à ses écrits : et je suis loin d’être le seul. Mais peut être que Derrida, Marion, Lévinas, Courtine, Gadamer, Henry, Blanchot, Char, Celan, Ortega Y Gasset, Vattimo, Dreyfus, Nancy, sont tous des charlots avides de prophètes, qu’ils n’ont rien compris contrairement à Michel Bel, René Misslin et Emmanuel Faye. Peut-être…
Mettre la thérapie génique du côté du Gestell montre combien vous avez assimilé la forme de pensée de Heide. Je pense que les personnes qui sont atteintes de maladies d’origine génétique apprécieraient si elles avaient le malheur de vous lire. Au lieu d’aligner de pareilles sottises, vous feriez mieux de vous initier à la biologie moléculaire et de travailler pour la cause des gens qui attendent que les chercheurs trouvent des remèdes à leurs maux, plutôt que de continuer à vous laisser ensorceler par des abstractions vaseuses. Quant aux personnes que vous citez, ce n’est pas mon problème: libres à elles de trouver dans l’oeuvre de Heide leur miel. Un certain nombre d’autres, après avoir été séduites d’abord par Heide, en sont plus tard revenues. Même un Janicaud, qu’on ne peut pas soupçonner d’avoir été un adversaires farouche de Heide, s’est posé à la fin de sa vie certaines questions au sujet d’un certain engouement. Enfin, je pourrais citer, mais je ne trouverais pas cela pertinent comme argumentation, un tas d’autres philosophes et penseurs qui ont été totalement et irrémédiablement allergiques à Heide. Je ne parle pas de Bourdieu qui, comme le savent vos maîtres, n’était qu’un minable sociologue et vous avez bien appris leur lumineuse leçon, il suffit de lire comment vous traitez Bourdieu. Mais quand on s’est mis dans la peau d’un dévot, la moindre critique adressée au saint est ressentie comme un crime de lèse-divinité. A vous, je peux vous pardonner votre posture d’adoration, vous êtes jeune: comme dit Wittgenstein, l’adoration est le premier éveil de la conscience. Mais j’ajoute: pas le dernier!
R. Misslin
Pour ce qui est des personnalités convoquées par M. Domeracki dans son message du 29/07/2006 à 18:14, à savoir :Derrida, Marion, Lévinas, Courtine, Gadamer, Henry, Blanchot, Char, Celan, Ortega Y Gasset, Vattimo, Dreyfus, Nancy, je me contenterai de parler d’un ou deux exemples qui me tiennent à coeur. J’ignorais que Marion, Courtine, Vattimo, Dreyfus et Nancy étaient à metter au même plan que les autres, mais bon.
Je trouve inacceptable de convoquer Celan comme une autorité en faveur de Heidegger, quand on sait ce qu’il a pu écrire au sujet de ce dernier :
« [Das Machen], Die Mache-Machenschaft. Certains d’entre vous devraient savoir quoi et qui est ici à l’oeuvre. C’est un jeu littéraire de l’infamie, et par conséquent – parce que rimé avec des mots – d’une modalité particulièrement monstrueuse du sans-nom. » (traduit par Denis Trierweiler et cité par Emmanuel Faye p. 456 de la première édition de son livre).
De même pour René Char on peut lire plusieurs des participants au séminaire du Thor même dire à quel point le dialogue entre les deux grands pouvait être faussé ; voir par exemple Michel Deguy (qui n’est certes pas un « fayien » de stricte obédience) p. 85 du Janicaud, « Heidegger en France » Albin Michel 2001 tome 2. Dans le même ouvrage voir Philippe Lacoue-Labarthe p. 208 : « Mais je vois bien comment Heidegger avait tout intérêt à ces rencontres et séminaires en Provence : les français lui ont donné un sérieux coup de main ! »
Comment peut-on ainsi convoquer à tort et à travers des noms et des mémoires ?
Yvon Er.