Sur « Grammaire et étymologie du mot « être » de Martin Heidegger

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—> Cette page est conçue comme un carnet de notes de lecture.

Je viens de me procurer Grammaire et étymologie du mot « être » de Martin Heidegger (GEME). Il s’agit d’une édition bilingue, parue au Seuil, traduction et présentation de Pascal David. GEME est en réalité le chapitre II de Introduction en la métaphysique. Il s’agit d’un cours rédigé en 1935. Il a été publié pour la première fois (en Allemagne) en 1953 chez Niemeyer. Gilbert Kahn a assuré la traduction parue en 1967 chez Gallimard.
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1. [04/02/06 à 13h39]

Ce qui frappe, dans la présentation, c’est la construction de Heidegger grand penseur et résistant spirituel « tous azimuts ».

« Ayant commis une erreur d’appréciation sur la nature du régime qui s’installe en Allemagne fin janvier 1933, Heidegger, qui ne s’est jamais rallié toutefois à son idéologie et l’a même combattue, accepte d’être recteur de l’université de Fribourg en mai 1933 comme d’être inscrit, sous certaines conditions, au NSDAP, ce qu’il semble avoir compris alors comme une simple formalité administrative et nullement comme l’acte militant d’une adhésion. Contrairement à une légende assez tenace en France, son Discours de rectorat (27 mai 1933) est tout sauf l’expression d’une allégeance envers le nouveau pouvoir. Refusant de céder aux pressions du Parti lui demandant de révoquer les professeurs hostiles au régime comme d’adopter des mesures antisémites dans l’enceinte de l’Université, Heidegger ne tarde pas de démissionner, dès 1934, de ses fonctions de recteur. Il entre alors, avec ses cours sur Hölderlin et Nietzsche notamment, en une forme de dissidence qu’il appellera rétrospectivement « résistance spirituelle ». Suspendu d’enseignement de 1945 à 1951 par les autorités françaises d’occupation, celles-ci reconduisant la sanction prise à son encontre par les autorités nazies qui l’avaient éloigné de l’Université en juillet 1944 pour l’incorporer dans la territoriale (Volkssturm), Heidegger sera réintégré dans ses fonctions en 1951, et enseignera à titre de professeur émérite jusqu’en 1957. Les relations de Heidegger avec la politique auront donc été à la fois tardives, épisodiques et catastrophiques, et elles n’ont pas manqué de susciter en France nombre de controverses. » (Op. cité p. 22).

On notera l’expression « erreur d’appréciation sur la nature du régime ». Ainsi que le caractère prudent mais embarrassé de certaines formules. Par exemple « il semble avoir compris » son adhésion au parti nazi comme une simple formalité administrative. Ce « il semble… » est bien timide après l’affirmation selon laquelle Heidegger « ne s’est jamais rallié toutefois à son idéologie et l’a même combattue ». On appréciera au passage que les autorités françaises ont reconduit « la sanction prise à son encontre par les autorités nazies qui l’avaient éloigné de l’Université en juillet 1944 pour l’incorporer dans la territoriale (Volkssturm). » Heidegger devient un grand penseur autant victime de la bureaucratie nazie – bien qu’il ne s’agisse que d’un simple « éloignement » – que de l’incompréhension de l’armée française d’occupation. Notons que Karl Jaspers, qui connaissait bien Heidegger, et qui recommandait au lendemain de la guerre de prendre garde à l’influence néfaste de Heidegger sur les jeunes intelligences, est mis dans le même panier que le parti Nazi et que les autorités françaises.

Ce qui est d’abord étonnant, à moins de supposer que tous les « intellectuels nazis » étaient débiles, c’est l’extraordinaire mansuétude du Parti à l’égard du « résistant spirituel ». La logique des nazis était telle que s’il s’était avéré qu’un intellectuel d’une certaine envergure avait développé une pensée dissidente ils n’auraient sans doute pris aucun gant pour la faire vraiment taire. On dira qu’ils ne comprenaient rien à Heidegger. Ou que la réputation de Heidegger le protégeait. Soit mais le nihilisme « physique » des nazis s’est bien arrêté au corps de Heidegger. On dira alors que telle est la génialité de Heidegger qu’il a su finement joué avec les difficultés, avec les allégeances de surface, et cela malgré son « erreur d’appréciation ». Mais pourquoi cette finesse et cette ruse de Heidegger ne jouerait pas contre lui? Pourquoi le « résistant spirituel » ne serait pas en vrai tout le contraire d’un anti-nazi?

La figure académique est tellement bien ficelée que tout doute apparaîtra sacrilège, ridicule, calomniateur, prétentieux et s’alignant sur ceux qui ont peur de la pensée et qui, par ressentiment, se précipitent sur ce qui rabaisse.

Ce qui est cependant incontestable c’est bien que, et alors que les recherches historiques effectives – celles de Farias et de Faye notamment – tendent à complexifier le personnage ce passage quasiment hagiographique fixe une figure « académiquement purifiée » de Heidegger. La recherche historique elle-même est ramenée à des « controverses » relative aux relations jugées « tardives, épisodiques et catastrophiques » de Heidegger avec la politique.

Je souhaite à l’auteur de ce passage quelque peu « soviétique » de n’être jamais démenti par l’institution philosophique. Car ce qui est très choquant, pour quiconque essaie d’être philo-sophe, c’est la pétrification du personnage, sa « substantialisation », sa soustraction à tout ce qui fait le poids de l’histoire et de la politique. Des faits aussi graves que la participation de Heidegger à une commission, en pleine guerre, de réflexion sur le droit allemand – « droit » bien entendu nazi – n’existent plus. La problématique est enterrée vivante avec la sanctification.

Nous ne sommes pas ici en philosophie. S’il fallait avoir recours à un mot poli je dirais que nous sommes en pleine idéologie.

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2. [Même jour à 17h07]

Pauvres lecteurs des ouvrages de et sur Heidegger. Voici un passage de l’étude de Jeffrey Andrew Barrash Heidegger et le sens de l’histoire. Comme on le verra l’auteur se démarque de l’approche d’Emmanuel Faye. Pourtant :

« … dans le contexte de 1934-35 – [contexte qui est aussi celui de la conception de « Grammaire et étymologie du mot « être » – note du phiblogZophe ]Heidegger appuie sa théorie politique sur la métaphysique hégélienne comme principe de singularité historique, si bien que ce principe, également affirmé par la révolution nazie, loin de signifier la mort de la philosophie hégélienne, lui donne selon Heidegger une nouvelle vie.

De tels passages et d’autres tirés des cours récemment publiés laissent peu de doutes sur l’enthousiasme que lui inspire la révolution nationale-socialiste à laquelle il participe activement. ( Nous soulignons). Ainsi des références au terme central de l’idéologie nazie, celui de « race ». Pour autant, il ne semble pas que l’usage que Heidegger fait de ce terme renvoie à un préjugé racial qui légitimerait un rapprochement de ses écrits avec ceux des idéologues du parti tels que Alfred Bäumler ou Alfred Rosenberg, ou encore avec  ceux du raciologue Hans F. Günther. » (Jeffrey Andrew Barash, Heidegger et le sens de l’histoire. Editions Galaade, Paris 2006, page 277).

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3. [05/02/06 à 15h02]

Je ne vais pas procéder à une lecture détaillée, exégétique, du texte de Heidegger. Je vais étayer la thèse, inverse de celle de Pascal David, selon laquelle l’extrait de Introduction en la métaphysique intitulé Grammaire et étymologie du mot « être » n’introduit pas en métaphysique mais en « national-socialisme ». Ou, pour reprendre l’expression de Emmanuel Faye, introduit le nazisme en philosophie.

Il m’est  notamment apparu un phénomène quelque peu étrange mais sans doute particulièrement significatif. Le texte publié au Seuil peut se lire de deux manières radicalement opposées.

3.1. Soit on le lit comme un texte de pure philosophie, comme un texte « spéculatif » où, notamment, la pensée tente de  ressaisir ses motifs fondamentaux et comme son identité.

3.2. Soit on le lit comme un texte exactement l’inverse du premier où, sous l’apparence d’une argumentation purement philosophique (et philologique), il ne s’agit rien de moins que d’une tentative de fonder le nazisme en sa « noblesse et grandeur ».

Pascal David nous propose une lecture de type 1. Pour ce faire il procède à une opération préalable de dépolitisation intégrale – de « purification politique » – de la démarche de Heidegger. En écrivant : « Les relations de Heidegger avec la politique auront donc été à la fois tardives, épisodiques et catastrophiques… » non seulement il présente une « thèse » sous la forme d’une conclusion évidente – « auront donc été… » – mais il réduit la politique aux seuls engagements ou déclarations explicites.

Nos hypothèses de lecture sont au contraire les suivantes :

3.3.1. Il est impossible, en général, de réduire la politique d’un philosophe aux seuls engagements, actions ou déclarations explicites. Il est régressif de croire cette réduction fondée ou simplement possible. La politique est présente en philosophie notamment en l’espèce de la manière avec laquelle elle ouvre le champ de l’action. En neutralisant la politique comme le fait Pascal David on se prive de comprendre la signification contextuelle engagée par l’auteur lui-même et qui rend compte de la motivation constituante du texte.

3.3.2. Nous appellerons DHP le discours heideggerien philosophique. Cette expression a la commodité de laisser en suspens la question de la valeur philosophique réelle de ce que dit Heidegger tout en admettant que le nazisme est présent dans le texte heideggerien sous la forme du philosophique.

3.3.3. Nous appellerons de même DN le discours nazi. Il est arrivé à Heidegger de tenir le discours DN.

3.3.4. Nous appellerons id – identité et différence – la relation à la fois de similitude et d’écart de DHP par rapport à DN. Par l’expression id nous voulons surtout signifier que la différence entre DHP et DN n’est jamais une « vraie » différence d’opposition, dite de « résistance spirituelle » au nazisme, mais une différence à vocation fondatrice.

3.3.5. Notre thèse est alors que Heidegger est bel et bien nazi, mais d’un nazisme « philosophique », c’est-à-dire d’un nazisme qui doit être suffisamment bien formulé pour échapper au filet de l’idéologique. A vrai dire, Heidegger a bien été un « résistant spirituel », mais pas au sens de résistant anti-nazi. Il a certes été déçu par de nombreux aspects du nazisme réel, mais il a surtout spirituellement résisté aux assauts du « démocratisme » consécutifs à la défaite militaire, et dans son esprit peut-être circonstancielle quoique « dramatique », du Reich.

3.3.6. La thèse heideggerienne selon laquelle le nazisme serait imputable pour l’essentiel au nihilisme qui sous-tend, et pour proliférer, la définition « gestellisante » de l’être, est un petit chef d’oeuvre de révisionnisme, voire de négationnisme. C’est par là qu’il « résiste spirituellement » en offrant la possibilité à la « philosophie » de sauter allègrement par dessus Auschwitz en tant qu’élément d’un dispositif qui n’aurait jamais pu trouver son « sol » sans une tradition raciste et antisémite qui n’a, en son coeur, aucune détermination « techniciste ». Il y a là au reste un champ à explorer. Notamment attribuer le racisme à la subjectivité moderne, comme certaines interprétations le font, est un raccourci inacceptable. Je soutiendrais au contraire qu’une interprétation de « l’être » est au minimum parfaitement compatible avec la doctrine nazie du Volk.

3.3.7. L’intelligence philosophique du Heidegger « politique » est bien là. Pour mobiliser en nazi la philosophie d’après guerre – qui sera aussi la philosophie de la guerre froide – il ne fallait surtout pas la fixer sur Auschwitz. Parler de « résistance spirituelle » en arguant notamment de certains aspects de id, de « grosse bêtise », cela ne mange pas de pain. Il y avait mieux à faire, pour Heidegger, que de tenir le discours jasperien, celui de la « culpabilité allemande ». La doctrine du nihilisme, associée à la critique du Gestell, permettait tout à la fois d’apporter du crédit à la figure du « résistant spirituel » et de continuer à faire vivre la « grandeur du mouvement ». C’était la « bonne distance », la distance idéale pour que la signification réelle du nazisme continue d’échapper à la philosophie alors même qu’il n’était pas question de faire une quelconque alliance entre le projet démocratique et la pensée, la société moderne et la philosophie.

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4. [06/02/06 à12h32]

Lisons d’abord ce passage :

« Que l’on veuille plutôt inculquer aux élèves des notions sur la préhistoire et l’histoire ancienne des Germains, à la bonne heure! Mais tout cela a tôt fait de retomber dans la même grisaille tant que l’on n’est pas parvenu à réaménager le monde spirituel pour l’école par une réfection de fond en comble, c’est-à-dire en procurant aux études non pas une atmosphère scientifique, mais une atmosphère spirituelle. Ce qui s’impose, dans cette perspective, c’est que s’accomplisse véritablement la révolution du rapport à la langue. Cela exige de révolutionner ceux qui enseignent, ce qui n’est possible à son tour qu’à la condition que l’Université se métamorphose et prenne la mesure de la tâche qui est la sienne, au lieu de s’enorgueillir de tant de futiles occupations. » (G. E. M. E. page 27).

Selon le système de lecture 1 (Pascal David) la première phrase serait donc une manière de se démarquer. Admettons mais que faire de la suite du texte?  On dira que Heidegger justifie ses recherches en mettant en avant un projet de réforme de  l’enseignement. Il faut substituer à une « atmosphère scientifique » une « atmosphère spirituelle ». C’est, dans ce texte de 1935, rapidement dit mais cela implique une « révolution du rapport à la langue ». Il faut donc « révolutionner » les instituteurs, les professeurs de lycées. Pour ce faire il faut de même « révolutionner » l’enseignement supérieur.

Il me semble impossible que Heidegger ait pu « couvrir » ses recherches par un projet purement fictif. Invoquant les conclusions de Andrew Barash, pour lequel il ne fait pas de doute que Heidegger s’est impliqué avec enthousiasme dans la révolution national-socialiste, il est plus cohérent d’imaginer le réformateur Heidegger porté  précisément par un élan « révolutionnaire ». En 1935, deux ans après l’élection de Hitler, Heidegger croit au nazisme et espère que l’Université, sous sa Führung spirituelle, accomplira la grande révolution « culturelle », spirituelle et conservatrice, susceptible de fonder le IIIe Reich.

Pour nuancer cependant le jeu des possibles esquissons qui aurait pu être  Heidegger à cette époque.

* Non pas un complice idéologique mais quelqu’un qui ose lancer une campagne de « résistance spirituelle » à l’échelle de tout l’enseignement et cela aux yeux et à la barbe du Parti? Pour le moins la présentation biographique de Pascal David manque cruellement de précisions.

* Un pur opportuniste qui essaie de vendre sa philosophie au nouveau pouvoir hitlérien? C’est un portrait un peu dégradant au regard de la « Stimmung » heideggerienne.

* Ou bien un nazi qui, et parce qu »effectivement son nazisme est une sorte d’utopie philosophique conservatrice, se trouve de fait reléguer du côté des « intellectuels » hors norme?

C’est ce troisième Heidegger qui nous semble le plus vraisemblable. Il espère rien moins que d’être le philosophe du Prince. Il n’agit nullement par opportunisme mais parce qu’il est convaincu de la « grandeur du mouvement ».

On constate, dans le passage reproduit, qu’il introduit d’emblée ce que j’ai désigné par id. Cet id est constitué pour Heidegger par l’écart qui existe entre la réalité du mouvement et l’essence qu’il souhaite lui voir s’approprier. Faire de cet écart id l’indice d’une « résistance spirituelle » sous-entendue anti-nazie est un contre-sens total. En réalité cet écart exprime ce qu’est le nazisme heideggerien. Il a bien résisté « spirituellement ». Mais « spirituellement » signifie non pas anti-nazisme mais exigence d’une fondation authentique du mouvement. Tout le texte tente de répondre à cette exigence. Il s’agit d’un texte de « nazisme philosophique ».

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5.[Même jour à 15h02]

Si l’interprétation de id est celle d’une résistance spirituelle au nazisme, cela revient  à se faire l’écho passif de l’entreprise heideggerienne de « sauvetage révisionniste » du nazisme en sa « grandeur ». Cela conduit à des portraits lénifiants dont l’invraisemblance éclate au fur et à mesure que nous avançons dans le texte.

Id est la distance critique minimale de quiconque, tout en étant enthousiasmé par la révolution hitlérienne, revendique une position de philosophe. Heidegger a une tâche, une mission : fonder le mouvement en ce qu’il a de (supposé) grand et  noble.

Continuons notre lecture du programme :

« L’idée de nous effleure même plus que tout ce bagage acquis de longue date, et qui nous est si familier, pourrait être autre, que ces formes grammaticales ne sont pas là de toute éternité, comme quelque chose d’absolu, pour nous permettre de disséquer et réglementer la langue telle qu’en elle-même, qu’elles sont issues bien plutôt d’une interprétation bien déterminée des langues grecque et latine. Tout cela, à son tour, ayant tenu au fait que la langue elle aussi est quelque chose d’étant, qu’elle est par là susceptible d’être rendue accessible comme de se voir circonscrite d’une façon bien déterminée au même titre que tout autre étant. Pareille entreprise est manifestement tributaire, quant à son mode d’exécution et de validation, de la conception foncière de l’être qui y préside. » (GEME page 29).

On peut comprendre que le « racisme heideggerien » joue à distance du biologique. Quel est l’enjeu, en effet, de la question du « rapport à la langue »?

L’hypothèse est alors que le Volkein Vok, ein Reich, ein Führer – doit être encadré par une élite qui, pour être sorti de son sein, doit cependant être dans la capacité précisément d’en entendre le dessein et d’en être « spirituellement » le porteur. La langue, dit Heidegger, peut se « voir circonscrite d’une façon bien déterminée au même titre que tout autre étant. » Ainsi, par exemple, la langue peut être à tort envisagée essentiellement comme un moyen de communication. Pour le dire de manière crue c’est indigne d’un Volk – d’un peuple – dominateur. Celui-ci doit « entendre l’être ». Le projet heideggerien se fonde sur le « fantasme » d’un peuple qui, parce qu’il est en mesure de « déconstruire » ce qui encombre une langue, l’allemand – langue par ailleurs représentée comme privilégiée quant à la pensée de l’être et à la parole qui l’articule –  de ce qui fait obstacle à la « pensée », saurait tout à la fois légitimer sa domination, la conforter, et faire oeuvre d’un monde.

Quand, dans le premier article des Chemins qui ne mènent nulle part, Heidegger dit que l’oeuvre d’art ouvre un monde, il désigne de manière non vraiment voilée à l’époque, Hitler en personne : Hitler le grand ouvrier, le grand architecte du Reich. Encore faut-il, pour que cette oeuvre d’art « politique » ouvre vraiment un monde, que la parole puisse recueillir ce qui, en elle, se pense de l’être. Et le cercle est bouclé, semble-t-il, pour autant que cet être est d’une certaine manière le Volk lui-même en tant qu’enraciné dans un sol. Dans le texte posthume du Spiegel Heidegger répète ce qu’il n’a jamais cessé d’enseigner : seul ce qui est enraciné est capable de grandeur. La définition de la langue comme moyen de communication lui fait horreur parce que c’est par là que les racines se meurent, se dessèchent et que le grand devient mort-né. La langue-communication c’est déjà le monde mondialisé. Il faut alors que le Volk, pour exprimer la grandeur dont il est capable – grâce encore une fois à une langue privilégiée – déconstruise cette circonscription de la langue comme étant, et comme étant technique de communication.

Heidegger croit en la mission culturelle du nazisme. Celui-ci offre le cadre politique et social adéquat pour qu’une nouvelle pensée de l’être, pensée parlée par la langue allemande, ouvre un monde comme « par les racines ». Il est au plus profond de son projet philosophique requis en tant que nazi. En ce sens Heidegger n’est pas un idéologue abject doublé d’un penseur sublime, mais un intellectuel cohérent qui « monnaye » philosophiquement sa conception de la révolution national-socialiste.

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6. [07/02/06 à 13h05]

Dans ce point 6 je vais étayer la thèse selon laquelle la différence ontologique, telle qu’elle a été formulée dans Problèmes fondamentaux de la phénoménologie, est nazifiée du fait même du « résistant spirituel »  qu’aurait été Heidegger.

Page 39 du GEME on trouve ce développement à propos des termes grecs prosis et egklisis traduits généralement, dans la théorie de la grammaire, par cas et déclinaison.

« Les noms prosis et egklisis signifient : <le mouvement de> tomber, basculer et s’incliner. Cela suppose un in-fléchissement par rapport au fait de se tenir droit, de tenir debout. Or le fait de se tenir érigé dans toute sa stature, de parvenir à une certaine tenue et d’y trouver une stabilité – c’est là ce que les Grecs entendent par être. Ce qui, de la sorte, parvient à une certaine tenue devient en soi-même stable, s’installe de soi-même librement dans la nécessité de sa limite, péras. Celle-ci n’est rien qui viendrait seulement se surajouter à l’étant de l’extérieur. Encore moins est-elle un manque au sens d’une fâcheuse restriction. Ce qui se tient et se contient à partir de sa propre limite, ce qui se détient et consiste en cette constance, c’est l’être de l’étant, tel qu’il constitue bel et bien l’étant comme tel en le différenciant de l’inétant. C’est pourquoi un caractère foncier de l’étant est to télos, qui ne signifie pas but ni fin, mais un terme. « Terme » n’est nullement compris en l’occurrence en un sens négatif, comme si, avec ce terme, quelque chose n’en pouvait mais, devait renoncer et cesser. Le terme est terminaison au sens d’un achèvement ayant trouvé la plénitude d’un accomplissement. Limite et terme sont cela grâce à quoi l’étant commence à être. »

L’hypothèse de lecture est que la différence ontologique, cela qui se dit comme être et étant – l’être n’étant pas l’étant – reçoit ici pleinement, en 1935, une interprétation nazie. La différence ontologique « est » le peuple, le Volk du IIIe Reich. Mais le peuple en tant qu’il est placé sous la Führung de Hitler. Heidegger lui-même – la référence serait à retrouvée – a dit que Hitler était au peuple ce que l’être est à l’étant. La différence ontologique c’est donc le nom que prend ici le dispositif formé par le Volk et son Führer.

Selon mes vues il suffirait d’établir la compatibilité de l’onto-politique heideggerienne avec le nazisme pour jeter un doute sur sa validité. Elle permet de comprendre en tous cas par quel miracle scandaleux le penseur sublime a été un idéologue abject. (Catherine Malabou). Mais il y a plus, à mon avis, qu’une simple compatibilité. Il y a une instrumentalisation nazie du philosophique, instrumentalisation délibérée et jouée « à l’orfèvre ».

Notamment le thème de la vocation de l’aryennité à dominer, le thème de l’enracinement comme condition de la grandeur, le thème de l’espace vital, qui sont des thèmes popularisés par les nazis, reçoivent ici leur frappe et leur facture « onto-politique ».

Je répertorie ici les motifs de cette instrumentalisation-traduction.

* Le motif principal me semble être celui de la stabilitéstable, estance, être… termes qui déclinent le verbe et le nominatif être – en ce qu’elle est un s’installer « de soi-même librement dans la nécessité de sa limite, péras. »

Au passage cela fait apparaître combien est indigente la conception que se fait Pascal David du rapport de la philosophie à la politique. J’utilise le terme d’ onto-politique pour signifier que le politique est pleinement présent dans l’ontologie heideggerienne.

Mais en quoi ce motif de la stabilité est-il précisément nazi? Remarquons d’abord que le terme est « déconstruit-resémantisé » par un passage dans la grécité telle que la conçoit Heidegger.

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7. [Même jour à 17h57]

Pressé d’aller au texte de Heidegger il m’a échappé que les directeurs de la collection, Alain Badiou et Barbara Cassin, se sont désolidarisés de la notice biographique rédigée par Pascal David.

C’est peut-être la première fois qu’un tel incident se produit dans l’univers de l’édition philosophique.

Note de la page 5 : « Alain Badiou et Barbara Cassin tiennent à se désolidariser de la notice biographique que, conformément aux principes de cette collection, ils ont demandé à Pascal David de rédiger. »

Pourquoi, cependant, l’éditeur n’est-il pas allé plus loin? Il est vrai que je ne sais pas s’il serait permis de vendre, à destination des lycéens et des étudiants, un texte dont on pourrait soupçonner qu’il fût nazi!

Mais s’il l’est de manière pernicieuse n’est-ce pas pire?

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8. [Même jour à 19h30]

Il s’agit ici d’une explicitation. Pascal David a pris sa baguette magique et a installé le texte de Heidegger dans un espace « pur », sans politique, sans passion idéologique, un espace hanté par un philosophe désincarné qui, d’un côté,  est au coeur d’un système qu’il a contribué à installer et, de l’autre, est un « résistant spirituel » supposé anti-nazi.

J’ai proposé une « formule » du heideggerisme : DN + id = DHP. C’est le discours nazi qui, par un jeu d’identité et de différences, se transcrit comme discours heideggerien philosophique.

Les deux grandes lectures antagonistes qui s’affrontent à propos de Heidegger se saisissent différemment de id.

I. Soit id est ce par quoi Heidegger devient un résistant spirituel anti-nazi. C’est la lecture proposée par Pascal David au prix, on l’a vu, d’une invraisemblable « soviétisation » de la biographie de Heidegger. L’hitlérien devient un saint qui s’est autant heurté à l’administration française qu’à la bureaucratie nazie. C’est le plat qui est servi aux lycéens et aux étudiants.

II. Soit id est pour l’essentiel un opérateur permettant « d’introduire le nazisme en philosophie ». Il se peut que Heidegger ait pratiqué alors quelque chose comme une résistance spirituelle. Mais cette résistance est interne au système et vise à le fonder à partir de sa grandeur et de sa vérité internes.

Un exemple nous est donné avec la conception de la stabilité. Le stable, l’être, est ce qui « s’installe de soi-même librement dans la nécessité de sa limite, péras. »

Cela peut paraître une belle pensée, d’autant qu’elle est censée traduire – la langue allemande aurait le privilège de traduire plus « spirituellement » que n’importe quelle autre la langue grecque – un commencement grec de la pensée.

Or, et pour autant que la différence ontologique est déjà nazifiée dans le discours heideggerien, cette définition du stable, de l’être est une sorte d’adresse au dispositif du Volk et de son Fürher.

Pour le dire de manière imagée mais « réelle » : les germains, les aryens, n’ont d’autres limites à respecter que celles venant de leur propre fond. Grâce à leur langue d’exception ils peuvent entendre comme personne – mis à part les grecs des commencements – ce qu’il en est du sens de l’être, ce sens leur enjoignant d’être fidèles à cette conception entièrement « positive » de la limite. Rien d’autre que leur propre « fond » ne doit, pour être stable, pour… être de l’être…, pour échapper à  l’inétant, instituer la limite.

Concrètement le Volk, sous la Führung de Hitler, n’a de compte à rendre à rien qui chercherait à lui imposer une limitation extérieure, « étrangère ». Tout lui est permis pourvu que son être puisse se déployer et éclore. Les seules limites authentiques et acceptables sont celles qu’il trouvera en lui-même. Ici même je soutiendrais que, compte tenu du contexte hitlérien, ces phrases sont des « légitimations » à caractère philosophique – mais alors qu’est-ce que la philosophie pour Heidegger? -de l’antisémitisme. Pour trouver ses limites propres, en effet, le Volk devra tout autant éliminer l’étranger de l’intérieur que de se confronter en dominateur avec les « Volk » mineurs. Les français, par leur langue quelque peu indigente – Cf. ce qui est encore déclaré dans l’entretien du Spiegel – est un tel peuple mineur.

Sur le blog ont parfois été citées des phrases qui semblent contredire cette interprétation. Le travail de « déconstruction » pourrait être infini. Mais, surtout, puisqu’il y a le Führer aux commandes le penseur du système peut bien se permettre de temps à autre des phrases magnanimes, « généreuses », pacifiques etc. Cela fait partie du jeu du pouvoir.

9. [08/02/06 à 15h 49]

« L’adresse » heideggerienne à ce que désigne l’interprétation nazie de la différence ontologique se laisse bien saisir dans cette phrase : « Parvenir à une tenue signifie dès lors : avoir conquis sa limite propre, être parvenu à sa propre délimitation. » (GEME page 39).

Derrière la phrase, qui pourrait évoquer une valeur humaniste d’épanouissement et d’indépendance, se laisse décrypter le thème nazi du Volk dominateur. Le statut quo, l’étant tel qu’il est circonscrit en l’état sont des dé-limitations négatives et inauthentiques de la Gemeinschaft, de la communauté. Il faut alors « quelque chose » qui puisse permettre à l’être, ou plus précisément au dispositif Volk-Führer, de parvenir à sa « propre délimitation ». Ce quelque chose c’est le combat. C’est la guerre.

Mais de quel combat s’agit-il au juste?

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10. [Même jour à 21h27]

Il faut alors lire le passage consacré à Héraclite :

« Héraclite dit : (texte en grec du fragment 53…………………………) : « La confrontation est ce qui engendre (laisse éclore) tout (ce qui se déploie en présence), (non moins que) ce qui sauvegarde tout sous son règne. Les uns, elles les laisse apparaître comme des dieux, les autres comme des hommes, les uns elle les fait ressortir comme des serviteurs, les autres comme des hommes libres ».

Ce qui est appelé ici polemos est un conflit qui règne antérieurement au divin et à l’humain, ce n’est pas une guerre à la manière humaine. Le combat pensé par Héraclite est celui grâce auquel en vient d’abord à se départager, au coeur de la confrontation, ce qui déploie sa présence, ce combat grâce auquel des positions, des préséances et des rangs trouvent leurs marques en la présence. En un tel départage s’ouvrent des failles, se creusent des écarts, des espacements et des dislocations. Grâce au départage au coeur de la confrontation un monde trouve sa configuration. (Ce départage ne revient pas à disloquer l’unité, encore moins la détruit-il. Il la configure, en est le recueil (logos). Polemos et logos sont le même.) »

Nous saisissons ici peut-être encore mieux qu’avec le motif de la stabilité ce que Heidegger appelle « résistance spirituelle ». Le « penseur sublime », sous l’instigation de « l’idéologue abject » – je formule ici la dualité suggérée par Catherine Malabou – « résiste » uniquement dans l’intention de « spiritualiser » un mouvement, le national-socialisme, qu’il se représente comme un combat hors norme.

Tout sera permis par le Volk onto-linguistiquement privilégié car le Kampf – le combat – « n’est pas une guerre à la manière humaine ». Ce Kampf est un « Unser Kampf »  – un « notre combat »… c’est nous qui proposons cette expression – car c’est un combat pour le monde au sens où c’est un combat pour « mondaniser » un monde sans Figure, sans Domination (Jünger). Si le Volk menait une guerre « à la manière humaine » ce serait fini du projet, de sa grandeur. Le thème de l’oeuvre d’art qui ouvre un monde – qui est pour moi une métaphore de la Führung hitlérienne – consonne remarquablement bien avec ce motif du combat. Si le Volk menait une guerre humaine il se dissoudrait dans l’a-figuralité de ce qui n’est plus un monde.

Nous pouvons commettre ici la même erreur qu’avec la notion du « ce qui trouve sa propre limite ». La critique de la « guerre humaine » n’est en aucune façon une critique « pacifiste » du bellicisme du régime. Le Volk combat pour un monde, pour ouvrir un monde. Son combat doit être irrigué par des originarités essentielles. Telle est, pour Heidegger, la notion héraclitéenne du polemos. Il ne s’agit nullement, pour la différence ontologique nazifiée – être/étant : Führer/ Volk – de s’approprier « simplement » quelques territoires ou de mettre à genoux « pour le plaisir » des ennemis. C’est un combat pour le monde, combat « grâce auquel des positions, des préséances et des rangs trouvent leurs marques en la présence ». (Heidegger)

Le nazi Heidegger prolonge ainsi l’abjection de l’idéologue par une sorte de « délire » métaphysique sur l’essence du Kampf, du combat.

Non seulement le Volk ne doit se conformer qu’aux seules limites qu’il trouve en lui-même, mais encore le combat qu’il mène n’a pas à être « humain » car c’est un combat en quelque sorte sacré, mystique, en tous cas « originaire » pour ouvrir un monde et lui donner Figure.

Le pire me semble être crypté dans ce passage. Il est parfaitement compatible, une fois décrypté, avec les pires actions SS. « Nous ne faisons pas une guerre humaine… Nous ouvrons un monde… Nous faisons un départage… par où « s’ouvrent des failles, se creusent des écarts, des espacements et des dislocations ». (Heidegger). C’est exactement ce que peut se dire le SS qui, par exemple, fait la sélection sur les quais d’Auschwitz. Non non il ne fait pas de « guerre humaine » contre des femmes et des enfants : il ouvre un monde!

C’est moi qui délire? Qu’on m’explique alors comment monsieur le professeur Heidegger aurait pu être un résistant anti-nazi, même spirituellement, alors qu’il s’est placé au coeur (universitaire) d’un système qu’il a appelé de ses voeux?

Soyons un peu sérieux… Si Auschwitz a été possible c’est parce que des Heidegger ont existé. Heidegger nazi en philosophie est même moins inconcevable que Auschwitz…  Mais les deux ont bel et bien existé.

Le passage suivant, qui est du pur Heidegger – et du Heidegger servi à la jeunesse étudiante avec un potage « soviétique » – se décrypte presque lui-même :

« Le combat dont il est question ici est un combat des origines, car c’est de lui que sont issus les combattants en tant que tels (nous soulignons) ; il ne s’agit pas simplement (nous soulignons) d’assaillir quoi que ce soit de déjà subsistant. » (GEME page 45).

Et l’adresse ne concerne pas seulement les seuls militaires. Elle concerne toute la superstructure culturelle de la Gemeinschaft, de la communauté du Volk.

« Le combat en question trace et démêle ce qui jamais jusqu’alors n’était pas parvenu aux oreilles, au dire, à la pensée. A charge pour les créateurs, les poètes, les penseurs et les responsables politiques d’en soutenir l’épreuve ». (GEME page 45).

Et, plus loin, mais tout le passage est une « admirable » traduction de l’abjection idéologique en « grand penser » :

« Grâce à ces oeuvres, ce qui étend son règne, la phusis (la nature) trouve stature en ce qui déploie sa présence. C’est alors seulement que l’étant en vient à être, comme tel, étant. Un tel se-faire-monde est l’histoire proprement dite. Le combat en tant que tel ne fait pas qu’in-stituer, lui seul préserve l’étant en sa stabilité. Là où le combat est suspendu, l’étant ne disparaît pas pour autant, mais le monde s’éclipse. (Nous soulignons). L’étant n’est plus revendiqué (c’est-à-dire maintenu comme tel.) Il ne fait plus alors que se trouver là, susceptible d’être inventorié. » (GEME page 45).

Heidegger ou le projet de guerre perpétuelle… (Car telle est bien la signification nazie que donne Heidegger au polemos héraclitéen.)

Il est déjà triste de se rendre compte du « nazisme profond » de Heidegger. C’est également  triste de comprendre comment son nazisme, qui est une sorte de combat pour l’être, lui fait se rallier au pire. Mais on comprend aussi pourquoi et comment Heidegger UN a su créer « l’interface » entre l’idéologue abject et le penseur profond.

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11. [09/02/06 à 17h17]

Ce qui est significatif et troublant dans le passage dont nous venons de lire un extrait  c’est bien que le thème du Gestell est déjà présent. Reprenons la fin du passage déjà cité tout en le complétant : « L’étant n’est plus revendiqué (c’est-à-dire maintenu comme tel). Il ne fait plus alors que se trouver là, susceptible d’être inventorié. L’accompli n’est plus ce qui vient s’insérer en ses limites propres (pour avoir été installé en sa figure), mais seulement ce qui est fin prêt, ce dont tout un chacun pourra disposer à sa guise, le ci-devant étant où plus aucun monde n’amonde – l’homme se contentant dès lors de faire bon ce que bon lui semble avec le disponible. L’étant devient objet, que ce soit pour le prendre en vue (angle de vue, prise de vue), que ce soit pour tout ce qui ressortit au faire, à ses résultats et à ses calculs. Ce qui étend originalement son règne, la phusis (la nature), déchoit alors jusqu’à devenir simple modèle susceptible d’être reproduit et imité. »

Telle est bien la catastrophe, pour Heidegger, dans le cas où nous oublierions le « sens de l’être » en tant que polemos. Mais, comme dans les analyses précédentes, la contextualité « idéologique » permet le décryptage. Notamment l’oubli du polemos ne signifie pas nécessairement absence de guerre au sens de « guerre humaine ». Il peut y avoir des guerres pour s’emparer, par exemple, du disponible, de l’étant « gestellisé ». Le polemos dont il est question est celui aussi de l’être comme phusis, comme nature au sens grec originaire de déploiement, d’éclosion. La guerre nazie, le polemos au sens nazi, est une guerre pour « amonder ». Et amonder signifie l’éclosion et l’épanouissement de ce qui est enraciné – en-race-inné pourrait-on écrire – et sans lequel rien de grand n’est supposé possible. Ce passage permet peut-être de préciser ce que serait une acception heideggerienne de la Rasse. Il s’agirait d’une catégorie plus ontologique que biologique, le don de la langue maternelle, et d’une langue particulièrement apte à articuler l’expérience de l’être, assignant davantage que le « sang » l’être propre, appelé à la « stabilité », de la Rasse. Quoiqu’il en soit cette opération de « sublimation » est selon nous « interfacée » avec la doctrine nazie « populaire » du sang.

On comprend aussi le sens de l’éloge du sacrifice. (Je pense à l’éloge de Schlageter). Celui qui est apte au sacrifice est nimbé de l’aura de celui qui n’oublie pas le polemos en tant qu’il ne s’inscrit pas du côté de l’étant objectivé, disponible et « gestellisé ». On saisit en même temps combien la description heideggerienne de la catastrophe consonne avec les thèmes de la construction antisémite de « l’ennemi intérieur ». Le « juif » – les guillemets désignant qu’il s’agit ici de la construction antisémite de la « judéité » – étant du côté de la « réserve », de la « disponibilité », de la « gestellisation » de l’étant, il est au regard de « l’amondement » nazi le symbole de ce qui fait catastrophe selon Heidegger.

Le texte se dévoile de plus en plus comme la reprise sublimée, ontologisée du Mein Kampf d’Adolf Hitler.

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12. [Même jour à 19h14]

Nous allons fermer ici ce petit journal de lecture. Ce n’est que l’esquisse d’une analyse qui pourrait s’approfondir et être davantage argumentée. J’ai toutefois le sentiment que le Heidegger philosophe non contaminé par l’idéologue (abject) est une légende qui ne résiste pas à une analyse un tant soit peu soucieuse du contexte. Ce principe méthodologique ne relève pas au reste d’une pure problématique historienne. Il engage ce qu’écrire, et écrire de la philosophie, veut dire.

Nous sommes alors convaincu que le potage « soviétique » de la biographie servi à l’entrée n’est pas qu’une curiosité. Il est nécessaire pour maintenir le texte dans le code. Ce texte est en réalité monstreux et n’est que du Hitler crypté à l’ontologie.

Mais il n’est pas étonnant que cette édition, qui vise le public des amateurs en philosophie, des lycéens et des étudiants, soit un lamentable fiasco intellectuel. Nous ne savons pas, en France, et parce que tout un  dispositif heideggerien vit encore dans le mirage de personnalités comme Beaufret et Fédier, que faire avec Heidegger tel qu’il fut. Aura intellectuelle de certains noms, ambiance spirituelle, développements brillants prédisposent le lecteur à ne vouloir voir en Heidegger qu’un penseur accidentellement perverti.

Cette présente édition n’est peut-être pas tant dangereuse pour son nazisme rampant que pour la naïveté qu’elle conforte. (1) En ce sens elle est fondamentalement anti-philosophique. Elle repose sur un amour de l’ignorance si ce n’est  sur un amour naïf de la folie.

C’est pourquoi je terminerai cette page sur une maquette d’une nouvelle édition. Ce serait l’édition du courage et de la responsabilité philosophique.

Couverture : On ne nous montrerait pas, comme dans la présente édition, deux silhouettes de dos évoquant le penseur dans une sorte d’allégorie de ce qu’est le bilinguisme philosophique éditorial. On nous montrerait, de face, les visages de Heidegger et de Hitler.

Introduction : Outre les nécessaires indications habituelles techniques l’introduction porterait essentiellement sur la question du rapport entre philosophie et politique et, dans ce cas, du rapport entre le discours philosophique heideggerien et le national-socialisme. Une première analyse montrerait comment fonctionne ce que j’ai appelé le cryptage ontologique de l’idéologie nazie. Une première note rappellerait ce que fut le nazisme.

Texte et analyse du texte : Des pauses auraient lieu aux endroits les plus stratégiques du texte pour faire apparaître la conformité du discours à caractère philosophique avec le programme hitlérien.

Postface : Dans une postface généreuse il serait également rappelé ce que fut le nazisme réel : l’embrigadement de la jeunesse, la répression meurtrière du mouvement social, la chasse à la « littérature négative », le système de la délation, le racisme et l’antisémitisme d’Etat, les camps de concentration, les programmes d’extermination dans les territoires conquis (plus importants, semble-t-il, que ce qu’on admet habituellement), l’ouverture des centres d’extermination.

Dans un ultime chapitre on pourrait demander à quelques personnalités philosophiques de dire, en une ou deux pages, ce qu’elles pensent de la responsabilité politique des philosophes et de la fragilité de la démocratie.

Bonne lecture!

PS. On lira en complément l’article suivant publié dans Le Monde.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-739475,0.html

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(1) C’est le mérite très relatif du potage de Pascal David que de désamorcer le texte de Heidegger. Mais on ne voit pas comment on pourrait justifier philosophiquement la naïveté. Heidegger joue souvent le jeu suivant : « Attention, je suis le grand philosophe… vous allez voir ce que vous allez voir… »  Et, effectivement, parce qu’ébloui, on ne peut tout d’abord voir que du feu. C’est pour autant qu’il y a des forces d’extrême-droite susceptibles d’empocher les euphémismes de Heidegger qu’il s’impose de vouloir être philo-sophe. Et de ne pas gober le potage.

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28 commentaires à Sur « Grammaire et étymologie du mot « être » de Martin Heidegger

  1. Cher Skildy,
    comme il est agréable de voir que plus les lecteurs attentifs s’avancent dans l’oeuvre de heidegger plus ils découvrent son importance incontournable dans l’idéologie du Reich! Encore un petit effort dans un nombre d’ouvrages plus étendu et la question se posera de savoir si Heidegger intellectuellemnt parlant n’a pas été le « pape » de la Germanie telle que la concevait le national socialisme. Que fait un pape quand il veut faire triompher son idéologie sur une autre? Il déclenche des croisades. Qu’a fait Heidegger? En 1933 il a prêché la « mission » qui a déclenché la croisade anti chrétienne national socialiste. Son anti christianisme s’étendait jusqu’aux racines juives. (Influence de Renan oblige)

    Mais cela, il faut que les lecteurs le découvrent peu à peu par leur propre prise de conscience. Pour passer de l’apparence trompeuse à la réalité, il faut du temps, beaucoup de temps sauf si on a lu Machiavel (Le Prince), Racine (Athalie)et Hegel (La constitution de l’Allemagne) qui en font gagner énormément.

    Vous avancez à grands pas sur le chemin de la réalité historique, Monsieur Skildy et je vous félicite. Un petit conseil de lecture si vous me le permettez. Pour bien comprendre les pages 44 et 45 de ce petit ouvrage accepté par Badiou et par Barbara Cassin qui n’est qu’un « stuck » de l’Introduction à la métaphysique , cours professé en 1935, dans lequel Heidegger valorise le « grand dessein » de « construction, d’élimination et d’anéantissement », reportez-vous au texte sur la métaphysique de Nietzsche (Nietzsche II Gallimard p. 255 à 266).Vous comprendrez alors clairement ce que signifie la phrase heideggérienne que Pascal David a traduit ainsi: « Le combat en tant que tel ne fait pas qu’instituer, lui seul préserve l’étant en sa stabilité ». Comment constitue-t-il? Comment préserve-t-il? La réponse est donnée dans Nietzsche II, cinq ans plus tard, en 1940 et, dans la réalité historique, aussitôt après, dès que les « décisions imminentes » pour « le salut de l’Occident » auront été prises.

    Quant aux « créateurs » (poètes, penseurs et hommes politiques) ils ne font que reprendre la trilogie ou plutôt la nouvelle trinité établie dans l’interprétation de la Germanie et du Rhin durant le semestre d’hiver 1934-35. « Le poète, le philosophe, le politique ». Traduisez: Hölderlin, Heidegger, Hitler.

    Tout cela ne fait qu’ actualiser ce qui a été exposé dans Mein Kampf, en long et en large, en 1927, l’année où Heidegger préparait lui aussi le « combat pour l’être » dans Être et temps. La seule différence entre les deux discours est que l’un s’adressait à la masse et l’autre aux intellectuels. Et Hitler pousse la coquetterie jusqu’à nous dire que, pour cette raison, ils ne devaient pas être écrits de la même façon.

    Mais il faut bien sûr lire et lire attentivement pour découvrir tout cela. On ne devra jamais cesser de le dire. Dès qu’on a compris qu’Hitler réalisait le « monde » de Heidegger, le monde conçu et voulu par Heidegger, on n’a aucune peine à comprendre la phrase qui précède: « Un tel se-faire-monde est l’histoire proprement dite. » « Dieses Weltwerden ist die eigentliche Geschichte. »(p.44). Qu’est-ce que l’histoire véritable, l’histoire proprement dite en 1935, si ce n’est la réalisation du « monde  » de Heidegger dans la pratique du national socialisme? C’est cela le monde en devenir, le « Weltwerden ». Et l’extermination est incluse dans le combat, programmée dès le départ afin d’ « assurer le penser contre toutes les conditions de déclin ».(Nietzsche II p. 258).

    Croyez-moi, monsieur Skildy, une fois qu’on a mis le pied à l’étrier ensuite on va vite en besogne. Mais il faut d’abord le lui mettre et monter en selle. Et c’est parfois le plus difficile. Je vous remercie d’être notre compagnon de route.

    michel bel.
    Inutile de vous dire que j’approuve tout ce que j’ai écrit.

    Rédigé par : bel | le 06/02/2006 à 22:55 | Répondre | Modifier
  2. Et la trahison continue,

    le blanchiment de Heidegger se poursuit avec la traduction de nouveaux écrits à la NRF et au Seuil. Après la traduction catastrophique de l’Hymne de Hölderlin: Le Rhin par François Fédier où l’euphémisation le disputait à la sottise, après les discours politiques où le révisionnisme s’était fait valoir de manière grimaçante, voici la traduction « guestienne » de l’Achèvement de la Métaphysique et de la Grammaire du mot être.

    Adéline Froidecourt et Pascal David s’en sont donné à coeur joie.

    L’essence de l’être s’étant raréfiée c’est dans « l’aître de l’être » que nous pataugeons désormais. On barbouille le « Wesen » avec du noir de fumée puisque ce fameux « aître » vient de l’ »âtre » et que ce « âtre » se rapporte au « foyer » qui tient désormais lieu d’ »être ». L’ »âtre » nous dit sans rire Adéline Froidecourt est l’endroit « où est entretenu le feu grâce auquel la maisonnée prend vie ». (p.10). Eh! bien voyons! Comme tout cela est poétique et chaleureux! Or il se trouve que le feu qui se préparait dans la maison Allemagne en 1941 au moment où Heidegger avait prévu de professer son cours du semestre d’hiver sur La métaphysique de Nietzsche qu’il remplaça au dernier moment par « Mémoire », était celui des bûchers remplacés plus tard pour cause d’insuffisance de rendement par les fours crématoires. Ces « fours de boulanger » transformés pour la circonstance en fours de crémation par la firme TOPF et Fils. Le charme du foyer change aussitôt de visage, n’est-ce pas? Certes en 1942 après avoir donné l’ordre de la mise à feu dans le commentaire de Der Ister, Heidegger parlera aussi du « foyer » de sa chère « Antigone » mais l’euphémisation de Heidegger, cet incendiaire rusé, ne justifie nullement l’euphémisation des traducteurs français qui est, à proprement parler, une trahison.

    Après « Innigkeit » traduit par « tendresse » par François Fédier voici maintenant « Wesen » traduit par « aître » par les deux acolytes de Gérard Guest. Adéline Froidecourt se paie même le luxe de parler de « foyer de déploiement » pour traduire essence de la métaphysique.(p.88, 95, etc). On a droit tantôt à l’ »aître » tantôt au « foyer de déploiement ». On a du « change » comme ça.

    Mais il y a plus grave encore. Pour rester fidèle à l’esprit de la publication des Ecrits politiques par François Fédier, Pascal David se croit obligé de produire une biographie révisionniste dont se sont désolidarisés Alain Badiou et Barbara Cassin qui l’ont pourtant admis dans leur collection aux éditions du Seuil, et Adéline Froidecourt dénature totalement le texte sur La Métaphysique de Nietzsche. La référence à la race a disparu par rapport à la version de 1961, dans le passage relatif à la justice (p.86). Cette référence subsiste seulement dans la référence aux « races fortes » (P.122). L’ »anéantissement  » qui figure en toutes lettres dans la traduction de Klossowski a été remplacé par l’ »annihilation » qui n’a ni le même sens ni la même force en français (p.82-83) » L’ »élimination » qui préserve en différenciant est le plus haut mode de la conservation . L’ »annihilation » est le plus haut mode contraire à conservation et accroissement » (p.83)
    On ne comprend plus rien. Toute la force du vocabulaire nazi a disparu. Et la « Vernichtung » est passée aux oubliettes.
    Il fallait démontrer que Heidegger était un saint, qu’il n’avait eu aucun rapport avec la national socialisme si ce n’est par erreur de jeunesse , la traduction le prouve. (il avait tout de même 44 ans en 1933). La malhonnêteté des traducteurs est à son comble. Il y a longtemps que Goldschmitt l’avait dit, mais personne ne voulait l’écouter. Pascal David et Adéline Froidecourt récidivent.

    Il est vrai que la traduction de L’Introduction à la métaphysique par Gilbert Kahn, en 1967 n’était guère lisible. Mais au moins l’auteur avait-il eu le mérite d’essayer de traduire le jargon heideggérien par la création d’un nouveau jargon français. On peut penser ce qu’on veut de l’opération, elle pouvait paraître excusable dans une perspective surréaliste à cette date, bien qu’elle ne fût pas recommandable puisqu’elle obligeait à se reporter au texte allemand pour comprendre ce qu’avait voulu dire Heidegger dans son « jargonnement » nazi. Car l’Introduction à la métaphysique annonçait déjà fortement la couleur. Mais aujourd’hui il n’y a plus d’excuse.

    Qui sont donc ces révisionnistes qui veulent à tout prix rendre Heidegger plus blanc que neige? De Catherine Malabou à Adeline Froidecourt en passant par Gérard Guest, Pascal David et tous les commensaux du site « Paroles des jours » sans oublier Lehugeur et son hôte le négationniste karnoouh? Qui sont-ils donc ces disciples du négationniste Jean Beaufret et du révisionniste François Fédier? Il faudra bien qu’ils nous disent un jour quel ténia les ronge. Et tous les bien pensants qui ont imposé trois « oeuvres » de Heidegger à l’agrégation de philosophie? Croient-ils pouvoir triompher longtemps par la ruse, par la dissimulation et par le mensonge? S’ils sont attirés par Heidegger, c’est peut-être qu’ils lui ressemblent. « Entende qui a des oreilles pour entendre », disait mon maître à penser, que Heidegger détestait au point de vouloir faire disparaître tous les descendants du peuple dans lequel il était né. Qui sont-ils ces héros de l’imposture qui ne rêvent que d’encenser un assassin ? Il est vrai que la seule arme dont usa Heidegger est la parole. Mais son maître à penser Hegel n’avait-il pas déjà fait savoir au monde que les mots sont des armes? Il serait peut-étre bon de s’en souvenir par les temps qui courent.
    michel bel
    J’approuve entièrement le texte que je viens d’écrire.
    M B

    Rédigé par : bel | le 07/02/2006 à 12:52 | Répondre | Modifier
  3. Cher monsieur Bel,
    pour reprendre notre dialogue à peine esquissé sur le blog de Relatio, je commencerai par saluer la force avec laquelle vous pointez les maquillages et les silences de nos éminences plus grisées que grises-en prenant garde toutefois à ne pas trop généraliser, ne serait-ce que parce que M.Philippe Lacoue-Labarthe, spécialiste mondialement reconnu de Heidegger, a admis dans le « Magazine littéraire » le sérieux du travail de monsieur Faye, accompagné de M. Salanskis, qui a lui aussi écrit un ouvrage sur Heidegger.
    Pour en revenir à ce qui nous oppose, je crois que vos analyses, souvent intéressantes, pourraient cependant fort bien se passer de la thèse d´un Heidegger César Borgia du nazisme. Cette thèse nuit même je pense à la qualité de vos interventions. Elle a le mérite de sembler tout expliquer, mais c’est à mon sens un leurre, une mystique rassurante(et pourquoi pas ? Mais pour le réconfort intérieur, pas dans la recherche historique)mais qui nuit à l’intelligibilité des faits. Il faut admettre que nous ne détenons pas toutes les réponses.
    Les objections sont philologiques d’abord : vous surinterprétez parfois quelque peu les textes que vous citez. Ainsi du passage de « Mein Kampf » où il serait question d’un « philosophe pauvre ». Rien ne dit qu’il renvoie à un individu précis, et encore moins à Heidegger, comme du reste on vous l’a déjà fait remarquer. Si vous avez cependant des informations prouvant que Heidegger a participé dès le début à la contruction du nazisme, alors ce serait déjà une grande oeuvre de votre part que de les livrer au public. Il faudrait des documents plus forts que le systèmes d’échos avec les officines glauques de l’ésotérisme arien par ailleurs éclairants que vous mettez à jour. C’est déjà un point que de voir l’intérêt de Heidegger pour ce type de « recherches ». Auriez-vous des preuves de liens de notre cher teutonophile avec des sociétés du type de la Thule Gesellschaft ? Si c’est le cas ne vous taisez plus, et publiez les sous la forme d’un article.
    Mais c’est au niveau de ses principes mêmes que je crois votre position des plus faibles. Les mots sont certes une arme, mais si ils permettent de dissimuler et de véhiculer une inspiration, ils ne suffisent pas à organiser et à exécuter. On se trouve sinon, paradoxalement ou pas, dans une histoire de la philosophie d’inspiration heideggérienne où c’est la métaphysique qui détermine tout le reste. Je pense que vous confondez, si on veut employer ce vocabulaire là, heidegger et son « Idéal » du moi, ce qu’il fut et ce qu’il a voulu être, ce qui n’est pas une mince erreur.
    Où sont les capacités de stratège qui auraient permis au professeur de Fribourg de diriger la Wehrmacht ? La connaissance du monde de la finance et les relais dans l’industrie allemande nécessaires pour régner sur ces élites là, qui ont l’habitude de régner seules ? Qu’aurait bien pu faire le pauvre Heidegger et sa misérable analyse de la science et de la technique pour le programme nucléaire nazi ? à Peenemünde ?
    Mais le plus grave me semble-t-il est que vous en faires une sorte de génie du mal. Or cela n’existe pas, il s’agit d’une contradiction dans les termes. Ce monsieur appartenait à un mouvement dont tous les membres se voulaient le Guide de quelque chose, et de préférence plus que l’autre prétendant (prétentieux) son voisin, forcément moins indispensable que lui (voir les conflits sanglants entre ces charmants messieurs, entre Goebbels et Goering, entre Heidegger et Krieg). Penser que Heidegger fut le pape du mouvement parce qu’il a dit que les Führer sont eux-mêmes guidés, c’est construire une bien étrange figure, qui je crois l’aurait grandement flatté. Le problème se redouble du fait que si il y a eu un grand méchant loup et un seul, les autres fauves du mouvement semblent en comparaison des maux bien bénins. Je crois que c’est monsieur Domeracki qui est allé jusqu’à vous traiter de révisionniste sur ce site, ce que je ne crois bien entendu pas dans la mesure où votre but n’est pas de réécrire l’histoire de la seconde guerre mondiale à des fins sinistres, mais vous la redoublez d’une épopée heideggérienne qui devrait somme toute en constituer le fondement, d’une manière qui me rappelle comme je l’ai dit un peu trop le « penseur » de Fribourg. Il n’y a pas de monstre ultime dans les organisations criminelles, mais un système des lâchetés.
    La preuve a posteriori en est je pense que le nazisme de ce monsieur est somme toute d’une grande banalité, la barrière du jargon une fois franchie. Ce que vous dites à ce sujet n’apporte d’ailleurs pas grand chose de nouveau, même si ce ne sont pas des thèmes qui connaissent le feu des projecteurs. Ainsi des noces de sang de l’homosexualité et du sadisme : on sait quand même bien ce qu’il en fut de maint dignitaires du régime, même si je n’ai rien pour confirmer ou infirmer vos affirmations sur Heidegger, qui semble bien avoir eu une vie privée disons, agitée. Il y a quelques temps par exemple est sorti un livre sur l’homosexualité de Hitler, par un historien de Brême : « Hitlers Geheimnis », par Lothar Machtan (Alexander Fest, Berlin, 2001). De même pour ces horribles et dérisoires associations « poético »-mystiques d’où est sorti le nazisme.

    Voici donc, cher monsieur Bel, ce qui nous oppose, et ce n’est pas rien. J’espère ne pas vous blesser, car je vois bien la sincérité de votre démarche, nul besoin de préciser que vous approuvez ce que vous dites. Simplement que votre passion ne vous conduise pas à des souffrances inutiles. En effet les alternatives ne sont pas infinies.
    Ou bien vous avez tort dans votre « heideggéro-césarisme », ce qui ne signifie pas que toutes vos analyses sont sans valeur. Je crois bien plutôt que ce sont ces analyses de valeur qui vous font être détesté et craint par certaines des personnalités les plus désagréables qui hantent les blogs, non votre hypothèse de travail que l’on peut trop facilement tourner en dérision (« Qui a peur de Michel Bel ? »).
    Ou vous êtes dans le vrai, ce que je ne crois pas pour les raisons évoquées. En ce cas de deux choses l’une : ou la vérité éclatera, que ce soit de votre fait ou de celui d’un autre, car comme le disait un philosophe interdit par le « mouvement » en pensant on se trouve sans cesse moins seul. Ou la vérité n’éclatera pas. Tant pis, toute l’histoire n’est pas écrite. Il faut s’y faire et se consacrer à ce qui dépend de nous, en nous détachant de ce qui n’en dépend pas.
    Allez donc votre chemin, cher monsieur Bel, et ne souffrez pas.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 08/02/2006 à 18:56 | Répondre | Modifier
  4. Monsieur Er
    vous êtes admirable. Vous me faites penser à quelqu’un qui serait à mi hauteur d’une montagne et qui jugerait qu’il n’y a pas de sommet parce qu’il ne peut pas le voir.

    Cher monsieur, il faut gravir la montagne pour arriver au sommet comme le disait Hegel que j’ai beaucoup fréquenté avant de fréquenter Heidegger. Et gravir la montagne signifie lire Heidegger chronologiquement en passant ses écrits au peigne fin. C’est seulement alors qu’on peut voir se dessiner l’immense plan de domination planétaire qui ne sera révélé qu’en cours d’accomplissement … et encore…

    Ce qui manque aux Français, ce ne sont pas les textes. Nous les avons. C’est le « savoir-lire-les-textes ». Nous glissons sur les mots comme un galet qui ricoche sans les « peser à leur poids plein », pour reprendre une expression chère à Heidegger.

    Pour bien comprendre Heidegger, il ne faut pas le regarder de l’extérieur mais bien pénétrer dans son intimité. La recette est simple. Il suffit de le suivre depuis les jeunes années de Messkirch , de l’accompagner ensuite au foyer Saint Conrad à Constance où il a été déraciné et où il s’est senti humilié et mis au ban. C’est là qu’il a pris conscience que l’image de vilain petit canard qu’on lui avait collée était en réalité celle d’un cygne. Et ce cygne a cherché à se venger de l’humiliation qu’il a subie. D’abord esseulé, il a ensuite rencontré ce qu’il a cru être de vrais amis dans les livres puis progressivement autour de lui. Et de fil en aiguille l’équipe des « créateurs » s’est constituée.

    Si vous savez lire intelligemment les différents curriculum vitae de Heidegger, ce que je crois, et dans leur droit fil, « Mon chemin de pensée et la phénoménologie », vous découvrirez la clé du problème. Vous y découvrirez ce qu’il a fait en 1919 après sa grande illumination de 1911. Des révélations sont également données dans la leçon inaugurale de 1929, puis dans le chapitre sur « le convalescent » dans « l’éternel retour du même » en 1937.

    Toute son oeuvre écrite est une confidence douloureuse. Une tentative de résilience ratée. Hélas! Et dévoyée. Trois fois hélas! Mais c’est ainsi. On ne peut pas refaire l’histoire. Pour comprendre cela il faut un autre regard que celui du philosophe. Il faut que le philosophe soit aussi psychanaliste et que ses grilles de lecture psychanalytiques sortent des sentiers battus de l’Oedipe ordinaire ou de l’anti-oedipe. Fort heureusement la psychanalyse s’est enrichie de nombreux autres modèles, même si le fond oedipien est inépuisable. Mais on n’explique pas la psychose comme on explique la névrose. Il faut écouter longtemps le patient atteint de psychose et, comme disait Lacan, savoir déjouer ses feintes. Pas toujours facile. Lacan n’est pas arrivé à « voir » Heidegger. Il est vrai qu’il avait été induit en erreur par Jean Beaufret dès le départ. Mais c’est une autre affaire.

    Pour comprendre une oeuvre, la raison d’être d’une oeuvre, il faut toujours partir de la biographie intime de l’auteur. Tout le monde n’est pas Julien Green pour mettre son coeur à nu durant des pages et des pages. Il y en a qui préfèrent les confidences voilées , qui préfèrent se disssimuler pour se protéger . C’est le cas de Heidegger. Et il y en a comme Heidegger qui poussent le désir de protection, de mise en sûreté, jusqu’au crime. Que dis-je? Jusqu’au génocide. A quoi sert « l’anéantissement » chez Heidegger? A mettre en sûreté le « monde » qu’il vient de substituer au « monde » antérieur qu’il a balayé et qui l’avait fait souffrir.

    pour confirmer ce que je dis, je vous suggère de lire attentivement La Métaphysique de Nietzsche dans Nietzsche II et Der Ister(non traduit, mais il vaut peut-être mieux).

    Demandez- vous quel est le statut exact de l’oeuvre de Heidegger? Est-ce une oeuvre philosophique? Est-ce une idéologie politique? Est-ce une confession interminable pour psychanalistes? (De toute façon aucune oeuvre n’échappe à la psychanalyse. Malheureusement tous les psychanalistes n’ont pas l’ouverture d’esprit que leur travail d’écoute exigerait. Mais cela aussi est une autre histoire).

    Moi ce qui m’intéresse dans Heidegger, c’est sa « résilience dévoyée ». Heidegger est un grand souffrant qui a essayé de conjurer sa souffrance et qui s’y est mal pris parce qu’il est resté emmuré en lui-même et qu’il n’a pas trouvé d’écoute à son affection brisée d’adolescent ou n’a pas voulu en trouver. Il a préféré le crime au transfert. Ce qui se produit toujours dans les résiliences dévoyées. Il a voulu venger sa souffrances en éliminant ce qu’il croyait être les racines historiques et sociologiques de sa souffrance. Non seulement il s’est planté mais encore il a conduit dans son désir de changer de monde sur la planète, l’humanité à sa ruine. Un psychotique commet toujours une erreur sur la cause de sa souffrance mais il fait preuve de trop d’orgueil pour vouloir se l’avouer. Alors que s’il avouait son mal il serait libéré. Mais « A qui faire confiance? », se dit-il. Et il reste emmuré.

    Les philosophes français se sont complètement plantés en croyant que l’oeuvre de Heidegger était une oeuvre philosophique. Elle n’en a que l’apparence. Il s’agit en réalité d’une oeuvre historique analogue à celle de l’empereur Julien qu’il connaissait bien à travers le théâtre écrit d’Ibsen. Il a voulu reprendre l’Oeuvre d’éradication du christianisme tentée par l’empereur Julien mais il s’est planté à son tour. Il croyait pourtant avoir acquis la véritable connaissance de l’être à travers Hegel, à travers Schelling, à travers Nietzsche et à travers Novalis mais il n’a pas vu qu’il était sur une voie d’illusion. Et c’est ici que commence la psychose quand on ne sait plus faire la différence entre le rêve éveillé et la réalité.

    Vous trouverez confirmation de ce que je vous dis dans le cours sur L’essence de la vérité . Cf. le passge relatif au « se rendre présent » et à « l’avoir présent ». (NRF p.333 à 355).

    L’oeuvre de Heidegger est encore vierge de touté étude psychanalytique sérieuse. Mais les temps vont changer. Nous en savons assez aujourd’hui pour commencer une étude de l’oeuvre et du personnage sous l’angle de l’inconscient, c’est à dire – ne nous trompons pas de critères – de la libido souffrante et humiliée. Heidegger est à rapprocher des personnages de Dostoievski, autre auteur qu’il connaissait bien grâce aux traductions allemandes de Moeller van den Bruck et de sa compagne.

    Cher monsieur Er, mon but n’est pas de révéler qui était Heidegger, je ne le sais que trop, mon but est de conduire les lecteurs à apprendre à le lire en partant d’autres hypothèses que celles qui découlent du révisionnisme pédérastique de Jean Beaufret. Mais c’est aux lecteurs à le découvrir. Il faut apprendre à lire l’heideggérien avant de chercher à prouver quoi que ce soit. Tant que les lecteurs ne sauront pas le lire ils prendront le chat noir pour des souris blanches.

    Veuillez faire l’effort par vous-même, monsieur Er que j’apprécie beaucoup, et vous jugerez michel Bel ensuite. Vous changerez alors, peut-être, de regard. Peut-être. je le souhaite .

    michel bel
    J’approuve entièrement ce texte. MB

    Rédigé par : bel | le 09/02/2006 à 13:10 | Répondre | Modifier
  5. Cher monsieur Bel,
    je vous remercie de votre réponse qui précise bien votre lecture.
    Le fond de ma critique est qu’il m’a semblé en lisant d’autres interventions ici et là que vous faisiez de Heidegger le grand et unique inventeur du nazisme et de son extension.
    Par contre que son projet colle avec le nazisme et ses déploiements prouve bien, non qu’il en fut le chef d’orchestre, mais son appartenance totale à ce mouvement, appartenance dont il semble, au vu des derniers documents, qu’elle ait commencé avec le nazisme même.
    Le tout est de ne pas confondre les fantasmes d’un homme avec ce qu’il fut vraiment, et qui est en soi déjà un sinistre énorme.
    Votre approche d’inspiration psychanalytique est bien sûr intéressante, même si pour ma part la personnalité de monsieur Heidegger ne m’intéresse absolument pas. Si ce qui a causé sa dérive dans la perversion est bien ce que vous dites, alors admettez d’une part la banalité de la cause, qui provoque hélas si souvent les mêmes effets, et d’autre part que face au même problème il est des personnalités dans l’histoire qui se sont développées de manière autrement plus intéressante que notre petit sacristain dévoyé.
    Ce qui m’intéresse dans cette pensée qui ne m’intéresse pas et dans cette histoire qui me fait soupirer, c’est pourquoi et comment elle a acquis le statut de dogme pour la première, et la quantité de dissimulation et de petites manoeuvres mesquines qu’implique la seconde. Mon point de vue serait donc plutôt sociologique et politique, d’histoire des dogmes et du pouvoir intellectuel en quelque sorte.
    Pour le reste je suis bien convaincu qu’une philosophie et un homme capables de parler de décision de l’être en bénissant l’extermination ne méritent pas une heure de peine.
    Plutôt prendre son vélo que de rester à pédaler dans la glue d’Être et temps…
    En vous souhaitant de ne pas vous laisser prendre aux pièges du « plus dangeureux de tous les biens », et avec ma sympathie tout à la fois sincère, un peu amusée et en même temps soucieuse de vous,
    votre,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 10/02/2006 à 20:18 | Répondre | Modifier
  6. Cher monsieur Er,
    je vous suis reconnaissant de vos conseils mais la finalité de ma vie est déjà sur les rails. Je sais contre qui je dois lutter et pourquoi. Les Français croient avoir compris le nazisme parce qu’ils ont eu connaissance de ses méfaits mais ils n’ont atteint que les anneaux du ténia les plus proches du sommet, pas la tête. Tant qu’ils n’auront pas compris le rapport étroit qui lie Hitler à Heidegger ils resteront extérieurs à l’entreprise. Car le nazisme est une entreprise impérialiste planifiée obéissant à une finalité interne d’une rationalité implacable.

    Le nazisme est un impérialisme d’un type particulier dont les soubassements remontent à la création de l’université prussienne. C’est à la Cour du roi de Prusse que les rôles respectifs de l’Académie et de l’Armée ont été pensés. L’université a pour tâche de penser l’avenir de l’Allemagne, l’armée de le réaliser. Depuis Frédéric II, le grand penseur politique de l’Allemagne est Machiavel et lui seul. Fichte puis Hegel ont eu pour mission de penser l’avenir de la Prusse en mariant le machiavélisme politique au protestantisme (antipapal et anti juif) et à l’armée.

    Bismarck a été congédié pour avoir privilégié les juifs plutôt que la noblesse militaire et terrienne. Ce n’en est pas moins lui qui a prussianisé l’Allemagne et répandu dans tous les territoires son principe essentiel: « Un pour tous, tous pour un ».

    Le pangermanisme de Class s’est heurté à ce que les grands industriels qui soutenaient le mouvement appelaient la faiblese du Kaiser. « Si j’étais le Kaiser… » avait-il écrit, mais il n’en avait pas l’envergure. Le problème épineux qui restait à résoudre après la guerre de 1870 était celui de la fin de la querelle entre protestants du Nord et catholiques du Sud, querelle qui empéchait l’empire de se constituer.

    Pour unir les Allemands, il fallait trouver un autre clivage. On essaya « races jeunes et races vieilles » mais ça ne marchait pas. C’est Renan à son insu qui donna la solution en opposant les Aryens et les Sémites. L’unité de l’Allemagne se ferait sur l’unité de race.

    Treitschke dans sa monumentale histoire de l’Allemagne prépara le terrain en déclarant : « Les Juifs sont notre malheur ». Mais il ne suffisait pas de le dire, il fallait l’éprouver à partir de l’homme intérieur. Wagner avait contribué à répandre avec son antisémitisme musical l’idée d’ »anéantissement ». Mais le sens qu’il donnait à ce mot était aux antipodes de ce que voulaient les progermanistes. Il désignait l’assimilation. Ce n’est pas par hasard que Heidegger a qualifié Wagner d’influence funeste.

    Mais comment définir la race allemande? Le conlit des catégories entre les Nordistes (Günther) et les Sudistes (Heidegger) fut acharné. Les nordistes aux yeux bleus, aux cheveux blonds et à la taille élancée s’accordaient mal avec les petits aux cheveux bruns et aux yeux marrons. Il fallait admettre une pluralité de souches. Le conflit fut tranché grâce à la scission: arisch/ nicht arisch. Restait à convaincre la population pour l’amener à engager le combat.

    La solution unique était le conditionnement. Tous les pangermanistes furent chargés de créer des loges à cette fin. Il s’agissait d’endoctriner jusqu’à ce que « l’homme intérieur » fut enfin formé . C’est la jeunesse qui fut visée en premier. Il s’agisait d’amener les catholiques bavarois papistes à accepter le combat pour réaliser l’impérialisme germanique planétaire. Le seul moyen d’y parvenir était d’utiliser le vocabulaire catholique et d’en détourner le sens puis d’affaiblir progressivement l’Eglise et les congrégations. mais qui oserait conduire une action aussi dangereuse?

    Chacun sait que dans tout mouvement de prétendue libération ce sont toujours les individus qui se sentent les plus humiliés et les plus frustrés qui montent en première ligne. Max Scheler fut un de ceux-là mais il restait trop catholique bien qu’il fût profondément nietzschéen. En tant qu’universitaire banni il fit le lien entre la Bavière, la Prusse et l’Autriche. Il créa les armes intellectuelles dans le sillage de Guido List et de Nietzsche pour appuyer la Guerre allemande sur un concept nouveau: celui de « héros tragique ». Dès lors l’homme nouveau était trouvé. L’homme intérieur serait « l’être en faute » qui voit avant les autres une valeur nouvelle et qui parce qu’il a été le premier à être touché par « la grâce » à l’intérieur de la caverne, va aider les autres à se libérer. La guerre de l’homme intérieur serait une guerre de libération.

    Il fallait réveiller le peuple germain endormi.Il fallait réveiller la race germanique. Il fallait réveiller la race aryenne germanique et la conduire à son destin: la domination planétaire en la libérant des juifs qui , selon les nouveaux progermanistes , avaient entravé sa marche par leur morale, leur christianisme, leur marxisme, leur libéralisme, leur franc-maçonnerie, leur socialisme et leur opposition aux moeurs grecques. Aggravation du paragraphe 175 depuis i871.
    La « conscience malheureuse » comme l’avait dit Hegel devenait le « moteur de l’histoire ». La mystique de la Germanité allait désormais supplanter la mystique chrétienne. Le III° Reich ne se ferait ni au nom de Marx ni au nom du Christ. Il se ferait au nom de Nietzsche, comme Moeller van den Bruck l’avait annoncé. Le combat serait livré « au nom des doctrines philosophiques fondamentales ».

    Un seul penseur s’avéra capable de formater tous les Germains selon sa conception de l’homme intérieur. Il travaillait à cela depuis les rencontres du Haut Meissner en 1913, c’était Heidegger. En 1919 il se sentit prêt à être le héros tragique pensé et anticipé par Max Scheler quelques années auparavant. Il créa sa propre loge à Munich sur les décombres de la Thulé. L’année suivante, grâce à sa rencontre avec Hitler, cet autre humilié, elle devint le parti. on connaît la suite. Enfin, une partie. Les apparences visibles. On est encore loin d’avoir compris que le prétendu ralliement officiel de Heidegger au parti en 1933 n’est qu’une mascarade.

    Sans référence à la « conscience malheureuse » et au désir passionnel de s’en délivrer, il est impossible de comprendre le nazisme. Mais les Français n’ont lu Hegel, inventeur de ce concept » que dans le sillage de Marx. Il faudra qu’ils apprennent à le lire dans le sillage de Phèdre en relisant le premier monologue du Banquet… Et peut-être alors comprendront-ils qui fut Martin Heidegger de Messkirch. Mais c’est tout un ouvrage qu’il faut écrire pour faire comprendre cela. Et pas seulement 15 ou vingt lignes sur un blog en passant.

    voilà monsieur Er, ce que je voulais vous dire pour que vous compreniez mieux la démarche de Heidegger. mais en évoquant « la conscience malheureuse » et le « héros tragique » nous ne sommes encore qu’à l’alpha de l’entreprise nazi. Pour atteindre l’omega, il faudra encore passer par de nombreuses étapes et traverser beaucoup d’intérêts divergents. Mais la « volonté résolue » de Heidegger fortement appuyée sur une conception erronée des causes de sa « détresse » saura vaincre tous les obstacles, sauf un: la coalition des libéraux et des communistes – coalition impensable à ses yeux. Le nazisme est une épopée, ne l’oubliez pas. Mais une épopée idiote. Heidegger a bien parlé de lui lorsqu’il a dit: « Nous sommes un monstre privé de sens ». (A suivre)

    michel bel
    J’approuve entièrement le contenu de ce texte;
    mb

    Rédigé par : bel | le 10/02/2006 à 23:09 | Répondre | Modifier
  7. Je n’ai pas le tome 66 de la Gesamtausgabe sur moi mais je me demande comment vous pouvez interpréter le texte de Besinnung où Heidegger parle des « destructeurs en chef » dont le nombre se compte « sur les doigts d’une main » et qui mènent l’Europe au néant.Ce traité commencé en 1938 et bien entendu non publié ne laisserait-il pas entendre une désaffection de l’auteur de son hitlerisme tout à fait réèl , si l(on en croit l’apologie faite du dictateur dans le Schelling?
    Vous pouvez aussi vous reporter aux extraits de « La détermination ontologico-historiale du nihilisme » que je vous avais adrèssé et que vous n’avez pas appremment souhaité interpréter.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 11/02/2006 à 11:08 | Répondre | Modifier
  8. Je viens de lire en parallèle La métaphysique de Nietzsche, traduction Klossowski et la métaphysique de Nietzsche rebaptisée « L’achèvement de la métaphysique ») traduction Adéline Froidecourt. Le dépaysement est total.La porte de l’enfer a été repeinte au Ripolin pour rendre le lieu plus accueillant. La présentation change, l’enfer demeure. L’éditrice allemande Petra Jaeger a beau nous dire que Heidegger a apporté quelques modifications à son texte, il est difficile de croire qu’il ait rendu sa pensée méconnaissable. A quoi peut être dû le « change »? A la traduction et à elle seule. Pour séduire les cathos Heidegger doit être dépeint en aube blanche.,même s’il rejette le Christ. Mais même blanchi, pour qui a lu le texte allemand de La métaphysique de Nietzsche, Heidegger reste abominable. Car il ne parle pas dans l’abstrait mais à une époque précise de l’histoire et pour cette époque-là. Il justifie l’anéantissement avant qu’il ne se réalise, avant qu’il ne soit commandité par lui en 1942 dans Der Ister, et il revendique le rôle directeur de sa philosophie dans la conduite de l’histoire comme il l’avait déjà fait dans Être et temps en 1927.
    La nature du combat qu’il annonçait et préparait en 1927 est précisée en i940. Il s’agit du « combat pour la domination de la Terre » (NRF p.14); et ce combat sera mené « au nom des doctrines philosophiques fondamentales » (p.14,92). Il s’agit d’organiser « la domination inconditionnée de la Terre » (NRF p.86)selon trois modalités: « construire, éliminer, anéantir ». (Adéline Froidecourt traduit « annihiler ». La résonance satanique de l’anéantissement a disparu. Et cette substituition de termes a été faite sans sourciller. Evidemment, puisqu’il ne s’agit que de mots et que la pensée de Heidegger, depuis les déclarations de Jean Beaufret, est censé n’avoir aucun rapport avec l’histoire. Pourtant , la traduction du cours de 1945 « Penser et poétiser » est explicite:  » en cet âge du monde il faut prendre de longues décisions quant à des méthoides pour des siècles et des siècles! – car le contrôle de l’avenir humain doit un jour tomber entre nos mains »(…) des méthodes qui viennent de nos instincts ».

    Je n’invente rien. C’est écrit en toutes lettres page 142. Certes Heidegger s’abrite derrière une citation de Nietzsche mais personne n’est dupe. C’est bien Nietzsche qui parle mais c’est Heidegger qui le fait parler à sa place comme un montreur de marionnette dans un exercice de ventriloquie. L’ »appendice » du cours précise la manière dont il faut entendre cette prestation de ventriloque. Deux pages entières sont consacrées à la bonne façon de concevoir la philosophie dans son rapport avec l’histoire (p.166-167). Et la monstration se termine par ces mots : »De nombreux chemins sont ouverts dès lors qu’il s’agit d’amener à penser; mais tous ne peuvent qu’être des sentiers pour faire l’expérience de l’histoire. » (p.i68).

    Dans cette expérience de l’histoire où « l’homme historial » « s’approprie son destin » (p.167), Heidegger se formate le sien en tant que « dieu » autour de qui « tout se fait un monde » Ce Dieu est une résurrection de « Dionysos » qui incarne dans le théâtre de l’histoire réelle la figure de Zarathoustra esquissée poétiquement par Nietzsche.

    « cela vise notre temps, écrit Heidegger, le temps dans lequel nous avons notre place »; (p.174-175); Pour que le monde nouveau existe il faut qu’il se construise autour d’un dieu. S’il n’y a pas de Dieu il n’y a pas de monde.

    « Autour de Dieu tout devient – quoi? peut-être « monde » (p. 129).

    Raté. Ce sera pour une autre fois. La nouvelle bible du Prince de ce Monde est maintenant la Gesamtausgabe de Martin Heidegger. Sa devise est INRI (Igne Natura Renovatur Integra) Devise rosicrucienne associée à cette autre: A la ROSE de l’empire planétaire, du POUVOIR ABSOLU par la CROIX . Oui, mais par la croix gammée, c’est-à-dire par le FEU. Esotériquement parlant le svastika est le symbole du feu qui renove et qui entretient.

    On comprend parfaitement qu’Hitler serviteur du nouveau Dieu Heidegger ait pu dire « L’Aryen (le porteur du feu) est le Prométhée de l’humanité ».
    Heideggériens réjouissez-vous ! Voilà votre pape » « Habemus papam » « In vitam aeternam ». Car le « monde » selon ce nouveau dieu pape et philosophe est éternel retour. Tel est son marteau sacré.

    michel bel

    J’approuve ce texte en totalité. MB

    Rédigé par : bel | le 11/02/2006 à 12:30 | Répondre | Modifier
  9. Cher monsieur Domeracki,
    si monsieur Bel ne vous a semble-t-il pas répondu, c’est sans doute que la répétition le lasse. Quoiqu’il en soit n’interprétez pas à mal cette attitude si elle est avérée. Vous même n’avez répondu ni à mon message du 23.01, pourtant à vous adressé (sur ce site même, après l’ »échange » entre Catherine Malabou et Jean-Pierre Faye), ni à mon message du 04.02 sur le blog de Relatio (qui a il est vrai été interrompu le 05). Les questions qui vous étaient posées me semblaient pourtant d’importance, mais, voyez, je ne vous en veux pas…
    N’ayant donc peur de répéter je répète ici que ce qu’il me semble problématique dans le « style » philosophique de Heidegger c’est l’usage constant de catégories trop larges, de « concepts mal taillés » comme l’a dit Bergson et comme cela a été repris quelque part au sujet de Heidi. Ces grandes tirades vagues peuvent ensuite être réinterprétées à volonté, en fonction de la situation politique du moment. Ainsi de la critique du nihilisme et de la métaphysique, etc., mais cela a déjà été dit.
    Mais la citation de Besinnung que vous donnez ici n’est pas aussi indéterminée. Il faut cependant toute la « générosité » interprétative des gens de « Parolesdesjours » pour y voir une critique du nazisme (puisque j’imagine que si vous n’avez pas Besinnung sous la main c’est sur ce site que vous avez repris cette citation, où comme pour d’autres tout aussi indéterminées nos joyeux compagnons voient une critique très fine du nazisme, imperceptible dirais-je pour ma part).
    Je m’en veux d’ailleurs de mes critiques à monsieur Michel Bel, que j’ai accusé de tirer les textes dans son sens, si on en venait à penser du fait de ces critiques que je ne crois que cette tendance se trouve bien plus grande « en face » si j’ose dire (sauf qu’ »en face » s’ajoutent tout à la fois une décontextualisation et une contextualisation disons, compréhensive).
    Pour vous le dire franchement, dans cette phrase de 38 sur les « destructeurs en chef » qui se comptent « sur les doigts d’une main » et qui mènent l’Europe au néant, j’aurais plutôt tendance à voir une attaque anti-sémite dans la plus pure sauce hitlérienne, le fameux discours de ce dernier où il prédit la destruction des juifs d’Europe si ceux-ci venaient à déclencher la guerre datant de la même époque. Car, n’est-ce pas, la poignée de destructeurs en chef si peu nombreux qui mènent l’Europe au néant, c’est un thème nazi…un classique de l’anti-sémitisme même, un remix des Protocoles des sages de Sion, ici « philosophisés ».
    Je ne crois pas pour ma part à la poignée de destructeurs, je crois aux forces sociales, pas à la manipulation du monde par 3 ou 4 banquiers « déracinés », de préférence juifs. Si la phrase que vous citez n’est pas antisémite (admettons l’improbable…), c’est vraiment que notre pauvre Martin ne comprenait rien à ce que pouvait être la politique (il comprenait pourtant au moins les petites manoeuvres du petit monde universitaire), et à ce que peut être une société.
    Mais les deux ne sont pas incompatibles…
    En vous souhaitant bonne chance dans votre recherche du « Diamant H. » qui sauverait ce monsieur de son nazisme jamais renié, voire nous sauverait tout court, diamant que je ne vois toujours pas venir,
    veuillez recevoir, cher monsieur Domeracki, mes sceptiques salutations.
    Votre,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 11/02/2006 à 13:15 | Répondre | Modifier
  10. Cher monsieur Domeracki,
    il y a deux lectures de ces propos ambigus de Heidegger selon les cibles auxquelles on les rapporte.
    La première est machiavélienne, la deuxième est proprement
    national-socialiste.
    Si les propos visent les opérateurs nazis, il s’agit pour le Prince de se désolidariser APPAREMMENT des actions qu’ils commettent et qu’il a pu ordonner, pour paraître intègre aux yeux de l’opinion publique (CF. Le Prince de Machiavel. -politique pratiquée par César Borgia vis à vis de son premier ministre Remiro d’Orco). Politique pratiquée également vis à vis des Homosexuels pour pouvoir mieux accuser l’Eglise de perversion et supprimer ainsi les congrégations et leur influence sur la jeunesse.
    L’ambiguïté était également présente en 1935 dans l’Introduction à la métaphysique lorsqu’il parlait du « démoniaque », de la « malveillance dévastatrice » (p.57)et des « voyous publics » sans préciser qui il visait par ces mots.

    Si les propos visent les dirigeants juifs ou supposés tels ( libéraux, communistes,ou autres, qui portent atteinte en Allemagne et à l’étranger aux intérêts allemands visés par les nazis – n’oubliez pas que la nuit de cristal en 1938 a été déclenchée par represaille à l’assasinat d’un secrétaire d’ambasssade en France, tel était du moins le prétexte) la parole de Heidegger a alors une consonance typiquement nazie. Ceux qui l’entendent, du fait de son indétermination, l’interprètent comme bon leur semble en fonction de leurs inclinations propres. C’est ainsi qu’on a pu croire que Heidegger était contre le régime. C’est mal l’avoir lu.

    Mais il ne s’agit en aucun cas d’une désapprobation réelle de la part de Heidegger car il a fait de la violence en 1935 dans l’Introduction à la métaphysique la clé de la réussite de la révolution national socialiste, la « condition fondamentale d’une vraie grandeur historique »(NRF p.170).Je vous rappelle une de ses paroles parmi tant d’autres à cette date: » Ceux qui font violence devront toujours reculer d’effroi devant cet usage de la violence, et pourtant ne pourront renoncer à en faire usage ». (NRF p.181)

    La quasi totalité du chapitre sur « la limitation de l’être » est conscrée à l’éloge de cette violence. Il agit conformémént aux préceptes de Machiavel: faire pratiquer la violence par l’institution politique qu’il a mise en place -institution qui est entièrement à son service – et faire semblant de la désavouer.

    On ne peut pas d’un côté faire l’éloge de la violence et de l’autre la condamner. En revanche on peut faire semblant de la désapprouver tout en la commanditant et en l’approuvant au fond de soi. Telle est la politique du Prince. Ce n’est pas par hasard que Nietzsche attendait un libérateur de l’Allemagne , un libérateur de « l’élément étranger », qui soit véritablement un « César Borgia ,pape ».

    La pratique langagière de l’ambiguïté, la désapprobation apparente et l’incitation à la violence réelle qui est censée être « une violence qui restaure »: voilà Heidegger.

    Je ne puis rien vous dire d’autre. Il y a une logique du pouvoir qui ne fait pas bon ménage avec la morale des droits de l’homme et avec la morale chrétienne, je vous l’accorde. Mais n’oubliez pas que la position politico-philosophique de Heidegger, disciple de Nietzsche, consite en un renversement systématique de toutes les valeurs. Une seule valeur est privilégiée car elle est considérée par lui comme l’essence même de la vie: la volonté de puissance. Tout son endoctrinement de type nietzschéen est fondé là-dessus.toute sa « poétique » est une application de ce principe.

    michel bel
    J’approuve ce texte.
    mb

    Rédigé par : bel | le 11/02/2006 à 15:00 | Répondre | Modifier
  11. Je viens de faire le marché. Heidegger se vend bien. C’est à vous faire regretter de ne pas mettre sur le marché la lecture de Heidegger qui respirera enfin un air de vérité. Mais l’établissement de la vérité sur un auteur et sur une oeuvre demande du temps et en attendant cette heure décisive chacun y va de son commentaire. Il y a autant d’images de Heidegger que de lecteurs et c’est un plaisir de voir cet envol de ballons multicolores envahir le ciel culturel français. J’ai bien peur que tous ces Heidegger-là ne soient que des ectoplasmes dont la tranparence colorée le dispute en temps réel aux bulles de savon. Ephémères d’éphémérides. Effets mais rides, aurait peut-être dit Lacan toujours à l’affut de quelque effet « yau de poèle ».

    Mais la librairie se porte bien et vendre fait vivre. Que demande le peuple littéraire? L’université croule sous la montagne de lampions des thuriféraires et seul Emmanuel Faye qui a osé tendre sur le pré heideggérien la largeur de sa langue se voir accusé par les courtisans de la peste « sophique ». Mais…rira bien qui rira le dernier. La malignité de Heidegger risque de se retourner sur ses laudateurs comme un ressort de tapette sur les souris qui sont en train de grignoter son lard.

    Maxence Caron vient de publier au Cerf avec la bénédiction des bons pères Masson et Escande une compilation de textes d’auteurs différents qui ont tous le mérite de trouver du miel dans l’oeuvre du fondateur du nazisme. Regroupant des contributions s’étendant sur un éventail de trente années depuis la mort de Heidegger, l’ouvrage publié intentionnellement pour le trentième anniversaire de sa mort se présente comme ce qu’en d’autres temps on eût appelé un « tombeau ». D’autres plus poétiques ou plus proches d’Alphonse de Chateaubriant eussent parlé d’une gerbe. Le fondateur idéologique du nazisme méritait bien cet hommage. Son ontologie politique a fait suffisamment de morts pour être digne de la recevoir. On regrette qu’un certain nombre de penseurs et non des moindres se soient prêtés à cette mascarade. Ce qu’on regrette surtout c’est qu’une diffusion qui se veut chrétienne héberge le loup dans sa bergerie et lui attribue une place d’honneur après son rejet virulent du christianisme et de son fondateur. Son élève Jonas n’a pas crié assez fort pour mettre en garde les bergers et leur confiance aveugle à l’étoile du joueur de flûte. Ils sont tous fascinés.

    Que diable Marlène Zarader est-elle allée faire en cette galère?

    Le but que se propose Maxence Caron est de « tracer les lignes directrices qui permettent de constituer les objectives conditions d’établissement d’un classicisme heideggérien  » dont son oeuvre précédente apparaîtrait à ses dires comme « le prolongemnt ». Je ne me prononcerai pas sur les 1753 pages de Pensée de l’être et origine de la subjectivité » mais elles relèvent du même état d’esprit que la visée d’un classicime heideggérien. Faire du fondateur du nazisme un classique de la philosophie, seul l’apôtre Jean dans sa vision de l’Apocalypse à Patmos aurait pu y penser. D’ailleurs il y a pensé. Je ne suis pas loin de considérer que le faux prophète, la Bête et le troisième homme dont il parle pourraient bien représenter respectivement Heidegger, Hitler et Himmler. Ceux que Heidegger nomme les créateurs et les gardiens dans l’origine de l’oeuvre d’art. Cette trinité antichrétienne et anti juive illustre tout à fait le premier règne de l’AntiChrist ouvertement avoué. Le second ne saurait tarder. Les heideggériens français contribuent à mettre en place son trône impérial et à dérouler le tapis rouge. Il n’y a pas eu assez de sang versé.

    Il n’est jusqu’à Jean François Marquet qui ne fasse l’éloge du feu dans sa lecture du Prométhée de Heidegger tel qu’il est exposé dans Besinnung, texte dont il faut rappeler qu’il fut écrit en 1938-39 comme signe avant coureur du génocide. « le feu y précise Heidegger est le fondement de l’éclaircie » (GA 66 p.135). Quand on sait que l’éclaircie chez Heidegger n’est pas prise seulement au sens de clarté mais aussi au sens d’éclaicissement des arbres de la forêt, éclaircissement qui permet justement l’éclaircie , on en a le souffle coupé. (Article de Marquet p. 537).

    Allez je vous pardonne monsieur Marquet, tout le monde peut se tromper. Mais encenser le Prométhée aryen quand on sait depuis Être et temps que le combat heideggérien est assimilé à une gigantomachie, c’est à dire à un combat de titans, vous avouerez qu’après Auschwitz et Chelmno, ce soit difficile à avaler.

    Etrange classicisme donc que cet éloge du feu heideggérien qui en 1942, sorti de Der Ister est venu embraser les bûchers de la solution finale. Je passe sur le commentaire de Jean-François Marquet qui ne tarit pas d’éloges sur « ce mythe d’origine si subtilement repensé »(p.537).

    Dois-je continuer à déballer mon cabas? je vous parlerai un peu plus tard du dernier numéro de l’infini intitulé « La dévastation et l’attente ». Tout un programme! et des Prolégomènes à l’histoire du concept de temps. Titre ampoulé qui n’est pas de Heidegger et dont l’éditrice allemande Petra Jaeger s’est autorisée la primeur avec la bénédiction d’Alain Boutot, traducteur, et de son conseiller en traduction françois Fédier. Je suis impatient de voir comment Heidegger a traité des rapports du temps et de la phénoménologie après sa lecture du Sophiste dont le souci curatif appliqué au « genos » et aux « gene » m’a toujours fait frémir, et avant sa mise en place idéologique du combat du combat des Titans dans Être et temps.

    L’histoire du concept de temps -puisque c’est le titre original donné par heidegger à sa leçon – m’interpèle. Je n’ai pas encore été « rencontré  » par « l’intuition catégoriale », puisque c’est l’expression de Heidegger mais je pressens que la recontre risque de donner lieu à des « explications ».

    michel bel.
    j’approuve la totalité de ce texte.
    mb

    Rédigé par : bel | le 11/02/2006 à 20:17 | Répondre | Modifier
  12. Je viens de consommer « La dévastation et l’attente », traduction et commentaires. Consommer est un euphémisme parce que le brouet est indigeste. Le dialogue de Heidegger est du plus haut intérêt du point de vue psychiatrique. Sur ce plan c’est un document de première main pour l’étiologie de sa paranoïa. Il vient compléter les documents biographiques qu’il a déjà fournis par ailleurs et que nous avons intérêt à étudier avec soin car l’aveu partiel du passé renvoie à une perspective d’avenir des plus inquiétantes. Ce document par ailleurs nous éclaire sinon pleinement, du moins en grande partie, sur le sens à donner au mot « dévastation » qui désigne à la fois le communisme et le libéralisme. Pas de changement donc par rapport à 1935, si ce n’est dans le vocabulaire. Vocabulaire qui nous permet de mieux comprendre les textes quelque peu énigmatiques du « dépassement de la métaphysique ». Naturellement cet aveu (à qui?) est lui aussi assorti de mensonges comme ceux qui ont été faits au comité d’épuration. Heidegger tourne en rond dans sa paranoïa depuis sa souffrance originelle – à demi avouée – d’où est sortie une conception du mal qui n’a rien à envier à celle des pensionnaires de Sainte Anne. Ce document bien qu’indigeste s’avère précieux sous cet angle médical ; il permet de jeter une lumière plus juste sur l’ensemble de l’oeuvre. Son commentaire à lui tout seul ferait l’objet d’un livre. Le texte montre comment chez Heidegger s’est développée la paraphrénie – cette psychose difficile à cerner du fait que le souffrant est toujours en situation de va-et-vient entre le réel frustrant, l’imaginaire pathologique et le réel de substitution en attente. Du point de vue politique les malades de ce type lorsquils arrivent à avoir une influence ou un poste d’autorité de très haut niveau sont terriblement dangerux car comme nous pouvons le voir avec l’attitude des fédiériens, toutes tendances confondues, ils sont par leur caractère énigmatique et faussement savant éminemment séducteurs.Nous ajouterons pour faire bonne mesure que Heidegger sachant au printemps 45 que la première tentative de réaliser son « grand dessein » est fichue , s’empresse de désavouer Hitler et toute l’équipe de brigands qu’il a, lui Heidegger, conrtibué à mettre en place et à qui il a prodigué  » un effort soutenu durant les sept dernières années » (lettre à Elfriede du 11 mars 1945.

    Nous parlerons du commentaire de Hadrien France -Lanord prochainement;
    Michel Bel
    J’approuve entièrement ce texte.
    MB

    Rédigé par : bel | le 12/02/2006 à 12:01 | Répondre | Modifier
  13. Cher Michel Bel,
    je vous remercie d’abord pour votre message du 10.02, qui a le mérite de montrer que Heidegger -y compris « votre » Heidegger- n’est pas sorti tout armé de la cuisse de Jupiter, mais s’inscrit dans l’histoire du pangermanisme et des « liaisons dangeureuses » de la philosophie allemande et de la politique, depuis le Discours à la nation allemande au moins.
    Pour le reste…j’y reviendrai.
    Vous qui avez assez de courage et/ou de folie pour vous plonger dans autant de lectures peu ragoutantes (j’ai le plus grand mal à seulement ouvrir la revue l’Infini), auriez-vous lu les ouvrages de Marcel Conche sur Heidegger ? Il en a écrit plusieurs : « Heidegger résistant », « Heidegger inconsidéré », et le dernier, « Heidegger par gros temps », qui fait parler de lui chez des gens qui n’augurent rien de bon pour moi…
    Mais peut-être est-ce une fausse impression.
    A vous,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 12/02/2006 à 14:14 | Répondre | Modifier
  14. Cher Monsieur, j’ai envoyé un article au journal Le Monde , qui n’est pas passé. Comme il répond à votre question le blog de Skildy en aura la primeur.

    Article:

    De Faye à Heidegger : que la vérité éclate !

    I

    Les politiques de l’amitié conduisent parfois à la justification du pire. Il semble que ce phénomène se soit produit avec les philosophes français admirateurs de Heidegger. Il suffit de comparer les écrits de Jean Beaufret, de François Fédier, de Marcel Conche, de Froment-Meurice et de Jean-François Mattei avec les apports de « faits heideggériens» colligés par Emmanuel Faye dans son livre Heidegger : l’introduction du nazisme dans la philosophie et dans son article du Monde-débats du 5 janvier 2006 s’appuyant essentiellement sur les lettres de Martin Heidegger à Elfriede Petri, pour en avoir une conscience claire.

    Il n’est pas inutile aujourd’hui de confronter le résultat de ses recherches aux écrits de Marcel Conche par exemple. Ce professeur émérite qui, selon ses confidences, essaye de « vivre en grec », comme le faisait Marcel Jouhandeau en son temps, a publié en 1996 et 1997 deux petites plaquettes qu’il a réunies en un seul volume en 2004 sous le titre : Heidegger par gros temps. L’ouvrage a été publié dans la collection Les cahiers de l’égaré. Est-ce un symbole ? Dans le chapitre I intitulé Heidegger résistant on peut lire notamment : « Comme il n’y a pas de trace de racisme et d’antisémitisme dans tous les discours, allocutions, leçons, conférences ou propos de Heidegger, recteur ou non, il faut dire en conclusion que le caractère de « national-socialiste » est une épithète qui ne lui convient à aucun moment. Membre du parti national-socialiste, sans doute ne l’est-il resté que par prudence. » (1996, p.48). Les écrits de Heidegger mis en évidence par Emmanuel Faye en 2005 et en 2006 démentent ces propos dans leur intégralité.

    Dans le chapitre II intitulé Heidegger inconsidéré écrit l’année suivante, Conche récidive en ajoutant une couche de repeint supplémentaire : « Il n’y a aucune raison d’identifier chez Heidegger un quelconque antisémitisme, fût-ce à l’état de « traces » » (p.77).
    Ainsi, c’est donc une affaire entendue Heidegger ne pouvait être ni « antisémite » ni « national-socialiste » par adhésion profonde au mouvement. La contre-vérité est flagrante. Est-ce pour donner un semblant d’autorité à son argumentation fallacieuse que Conche dédie sa plaidoirie à Maître Vergès ? Il n’hésite pas, non plus à prendre pour gage et pour référence Alphonse de Châteaubriant, le créateur du journal collaborationniste La gerbe et l’introducteur privilégié des idées nazies en France avec son essai laudatif sur le régime répressif hitlérien : La gerbe des forces. (Grasset 1937) p.53.

    Je ne m’attarderai pas sur les considérations insoutenables de Conche relatives à l’usage heideggérien du mot « Verjudung » (« enjuivement »). Elles sont de la même veine que celle des articles révisionnistes ou négationnistes auxquels une certaine presse nous a hélas ! habitués. Je rappellerai simplement que le mot « Verjudung » faisait déjà partie du patrimoine lexical de Heidegger en 1915 comme le prouvent ses lettres à Elfriede. Lettres choisies que sa petite fille Gertrud a publiées en 2005 avec la bénédiction de son oncle Hermann Heidegger qui n’est autre que le légataire universel des archives Heidegger à Marbach.

    II
    Je m’attacherai plutôt à des propos qui sont autrement plus graves relatifs à l’essence du nazisme lui-même. Pour disculper Heidegger, Conche écrit, page 82, à la fin de son livre, – argument suprême sans doute, car on garde toujours le meilleur pour la fin – : « l’extermination des juifs(…) fut mise en œuvre à partir du 22 juin 1941comme un corollaire de l’opération Barbarossa » [ce qui est vrai, mais écoutons ce qui suit] (p.84) « le national-socialisme comme tel n’a pas grand chose à voir avec Auschwitz. A la différence du fascisme, c’est une doctrine raciste, antisémite. Il s’agit de purifier la race germanique-nordique-de la contamination juive. Cela conduit à l’apartheid, puis à l’idée d’expulser les juifs du sol allemand : les nazis songèrent à les déporter à Madagascar. De là à les exterminer, il y a un abîme. L’extermination a tenu à la seule décision d’Hitler, qu’il a prise non en tant que national-socialiste (il n’en est pas question dans Mein Kampf), mais seulement en tant que Führer. (…) Dire Heidegger « nazi », c’est exonérer le nazisme du racisme et de l’antisémitisme – dont Heidegger est exempt- ; demander à Heidegger de « penser Auschwitz », c’est à dire de l’insérer dans un processus de quasi intelligibilité, c’est exonérer Hitler d’une faute sans exemple. » (1997- 2004)

    Or, que constatons-nous ? Non seulement que Heidegger n’est pas « exempt de racisme et d’antisémitisme » comme le prouvent ses cours de 33-34, les lettres à Elfriede et ses prises de position politiques – appeler à plébisciter Hitler en novembre 1933 et signer en tant que recteur un décret supprimant les bourses d’étude aux étudiants juifs (cf. Raoul Hilberg), ce n’est pas être hostile au racisme ni à l’antisémitisme que l’on sache-, mais encore, qu’oser affirmer : « l’extermination des juifs en tant que corollaire de la guerre ne se trouve pas dans Mein Kampf », est un mensonge éhonté ; c’est avoir fort mal lu cet ouvrage de propagande immonde qui préconise ouvertement : « tandis que les meilleurs tombent sur le front, de s’occuper à l’arrière de détruire la vermine » (NEL p.170), d’ « employer sans ménagement tous les moyens de la force armée pour exterminer cette pestilence » (p.170-171), « d’avoir recours à une extermination impitoyable des derniers tenants d’une idée pour arrêter sa propagation » (p.171) [l’Idée désigne ici à la fois « le marxisme et le judaïsme »].

    Ou monsieur Conche ne sait pas lire ou il a eu accès à une édition tronquée de Mein Kampf. Il faut croire qu’elle était sérieusement tronquée, ce qui est grave chez quelqu’un qui prétend donner des leçons aux autres , puisqu’il manque aussi ce passage capital du dernier chapitre du tome II portant sur « le droit de légitime défense » : « Si l’on avait au début et au cours de la guerre, tenu une seule fois douze ou quinze mille de ces Hébreux corrupteurs du peuple sous les gaz empoisonnés que des centaines de milliers de nos meilleurs travailleurs allemands de toute origine et de toutes professions ont dû endurer sur le front, le sacrifice de millions d’hommes n’eût pas été vain. Au contraire si l’on s’était débarrassé à temps de ces quelques douze mille coquins, on aurait peut-être sauvé l’existence d’un million de bons et braves Allemands pleins d’avenir. Mais la science politique de la bourgeoisie (…) proclamait (…) que l’on ne devait pas y toucher ».

    On ne sera pas étonné dans ces conditions que Conche s’emploie également à dédouaner Heidegger de sa ruse qui consiste à justifier l’extermination nazie en assimilant « l’essence » de « la fabrication des cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’extermination » à celle de « l’agriculture motorisée ». Non seulement l’agriculture motorisée n’a rien à voir avec les chambres à gaz et les camps d’extermination, ces phénomènes ne relèvent nullement de la même « essence », mais encore leur existence ne saurait en aucun cas être justifiée parce qu’il a existé des horreurs du même type telles que « le blocus et la réduction des pays à la famine ou encore la fabrication de bombes à hydrogène ». Le fait que l’horreur a de multiples facettes n’autorise nullement à exonérer l’une d’entre elles sous prétexte que les autres existent.

    Non seulement Heidegger a adhéré officiellement au nazisme en pleine connaissance de cause en 1933 bien qu’il ait prétendu, paraît-il, ne jamais avoir lu Mein Kampf, mais sa tentative maladroite et malhonnête pour disculper les horreurs de ce régime politique exterminateur prouve qu’il était totalement en accord avec la décision d’extermination, et pis encore avec sa programmation. A qui fera-t-on croire que Heidegger ne savait pas que la politique d’Hitler avait pour seule fin la réalisation d’un Etat raciste d’une radicalité extrême? A qui fera-t-on croire qu’il n’avait pas connaissance des visées d’Hitler quand il le plébiscitait et qu’il investissait toute son énergie et toute son autorité de recteur pour inviter les ouvriers et les étudiants à voter pour le Führer. L’extermination comme l’a écrit Hitler est bien la finalité essentielle du national-socialisme, sa « mission » inscrite en toutes lettres dans Mein Kampf et non comme veut le faire croire Marcel Conche « la solution « finale » apportée au problème ancien de l’élimination des Juifs» (p.82) mission qui en aucun cas ne pourrait être considéré comme sa spécificité. Le combat mené par le national-socialisme a pour but de « montrer aux autres peuples », dit Mein Kampf « la voie où ils doivent s’engager pour le salut d’une humanité aryenne militante » (NEL p.637-638) ce « combat » mené « contre son plus mortel ennemi » (le Juif) doit être perçu « comme une étoile annonciatrice des temps nouveaux » (NEL p.637). Retenons le terme de « salut ».
    En 1937, quatre ans après la prise de pouvoir par les nazis, , en collaboration étroite avec Alphonse de Chateaubriant, avec Edouard Spenlé futur glorificateur de la Nouvelle Sorbonne nazifiée, aux côtés du maire nazi de Fribourg, Kerber, Heidegger a lancé son appel à la France pour qu’elle collabore avec l’Allemagne hitlérienne au « salut de l’Occident ».
    En 1941 dans le cours sur les Concepts de fond il fait état de prises de « décision imminentes » juste avant la conférence de Wannsee et parle de « planification » « pour des millénaires ».
    En 1942 dans le commentaire de Der Ister (Le feu) il a donné l’ordre de mettre le feu au « bûcher » dont il avait demandé depuis 1930 la préparation patiente en utilisant « du bois approprié et choisi, jusqu’à ce qu’il prenne feu enfin » (Cours sur la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel ) en citant ces vers du poète Hölderlin qu’il considère comme le prophète de la Germanie:
    « Jetzt , komme Feuer » « Viens, maintenant feu ! »
    Le verbe est à l’impératif. Il s’agit bien d’un ordre. La décision finale n’a pas été seulement prise, elle a aussi été ordonnée. Ces paroles ont été prononcées au début du semestre d’été 1942. A la fin de l’été, -témoignage du commandant d’Auschwitz, Höss- le premier bûcher humain (constitué avec du bois approprié et choisi) fut allumé à Auschwitz. Naturellement cet ordre est placé par Heidegger dans la bouche de Hölderlin, mais on sait depuis longtemps, et notamment depuis « Pourquoi nous restons en province » que Heidegger ne prend jamais le risque d’exposer sa décision ouvertement, il fait parler les autres à sa place. Exercice de ventriloquie dans lequel il est passé maître depuis 1908 alors qu’il était encore militant du Gral, et qui a pour fin de le mettre à l’abri de toute condamnation éventuelle ultérieure.
    L’appel de la France à la participation au salut de l’Occident et l’ordre de mise à feu des bûchers sont suffisants pour comprendre le silence dont il a fait preuve devant Auschwitz. Sa complaisance élogieuse pour le récit d’extermination par le feu dans son commentaire de Trakl en 1953 et son apologie de la criminalité et de la cruauté présente dans les écrits d’Abraham a Sancta Clara, en 1964, apportent une confirmation éclatante de cette position.Coïncidence étonnante : c’est l’année même où il publie ses commentaires sur Trakl (quatre ans après les conférences de Brême faisant référence à l’agriculture motorisée), qu’il fait éditer conjointement Etre et Temps et l’Introduction à la métaphysique pour « remettre en marche », disait-il, « le peuple allemand » et pour redonner vie à « ce grand dessein ».

    III

    Quand on suit attentivement, en respectant la chronologie, les actes et les paroles de Heidegger de 1906 à 1976, en les mettant en rapport avec les événements du III° Reich, tous ces faits conduisent à penser que le véritable fondateur du Reich ne fut peut-être pas Hitler seul mais, comme le laisse entendre Mein Kampf, en parlant sans cesse des rapports de « l’homme politique » et du « philosophe porteur d’une conception du monde nouvelle », la syzygie Heidegger-Hitler. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre le journal des étudiants nazis Der Alemanne lors de l’adhésion « officielle » de Martin Heidegger au NSDAP en 1933. Les étudiants rappelèrent à cette occasion le rôle joué par Heidegger dans le mouvement nazi depuis ses heures les plus difficiles. Il serait temps qu’on tire la conclusion qui s’impose. Et qu’on se décide à comprendre ce que Heidegger voulait dire en 1927 en publiant Etre et temps lorsqu’à la suite de Paul Yorck il évoquait l’importance des « sources cachées de l’histoire ». Naturellement ces propos éraient placés dans la bouche de Paul Yorck dont Rothacker venait de publier la correspondance avec Dilthey. On sait quel rôle jouera Rothacker dans le Handbuch der Philosophie et quelle teneur auront ses « Contributions » prohitlériennes (Beiträge).

    En fait le rôle d’Hitler semble s’être limité à une fonction précise, capitale certes, mais subordonnée à celle du philosophe, du fait de « l’insuffisance de son instruction scolaire» (M.K. p.221): assurer « la réalisation du programme » tracé par le « philosophe » (Mein Kampf p. 209) ; le dit philosophe étant créateur d’une « conception philosophique nouvelle d’une importance fondamentale » (Mein Kampf NEL p.371-383), « une nouvelle conception philosophique animée d’une impétueuse volonté de conquête et s’opposant au marxisme » (M.K. NEL p.174) «pour le triomphe de laquelle il [fallait] mener le combat » (M.K. p.173). « A celui qui a reçu la révélation il faut adjoindre celui qui connaît l’âme du peuple. », ajoutait-il. (M.K. NEL p.379). Grâce aux lettres envoyées à Elfriede et à Jaspers nous en savons un peu plus aujourd’hui sur l’ « Offenbarung » et sur l’ « Offenbarkeit » de Heiddegger. Depuis trente ans je n’ai cessé de m’efforcer de faire découvrir cette position dans les divers forums où je suis intervenu. En vain. Boileau, en son temps, avait déjà constaté : « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable ». C’est toujours d’actualité.

    C’est la raison pour laquelle il faut remercier Emmanuel Faye d’avoir avec courage ouvert le portail de l’histoire pour faire accéder à son parcours souterrain ceux qui ne l’ont pas encore découvert. Ce n’est certes qu’un début mais il est éminemment prometteur. La grotte « Heidegger » du National-socialisme a encore bien des secrets à révéler sur l’équipe du Handbuch der Philosophie, sur la nuit des longs couteaux, sur le « dernier dieu », sur les « Beiträge » et sur la « poésie » de Heidegger. Lorsque la vérité est révélée trop brusquement, compte tenu du formatage des esprits elle n’est pas crue. Tout vient à point à qui sait attendre. Il suffit d’être patient. Mais si les philosophes avaient un peu mieux appris à lire et ne s’étaient pas adonnés à une « politique de l’amitié » éminemment révisionniste, voire dans certains cas négationniste, on aurait pu faire l’économie de soixante ans d’erreurs et de mensonges. Tous ceux qui ont voulu dire la vérité sur Heidegger en ont fait les frais. Il serait temps que ça cesse.

    Michel BEL 08.01.2006
    michel.mb@wanadoo.fr

    Comme vous le voyez, il est bon quelquefois d’exhumer les manuscrits des placards.

    J’approuve intégralement ce texte.
    mb

    Rédigé par : bel | le 12/02/2006 à 17:50 | Répondre | Modifier
  15. Le phiblogZophe ne peut pas suivre Michel Bel quand il dépeint Heidegger en véritable pape du IIIe Reich. Nous estimons que le rôle de Heidegger est plus intéressant à étudier en tant qu’il s’exerce dans le « ciel des idées ». Il n’est ni anté-christ ni donc anté-pape. Son rôle doit être compris dans le cadre d’un dispositif totalitaire. Son efficace, pour être évalué, n’a pas besoin d’être intégré à une machine de pouvoir « classique ». C’est au reste pourquoi le véritable danger Heidegger est devant nous.

    Le phiblogZophe

    Je vous remercie Monsieur Er, de faire avancer le débat sur Heidegger qui stagne depuis 1945. Ni l’interprétation libérale, ni l’interprétation marxiste de l’histoire ne peuvent rendre compte du national socialisme. Non pas qu’elles soient inutiles mais elles sont insuffisantes. On ne peut pas avancer d’un pouce sans une interprétation psychanalytique et une interprétation ésotérique. Poliakov a bien vu la psychose nazie. W. Reich a bien compris un aspect important de la peste brune. Joachim Fest a bien vu le rôle de certains intellectuels, mais aucun n’est allé assez loin. Ils n’ont gravi la pyramide du national socialisme que jusqu’à mi-pente. Chacun a bien vu les anneaux du ténia mais aucun n’est allé jusqu’à la tête. Et pourtant tout est dit par Hitler, par Baümler , par Heidegger et par Der Alemanne. Mais chez les historiens et chez les philosophes personne ne veut écouter, personne ne veut entendre et surtout personne ne veut s’imposer le travail énorme de lire l’oeuvre de Heidegger dans le contexte approfondi du nazisme.

    C’est la raison pour laquelle j’ai applaudi très fort quand Emmanuel Faye après son père et après Farias a eu le courage de mettre les pieds dans le plat. Il faudra du temps pour reformater toute l’intelligentsia française et je ne crois pas que ceux qui sont près de la retraite aujourd’hui changent d’avis. Ce serait trop leur demander. Le courrier que j’adresse à plusieurs d’entre eux depuis des années ne reçoit que des réponses biaisées ou mieux, pas de réponse dutout. Qu’on me traite par le mépris , ça m’est égal mais que la thèse que je défends ne soit même pas examinée, c’est la pire des sottises. Les historiens américains envisagent toutes les hypothèses historiques même celles qui paraissent au premier abord, apparemment, absurdes. En France on n’a pas de temps à perdre pour cela. Et c’est bien regrettable. Pensez-donc ! On sait, alors pourquoi chercherait-on? Au début du XVII° siècle tout le monde savait que le soleil tournait autour de la Terre. ça se voyait. Alors Galilée était un con. Pire un hérétique. Seul Descartes et avec d’infinies précautions (« Larvatus prodeo ») osa-t-il se rallier à son travail d’observateur et de mathématicien. Moi qui dis ouvertement depuis bientôt vingt ans, en m’appuyant sur une série d’écrits nazis concordants et sur une approche historique et philosophique assez fine que Heidegger est le fondateur idéologique du nazisme, je passe pour un cinglé car tout le monde sait qu’il s’est rallié au nazisme en 1933 seulement et que jusqu’à cette date il n’a jamais fait de politique. Tout le monde le sait, oui, mais personne ne sait rien. Il ne faut pas se contenter des déclarations et des apparences . Il faut aller y voir de près. Il faut apprendre à décoder le discours crypté de Heidegger, suivre son errance et sa souffrance d’adolescent banni moralement pour raison de moeurs, étudier la stratégie de sa vengeance. Mais tout cela n’a rien de philosophique n’est-ce pas? Heidegger est un grand philosophe. Sa vie commence avec Être et temps. Il est né par génération spontanée. Il n’avait aucun contact avec Hitler avant 1933. D’ailleurs Hitler n’aurait rien compris à ce qu’il disait ou à ce qu’il écrivait. Etc, etc, etc…La cohorte des préjugés n’a jamais été remise en cause. Et pour cause. On savait. Et quand on sait, on sait. N’est-ce pas? Attitude regrettable de la part d’universitaires et d’ historiens qu’on veut croire sérieux.

    Mais tout le monde sent bien que l’hypothèse d’un Hitler séducteur, soumettant à lui tout seul l’Université, l’armée, les banquiers, la noblesse terrienne, ça ne marche pas. Tout le monde sent bien qu’Hitler, sans culture, n’est qu’un pantin dont on tire les ficelles. Tout le monde sent bien que la tête dirigeante du Reich est restée secrète et habilement dissimulée, conformément aux préceptes de Langbehn et de son Rembrandt éducateur. Pensez-donc ! qui aurait été assez fou pour aller s’afficher publiquement en disant: » En tant que chef d’Etat je vais réaliser le génocide des juifs ». Même la solution finale est restée éminemment secrète. Seul un pantin vaniteux comme Hitler, ayant une confiance totale en ceux qui le dirigeaient, pouvait accepter d’endosser une monstruosité semblable. Il faut voir ce qu’on lui a fait lire après la nuit des longs couteaux. Et il a accepté. Pensez-donc! Lui, le roturier sans culture et sans fortune, humilié par le refus de l’Ecole d’architecture, on lui avait promis de devenir chef d’Etat! Et c’étaient des intellectuels qui le lui disaient! Des gens très instruits qui ne l’avaient pas repoussé quand il s’était présenté au parti. Comment ne les aurait-il pas crus! La carotte fait marcher les ânes. On lui avait dit que son action réaliserait la « mission historique » dévolue aux Allemands. Comment ne leur aurait-il pas fait confiance ! La même vanité animait les Goering, les Eicke, les Rosenberg, les Hess, les Bormann, mais l’ « état major des intellectuels », pour reprendre l’expression d’Hitler, lui, restait dans l’ombre.

    Comment Hitler poussé par l’Armée, soutenu par des intellectuels de haut niveau, « tout ce monde instruit » comme il dit dans Mein Kampf, n’aurait-il pas accepté pour obtenir la gloire et l’admiration de tous de conduire le gouvernement le plus criminel de l’histoire? Il allait être le grand libérateur de la Germanie. Il allait débarrasser l’Europe et le monde de la « vermine ». Quel esprit quelque peu simplet aurait pu résister à une telle tentation ?

    Et pendant ce temps-là, l’éminence grise convaincue de la nécessité de sa « mission » de salut, en relation avec l’armée, par sa belle famille, avec la noblesse terrienne par Dilthey, Rothacker et Max Scheler interposés, travaillait au conditionnement idéologique de la grande Allemagne et préparait dans le plus grand secret les plans de conquête et de destruction. Ce n’est pas un hasard si Heidegger nous dit dans Être et temps en citant le comte Paul Yorck que « La connaissance de l’histoire est, pour sa meilleure part, connaissance de sources cachées » et qu’ »avec l’histoire il en va ainsi que le principal n’est pas ce qui fait du tapage et ce qui saute aux yeux. De même que les nerfs sont invisibles, l’essentiel ne se voit pas à l’oeil nu ». (NRF p.466). Et dans le cours de 1937 sur l’Eternel retour du même: « Ce qui commence et se produit ici, s’accomplit dans le plus grand silence, et demeurera longtemps caché, pour la plupart; de cette histoire-là pas un mot ne passera dans les livres d’histoire ». (NRF, Nietzsche I, P.221). Et de citer le mot de Nietzsche:  » Les paroles les plus sourdes sont celles qui apportent la tempête. Des pensées qui s’avancent à pas de colombes, dirigent le monde ». (p.221). Ces paroles auraient dû mettre la puce à l’oreille depuis longtemps à nos intellectuels. Eh bien non. Bel est toujours un esprit « dérangé » qui doit se soigner et eux sont intelligents et ont le savoir. Un universitaire dont je tairai le nom m’a même recommandé de prendre des pilules roses. Pourquoi roses? En prenait-il pour son propre compte? Allez savoir. Vous pourrez comprendre facilement que dans ces conditions je n’ai pas eu envie de publier mes recherches trop tôt. A quoi cela sert-il de se faire insulter quand les esprits ne sont pas prêts pour recevoir la vérité. Il faut savoir attendre le moment propice. L’abcès commence à murir. La saison des fruits va bientôt arriver. L’heideggério-lâtrie et la guest-o-manie la préparent malgré elles. Les écrits vénéneux de Heidegger sont de plus en plus connus. Le temps vient où la véritable Kehre va apparaître. L’ordinateur la diffusera dans le monde entier. Je ne remercierai jamais assez Emmanuel Faye d’avoir eu le courage, par amour pour la vérité, de rompre le cercle des illusions et du grand mensonge universitaire.

    Nous parlerons des notes de lecture de Hadrien France-Lanord sur « La dévastation et l’attente » un peu plus tard. Ceux qui savent écouter ce titre ont déjà perçu tout son sens dans l’effet « yau de poêle »
    michel bel
    J’approuve ce texte
    MB

    Rédigé par : bel | le 12/02/2006 à 20:04 | Répondre | Modifier
  16. Monsieur Bel , vous savez que la science historique en est une qui souhaite se nourrir de certitudes ; et la thèse que vous défendez ne s’appuie que sur des suppositions et des analogies assez improbables! Comment pouvez-vous nous demander de croire à de telles hypothèses sans aucune preuve à l’appui? Tous les extraits que vous avancez de Hitler comme de Heidegger sont volontairement diffus et équivoques , notamment tous ceux du second dans ses métaphores du feu. Sans vouloir pour une fois m’amuser de vos propos , pourquoi vous étonner que les universitaires aient d’autres chats à fouetter? Rester dans le silence est la seule attitude scientifiquement concevable face à une hypothèse si étonnante! Vous accordez à Heidegger ce qu’il souhaitait de plus cher en politique : être comme son modèle Platon le fûhrer du fûhrer. Mais donnez nous le moindre élément d’une rencontre avant 1933 et nous vous écouterons avec respect!
    Je suis bien plus d’accord avec Skildy –même si ça reste à discuter– quand à un « néo » nazisme heideggerien à partir de 1938 à partir d’une auto relecture; à cet égard la thématique de l’INSURRECTION est particulièrement riche et appelle de longues recherches. Que Heidegger fut nazi est indiscutable. Mais reste à voir si ce nazisme n’en est pas un privé et plus léger en antisémitisme (CAR , DIABLE? QU EST CE QUI AURAIT EMPECHé HEIDEGGER D ETRE PLUS LOQUACE QUAND A SA HAINE DES JUIFS A L’EPOQUE OU CELA ETAIT ENCOURAGé?)
    Là où, à mon sens le nazisme heideggerien est le plus visible est dans son souhait d’ »innocenter le devenir » et les extrémités de la « machination » , du « gestell » , que d’aucuns auront reconnus dans les camps d’extermination. A ce niveau , c’est probablement la thématique de la « sérénité » qui est la plus suspecte. Et elle apparaît nettement dans « la dévastation et l’attente » : elle est abjecte.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 12/02/2006 à 22:00 | Répondre | Modifier
  17. Je tiens à signaler l’ouverture d’un autre blog à ce sujet , pas du tout concurrent :mais complémentaire
    http://www.heidegger.over-blog.com
    Merci à vous Skildy si vous laissez me faire cette communication.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 12/02/2006 à 22:22 | Répondre | Modifier
  18. A Stephane Domeracki,

    .
    Les nazis étaient des négationnistes en temps réel… Dans les transports les juifs devenaient de la « marchandise ». Et Heidegger était bien trop malin pour compromettre son pouvoir en mêlant sa voix au « on » antisémite.
    Il ontologise le plus possible la doctrine. C’est ainsi que, mais cela resterait à établir plus sûrement, le Gestell aurait quelque chose à voir avec « l’enjuivement ». Et la notion est présente, sinon le mot, dés 1935 dans le GEME.

    A titre d’hypothèse.
    Skildy

    Rédigé par : Skildy | le 12/02/2006 à 22:26 | Répondre | Modifier
  19. Monsieur Domeracki,
    Heidegger avait raison : les nerfs ne se voient pas. On ne voit que l’apparence extérieure du corps. Pourtant ce sont les nerfs qui commandent.
    Vous avez une vision bien primaire de l’histoire Monsieur Doméracki.Les apports indubitables des historiens sont les documents. Tout le reste est interprétation, c’est-à dire tentative de compréhension à partir des documents dont les historiens ont pris connaissance. Ce qui me chagrine c’est que même les historiens les plus chevronnés ne savent pas lire Mein Kampf et notamment les passages relatifs à la formation du parti. Un détail n’est-ce pas?

    Avez-vous remarqué qu’Hitler parle du président du Reich et qu’il ne le nomme jamais. C’est une obligation chez les Armanes. or Hitler était Armane,nous en avons le témoignage, donc, puisqu’il applique la consigne de silence , le président du Reich l’était aussi. Les autres présidents subalternes sont cités.

    Avez-vous remarqué qu’il le désigne par une périphrase? « C’était celui qui avait présidé la conférence de Feder »; or il se trouve que ce président est aussi le philosophe qui indique le but comme réalisable, qui trace le programme et qui indique les moyens pour parvenir aux fins décidées; Que ce philosophe ne présente pas une doctrine dans le style habituel des partis politiques, mais une nouvelle conception du monde pour le triomphe de laquelle il faudra se battre avec fanatisme et se sacrifier? Avez-vous remarqué que dès le départ le partage du pouvoir est établi entre le philosophe et l’homme politique?

    Et puis à quoi bon vous en dire davantage? Lisez Mein Kampf en français et en allemand et en le passant au peigne fin. Vous verrez comment le vocabulaire heideggérien est intégré (ceci n’est visible qu’en allemand). Vous verrez quelle utilisation boiteuse et mal maîtrisée Hitler fait du vocabulaire d’Aristote que le philosophe qu’il fréquente lui a appris. Je vous recommande entre autres « la foi apodictique ». Je ne suis pas tout à fait sûr qu’Hitler ait bien compris ce que ça voulait dire. Et je ne suis pas persuadé qu’il ait bien perçu l’usage du mot « apodictique » chez Kant. En revanche je connais un philosophe qui s’était spécialisé dans la lecture de Kant et d’Aistote et qui déclara en 1933 que le Führer était « la vérité présente et future de l’Allemagne et sa loi.  » Il se pourrait que cette « Wirklichkeit » ait quelque chose à voir avec « la foi apodictique » dont parle Hitler. Mais vous n’êtes pas obligé de me croire. Vous n’êtes pas obligé de me croire non plus si je vous dis qu’on n’a jamais trouvé l’ordre d’Hitler commandant la solution finale par le feu. En revanche l’ordre a bien été donné par Heidegger au début de son commentaire de Der Ister. Vous n’êtes pas obligé de croire non plus qu’il s’agissait d’un ordre malgré l’emploi de l’impératif. Quel meilleur camouflage que le commentaire poétique pour réaliser un génocide. Or il se trouve qu’Hölderlin n’est pas aux yeux de Heidegger un poète comme les autres, c’est le prophète de sa « Germanie ». Or que fait un prophète? Il annonce ce qui va se passer. Et dans certains cas pour assurer le salut du peuple, il l’ordonne. Je n’oblige personne à être lucide et à ouvrir davantage l’angle de son intelligence mais oserai-je vous rappeler que si continuer de s’aveugler est un droit, ce n’est pas une obligation.

    Heidegger n’a jamais été un philosophe. Il s’est introduit dans la philosophie à partir d’une autre préoccupation et il en a perverti toute l’histoire pour la faire correpondre à ses fantasmes , à ses craintes et à sa conception du salut. Maintenant si vous voulez persister à voir en lui un philosophe, c’est votre droit. Vous pouvez en faire aussi un martyr du nazisme, si vous le souhaitez – Pourquoi pas? – en décrétant comme les heidéggériens qu’il s’est opposé à Hitler. Vous trouverez bien dans toutes les pierres de sa cathédrale un bout de tesson de déclaration mensongère pour cela. Mais il vous faudra chercher beaucoup. Et il vous faudra vous assurer ensuite qu’il a dit la vérité sur ce qu’il pensait. Et ça, c’est autre chose. Entre ce que dit un acteur de l’histoire, ce qu’il pense et ce qu’il fait, il y a parfois un abîme. Mais ne vous ai-je pas déjà dit que mon but n’était pas de démontrer. On ne démontre rien en histoire. On expose des faits et quand on en a suffisamment pour comprendre on cherche à les relier pour donner une intelligibilité à la période qu’on étudie. je propose une intelligibilité plus haute et plus cohérente du nazisme que celles que nous connaisssons aujourd’hui . Vous n’êtes pas obligé de me croire. Je n’en serai pas vexé. J’écris pour ceux qui veulent comprendre plus finement et qui ne se contentent pas de ficelles superficielles..
    C’et fou ce qu’on a du mal à admettre la vérité quand elle a été bien camouflée. C’est ainsi, je n’y peux rien. Le vrai peut quelque fois n’être pas vraisemblable, avait constaté Bolileau. Et Galilée dut abjurer. Moi j’attends que les yeux de mes contemporains s’ouvrent. Ils s’ouvriront bien peut-être un jour.

    Vous me parlez de la référence à Platon et à Denys. Puis-je vous rappeler qu’il y a une différence très grande entre la situation de Platon vis à vis du tyran et celle de heidegger. Platon s’adresse à un tyran déjà existant. Heidegger, lui, façonne le tyran dont il a besoin por règner en le libérant de l’aveuglement de la caverne et en lui montrant la lumière (enfin, la sienne, ou ce qu’il prend por tel). La situation est radicalemnt différente.

    Vous ne trouvez pas tout de même que le mensonge de « l’aletheia » est un peu gros. il me semble qu’il y a longtemps que les philosophes s’ils étaient authentiques auraient dû se débarrasser de ce mythe dont la seule finalité est d’être criminogène. Mais que voulez-vous les philosophes ont besoin de mythes comme les lapins de luzerne. Ce sont des rongeurs de concepts. Puisque le mot existe la chose doit exister. Heidegger connaissait bien le nominalisme. ll leur a donné du « pseudes » à brouter et du temps qu’ils étaient occupés à ronger le « Dasein « , l’ »aletheia » ou l’ »Ereignis », lui construisait l’histoire à sa manière pour assurer son « salut », pour devenir le dernier dieu et règner en souverain sur la terre entière, après avoir libéré son espace vital des nicht arisch..

    Je ne comprends pas que cela soit si difficile à admettre pour des gens qui sont dotés d’une intelligence normale. Ou bien faut-il avoir, comme le diait Heidegger, un oeil en trop? Entre l’oeil de Heidegger et le mien, il y a tout de même une différence. Sûrement la même que celle qui existait entre les Rayons N de Blondlot et ceux de Pierre et Marie Curie. Souvenez-vous du mal que ces derniers ont eu à faire admettre la radioactivité par l’aréopage universitaire.
    C’est ainsi . On ne change pas la prise de conscience humaine par décret. on ne peut que la sensibiliser, la mettre sur la voie. Mais c’est elle seule qui décide de croire ou non. Nul ne peut se mettre à sa place.
    Je vous souhaite une bonne méditation.
    Je pressens qu’avec vous l’heideggérianité dormira tranquille jusqu’à son retour prochain. Et comme les commencements sont violents pour Heidegger, nous devons sans nul doute nous préparer au pire.

    michel Bel
    J’approuve ce texte.
    MB

    Rédigé par : bel | le 13/02/2006 à 00:56 | Répondre | Modifier
  20. Je souhaite remercier Michel Bel pour sa réponse.
    Je ne puis cependant que rejoindre Skildy dans l’expression de ses réserves, et demander à mon tour des faits. Mais dans la mesure où monsieur Bel annonce un autre travail à venir, je reformulerai plus tard mes demandes d’éclaircissements de manière systématique.
    Je prends note par ailleurs du fait que monsieur Domeracki semble admettre un nazisme heideggérien en 1938, ce qui le placerait au moins sur le plan du contenu à part de MM. Fédier et affiliés, dont il s’est fait sur d’autres blogs l’allié objectif en allant jusqu’à nier l’existence du problème et en insultant de manière toute « parolesdesjouriène » ceux qui avaient le malheur de ne pas se plier à l’argument d’autorité qui consiste à arguer de l’incapacité de notre chère université à traiter du problème posé par le livre de E.Faye pour en nier jusqu’à l’existence.
    A vous,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 13/02/2006 à 11:53 | Répondre | Modifier
  21. Monsieur Er;
    Je souhaite rappeller qu’en aucun cas je nie les traductions apportées par Faye mais qu eje récuse certaines de ses inteprétations les plus hardies. Et je continue de soutenir qu’une grande partie de l’oeuvre heideggerienne n’a que peu à voir avec les décisions tragiques de l’époque , sauff s’il on a recourt comme Monsieur Bel a des extrapolations et des mises en rapport auxquelles on doit donner son assentiment sous peine de passer au mieux pour un imbécile.Parce que si je comprends bien le raisonnement de mon contradicteur , il est le seul sur Terre à avoir été aussi loin dans la compréhension d’un « vrai Heidegger ». Ce type de prétention le met contre son gré à la suite de la bande à Fédier qui s’adjgent semble-t-il aussi cette vérité de l’oeuvre ».
    « Parole des jours » est un monument de mauvaise foi mais certains éléments qui y sont écrits sont vrais. On ne va pas non plus rejeter en bloc toute approche philosophique de Heidegger! Si on le fait , c’est au risque de jeter le bébé avec l’eau du bain. J’ai horrreur des conceptions bipolaires. J’ai moi aussi lu des « résistances » de Heidegger au régime dans le « Nietzsche » notamment.Et pour autant je ne nie pas qu’Heidegger ait été nazi–ce qui est terrible c’est que sa pensée est pour autant tout à fait rigoureuse et impréssionnante, n’en déplaise aux frileux. Que des illuminés d’extrême droite récupère le message abject qui PEUT s’en dégager est regrattable; mais ce ne sont que quelques individus éparpillés. La grande majorité , je le répète , fait quelque chose de tout à fait respectable avec son oeuvre: et n’est ce pas ce que nous interprétons de l’histoire , comme vous le soutenez , qui est le plus important? Le message originel s’il est nauséeux, n’est finalementpas si importante. C’est le palimpseste-Heidegger,recouvert des errances et des illusions de ses lecteurs qui importe. Sans Heidegger , dans une certaine mesure , pas des Gadamer,Marion,Vattimo et Derrida voire Arendt,Jonas,Lévinas et Léo Strauss tels que nous les avons connus.
    C’est cela que moi je retiens : et sans aucun mépris pour les cendres puisque Heidegger n’a évidemment pas été l’instigateur de la Shoah.

    Merci enfin de cesser de mettre en doute l’ »intelligence de vos interlocuteurs », car c’est en fin de compte assez puéril.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 13/02/2006 à 12:41 | Répondre | Modifier
  22. Cher Monsieur Er,
    je vous remercie de votre courtoisie. Elle apporte dans les blogs un climat de sérénité propice à l’échange d’idées, qui, à chaque intervention, est agréable à retrouver.

    Je comprends très bien que vous ne puissiez pas me suivre encore sur le chemin escarpé de la découverte de la vérité historique dans le « non dit » heideggérien. Mais je ne vous en demande pas tant. On ne conquiert pas l’Anapurna à la première escalade. Il faut beaucoup de patience, d’entraînement et beaucoup d’endurance aussi.

    L’essentiel est de commencer. Je vous ai apporté des conclusions. Ce n’est peut-être pas la bonne méthode pour progresser dans une démarche. Mais il est vrai aussi que sans la conclusion on ne sait pas où on va. Tous les philosophes français ont commencé l’approche de Heidegger par Être et temps. J’ai dit que je ne pensais pas que ce soit la bonne méthode et qu’il était peut-être préférable de partir de la petite enfance messkirchienne et des années de séminaire.

    Pourquoi? Parce que quand on veut comprendre la teneur profonde d’une pensée il faut partir de sa génèse. Or la génèse de la pensée de Heidegger est ce qui est resté le plus secret. Disons que dans une vie qui est restée continuellement secrète il y a des moments qui ont été plus secrets que d’autres, plus enfouis. Or Heidegger a fait beaucoup de confidences sur cette période-là. De 1906 à 1926 nous ne savons que peu de choses sur sa vie et sa vraie pensée parce que nous n’avons pas voulu chercher. Et quand on a cherché, dans quelle direction a-t-on cherché et qu’a-t-on voulu connaître exactement? Hugo Ott, Victor Farias,ont été des pionniers en ce domaine. Mais ils ont exploré cette période de sa vie avec des préoccupations très orientées par leurs préoccupations propres, ce qui fait que les investigations n’ont peut-être pas donné tout ce qu’elles auraient dû donner.

    Les recherches des historiens sont analogues aux analyses des laboratoires médicaux. Si l’ordonnance indique un type de recherche à effectuer, le laborantin ne s’intéressera pas à autre chose qu’à ce qu’on lui a demandé de chercher. Et ainsi il risque de passer à côté de quelque chose de capital qu’il n’aura pas su voir ou qui ne lui aura pas été demandé. Ni Farias ni Hugo Ott, à mon avis, n’ont cherché dans la bonne direction. Pourtant ils avaient tous les éléments en main. Seulement voilà quand on ne pressent pas ce qui est déterminant on passe à côté. Il est évidemment plus facile comme le dit Heidegger dans sa conférence sur « Pain et vin » « de découvrir quelque chose après qu’il vous a été indiqué dans quelle direction porter le regard ».

    Tant que les lecteurs du Maître de Messkirch ne voudront pas rattacher la production écrite de Heidegger à sa vie, comme il invite lui-même à le faire, on n’aboutira à rien. Mais je ne veux pas en dire davantage sur ce sujet. J’en ai assez dit tout au long de l’année 2005 sur les différents blogs où je suis intervenu depuis la publication du livre d’Emmanuel Faye. Je répéterai simplement qu’il me paraît souhaitable de faire une lecture symptômale de Heidegger plutôt qu’une lecture littérale. Il y a dans son oeuvre et dans sa vie prises comme un tout indissociable de nombreux symptômes inquiétants de diabolicité radicale au sens moral et politique du terme et non au sens folklorique, dérisoire et ridicule. Pensez à Julien l’Apostat et vous aurez tout compris. Lisez Ibsen à ce sujet. Heidegger du fait de sa participation à la revue « Gral » connaissait bien sa pièce de théâtre sur Julien.

    Vous pouvez vous souvenir qu’en 1919 Heidegger alors âgé de trente ans, en pleine force de l’âge, a dit à Engelbert Krebs qu’il ne substituerait pas à « l’univers catholique » « une aigre et stérile querelle d’apostat ». Il avait mieux à faire: substituer au « monde » judéo-chrétien un autre « monde » (le « monde » gréco-germanique façon Heidegger)et tenter de « s’effacer derrière son « monde » comme preuve de sa grandeur réelle.(Sérénité 1955). L’effacement est suggéré en 1955 après l’echec de son projet de monde: le national socialisme, il n’en était pas question en 1933, à l’heure de l’Ereignis, c’est à dire de l’Incarnation de l’Être dans le fantoche Hitler son représentant public exposé aux coups.

    Seulement voilà ,pour atteindre après 1945 l’effacement souhaité, signe de la grandeur de l’ »artiste » , il aurait fallu éviter de faire, en 1933, de ce point de vue, une grosse « bêtise » (et le mot est faible).

    Faites donc une lecture symptômale, monsieur Er, et vous comprendrez mieux ma position. Elle n’a rien d’arbitraire, croyez-moi. Elle est le résultat d’une recherche assidue souvent reprise avec des hypothèses diamétralement opposées, voire divergentes, pour bien m’assurer que je ne faisais pas fausse route.

    je voudrais bien que le Heidegger réel soit ce personnage que nous présente Maxence Caron. Malheureusement dans son panégyrique il a oublié beaucoup de données notamment celles qui concernent le rapport de Heidegger à la violence et à l’histoire de l’Allemagne sous la férule de l’Ordre heideggérien, Ordre dans lequel tout le monde devait prêter serment pour assurer au « hiérarque » un pouvoir absolu et faire de lui un « dieu temporel », le dernier dieu clôturant le cycle de l’éternel retour du même au terme de l’histoire de la métaphysique. Ces choses-là ne s’inventent pas, Monsieur Er, il les a écrites.

    Je vous souhaite une bonne méditation , cher monsieur. Et, par référence à la Politie de Platon, une bonne « résurrection » bien que nous ne soyons plus en Pamphilie et pas encore, ou peut-être même jamais, dans les « îles des Bienheureux ».

    Michel Bel
    J’approuve ce texte.
    MB

    Rédigé par : bel | le 13/02/2006 à 18:35 | Répondre | Modifier
  23. L’approche globale de Heidegger nécessitée par la volonté de répondre aux questions posées m’a fait différer le compte-rendu des notes de lecture d’Hadrien France Lanord. Je rattrape donc mon retard.

    Pages 71 à 111: quarante pages de trop. Les pages sur la mort, sur « l’aître », sur le travail de Heidegger dans la langue allemande, sur Schelling et son rapport au mal, sur « l’extermination », sur « l’urgence » et « la nécessité », sur ce qui est allemand , sur « la prétendue « rupture de Heidegger avec les régimes totalitaires dont le nazisme », sur le non nationalisme de Heideger, sur les cadavres d’Auschwitz, sur le « meurent-ils? » de Heidegger, sur le « nihilisme » et de surcroît, son dédain injustifié vis à vis de la traduction de « Die Armut » par Lacoue-Labarthe rendent Hadrien France-Lanord, le prétendu « philologue pensant » aussi odieux que son maître Heidegger lors des entretiens de Davos, du cours sur les Concepts fondamentaux, pour ne rien dire de son attitude méprisante vis à vis de Husserl à la fin du cours de 1928 sur les problèmes fondamentaux de la phénoménologie(NRf p.394). Il n’est pas nécessaire de commenter. Le lecteur attentif qui ne se laisse pas prendre au piège d’une prétendue supériorité apparente, verra vite à qui il a à faire. Morgue , dévastation et fausse compétence prétentieuse se disputent le bout de gras que monsieur Hermann Heidegger les a autorisés à ronger. Il se pourrait que le ressort de la tapette se referme durement emprisonnant la prétention insolente de leur auteur sous la frappe impartiale de la critique.
    Ce ne serait entre nous que pour le plus grand bien de ce révisionniste dédaigneux.
    Michel Bel
    J’approuve ce texte.
    MB

    Rédigé par : bel | le 13/02/2006 à 19:35 | Répondre | Modifier
  24. Cher Monsieur Domeracki, c’est bien mal connaître Michel Bel que de lui prêter les intentions et les sentiments que vous lui prêtez. Il n’y a aucun dogmatisme dans ma pensée, simplement le fruit d’une recherche assidue se heurtant pour toutes les hypothèses basses à des apories desquelles il faut bien se décider à sortir si on veut comprendre quelque chose à cette période monstrueuse. C’est en cherchant du côté de Reimer, de George, de Lamprecht, de Bernardi , de Langbehn , de Maximilien Yorck von Wartenburg, le frère de Paul, de Dilthey et de son gendre Misch, de Lange et de quelques autres grosses pointures de la germanité, n’oublions pas Paul de Lagarde, bien sûr, que j’ai commencé à comprendre qui était Heidegger.

    Alors vous savez celui qui voudra me faire avaler qu’Hitler est le fondateur du nazisme, s’appelât-il Kershaw, n’est pas prêt à avoir une oreille attentive de ma part. La constellation intellectuelle, financière et agrarienne qui se trouve derrière Heidegger est trop puissante pour que vous puissiez me faire avaler une couleuvre semblable. Mais les agrariens, les intellectuels et les financiers seuls, réduits à leurs seules initiatives désastreuses jusqu’ à 1932 ne pouvaient rien. Il fallait une tête pensante au sommet de tout ça qui coordonne le tout et qui n’ait pas l’air de le faire. Pour passer aux actes on prit une marionnette vaniteuse, Hitler. Mais la tête réelle , elle, devait donner au monde entier l’apparence d’une compétence jamais égalée, jamais égalable pour justifier l’invasion planétaire et l’anéantissement des prétendus ennemis du genre humain. Et pour qu’elle pût être crue, il fallait qu’elle donnât l’illusion de l’universalité. Quoi de mieux que l’Être pour y parvenir? On pouvait ainsi faire de l’Allemagne la représentante de l’Être comme l’avait pensé Hegel dans sa Philosophie de l’histoire. Il avait été payé pour ça, pour donner une métaphysique à l’Armée prussienne après la victoire des coalisés sur Napoléon. Schelling le suivit dans cette voie. Voie qui, au préalable, avait été inaugurée par Fichte. Je crois que vous n’avez pas encore compris, monsieur Domeracki, à quoi sert la philosophie dans la perspective prussienne.

    Mais Heidegger voyait plus loin que Kant, que Fichte, que Hegel, que Schelling qui avaient déjà tente d’apprivoiser le mal. Après la fuite de l’empereur, ne pouvant plus être idéologue de Cour comme l’avait été Abraham a Sancta Clara en son temps, Heidegger rêva, comme Julien, -et pourquoi pas?- de sauver l’Allemagne en devenant empereur . Mais les remèdes qu’il préconisait étaient tellement radicaux qu’il ne pouvait pas se permettre de les appliquer lui-même. Il avait trop peur de se faire mettre à mort (Cf ses propos sur la Caverne de Platon). Alors il les fit appliquer par son « frère médecin ». Lui se contenta de manier la rhétorique. Et ça marcha grâce à l’argent des grands industriels et des grands agrariens capitalistes. Les techniques employées furent empruntées militairement à tous les grands stratèges sur le plan militaire, Napoléon et Alexandre le Grand inclus. La maîtrise du peuple fut empruntée au Don Carlos de Schiller c’est à dire aux grands d’Espagne. La modération fut empruntée aux chevaliers de Malte que Schiller avait étudiés de très près. Et la technique du marionnettiste à Kleist. Je vous fais grâce d’autres influences, Dostoiesvski, Joseph de Maistre, Taine, Renan, etc…Pour les rapports d’Hitler avec Heidegger à l’intérieur de la caverne, vous me permettrez de réserver mes connaissance sur les sociétés ésotériques germaniques.. Le pouvoir colossal de certaines sociétés secrètes dans ce pays est impensable en France. Leurs rivalités furent balayées en un tournemain après la victoire du communisme en Russie. Peur des grands agrariens commanditaires des Corps-francs, oblige.

    Etes-vous toujours persuadé du caractère prétentieux de michel bel? Si oui, c’est que vous n’avez rien compris à L’Allemagne depuis la création des Chevaliers teutoniques à Brême jusqu’aux « vêpres hitlériennes » sept cents ans plus tard. Mais ceci est une autre histoire..
    J’espère quand même que vous avez compris. Je le souhaite ardemment. Faites, vous aussi, les recherches qui s’imposent et peut-être aboutirez-vous à la même conclusion. Si vous n’y aboutissez pas, alors en toute sérénité nous confronterons nos travaux pour tenter de sortir de l’aporie. Merci de votre recherche.
    Michel bel
    J’approuve ce texte.
    MB

    Rédigé par : bel | le 13/02/2006 à 21:12 | Répondre | Modifier
  25. Je viens de relire, de relire et de relire encore le « dialogue hespérique » du 8 mai 1945. Je suis atterré par la facilité avec laquelle le Heidegger de 56 ans, acculé à la défaite national-socialiste de son combat pour l’Être, denie tout son passé nationaliste depuis au moins les rencontres du Haut Meissner en 1913. : « Le plus âgé: » Nous ne pouvons devenir Allemands, donc habiter en poètes et en penseurs, donc être ceux qui attendent, tant que nous nous lancerons à la poursuite de ce qui est allemand au sens de quelque chose de national. » (p.64)Et quelques lignes plus bas: »Il devient pour nous tout à fait impossible de dire encore, dans l’optique du national et de l’international, ce que nous sommes alors en propre. »

    Considérés donc comme inexistants les cours sur la Germanie, sur le Rhin, sur l’Introduction à la métaphysique, sur les Concepts fondamentaux. Tout cela n’a pas existé. C’est pourtant Heidegger qui a écrit en 1934: « la patrie, c’est l’être lui-même ». C’est pourtant lui qui a écrit: »nous n’apprenons rien aussi difficilement que le libre usage du national » (das Vaterlândische). Certes le national pouvait avoir aussi un autre sens: l’originel. Mais il avait surtout le sens de national. « notre peuple, Notre Dasein ». En 1941 Heidegger écrivait: « Il est nécessaire qu’en cet instant du monde, les Allemands sachent ce qui pourait à l’avenir être exigé d’eux si « l’esprit de leur patrie » doit être « un coeur sacré des peuples. » »(NRF p.24)

    Heidegger refuse d’assumler le passé dans lequel il vient de conduire les Allemands.

    En réalité c’est peut-être moins la nation qu’il rejette que l’étroitesse de ses frontières nouvelles puisque « l’avenir du peuple historial » est toujours présent (p.65) »La moindre des choses à faire est de pouvoir nous rassembler, en nous laissant être dans la détente, nous laisser engager dans l’attente ».(p.65)
    On saura ce que ce discours imprécis et indéterminé veut dire lorsque Heidegger, en 1953,cherchera à re-mobiliset le peuple allemand en publiant conjointement Être et tmps et l’Introduction à la métaphysique afin de bien éclairer le sens du combat et la nécessité de la violence qu’il exige.(Avant propos de Être et temps).
    Contrairement à ce que veut laisser entendre Heidegger en 1945,le dénigrement du « national » ne signifie pas l’exclusion du national, mais au contraire son extension puisque c’est la terre entière qui doit appartenir aux Allemands, comme le dit la Métaphysique de Nietzsche publiée avec l’ensemble de ses cours sur Nietzsche chez Neske en 1961.

    Non seulement Heidegger fait semblant de dénier le « national » pour lequel il a tant milité ouvertement de 1933 à 1945, mais il encore il tente de faire retomber la faute de l’echec sur Hitler seul:  » la manière dont notre propre peuple s’est aveuglément fourvoyé en se laissant conduire dans l’errance est trop lamentable pour que nous ayons le droit de nous prodiguer en lamentations » (p.20) .

    Qui a conduit, en réalité le peuple dans l’errance? il suffit de lire « L’expérience de la pensée » pour le savoir: »Qui pense grandement il lui faut errer grandement » Questions III, p.31.

    Mais nous n’avons pas de souci à nous faire car: « Dans la patience mûrit la grandeurt » (même page). Ne nous attachons donc pas à ce qu’il a pu écrire car: « Ce que l’on énonce en mots n’est jamais, ni dans aucune langue, ce que l’on dit » (p.35). Ce texte date de 1947. Il est postérieur de deux ans au « dialogue hespéride ».

    Naturellement sivous voyez la moindre trace de malignité dans les paroles de Heidegger, c’est que vous êtes mal intentionné.
    Souvenez-vous de Hegel. Le sens de l’histoire qu’il avait élaboré en 1807 a changé brusquement après la chute de Napoléon en 1814. Le pro napoléonien est devenu subiteemnt le prophète de l’Allemagne protestante annonçant le triomphe du luthérianisme sur la catholicité pour des raisons de nécessité conceptuelle.

    Heidegger en revanche gardera toujours son appétit de domination mondiale. Simplement il ne le nommzra plus « national » mais « attente »: »l’endurance de ce que nous adresse l’histoire ne peut être fondée que dans l’attente du venir »(p.65) et dans la « nécessité de retourner dans l’inutile »( p.69). Et « l’inutile » nous le svons c’est le combat pour l¨Être, pour la patrie, pour le « natal ». Le long du chemin de campagne « une tere natale nous est rendue ». Et cette terre natale est la patrie au sens large du mot, la patrie gréco-germanique, c’est-à-dire la grande germanie. Si ce n’est pas du nationalisme, ça, qu’est-ce que c’est?

    Réponse: « De l’heideggérianisme ».
    Eh bien voyons! Nous ne sommes plus en terre nazie, n’est-ce oas?

    Mais qu’est-ce que le nazisme, si ce n’est la conduite allemande du combat pour l’Être dirigé par le penseur Heidegger, comme il le révèle dans son écrit sur l’expérience de la pensée. Il faut réapprendre la nécesité de l’inutile à ceux qui ne penseraient qu’à l’utile sur les décombres encore fumants de l’Allemagne vaincue.. « La nécessité de l’inutile » ! Quel euphémisme pour parler de la visée de l’Être par Heidegger, c’est à dire de la patrie (onto-géo-historiale).

    Il paraît malgré tout ce qui vient d’être vu et rappelé que , selon monsieur Hadrien France-Lanord : « la manière dont Heidegger pense – interprète !- au futur ce qui est allemand n’a donc évidemment rien de commun avec la pseudo détermination nationale-socialiste »(p.100)

    Bien évidemment, voyons! Nous l’avions compris.

    michel bel

    J’approuve ce texte.
    MB

    Rédigé par : bel | le 14/02/2006 à 12:29 | Répondre | Modifier
  26. Réponse à monsieur Domeracki
    votre message du 13.02.2006. 12 : 41

    Monsieur Domeracki,
    comment faites-vous pour savoir que  » Heidegger n’a évidemment pas été l’instigateur de la Shoah »?
    Comment pouvez-vous en être si sûr?
    Pour ma part c’est en lisant son oeuvre très attentivement que j’ai fini par comprendre que certains énoncés n’avaient rien à voir avec le cours ou le commentaire qu’il professait mais renvoyaient à autre chose; c’est en faisant une étude attentive de ces incidentes que j’ai compris qu’elles se répondaient d’un livre , d’une leçon, d’une conférence ou d’un écrit à un autre. La suite chronologique de ces incidentes constitue une chaîne dont la progression apparaît très vite comme indéniable. On commence en 1916 avec la volonté de « trancher » , contemporaine des propos antisémites contenus dans les lettres à Elfriede, et on termine en 1942 avec l’ordre de mise à feu des bûchers. Entre les deux moments se situent toutes les opérations intermédiaires clairement explicitées toujours sous forme d’incidentes , de métaphores ou de références à l’actualité immédiate, au peuple (notre peuple, notre Dasein), à la mission, à la nécessité de la violence, à la corvée de bûches, à la sélection, au marquage, à la frappe , à l’éclaicissement, etc, etc. La philosophie apparente professée cache une oeuvre dont la progression se situe toujours en filigrane, à l’arrière plan. Cette chaîne d’incidentes constitue en fait la direction politique réelle de Heidegger qui à travers ses cours s’adresse non seulement à ses étudiants, mais également à d’autres auditeurs chargés de transmettre les messages à qui de droit. Heidegger attire notre attention sur ce point et sur cette méthode de transmission d’information au début de son cours sur La Germanie.
    Ses cours sont l’exposé de sa conception du monde mais ils sont aussi le lieu de la communication de ses ordres à ses exécutants sans qu’il n’y paraisse. Il n’a pas inventé le procédé mais il l’a appliqué systématiquement. Pour intercepter le message il faut naturellement connaître l’encodage. Ne faisant intervenir ni la poste, ni le téléphone, ni le télégraphe, ni les ordres de mission imprimés, le commanditaire restait inattaquable. Et nous savons par la lettre à Schwoerer qu’il ne voulait « ni tracasseries, ni démêlés ».

    Ces choses-là ne se démontrent pas, monsieur Doméracki, elles se comprennent comme le disait si justement Dilthey. Naturellement la méthode de lecture diffère de celle à laquelle nous ont habitués nos maîtres au lycée ou à l’université.
    Mais cette statistique des incidentes qui laisse apparaître la progression de l’action politique se double d’une lecture symptômale appliquée au style, au vocabulaire, aux thèmes et aux problématiques dont certaines sont apparentes, d’autres, du fait de l’ambiguïté des mots ou des propos, accessibles seulement aux familiers des domaines visés ou des méthodes spécifiques employées.

    Pour découvrir cela il faut une certaine habitude des méthodes symptômales et des problèmes qui se posent dans leurs aires d’application respectives.

    Vous me permettrez de réserver la primeur de ce travail à mes lecteurs ultérieurs. L’indication de cette technique est déjà suffisante pour comprendre beaucoup de choses. La pratique de « l’Oeuvre » qu’il veut « porter à son efficace » avec ses collaborateurs et à laquelle il appelle ses étudiants et ses auditeurs à participer, est cachée derrière l’exposé de la Weltanschauung apparemment philosophique. Car Dionysos, celui qui est deux fois né, est un dieu philosophe ou qui se prétend tel, ou qui cherche à être perçu comme tel. Un dieu qui aspire à sa parousie.

    Êtes-vous toujours aussi sûr, maintenant que Martin Heidegger n’a rien à voir avec la Shoah? Et si c’était lui l’instigateur et le dirigeant suprême avançant et faisant avancer l’Oeuvre, la « mission dévolue aux Allemands », abrité derrière le bouclier de la poésie de Hölderlin et se servant de certains aspects de cette oeuvre littéraire, considérée par lui comme prophétique, pour réaliser la progression par étapes de sa « croisade » marquée du sceau de la Croix gammée.

    Moi, à votre place je ne serais pas aussi sûr de mes évidences. Beaucoup d’évidences se sont dégradées au cours de l’histoire de la pensée car elles n’étaient que des préjugés. L’histoire de la physique en est remplie, celle des mathématiques et celle de la biologie également. Pourquoi ne serait-ce pas aussi vrai en historiographie?
    Je vous souhaite de bonnes lectures symptômales , monsieur Doméracki.
    michel bel
    J’approuve ce texte.
    MB

    Rédigé par : bel | le 14/02/2006 à 21:03 | Répondre | Modifier
  27. JE TROUVE DE GRANDE CHOSE DANS CE DOCUMENT .JE TIENS à VOUS FAIRE PART.
    MERCI, BONNE LECTURE

28 commentaires

  1. Cher Skildy,
    comme il est agréable de voir que plus les lecteurs attentifs s’avancent dans l’oeuvre de heidegger plus ils découvrent son importance incontournable dans l’idéologie du Reich! Encore un petit effort dans un nombre d’ouvrages plus étendu et la question se posera de savoir si Heidegger intellectuellemnt parlant n’a pas été le « pape » de la Germanie telle que la concevait le national socialisme. Que fait un pape quand il veut faire triompher son idéologie sur une autre? Il déclenche des croisades. Qu’a fait Heidegger? En 1933 il a prêché la « mission » qui a déclenché la croisade anti chrétienne national socialiste. Son anti christianisme s’étendait jusqu’aux racines juives. (Influence de Renan oblige)

    Mais cela, il faut que les lecteurs le découvrent peu à peu par leur propre prise de conscience. Pour passer de l’apparence trompeuse à la réalité, il faut du temps, beaucoup de temps sauf si on a lu Machiavel (Le Prince), Racine (Athalie)et Hegel (La constitution de l’Allemagne) qui en font gagner énormément.

    Vous avancez à grands pas sur le chemin de la réalité historique, Monsieur Skildy et je vous félicite. Un petit conseil de lecture si vous me le permettez. Pour bien comprendre les pages 44 et 45 de ce petit ouvrage accepté par Badiou et par Barbara Cassin qui n’est qu’un « stuck » de l’Introduction à la métaphysique , cours professé en 1935, dans lequel Heidegger valorise le « grand dessein » de « construction, d’élimination et d’anéantissement », reportez-vous au texte sur la métaphysique de Nietzsche (Nietzsche II Gallimard p. 255 à 266).Vous comprendrez alors clairement ce que signifie la phrase heideggérienne que Pascal David a traduit ainsi: « Le combat en tant que tel ne fait pas qu’instituer, lui seul préserve l’étant en sa stabilité ». Comment constitue-t-il? Comment préserve-t-il? La réponse est donnée dans Nietzsche II, cinq ans plus tard, en 1940 et, dans la réalité historique, aussitôt après, dès que les « décisions imminentes » pour « le salut de l’Occident » auront été prises.

    Quant aux « créateurs » (poètes, penseurs et hommes politiques) ils ne font que reprendre la trilogie ou plutôt la nouvelle trinité établie dans l’interprétation de la Germanie et du Rhin durant le semestre d’hiver 1934-35. « Le poète, le philosophe, le politique ». Traduisez: Hölderlin, Heidegger, Hitler.

    Tout cela ne fait qu’ actualiser ce qui a été exposé dans Mein Kampf, en long et en large, en 1927, l’année où Heidegger préparait lui aussi le « combat pour l’être » dans Être et temps. La seule différence entre les deux discours est que l’un s’adressait à la masse et l’autre aux intellectuels. Et Hitler pousse la coquetterie jusqu’à nous dire que, pour cette raison, ils ne devaient pas être écrits de la même façon.

    Mais il faut bien sûr lire et lire attentivement pour découvrir tout cela. On ne devra jamais cesser de le dire. Dès qu’on a compris qu’Hitler réalisait le « monde » de Heidegger, le monde conçu et voulu par Heidegger, on n’a aucune peine à comprendre la phrase qui précède: « Un tel se-faire-monde est l’histoire proprement dite. » « Dieses Weltwerden ist die eigentliche Geschichte. »(p.44). Qu’est-ce que l’histoire véritable, l’histoire proprement dite en 1935, si ce n’est la réalisation du « monde  » de Heidegger dans la pratique du national socialisme? C’est cela le monde en devenir, le « Weltwerden ». Et l’extermination est incluse dans le combat, programmée dès le départ afin d’ « assurer le penser contre toutes les conditions de déclin ».(Nietzsche II p. 258).

    Croyez-moi, monsieur Skildy, une fois qu’on a mis le pied à l’étrier ensuite on va vite en besogne. Mais il faut d’abord le lui mettre et monter en selle. Et c’est parfois le plus difficile. Je vous remercie d’être notre compagnon de route.

    michel bel.
    Inutile de vous dire que j’approuve tout ce que j’ai écrit.

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  2. Et la trahison continue,

    le blanchiment de Heidegger se poursuit avec la traduction de nouveaux écrits à la NRF et au Seuil. Après la traduction catastrophique de l’Hymne de Hölderlin: Le Rhin par François Fédier où l’euphémisation le disputait à la sottise, après les discours politiques où le révisionnisme s’était fait valoir de manière grimaçante, voici la traduction « guestienne » de l’Achèvement de la Métaphysique et de la Grammaire du mot être.

    Adéline Froidecourt et Pascal David s’en sont donné à coeur joie.

    L’essence de l’être s’étant raréfiée c’est dans « l’aître de l’être » que nous pataugeons désormais. On barbouille le « Wesen » avec du noir de fumée puisque ce fameux « aître » vient de l' »âtre » et que ce « âtre » se rapporte au « foyer » qui tient désormais lieu d' »être ». L' »âtre » nous dit sans rire Adéline Froidecourt est l’endroit « où est entretenu le feu grâce auquel la maisonnée prend vie ». (p.10). Eh! bien voyons! Comme tout cela est poétique et chaleureux! Or il se trouve que le feu qui se préparait dans la maison Allemagne en 1941 au moment où Heidegger avait prévu de professer son cours du semestre d’hiver sur La métaphysique de Nietzsche qu’il remplaça au dernier moment par « Mémoire », était celui des bûchers remplacés plus tard pour cause d’insuffisance de rendement par les fours crématoires. Ces « fours de boulanger » transformés pour la circonstance en fours de crémation par la firme TOPF et Fils. Le charme du foyer change aussitôt de visage, n’est-ce pas? Certes en 1942 après avoir donné l’ordre de la mise à feu dans le commentaire de Der Ister, Heidegger parlera aussi du « foyer » de sa chère « Antigone » mais l’euphémisation de Heidegger, cet incendiaire rusé, ne justifie nullement l’euphémisation des traducteurs français qui est, à proprement parler, une trahison.

    Après « Innigkeit » traduit par « tendresse » par François Fédier voici maintenant « Wesen » traduit par « aître » par les deux acolytes de Gérard Guest. Adéline Froidecourt se paie même le luxe de parler de « foyer de déploiement » pour traduire essence de la métaphysique.(p.88, 95, etc). On a droit tantôt à l' »aître » tantôt au « foyer de déploiement ». On a du « change » comme ça.

    Mais il y a plus grave encore. Pour rester fidèle à l’esprit de la publication des Ecrits politiques par François Fédier, Pascal David se croit obligé de produire une biographie révisionniste dont se sont désolidarisés Alain Badiou et Barbara Cassin qui l’ont pourtant admis dans leur collection aux éditions du Seuil, et Adéline Froidecourt dénature totalement le texte sur La Métaphysique de Nietzsche. La référence à la race a disparu par rapport à la version de 1961, dans le passage relatif à la justice (p.86). Cette référence subsiste seulement dans la référence aux « races fortes » (P.122). L' »anéantissement  » qui figure en toutes lettres dans la traduction de Klossowski a été remplacé par l' »annihilation » qui n’a ni le même sens ni la même force en français (p.82-83) » L' »élimination » qui préserve en différenciant est le plus haut mode de la conservation . L' »annihilation » est le plus haut mode contraire à conservation et accroissement » (p.83)
    On ne comprend plus rien. Toute la force du vocabulaire nazi a disparu. Et la « Vernichtung » est passée aux oubliettes.
    Il fallait démontrer que Heidegger était un saint, qu’il n’avait eu aucun rapport avec la national socialisme si ce n’est par erreur de jeunesse , la traduction le prouve. (il avait tout de même 44 ans en 1933). La malhonnêteté des traducteurs est à son comble. Il y a longtemps que Goldschmitt l’avait dit, mais personne ne voulait l’écouter. Pascal David et Adéline Froidecourt récidivent.

    Il est vrai que la traduction de L’Introduction à la métaphysique par Gilbert Kahn, en 1967 n’était guère lisible. Mais au moins l’auteur avait-il eu le mérite d’essayer de traduire le jargon heideggérien par la création d’un nouveau jargon français. On peut penser ce qu’on veut de l’opération, elle pouvait paraître excusable dans une perspective surréaliste à cette date, bien qu’elle ne fût pas recommandable puisqu’elle obligeait à se reporter au texte allemand pour comprendre ce qu’avait voulu dire Heidegger dans son « jargonnement » nazi. Car l’Introduction à la métaphysique annonçait déjà fortement la couleur. Mais aujourd’hui il n’y a plus d’excuse.

    Qui sont donc ces révisionnistes qui veulent à tout prix rendre Heidegger plus blanc que neige? De Catherine Malabou à Adeline Froidecourt en passant par Gérard Guest, Pascal David et tous les commensaux du site « Paroles des jours » sans oublier Lehugeur et son hôte le négationniste karnoouh? Qui sont-ils donc ces disciples du négationniste Jean Beaufret et du révisionniste François Fédier? Il faudra bien qu’ils nous disent un jour quel ténia les ronge. Et tous les bien pensants qui ont imposé trois « oeuvres » de Heidegger à l’agrégation de philosophie? Croient-ils pouvoir triompher longtemps par la ruse, par la dissimulation et par le mensonge? S’ils sont attirés par Heidegger, c’est peut-être qu’ils lui ressemblent. « Entende qui a des oreilles pour entendre », disait mon maître à penser, que Heidegger détestait au point de vouloir faire disparaître tous les descendants du peuple dans lequel il était né. Qui sont-ils ces héros de l’imposture qui ne rêvent que d’encenser un assassin ? Il est vrai que la seule arme dont usa Heidegger est la parole. Mais son maître à penser Hegel n’avait-il pas déjà fait savoir au monde que les mots sont des armes? Il serait peut-étre bon de s’en souvenir par les temps qui courent.
    michel bel
    J’approuve entièrement le texte que je viens d’écrire.
    M B

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  3. Cher monsieur Bel,
    pour reprendre notre dialogue à peine esquissé sur le blog de Relatio, je commencerai par saluer la force avec laquelle vous pointez les maquillages et les silences de nos éminences plus grisées que grises-en prenant garde toutefois à ne pas trop généraliser, ne serait-ce que parce que M.Philippe Lacoue-Labarthe, spécialiste mondialement reconnu de Heidegger, a admis dans le « Magazine littéraire » le sérieux du travail de monsieur Faye, accompagné de M. Salanskis, qui a lui aussi écrit un ouvrage sur Heidegger.
    Pour en revenir à ce qui nous oppose, je crois que vos analyses, souvent intéressantes, pourraient cependant fort bien se passer de la thèse d´un Heidegger César Borgia du nazisme. Cette thèse nuit même je pense à la qualité de vos interventions. Elle a le mérite de sembler tout expliquer, mais c’est à mon sens un leurre, une mystique rassurante(et pourquoi pas ? Mais pour le réconfort intérieur, pas dans la recherche historique)mais qui nuit à l’intelligibilité des faits. Il faut admettre que nous ne détenons pas toutes les réponses.
    Les objections sont philologiques d’abord : vous surinterprétez parfois quelque peu les textes que vous citez. Ainsi du passage de « Mein Kampf » où il serait question d’un « philosophe pauvre ». Rien ne dit qu’il renvoie à un individu précis, et encore moins à Heidegger, comme du reste on vous l’a déjà fait remarquer. Si vous avez cependant des informations prouvant que Heidegger a participé dès le début à la contruction du nazisme, alors ce serait déjà une grande oeuvre de votre part que de les livrer au public. Il faudrait des documents plus forts que le systèmes d’échos avec les officines glauques de l’ésotérisme arien par ailleurs éclairants que vous mettez à jour. C’est déjà un point que de voir l’intérêt de Heidegger pour ce type de « recherches ». Auriez-vous des preuves de liens de notre cher teutonophile avec des sociétés du type de la Thule Gesellschaft ? Si c’est le cas ne vous taisez plus, et publiez les sous la forme d’un article.
    Mais c’est au niveau de ses principes mêmes que je crois votre position des plus faibles. Les mots sont certes une arme, mais si ils permettent de dissimuler et de véhiculer une inspiration, ils ne suffisent pas à organiser et à exécuter. On se trouve sinon, paradoxalement ou pas, dans une histoire de la philosophie d’inspiration heideggérienne où c’est la métaphysique qui détermine tout le reste. Je pense que vous confondez, si on veut employer ce vocabulaire là, heidegger et son « Idéal » du moi, ce qu’il fut et ce qu’il a voulu être, ce qui n’est pas une mince erreur.
    Où sont les capacités de stratège qui auraient permis au professeur de Fribourg de diriger la Wehrmacht ? La connaissance du monde de la finance et les relais dans l’industrie allemande nécessaires pour régner sur ces élites là, qui ont l’habitude de régner seules ? Qu’aurait bien pu faire le pauvre Heidegger et sa misérable analyse de la science et de la technique pour le programme nucléaire nazi ? à Peenemünde ?
    Mais le plus grave me semble-t-il est que vous en faires une sorte de génie du mal. Or cela n’existe pas, il s’agit d’une contradiction dans les termes. Ce monsieur appartenait à un mouvement dont tous les membres se voulaient le Guide de quelque chose, et de préférence plus que l’autre prétendant (prétentieux) son voisin, forcément moins indispensable que lui (voir les conflits sanglants entre ces charmants messieurs, entre Goebbels et Goering, entre Heidegger et Krieg). Penser que Heidegger fut le pape du mouvement parce qu’il a dit que les Führer sont eux-mêmes guidés, c’est construire une bien étrange figure, qui je crois l’aurait grandement flatté. Le problème se redouble du fait que si il y a eu un grand méchant loup et un seul, les autres fauves du mouvement semblent en comparaison des maux bien bénins. Je crois que c’est monsieur Domeracki qui est allé jusqu’à vous traiter de révisionniste sur ce site, ce que je ne crois bien entendu pas dans la mesure où votre but n’est pas de réécrire l’histoire de la seconde guerre mondiale à des fins sinistres, mais vous la redoublez d’une épopée heideggérienne qui devrait somme toute en constituer le fondement, d’une manière qui me rappelle comme je l’ai dit un peu trop le « penseur » de Fribourg. Il n’y a pas de monstre ultime dans les organisations criminelles, mais un système des lâchetés.
    La preuve a posteriori en est je pense que le nazisme de ce monsieur est somme toute d’une grande banalité, la barrière du jargon une fois franchie. Ce que vous dites à ce sujet n’apporte d’ailleurs pas grand chose de nouveau, même si ce ne sont pas des thèmes qui connaissent le feu des projecteurs. Ainsi des noces de sang de l’homosexualité et du sadisme : on sait quand même bien ce qu’il en fut de maint dignitaires du régime, même si je n’ai rien pour confirmer ou infirmer vos affirmations sur Heidegger, qui semble bien avoir eu une vie privée disons, agitée. Il y a quelques temps par exemple est sorti un livre sur l’homosexualité de Hitler, par un historien de Brême : « Hitlers Geheimnis », par Lothar Machtan (Alexander Fest, Berlin, 2001). De même pour ces horribles et dérisoires associations « poético »-mystiques d’où est sorti le nazisme.

    Voici donc, cher monsieur Bel, ce qui nous oppose, et ce n’est pas rien. J’espère ne pas vous blesser, car je vois bien la sincérité de votre démarche, nul besoin de préciser que vous approuvez ce que vous dites. Simplement que votre passion ne vous conduise pas à des souffrances inutiles. En effet les alternatives ne sont pas infinies.
    Ou bien vous avez tort dans votre « heideggéro-césarisme », ce qui ne signifie pas que toutes vos analyses sont sans valeur. Je crois bien plutôt que ce sont ces analyses de valeur qui vous font être détesté et craint par certaines des personnalités les plus désagréables qui hantent les blogs, non votre hypothèse de travail que l’on peut trop facilement tourner en dérision (« Qui a peur de Michel Bel ? »).
    Ou vous êtes dans le vrai, ce que je ne crois pas pour les raisons évoquées. En ce cas de deux choses l’une : ou la vérité éclatera, que ce soit de votre fait ou de celui d’un autre, car comme le disait un philosophe interdit par le « mouvement » en pensant on se trouve sans cesse moins seul. Ou la vérité n’éclatera pas. Tant pis, toute l’histoire n’est pas écrite. Il faut s’y faire et se consacrer à ce qui dépend de nous, en nous détachant de ce qui n’en dépend pas.
    Allez donc votre chemin, cher monsieur Bel, et ne souffrez pas.
    Yvon Er.

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  4. Monsieur Er
    vous êtes admirable. Vous me faites penser à quelqu’un qui serait à mi hauteur d’une montagne et qui jugerait qu’il n’y a pas de sommet parce qu’il ne peut pas le voir.

    Cher monsieur, il faut gravir la montagne pour arriver au sommet comme le disait Hegel que j’ai beaucoup fréquenté avant de fréquenter Heidegger. Et gravir la montagne signifie lire Heidegger chronologiquement en passant ses écrits au peigne fin. C’est seulement alors qu’on peut voir se dessiner l’immense plan de domination planétaire qui ne sera révélé qu’en cours d’accomplissement … et encore…

    Ce qui manque aux Français, ce ne sont pas les textes. Nous les avons. C’est le « savoir-lire-les-textes ». Nous glissons sur les mots comme un galet qui ricoche sans les « peser à leur poids plein », pour reprendre une expression chère à Heidegger.

    Pour bien comprendre Heidegger, il ne faut pas le regarder de l’extérieur mais bien pénétrer dans son intimité. La recette est simple. Il suffit de le suivre depuis les jeunes années de Messkirch , de l’accompagner ensuite au foyer Saint Conrad à Constance où il a été déraciné et où il s’est senti humilié et mis au ban. C’est là qu’il a pris conscience que l’image de vilain petit canard qu’on lui avait collée était en réalité celle d’un cygne. Et ce cygne a cherché à se venger de l’humiliation qu’il a subie. D’abord esseulé, il a ensuite rencontré ce qu’il a cru être de vrais amis dans les livres puis progressivement autour de lui. Et de fil en aiguille l’équipe des « créateurs » s’est constituée.

    Si vous savez lire intelligemment les différents curriculum vitae de Heidegger, ce que je crois, et dans leur droit fil, « Mon chemin de pensée et la phénoménologie », vous découvrirez la clé du problème. Vous y découvrirez ce qu’il a fait en 1919 après sa grande illumination de 1911. Des révélations sont également données dans la leçon inaugurale de 1929, puis dans le chapitre sur « le convalescent » dans « l’éternel retour du même » en 1937.

    Toute son oeuvre écrite est une confidence douloureuse. Une tentative de résilience ratée. Hélas! Et dévoyée. Trois fois hélas! Mais c’est ainsi. On ne peut pas refaire l’histoire. Pour comprendre cela il faut un autre regard que celui du philosophe. Il faut que le philosophe soit aussi psychanaliste et que ses grilles de lecture psychanalytiques sortent des sentiers battus de l’Oedipe ordinaire ou de l’anti-oedipe. Fort heureusement la psychanalyse s’est enrichie de nombreux autres modèles, même si le fond oedipien est inépuisable. Mais on n’explique pas la psychose comme on explique la névrose. Il faut écouter longtemps le patient atteint de psychose et, comme disait Lacan, savoir déjouer ses feintes. Pas toujours facile. Lacan n’est pas arrivé à « voir » Heidegger. Il est vrai qu’il avait été induit en erreur par Jean Beaufret dès le départ. Mais c’est une autre affaire.

    Pour comprendre une oeuvre, la raison d’être d’une oeuvre, il faut toujours partir de la biographie intime de l’auteur. Tout le monde n’est pas Julien Green pour mettre son coeur à nu durant des pages et des pages. Il y en a qui préfèrent les confidences voilées , qui préfèrent se disssimuler pour se protéger . C’est le cas de Heidegger. Et il y en a comme Heidegger qui poussent le désir de protection, de mise en sûreté, jusqu’au crime. Que dis-je? Jusqu’au génocide. A quoi sert « l’anéantissement » chez Heidegger? A mettre en sûreté le « monde » qu’il vient de substituer au « monde » antérieur qu’il a balayé et qui l’avait fait souffrir.

    pour confirmer ce que je dis, je vous suggère de lire attentivement La Métaphysique de Nietzsche dans Nietzsche II et Der Ister(non traduit, mais il vaut peut-être mieux).

    Demandez- vous quel est le statut exact de l’oeuvre de Heidegger? Est-ce une oeuvre philosophique? Est-ce une idéologie politique? Est-ce une confession interminable pour psychanalistes? (De toute façon aucune oeuvre n’échappe à la psychanalyse. Malheureusement tous les psychanalistes n’ont pas l’ouverture d’esprit que leur travail d’écoute exigerait. Mais cela aussi est une autre histoire).

    Moi ce qui m’intéresse dans Heidegger, c’est sa « résilience dévoyée ». Heidegger est un grand souffrant qui a essayé de conjurer sa souffrance et qui s’y est mal pris parce qu’il est resté emmuré en lui-même et qu’il n’a pas trouvé d’écoute à son affection brisée d’adolescent ou n’a pas voulu en trouver. Il a préféré le crime au transfert. Ce qui se produit toujours dans les résiliences dévoyées. Il a voulu venger sa souffrances en éliminant ce qu’il croyait être les racines historiques et sociologiques de sa souffrance. Non seulement il s’est planté mais encore il a conduit dans son désir de changer de monde sur la planète, l’humanité à sa ruine. Un psychotique commet toujours une erreur sur la cause de sa souffrance mais il fait preuve de trop d’orgueil pour vouloir se l’avouer. Alors que s’il avouait son mal il serait libéré. Mais « A qui faire confiance? », se dit-il. Et il reste emmuré.

    Les philosophes français se sont complètement plantés en croyant que l’oeuvre de Heidegger était une oeuvre philosophique. Elle n’en a que l’apparence. Il s’agit en réalité d’une oeuvre historique analogue à celle de l’empereur Julien qu’il connaissait bien à travers le théâtre écrit d’Ibsen. Il a voulu reprendre l’Oeuvre d’éradication du christianisme tentée par l’empereur Julien mais il s’est planté à son tour. Il croyait pourtant avoir acquis la véritable connaissance de l’être à travers Hegel, à travers Schelling, à travers Nietzsche et à travers Novalis mais il n’a pas vu qu’il était sur une voie d’illusion. Et c’est ici que commence la psychose quand on ne sait plus faire la différence entre le rêve éveillé et la réalité.

    Vous trouverez confirmation de ce que je vous dis dans le cours sur L’essence de la vérité . Cf. le passge relatif au « se rendre présent » et à « l’avoir présent ». (NRF p.333 à 355).

    L’oeuvre de Heidegger est encore vierge de touté étude psychanalytique sérieuse. Mais les temps vont changer. Nous en savons assez aujourd’hui pour commencer une étude de l’oeuvre et du personnage sous l’angle de l’inconscient, c’est à dire – ne nous trompons pas de critères – de la libido souffrante et humiliée. Heidegger est à rapprocher des personnages de Dostoievski, autre auteur qu’il connaissait bien grâce aux traductions allemandes de Moeller van den Bruck et de sa compagne.

    Cher monsieur Er, mon but n’est pas de révéler qui était Heidegger, je ne le sais que trop, mon but est de conduire les lecteurs à apprendre à le lire en partant d’autres hypothèses que celles qui découlent du révisionnisme pédérastique de Jean Beaufret. Mais c’est aux lecteurs à le découvrir. Il faut apprendre à lire l’heideggérien avant de chercher à prouver quoi que ce soit. Tant que les lecteurs ne sauront pas le lire ils prendront le chat noir pour des souris blanches.

    Veuillez faire l’effort par vous-même, monsieur Er que j’apprécie beaucoup, et vous jugerez michel Bel ensuite. Vous changerez alors, peut-être, de regard. Peut-être. je le souhaite .

    michel bel
    J’approuve entièrement ce texte. MB

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  5. Cher monsieur Bel,
    je vous remercie de votre réponse qui précise bien votre lecture.
    Le fond de ma critique est qu’il m’a semblé en lisant d’autres interventions ici et là que vous faisiez de Heidegger le grand et unique inventeur du nazisme et de son extension.
    Par contre que son projet colle avec le nazisme et ses déploiements prouve bien, non qu’il en fut le chef d’orchestre, mais son appartenance totale à ce mouvement, appartenance dont il semble, au vu des derniers documents, qu’elle ait commencé avec le nazisme même.
    Le tout est de ne pas confondre les fantasmes d’un homme avec ce qu’il fut vraiment, et qui est en soi déjà un sinistre énorme.
    Votre approche d’inspiration psychanalytique est bien sûr intéressante, même si pour ma part la personnalité de monsieur Heidegger ne m’intéresse absolument pas. Si ce qui a causé sa dérive dans la perversion est bien ce que vous dites, alors admettez d’une part la banalité de la cause, qui provoque hélas si souvent les mêmes effets, et d’autre part que face au même problème il est des personnalités dans l’histoire qui se sont développées de manière autrement plus intéressante que notre petit sacristain dévoyé.
    Ce qui m’intéresse dans cette pensée qui ne m’intéresse pas et dans cette histoire qui me fait soupirer, c’est pourquoi et comment elle a acquis le statut de dogme pour la première, et la quantité de dissimulation et de petites manoeuvres mesquines qu’implique la seconde. Mon point de vue serait donc plutôt sociologique et politique, d’histoire des dogmes et du pouvoir intellectuel en quelque sorte.
    Pour le reste je suis bien convaincu qu’une philosophie et un homme capables de parler de décision de l’être en bénissant l’extermination ne méritent pas une heure de peine.
    Plutôt prendre son vélo que de rester à pédaler dans la glue d’Être et temps…
    En vous souhaitant de ne pas vous laisser prendre aux pièges du « plus dangeureux de tous les biens », et avec ma sympathie tout à la fois sincère, un peu amusée et en même temps soucieuse de vous,
    votre,
    Yvon Er.

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  6. Cher monsieur Er,
    je vous suis reconnaissant de vos conseils mais la finalité de ma vie est déjà sur les rails. Je sais contre qui je dois lutter et pourquoi. Les Français croient avoir compris le nazisme parce qu’ils ont eu connaissance de ses méfaits mais ils n’ont atteint que les anneaux du ténia les plus proches du sommet, pas la tête. Tant qu’ils n’auront pas compris le rapport étroit qui lie Hitler à Heidegger ils resteront extérieurs à l’entreprise. Car le nazisme est une entreprise impérialiste planifiée obéissant à une finalité interne d’une rationalité implacable.

    Le nazisme est un impérialisme d’un type particulier dont les soubassements remontent à la création de l’université prussienne. C’est à la Cour du roi de Prusse que les rôles respectifs de l’Académie et de l’Armée ont été pensés. L’université a pour tâche de penser l’avenir de l’Allemagne, l’armée de le réaliser. Depuis Frédéric II, le grand penseur politique de l’Allemagne est Machiavel et lui seul. Fichte puis Hegel ont eu pour mission de penser l’avenir de la Prusse en mariant le machiavélisme politique au protestantisme (antipapal et anti juif) et à l’armée.

    Bismarck a été congédié pour avoir privilégié les juifs plutôt que la noblesse militaire et terrienne. Ce n’en est pas moins lui qui a prussianisé l’Allemagne et répandu dans tous les territoires son principe essentiel: « Un pour tous, tous pour un ».

    Le pangermanisme de Class s’est heurté à ce que les grands industriels qui soutenaient le mouvement appelaient la faiblese du Kaiser. « Si j’étais le Kaiser… » avait-il écrit, mais il n’en avait pas l’envergure. Le problème épineux qui restait à résoudre après la guerre de 1870 était celui de la fin de la querelle entre protestants du Nord et catholiques du Sud, querelle qui empéchait l’empire de se constituer.

    Pour unir les Allemands, il fallait trouver un autre clivage. On essaya « races jeunes et races vieilles » mais ça ne marchait pas. C’est Renan à son insu qui donna la solution en opposant les Aryens et les Sémites. L’unité de l’Allemagne se ferait sur l’unité de race.

    Treitschke dans sa monumentale histoire de l’Allemagne prépara le terrain en déclarant : « Les Juifs sont notre malheur ». Mais il ne suffisait pas de le dire, il fallait l’éprouver à partir de l’homme intérieur. Wagner avait contribué à répandre avec son antisémitisme musical l’idée d' »anéantissement ». Mais le sens qu’il donnait à ce mot était aux antipodes de ce que voulaient les progermanistes. Il désignait l’assimilation. Ce n’est pas par hasard que Heidegger a qualifié Wagner d’influence funeste.

    Mais comment définir la race allemande? Le conlit des catégories entre les Nordistes (Günther) et les Sudistes (Heidegger) fut acharné. Les nordistes aux yeux bleus, aux cheveux blonds et à la taille élancée s’accordaient mal avec les petits aux cheveux bruns et aux yeux marrons. Il fallait admettre une pluralité de souches. Le conflit fut tranché grâce à la scission: arisch/ nicht arisch. Restait à convaincre la population pour l’amener à engager le combat.

    La solution unique était le conditionnement. Tous les pangermanistes furent chargés de créer des loges à cette fin. Il s’agissait d’endoctriner jusqu’à ce que « l’homme intérieur » fut enfin formé . C’est la jeunesse qui fut visée en premier. Il s’agisait d’amener les catholiques bavarois papistes à accepter le combat pour réaliser l’impérialisme germanique planétaire. Le seul moyen d’y parvenir était d’utiliser le vocabulaire catholique et d’en détourner le sens puis d’affaiblir progressivement l’Eglise et les congrégations. mais qui oserait conduire une action aussi dangereuse?

    Chacun sait que dans tout mouvement de prétendue libération ce sont toujours les individus qui se sentent les plus humiliés et les plus frustrés qui montent en première ligne. Max Scheler fut un de ceux-là mais il restait trop catholique bien qu’il fût profondément nietzschéen. En tant qu’universitaire banni il fit le lien entre la Bavière, la Prusse et l’Autriche. Il créa les armes intellectuelles dans le sillage de Guido List et de Nietzsche pour appuyer la Guerre allemande sur un concept nouveau: celui de « héros tragique ». Dès lors l’homme nouveau était trouvé. L’homme intérieur serait « l’être en faute » qui voit avant les autres une valeur nouvelle et qui parce qu’il a été le premier à être touché par « la grâce » à l’intérieur de la caverne, va aider les autres à se libérer. La guerre de l’homme intérieur serait une guerre de libération.

    Il fallait réveiller le peuple germain endormi.Il fallait réveiller la race germanique. Il fallait réveiller la race aryenne germanique et la conduire à son destin: la domination planétaire en la libérant des juifs qui , selon les nouveaux progermanistes , avaient entravé sa marche par leur morale, leur christianisme, leur marxisme, leur libéralisme, leur franc-maçonnerie, leur socialisme et leur opposition aux moeurs grecques. Aggravation du paragraphe 175 depuis i871.
    La « conscience malheureuse » comme l’avait dit Hegel devenait le « moteur de l’histoire ». La mystique de la Germanité allait désormais supplanter la mystique chrétienne. Le III° Reich ne se ferait ni au nom de Marx ni au nom du Christ. Il se ferait au nom de Nietzsche, comme Moeller van den Bruck l’avait annoncé. Le combat serait livré « au nom des doctrines philosophiques fondamentales ».

    Un seul penseur s’avéra capable de formater tous les Germains selon sa conception de l’homme intérieur. Il travaillait à cela depuis les rencontres du Haut Meissner en 1913, c’était Heidegger. En 1919 il se sentit prêt à être le héros tragique pensé et anticipé par Max Scheler quelques années auparavant. Il créa sa propre loge à Munich sur les décombres de la Thulé. L’année suivante, grâce à sa rencontre avec Hitler, cet autre humilié, elle devint le parti. on connaît la suite. Enfin, une partie. Les apparences visibles. On est encore loin d’avoir compris que le prétendu ralliement officiel de Heidegger au parti en 1933 n’est qu’une mascarade.

    Sans référence à la « conscience malheureuse » et au désir passionnel de s’en délivrer, il est impossible de comprendre le nazisme. Mais les Français n’ont lu Hegel, inventeur de ce concept » que dans le sillage de Marx. Il faudra qu’ils apprennent à le lire dans le sillage de Phèdre en relisant le premier monologue du Banquet… Et peut-être alors comprendront-ils qui fut Martin Heidegger de Messkirch. Mais c’est tout un ouvrage qu’il faut écrire pour faire comprendre cela. Et pas seulement 15 ou vingt lignes sur un blog en passant.

    voilà monsieur Er, ce que je voulais vous dire pour que vous compreniez mieux la démarche de Heidegger. mais en évoquant « la conscience malheureuse » et le « héros tragique » nous ne sommes encore qu’à l’alpha de l’entreprise nazi. Pour atteindre l’omega, il faudra encore passer par de nombreuses étapes et traverser beaucoup d’intérêts divergents. Mais la « volonté résolue » de Heidegger fortement appuyée sur une conception erronée des causes de sa « détresse » saura vaincre tous les obstacles, sauf un: la coalition des libéraux et des communistes – coalition impensable à ses yeux. Le nazisme est une épopée, ne l’oubliez pas. Mais une épopée idiote. Heidegger a bien parlé de lui lorsqu’il a dit: « Nous sommes un monstre privé de sens ». (A suivre)

    michel bel
    J’approuve entièrement le contenu de ce texte;
    mb

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  7. Je n’ai pas le tome 66 de la Gesamtausgabe sur moi mais je me demande comment vous pouvez interpréter le texte de Besinnung où Heidegger parle des « destructeurs en chef » dont le nombre se compte « sur les doigts d’une main » et qui mènent l’Europe au néant.Ce traité commencé en 1938 et bien entendu non publié ne laisserait-il pas entendre une désaffection de l’auteur de son hitlerisme tout à fait réèl , si l(on en croit l’apologie faite du dictateur dans le Schelling?
    Vous pouvez aussi vous reporter aux extraits de « La détermination ontologico-historiale du nihilisme » que je vous avais adrèssé et que vous n’avez pas appremment souhaité interpréter.

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  8. Je viens de lire en parallèle La métaphysique de Nietzsche, traduction Klossowski et la métaphysique de Nietzsche rebaptisée « L’achèvement de la métaphysique ») traduction Adéline Froidecourt. Le dépaysement est total.La porte de l’enfer a été repeinte au Ripolin pour rendre le lieu plus accueillant. La présentation change, l’enfer demeure. L’éditrice allemande Petra Jaeger a beau nous dire que Heidegger a apporté quelques modifications à son texte, il est difficile de croire qu’il ait rendu sa pensée méconnaissable. A quoi peut être dû le « change »? A la traduction et à elle seule. Pour séduire les cathos Heidegger doit être dépeint en aube blanche.,même s’il rejette le Christ. Mais même blanchi, pour qui a lu le texte allemand de La métaphysique de Nietzsche, Heidegger reste abominable. Car il ne parle pas dans l’abstrait mais à une époque précise de l’histoire et pour cette époque-là. Il justifie l’anéantissement avant qu’il ne se réalise, avant qu’il ne soit commandité par lui en 1942 dans Der Ister, et il revendique le rôle directeur de sa philosophie dans la conduite de l’histoire comme il l’avait déjà fait dans Être et temps en 1927.
    La nature du combat qu’il annonçait et préparait en 1927 est précisée en i940. Il s’agit du « combat pour la domination de la Terre » (NRF p.14); et ce combat sera mené « au nom des doctrines philosophiques fondamentales » (p.14,92). Il s’agit d’organiser « la domination inconditionnée de la Terre » (NRF p.86)selon trois modalités: « construire, éliminer, anéantir ». (Adéline Froidecourt traduit « annihiler ». La résonance satanique de l’anéantissement a disparu. Et cette substituition de termes a été faite sans sourciller. Evidemment, puisqu’il ne s’agit que de mots et que la pensée de Heidegger, depuis les déclarations de Jean Beaufret, est censé n’avoir aucun rapport avec l’histoire. Pourtant , la traduction du cours de 1945 « Penser et poétiser » est explicite:  » en cet âge du monde il faut prendre de longues décisions quant à des méthoides pour des siècles et des siècles! – car le contrôle de l’avenir humain doit un jour tomber entre nos mains »(…) des méthodes qui viennent de nos instincts ».

    Je n’invente rien. C’est écrit en toutes lettres page 142. Certes Heidegger s’abrite derrière une citation de Nietzsche mais personne n’est dupe. C’est bien Nietzsche qui parle mais c’est Heidegger qui le fait parler à sa place comme un montreur de marionnette dans un exercice de ventriloquie. L' »appendice » du cours précise la manière dont il faut entendre cette prestation de ventriloque. Deux pages entières sont consacrées à la bonne façon de concevoir la philosophie dans son rapport avec l’histoire (p.166-167). Et la monstration se termine par ces mots : »De nombreux chemins sont ouverts dès lors qu’il s’agit d’amener à penser; mais tous ne peuvent qu’être des sentiers pour faire l’expérience de l’histoire. » (p.i68).

    Dans cette expérience de l’histoire où « l’homme historial » « s’approprie son destin » (p.167), Heidegger se formate le sien en tant que « dieu » autour de qui « tout se fait un monde » Ce Dieu est une résurrection de « Dionysos » qui incarne dans le théâtre de l’histoire réelle la figure de Zarathoustra esquissée poétiquement par Nietzsche.

    « cela vise notre temps, écrit Heidegger, le temps dans lequel nous avons notre place »; (p.174-175); Pour que le monde nouveau existe il faut qu’il se construise autour d’un dieu. S’il n’y a pas de Dieu il n’y a pas de monde.

    « Autour de Dieu tout devient – quoi? peut-être « monde » (p. 129).

    Raté. Ce sera pour une autre fois. La nouvelle bible du Prince de ce Monde est maintenant la Gesamtausgabe de Martin Heidegger. Sa devise est INRI (Igne Natura Renovatur Integra) Devise rosicrucienne associée à cette autre: A la ROSE de l’empire planétaire, du POUVOIR ABSOLU par la CROIX . Oui, mais par la croix gammée, c’est-à-dire par le FEU. Esotériquement parlant le svastika est le symbole du feu qui renove et qui entretient.

    On comprend parfaitement qu’Hitler serviteur du nouveau Dieu Heidegger ait pu dire « L’Aryen (le porteur du feu) est le Prométhée de l’humanité ».
    Heideggériens réjouissez-vous ! Voilà votre pape » « Habemus papam » « In vitam aeternam ». Car le « monde » selon ce nouveau dieu pape et philosophe est éternel retour. Tel est son marteau sacré.

    michel bel

    J’approuve ce texte en totalité. MB

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  9. Cher monsieur Domeracki,
    si monsieur Bel ne vous a semble-t-il pas répondu, c’est sans doute que la répétition le lasse. Quoiqu’il en soit n’interprétez pas à mal cette attitude si elle est avérée. Vous même n’avez répondu ni à mon message du 23.01, pourtant à vous adressé (sur ce site même, après l' »échange » entre Catherine Malabou et Jean-Pierre Faye), ni à mon message du 04.02 sur le blog de Relatio (qui a il est vrai été interrompu le 05). Les questions qui vous étaient posées me semblaient pourtant d’importance, mais, voyez, je ne vous en veux pas…
    N’ayant donc peur de répéter je répète ici que ce qu’il me semble problématique dans le « style » philosophique de Heidegger c’est l’usage constant de catégories trop larges, de « concepts mal taillés » comme l’a dit Bergson et comme cela a été repris quelque part au sujet de Heidi. Ces grandes tirades vagues peuvent ensuite être réinterprétées à volonté, en fonction de la situation politique du moment. Ainsi de la critique du nihilisme et de la métaphysique, etc., mais cela a déjà été dit.
    Mais la citation de Besinnung que vous donnez ici n’est pas aussi indéterminée. Il faut cependant toute la « générosité » interprétative des gens de « Parolesdesjours » pour y voir une critique du nazisme (puisque j’imagine que si vous n’avez pas Besinnung sous la main c’est sur ce site que vous avez repris cette citation, où comme pour d’autres tout aussi indéterminées nos joyeux compagnons voient une critique très fine du nazisme, imperceptible dirais-je pour ma part).
    Je m’en veux d’ailleurs de mes critiques à monsieur Michel Bel, que j’ai accusé de tirer les textes dans son sens, si on en venait à penser du fait de ces critiques que je ne crois que cette tendance se trouve bien plus grande « en face » si j’ose dire (sauf qu' »en face » s’ajoutent tout à la fois une décontextualisation et une contextualisation disons, compréhensive).
    Pour vous le dire franchement, dans cette phrase de 38 sur les « destructeurs en chef » qui se comptent « sur les doigts d’une main » et qui mènent l’Europe au néant, j’aurais plutôt tendance à voir une attaque anti-sémite dans la plus pure sauce hitlérienne, le fameux discours de ce dernier où il prédit la destruction des juifs d’Europe si ceux-ci venaient à déclencher la guerre datant de la même époque. Car, n’est-ce pas, la poignée de destructeurs en chef si peu nombreux qui mènent l’Europe au néant, c’est un thème nazi…un classique de l’anti-sémitisme même, un remix des Protocoles des sages de Sion, ici « philosophisés ».
    Je ne crois pas pour ma part à la poignée de destructeurs, je crois aux forces sociales, pas à la manipulation du monde par 3 ou 4 banquiers « déracinés », de préférence juifs. Si la phrase que vous citez n’est pas antisémite (admettons l’improbable…), c’est vraiment que notre pauvre Martin ne comprenait rien à ce que pouvait être la politique (il comprenait pourtant au moins les petites manoeuvres du petit monde universitaire), et à ce que peut être une société.
    Mais les deux ne sont pas incompatibles…
    En vous souhaitant bonne chance dans votre recherche du « Diamant H. » qui sauverait ce monsieur de son nazisme jamais renié, voire nous sauverait tout court, diamant que je ne vois toujours pas venir,
    veuillez recevoir, cher monsieur Domeracki, mes sceptiques salutations.
    Votre,
    Yvon Er.

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  10. Cher monsieur Domeracki,
    il y a deux lectures de ces propos ambigus de Heidegger selon les cibles auxquelles on les rapporte.
    La première est machiavélienne, la deuxième est proprement
    national-socialiste.
    Si les propos visent les opérateurs nazis, il s’agit pour le Prince de se désolidariser APPAREMMENT des actions qu’ils commettent et qu’il a pu ordonner, pour paraître intègre aux yeux de l’opinion publique (CF. Le Prince de Machiavel. -politique pratiquée par César Borgia vis à vis de son premier ministre Remiro d’Orco). Politique pratiquée également vis à vis des Homosexuels pour pouvoir mieux accuser l’Eglise de perversion et supprimer ainsi les congrégations et leur influence sur la jeunesse.
    L’ambiguïté était également présente en 1935 dans l’Introduction à la métaphysique lorsqu’il parlait du « démoniaque », de la « malveillance dévastatrice » (p.57)et des « voyous publics » sans préciser qui il visait par ces mots.

    Si les propos visent les dirigeants juifs ou supposés tels ( libéraux, communistes,ou autres, qui portent atteinte en Allemagne et à l’étranger aux intérêts allemands visés par les nazis – n’oubliez pas que la nuit de cristal en 1938 a été déclenchée par represaille à l’assasinat d’un secrétaire d’ambasssade en France, tel était du moins le prétexte) la parole de Heidegger a alors une consonance typiquement nazie. Ceux qui l’entendent, du fait de son indétermination, l’interprètent comme bon leur semble en fonction de leurs inclinations propres. C’est ainsi qu’on a pu croire que Heidegger était contre le régime. C’est mal l’avoir lu.

    Mais il ne s’agit en aucun cas d’une désapprobation réelle de la part de Heidegger car il a fait de la violence en 1935 dans l’Introduction à la métaphysique la clé de la réussite de la révolution national socialiste, la « condition fondamentale d’une vraie grandeur historique »(NRF p.170).Je vous rappelle une de ses paroles parmi tant d’autres à cette date: » Ceux qui font violence devront toujours reculer d’effroi devant cet usage de la violence, et pourtant ne pourront renoncer à en faire usage ». (NRF p.181)

    La quasi totalité du chapitre sur « la limitation de l’être » est conscrée à l’éloge de cette violence. Il agit conformémént aux préceptes de Machiavel: faire pratiquer la violence par l’institution politique qu’il a mise en place -institution qui est entièrement à son service – et faire semblant de la désavouer.

    On ne peut pas d’un côté faire l’éloge de la violence et de l’autre la condamner. En revanche on peut faire semblant de la désapprouver tout en la commanditant et en l’approuvant au fond de soi. Telle est la politique du Prince. Ce n’est pas par hasard que Nietzsche attendait un libérateur de l’Allemagne , un libérateur de « l’élément étranger », qui soit véritablement un « César Borgia ,pape ».

    La pratique langagière de l’ambiguïté, la désapprobation apparente et l’incitation à la violence réelle qui est censée être « une violence qui restaure »: voilà Heidegger.

    Je ne puis rien vous dire d’autre. Il y a une logique du pouvoir qui ne fait pas bon ménage avec la morale des droits de l’homme et avec la morale chrétienne, je vous l’accorde. Mais n’oubliez pas que la position politico-philosophique de Heidegger, disciple de Nietzsche, consite en un renversement systématique de toutes les valeurs. Une seule valeur est privilégiée car elle est considérée par lui comme l’essence même de la vie: la volonté de puissance. Tout son endoctrinement de type nietzschéen est fondé là-dessus.toute sa « poétique » est une application de ce principe.

    michel bel
    J’approuve ce texte.
    mb

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  11. Je viens de faire le marché. Heidegger se vend bien. C’est à vous faire regretter de ne pas mettre sur le marché la lecture de Heidegger qui respirera enfin un air de vérité. Mais l’établissement de la vérité sur un auteur et sur une oeuvre demande du temps et en attendant cette heure décisive chacun y va de son commentaire. Il y a autant d’images de Heidegger que de lecteurs et c’est un plaisir de voir cet envol de ballons multicolores envahir le ciel culturel français. J’ai bien peur que tous ces Heidegger-là ne soient que des ectoplasmes dont la tranparence colorée le dispute en temps réel aux bulles de savon. Ephémères d’éphémérides. Effets mais rides, aurait peut-être dit Lacan toujours à l’affut de quelque effet « yau de poèle ».

    Mais la librairie se porte bien et vendre fait vivre. Que demande le peuple littéraire? L’université croule sous la montagne de lampions des thuriféraires et seul Emmanuel Faye qui a osé tendre sur le pré heideggérien la largeur de sa langue se voir accusé par les courtisans de la peste « sophique ». Mais…rira bien qui rira le dernier. La malignité de Heidegger risque de se retourner sur ses laudateurs comme un ressort de tapette sur les souris qui sont en train de grignoter son lard.

    Maxence Caron vient de publier au Cerf avec la bénédiction des bons pères Masson et Escande une compilation de textes d’auteurs différents qui ont tous le mérite de trouver du miel dans l’oeuvre du fondateur du nazisme. Regroupant des contributions s’étendant sur un éventail de trente années depuis la mort de Heidegger, l’ouvrage publié intentionnellement pour le trentième anniversaire de sa mort se présente comme ce qu’en d’autres temps on eût appelé un « tombeau ». D’autres plus poétiques ou plus proches d’Alphonse de Chateaubriant eussent parlé d’une gerbe. Le fondateur idéologique du nazisme méritait bien cet hommage. Son ontologie politique a fait suffisamment de morts pour être digne de la recevoir. On regrette qu’un certain nombre de penseurs et non des moindres se soient prêtés à cette mascarade. Ce qu’on regrette surtout c’est qu’une diffusion qui se veut chrétienne héberge le loup dans sa bergerie et lui attribue une place d’honneur après son rejet virulent du christianisme et de son fondateur. Son élève Jonas n’a pas crié assez fort pour mettre en garde les bergers et leur confiance aveugle à l’étoile du joueur de flûte. Ils sont tous fascinés.

    Que diable Marlène Zarader est-elle allée faire en cette galère?

    Le but que se propose Maxence Caron est de « tracer les lignes directrices qui permettent de constituer les objectives conditions d’établissement d’un classicisme heideggérien  » dont son oeuvre précédente apparaîtrait à ses dires comme « le prolongemnt ». Je ne me prononcerai pas sur les 1753 pages de Pensée de l’être et origine de la subjectivité » mais elles relèvent du même état d’esprit que la visée d’un classicime heideggérien. Faire du fondateur du nazisme un classique de la philosophie, seul l’apôtre Jean dans sa vision de l’Apocalypse à Patmos aurait pu y penser. D’ailleurs il y a pensé. Je ne suis pas loin de considérer que le faux prophète, la Bête et le troisième homme dont il parle pourraient bien représenter respectivement Heidegger, Hitler et Himmler. Ceux que Heidegger nomme les créateurs et les gardiens dans l’origine de l’oeuvre d’art. Cette trinité antichrétienne et anti juive illustre tout à fait le premier règne de l’AntiChrist ouvertement avoué. Le second ne saurait tarder. Les heideggériens français contribuent à mettre en place son trône impérial et à dérouler le tapis rouge. Il n’y a pas eu assez de sang versé.

    Il n’est jusqu’à Jean François Marquet qui ne fasse l’éloge du feu dans sa lecture du Prométhée de Heidegger tel qu’il est exposé dans Besinnung, texte dont il faut rappeler qu’il fut écrit en 1938-39 comme signe avant coureur du génocide. « le feu y précise Heidegger est le fondement de l’éclaircie » (GA 66 p.135). Quand on sait que l’éclaircie chez Heidegger n’est pas prise seulement au sens de clarté mais aussi au sens d’éclaicissement des arbres de la forêt, éclaircissement qui permet justement l’éclaircie , on en a le souffle coupé. (Article de Marquet p. 537).

    Allez je vous pardonne monsieur Marquet, tout le monde peut se tromper. Mais encenser le Prométhée aryen quand on sait depuis Être et temps que le combat heideggérien est assimilé à une gigantomachie, c’est à dire à un combat de titans, vous avouerez qu’après Auschwitz et Chelmno, ce soit difficile à avaler.

    Etrange classicisme donc que cet éloge du feu heideggérien qui en 1942, sorti de Der Ister est venu embraser les bûchers de la solution finale. Je passe sur le commentaire de Jean-François Marquet qui ne tarit pas d’éloges sur « ce mythe d’origine si subtilement repensé »(p.537).

    Dois-je continuer à déballer mon cabas? je vous parlerai un peu plus tard du dernier numéro de l’infini intitulé « La dévastation et l’attente ». Tout un programme! et des Prolégomènes à l’histoire du concept de temps. Titre ampoulé qui n’est pas de Heidegger et dont l’éditrice allemande Petra Jaeger s’est autorisée la primeur avec la bénédiction d’Alain Boutot, traducteur, et de son conseiller en traduction françois Fédier. Je suis impatient de voir comment Heidegger a traité des rapports du temps et de la phénoménologie après sa lecture du Sophiste dont le souci curatif appliqué au « genos » et aux « gene » m’a toujours fait frémir, et avant sa mise en place idéologique du combat du combat des Titans dans Être et temps.

    L’histoire du concept de temps -puisque c’est le titre original donné par heidegger à sa leçon – m’interpèle. Je n’ai pas encore été « rencontré  » par « l’intuition catégoriale », puisque c’est l’expression de Heidegger mais je pressens que la recontre risque de donner lieu à des « explications ».

    michel bel.
    j’approuve la totalité de ce texte.
    mb

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  12. Je viens de consommer « La dévastation et l’attente », traduction et commentaires. Consommer est un euphémisme parce que le brouet est indigeste. Le dialogue de Heidegger est du plus haut intérêt du point de vue psychiatrique. Sur ce plan c’est un document de première main pour l’étiologie de sa paranoïa. Il vient compléter les documents biographiques qu’il a déjà fournis par ailleurs et que nous avons intérêt à étudier avec soin car l’aveu partiel du passé renvoie à une perspective d’avenir des plus inquiétantes. Ce document par ailleurs nous éclaire sinon pleinement, du moins en grande partie, sur le sens à donner au mot « dévastation » qui désigne à la fois le communisme et le libéralisme. Pas de changement donc par rapport à 1935, si ce n’est dans le vocabulaire. Vocabulaire qui nous permet de mieux comprendre les textes quelque peu énigmatiques du « dépassement de la métaphysique ». Naturellement cet aveu (à qui?) est lui aussi assorti de mensonges comme ceux qui ont été faits au comité d’épuration. Heidegger tourne en rond dans sa paranoïa depuis sa souffrance originelle – à demi avouée – d’où est sortie une conception du mal qui n’a rien à envier à celle des pensionnaires de Sainte Anne. Ce document bien qu’indigeste s’avère précieux sous cet angle médical ; il permet de jeter une lumière plus juste sur l’ensemble de l’oeuvre. Son commentaire à lui tout seul ferait l’objet d’un livre. Le texte montre comment chez Heidegger s’est développée la paraphrénie – cette psychose difficile à cerner du fait que le souffrant est toujours en situation de va-et-vient entre le réel frustrant, l’imaginaire pathologique et le réel de substitution en attente. Du point de vue politique les malades de ce type lorsquils arrivent à avoir une influence ou un poste d’autorité de très haut niveau sont terriblement dangerux car comme nous pouvons le voir avec l’attitude des fédiériens, toutes tendances confondues, ils sont par leur caractère énigmatique et faussement savant éminemment séducteurs.Nous ajouterons pour faire bonne mesure que Heidegger sachant au printemps 45 que la première tentative de réaliser son « grand dessein » est fichue , s’empresse de désavouer Hitler et toute l’équipe de brigands qu’il a, lui Heidegger, conrtibué à mettre en place et à qui il a prodigué  » un effort soutenu durant les sept dernières années » (lettre à Elfriede du 11 mars 1945.

    Nous parlerons du commentaire de Hadrien France -Lanord prochainement;
    Michel Bel
    J’approuve entièrement ce texte.
    MB

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  13. Cher Michel Bel,
    je vous remercie d’abord pour votre message du 10.02, qui a le mérite de montrer que Heidegger -y compris « votre » Heidegger- n’est pas sorti tout armé de la cuisse de Jupiter, mais s’inscrit dans l’histoire du pangermanisme et des « liaisons dangeureuses » de la philosophie allemande et de la politique, depuis le Discours à la nation allemande au moins.
    Pour le reste…j’y reviendrai.
    Vous qui avez assez de courage et/ou de folie pour vous plonger dans autant de lectures peu ragoutantes (j’ai le plus grand mal à seulement ouvrir la revue l’Infini), auriez-vous lu les ouvrages de Marcel Conche sur Heidegger ? Il en a écrit plusieurs : « Heidegger résistant », « Heidegger inconsidéré », et le dernier, « Heidegger par gros temps », qui fait parler de lui chez des gens qui n’augurent rien de bon pour moi…
    Mais peut-être est-ce une fausse impression.
    A vous,
    Yvon Er.

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  14. Cher Monsieur, j’ai envoyé un article au journal Le Monde , qui n’est pas passé. Comme il répond à votre question le blog de Skildy en aura la primeur.

    Article:

    De Faye à Heidegger : que la vérité éclate !

    I

    Les politiques de l’amitié conduisent parfois à la justification du pire. Il semble que ce phénomène se soit produit avec les philosophes français admirateurs de Heidegger. Il suffit de comparer les écrits de Jean Beaufret, de François Fédier, de Marcel Conche, de Froment-Meurice et de Jean-François Mattei avec les apports de « faits heideggériens» colligés par Emmanuel Faye dans son livre Heidegger : l’introduction du nazisme dans la philosophie et dans son article du Monde-débats du 5 janvier 2006 s’appuyant essentiellement sur les lettres de Martin Heidegger à Elfriede Petri, pour en avoir une conscience claire.

    Il n’est pas inutile aujourd’hui de confronter le résultat de ses recherches aux écrits de Marcel Conche par exemple. Ce professeur émérite qui, selon ses confidences, essaye de « vivre en grec », comme le faisait Marcel Jouhandeau en son temps, a publié en 1996 et 1997 deux petites plaquettes qu’il a réunies en un seul volume en 2004 sous le titre : Heidegger par gros temps. L’ouvrage a été publié dans la collection Les cahiers de l’égaré. Est-ce un symbole ? Dans le chapitre I intitulé Heidegger résistant on peut lire notamment : « Comme il n’y a pas de trace de racisme et d’antisémitisme dans tous les discours, allocutions, leçons, conférences ou propos de Heidegger, recteur ou non, il faut dire en conclusion que le caractère de « national-socialiste » est une épithète qui ne lui convient à aucun moment. Membre du parti national-socialiste, sans doute ne l’est-il resté que par prudence. » (1996, p.48). Les écrits de Heidegger mis en évidence par Emmanuel Faye en 2005 et en 2006 démentent ces propos dans leur intégralité.

    Dans le chapitre II intitulé Heidegger inconsidéré écrit l’année suivante, Conche récidive en ajoutant une couche de repeint supplémentaire : « Il n’y a aucune raison d’identifier chez Heidegger un quelconque antisémitisme, fût-ce à l’état de « traces » » (p.77).
    Ainsi, c’est donc une affaire entendue Heidegger ne pouvait être ni « antisémite » ni « national-socialiste » par adhésion profonde au mouvement. La contre-vérité est flagrante. Est-ce pour donner un semblant d’autorité à son argumentation fallacieuse que Conche dédie sa plaidoirie à Maître Vergès ? Il n’hésite pas, non plus à prendre pour gage et pour référence Alphonse de Châteaubriant, le créateur du journal collaborationniste La gerbe et l’introducteur privilégié des idées nazies en France avec son essai laudatif sur le régime répressif hitlérien : La gerbe des forces. (Grasset 1937) p.53.

    Je ne m’attarderai pas sur les considérations insoutenables de Conche relatives à l’usage heideggérien du mot « Verjudung » (« enjuivement »). Elles sont de la même veine que celle des articles révisionnistes ou négationnistes auxquels une certaine presse nous a hélas ! habitués. Je rappellerai simplement que le mot « Verjudung » faisait déjà partie du patrimoine lexical de Heidegger en 1915 comme le prouvent ses lettres à Elfriede. Lettres choisies que sa petite fille Gertrud a publiées en 2005 avec la bénédiction de son oncle Hermann Heidegger qui n’est autre que le légataire universel des archives Heidegger à Marbach.

    II
    Je m’attacherai plutôt à des propos qui sont autrement plus graves relatifs à l’essence du nazisme lui-même. Pour disculper Heidegger, Conche écrit, page 82, à la fin de son livre, – argument suprême sans doute, car on garde toujours le meilleur pour la fin – : « l’extermination des juifs(…) fut mise en œuvre à partir du 22 juin 1941comme un corollaire de l’opération Barbarossa » [ce qui est vrai, mais écoutons ce qui suit] (p.84) « le national-socialisme comme tel n’a pas grand chose à voir avec Auschwitz. A la différence du fascisme, c’est une doctrine raciste, antisémite. Il s’agit de purifier la race germanique-nordique-de la contamination juive. Cela conduit à l’apartheid, puis à l’idée d’expulser les juifs du sol allemand : les nazis songèrent à les déporter à Madagascar. De là à les exterminer, il y a un abîme. L’extermination a tenu à la seule décision d’Hitler, qu’il a prise non en tant que national-socialiste (il n’en est pas question dans Mein Kampf), mais seulement en tant que Führer. (…) Dire Heidegger « nazi », c’est exonérer le nazisme du racisme et de l’antisémitisme – dont Heidegger est exempt- ; demander à Heidegger de « penser Auschwitz », c’est à dire de l’insérer dans un processus de quasi intelligibilité, c’est exonérer Hitler d’une faute sans exemple. » (1997- 2004)

    Or, que constatons-nous ? Non seulement que Heidegger n’est pas « exempt de racisme et d’antisémitisme » comme le prouvent ses cours de 33-34, les lettres à Elfriede et ses prises de position politiques – appeler à plébisciter Hitler en novembre 1933 et signer en tant que recteur un décret supprimant les bourses d’étude aux étudiants juifs (cf. Raoul Hilberg), ce n’est pas être hostile au racisme ni à l’antisémitisme que l’on sache-, mais encore, qu’oser affirmer : « l’extermination des juifs en tant que corollaire de la guerre ne se trouve pas dans Mein Kampf », est un mensonge éhonté ; c’est avoir fort mal lu cet ouvrage de propagande immonde qui préconise ouvertement : « tandis que les meilleurs tombent sur le front, de s’occuper à l’arrière de détruire la vermine » (NEL p.170), d’ « employer sans ménagement tous les moyens de la force armée pour exterminer cette pestilence » (p.170-171), « d’avoir recours à une extermination impitoyable des derniers tenants d’une idée pour arrêter sa propagation » (p.171) [l’Idée désigne ici à la fois « le marxisme et le judaïsme »].

    Ou monsieur Conche ne sait pas lire ou il a eu accès à une édition tronquée de Mein Kampf. Il faut croire qu’elle était sérieusement tronquée, ce qui est grave chez quelqu’un qui prétend donner des leçons aux autres , puisqu’il manque aussi ce passage capital du dernier chapitre du tome II portant sur « le droit de légitime défense » : « Si l’on avait au début et au cours de la guerre, tenu une seule fois douze ou quinze mille de ces Hébreux corrupteurs du peuple sous les gaz empoisonnés que des centaines de milliers de nos meilleurs travailleurs allemands de toute origine et de toutes professions ont dû endurer sur le front, le sacrifice de millions d’hommes n’eût pas été vain. Au contraire si l’on s’était débarrassé à temps de ces quelques douze mille coquins, on aurait peut-être sauvé l’existence d’un million de bons et braves Allemands pleins d’avenir. Mais la science politique de la bourgeoisie (…) proclamait (…) que l’on ne devait pas y toucher ».

    On ne sera pas étonné dans ces conditions que Conche s’emploie également à dédouaner Heidegger de sa ruse qui consiste à justifier l’extermination nazie en assimilant « l’essence » de « la fabrication des cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’extermination » à celle de « l’agriculture motorisée ». Non seulement l’agriculture motorisée n’a rien à voir avec les chambres à gaz et les camps d’extermination, ces phénomènes ne relèvent nullement de la même « essence », mais encore leur existence ne saurait en aucun cas être justifiée parce qu’il a existé des horreurs du même type telles que « le blocus et la réduction des pays à la famine ou encore la fabrication de bombes à hydrogène ». Le fait que l’horreur a de multiples facettes n’autorise nullement à exonérer l’une d’entre elles sous prétexte que les autres existent.

    Non seulement Heidegger a adhéré officiellement au nazisme en pleine connaissance de cause en 1933 bien qu’il ait prétendu, paraît-il, ne jamais avoir lu Mein Kampf, mais sa tentative maladroite et malhonnête pour disculper les horreurs de ce régime politique exterminateur prouve qu’il était totalement en accord avec la décision d’extermination, et pis encore avec sa programmation. A qui fera-t-on croire que Heidegger ne savait pas que la politique d’Hitler avait pour seule fin la réalisation d’un Etat raciste d’une radicalité extrême? A qui fera-t-on croire qu’il n’avait pas connaissance des visées d’Hitler quand il le plébiscitait et qu’il investissait toute son énergie et toute son autorité de recteur pour inviter les ouvriers et les étudiants à voter pour le Führer. L’extermination comme l’a écrit Hitler est bien la finalité essentielle du national-socialisme, sa « mission » inscrite en toutes lettres dans Mein Kampf et non comme veut le faire croire Marcel Conche « la solution « finale » apportée au problème ancien de l’élimination des Juifs» (p.82) mission qui en aucun cas ne pourrait être considéré comme sa spécificité. Le combat mené par le national-socialisme a pour but de « montrer aux autres peuples », dit Mein Kampf « la voie où ils doivent s’engager pour le salut d’une humanité aryenne militante » (NEL p.637-638) ce « combat » mené « contre son plus mortel ennemi » (le Juif) doit être perçu « comme une étoile annonciatrice des temps nouveaux » (NEL p.637). Retenons le terme de « salut ».
    En 1937, quatre ans après la prise de pouvoir par les nazis, , en collaboration étroite avec Alphonse de Chateaubriant, avec Edouard Spenlé futur glorificateur de la Nouvelle Sorbonne nazifiée, aux côtés du maire nazi de Fribourg, Kerber, Heidegger a lancé son appel à la France pour qu’elle collabore avec l’Allemagne hitlérienne au « salut de l’Occident ».
    En 1941 dans le cours sur les Concepts de fond il fait état de prises de « décision imminentes » juste avant la conférence de Wannsee et parle de « planification » « pour des millénaires ».
    En 1942 dans le commentaire de Der Ister (Le feu) il a donné l’ordre de mettre le feu au « bûcher » dont il avait demandé depuis 1930 la préparation patiente en utilisant « du bois approprié et choisi, jusqu’à ce qu’il prenne feu enfin » (Cours sur la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel ) en citant ces vers du poète Hölderlin qu’il considère comme le prophète de la Germanie:
    « Jetzt , komme Feuer » « Viens, maintenant feu ! »
    Le verbe est à l’impératif. Il s’agit bien d’un ordre. La décision finale n’a pas été seulement prise, elle a aussi été ordonnée. Ces paroles ont été prononcées au début du semestre d’été 1942. A la fin de l’été, -témoignage du commandant d’Auschwitz, Höss- le premier bûcher humain (constitué avec du bois approprié et choisi) fut allumé à Auschwitz. Naturellement cet ordre est placé par Heidegger dans la bouche de Hölderlin, mais on sait depuis longtemps, et notamment depuis « Pourquoi nous restons en province » que Heidegger ne prend jamais le risque d’exposer sa décision ouvertement, il fait parler les autres à sa place. Exercice de ventriloquie dans lequel il est passé maître depuis 1908 alors qu’il était encore militant du Gral, et qui a pour fin de le mettre à l’abri de toute condamnation éventuelle ultérieure.
    L’appel de la France à la participation au salut de l’Occident et l’ordre de mise à feu des bûchers sont suffisants pour comprendre le silence dont il a fait preuve devant Auschwitz. Sa complaisance élogieuse pour le récit d’extermination par le feu dans son commentaire de Trakl en 1953 et son apologie de la criminalité et de la cruauté présente dans les écrits d’Abraham a Sancta Clara, en 1964, apportent une confirmation éclatante de cette position.Coïncidence étonnante : c’est l’année même où il publie ses commentaires sur Trakl (quatre ans après les conférences de Brême faisant référence à l’agriculture motorisée), qu’il fait éditer conjointement Etre et Temps et l’Introduction à la métaphysique pour « remettre en marche », disait-il, « le peuple allemand » et pour redonner vie à « ce grand dessein ».

    III

    Quand on suit attentivement, en respectant la chronologie, les actes et les paroles de Heidegger de 1906 à 1976, en les mettant en rapport avec les événements du III° Reich, tous ces faits conduisent à penser que le véritable fondateur du Reich ne fut peut-être pas Hitler seul mais, comme le laisse entendre Mein Kampf, en parlant sans cesse des rapports de « l’homme politique » et du « philosophe porteur d’une conception du monde nouvelle », la syzygie Heidegger-Hitler. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre le journal des étudiants nazis Der Alemanne lors de l’adhésion « officielle » de Martin Heidegger au NSDAP en 1933. Les étudiants rappelèrent à cette occasion le rôle joué par Heidegger dans le mouvement nazi depuis ses heures les plus difficiles. Il serait temps qu’on tire la conclusion qui s’impose. Et qu’on se décide à comprendre ce que Heidegger voulait dire en 1927 en publiant Etre et temps lorsqu’à la suite de Paul Yorck il évoquait l’importance des « sources cachées de l’histoire ». Naturellement ces propos éraient placés dans la bouche de Paul Yorck dont Rothacker venait de publier la correspondance avec Dilthey. On sait quel rôle jouera Rothacker dans le Handbuch der Philosophie et quelle teneur auront ses « Contributions » prohitlériennes (Beiträge).

    En fait le rôle d’Hitler semble s’être limité à une fonction précise, capitale certes, mais subordonnée à celle du philosophe, du fait de « l’insuffisance de son instruction scolaire» (M.K. p.221): assurer « la réalisation du programme » tracé par le « philosophe » (Mein Kampf p. 209) ; le dit philosophe étant créateur d’une « conception philosophique nouvelle d’une importance fondamentale » (Mein Kampf NEL p.371-383), « une nouvelle conception philosophique animée d’une impétueuse volonté de conquête et s’opposant au marxisme » (M.K. NEL p.174) «pour le triomphe de laquelle il [fallait] mener le combat » (M.K. p.173). « A celui qui a reçu la révélation il faut adjoindre celui qui connaît l’âme du peuple. », ajoutait-il. (M.K. NEL p.379). Grâce aux lettres envoyées à Elfriede et à Jaspers nous en savons un peu plus aujourd’hui sur l’ « Offenbarung » et sur l’ « Offenbarkeit » de Heiddegger. Depuis trente ans je n’ai cessé de m’efforcer de faire découvrir cette position dans les divers forums où je suis intervenu. En vain. Boileau, en son temps, avait déjà constaté : « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable ». C’est toujours d’actualité.

    C’est la raison pour laquelle il faut remercier Emmanuel Faye d’avoir avec courage ouvert le portail de l’histoire pour faire accéder à son parcours souterrain ceux qui ne l’ont pas encore découvert. Ce n’est certes qu’un début mais il est éminemment prometteur. La grotte « Heidegger » du National-socialisme a encore bien des secrets à révéler sur l’équipe du Handbuch der Philosophie, sur la nuit des longs couteaux, sur le « dernier dieu », sur les « Beiträge » et sur la « poésie » de Heidegger. Lorsque la vérité est révélée trop brusquement, compte tenu du formatage des esprits elle n’est pas crue. Tout vient à point à qui sait attendre. Il suffit d’être patient. Mais si les philosophes avaient un peu mieux appris à lire et ne s’étaient pas adonnés à une « politique de l’amitié » éminemment révisionniste, voire dans certains cas négationniste, on aurait pu faire l’économie de soixante ans d’erreurs et de mensonges. Tous ceux qui ont voulu dire la vérité sur Heidegger en ont fait les frais. Il serait temps que ça cesse.

    Michel BEL 08.01.2006
    michel.mb@wanadoo.fr

    Comme vous le voyez, il est bon quelquefois d’exhumer les manuscrits des placards.

    J’approuve intégralement ce texte.
    mb

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  15. Le phiblogZophe ne peut pas suivre Michel Bel quand il dépeint Heidegger en véritable pape du IIIe Reich. Nous estimons que le rôle de Heidegger est plus intéressant à étudier en tant qu’il s’exerce dans le « ciel des idées ». Il n’est ni anté-christ ni donc anté-pape. Son rôle doit être compris dans le cadre d’un dispositif totalitaire. Son efficace, pour être évalué, n’a pas besoin d’être intégré à une machine de pouvoir « classique ». C’est au reste pourquoi le véritable danger Heidegger est devant nous.

    Le phiblogZophe

    Je vous remercie Monsieur Er, de faire avancer le débat sur Heidegger qui stagne depuis 1945. Ni l’interprétation libérale, ni l’interprétation marxiste de l’histoire ne peuvent rendre compte du national socialisme. Non pas qu’elles soient inutiles mais elles sont insuffisantes. On ne peut pas avancer d’un pouce sans une interprétation psychanalytique et une interprétation ésotérique. Poliakov a bien vu la psychose nazie. W. Reich a bien compris un aspect important de la peste brune. Joachim Fest a bien vu le rôle de certains intellectuels, mais aucun n’est allé assez loin. Ils n’ont gravi la pyramide du national socialisme que jusqu’à mi-pente. Chacun a bien vu les anneaux du ténia mais aucun n’est allé jusqu’à la tête. Et pourtant tout est dit par Hitler, par Baümler , par Heidegger et par Der Alemanne. Mais chez les historiens et chez les philosophes personne ne veut écouter, personne ne veut entendre et surtout personne ne veut s’imposer le travail énorme de lire l’oeuvre de Heidegger dans le contexte approfondi du nazisme.

    C’est la raison pour laquelle j’ai applaudi très fort quand Emmanuel Faye après son père et après Farias a eu le courage de mettre les pieds dans le plat. Il faudra du temps pour reformater toute l’intelligentsia française et je ne crois pas que ceux qui sont près de la retraite aujourd’hui changent d’avis. Ce serait trop leur demander. Le courrier que j’adresse à plusieurs d’entre eux depuis des années ne reçoit que des réponses biaisées ou mieux, pas de réponse dutout. Qu’on me traite par le mépris , ça m’est égal mais que la thèse que je défends ne soit même pas examinée, c’est la pire des sottises. Les historiens américains envisagent toutes les hypothèses historiques même celles qui paraissent au premier abord, apparemment, absurdes. En France on n’a pas de temps à perdre pour cela. Et c’est bien regrettable. Pensez-donc ! On sait, alors pourquoi chercherait-on? Au début du XVII° siècle tout le monde savait que le soleil tournait autour de la Terre. ça se voyait. Alors Galilée était un con. Pire un hérétique. Seul Descartes et avec d’infinies précautions (« Larvatus prodeo ») osa-t-il se rallier à son travail d’observateur et de mathématicien. Moi qui dis ouvertement depuis bientôt vingt ans, en m’appuyant sur une série d’écrits nazis concordants et sur une approche historique et philosophique assez fine que Heidegger est le fondateur idéologique du nazisme, je passe pour un cinglé car tout le monde sait qu’il s’est rallié au nazisme en 1933 seulement et que jusqu’à cette date il n’a jamais fait de politique. Tout le monde le sait, oui, mais personne ne sait rien. Il ne faut pas se contenter des déclarations et des apparences . Il faut aller y voir de près. Il faut apprendre à décoder le discours crypté de Heidegger, suivre son errance et sa souffrance d’adolescent banni moralement pour raison de moeurs, étudier la stratégie de sa vengeance. Mais tout cela n’a rien de philosophique n’est-ce pas? Heidegger est un grand philosophe. Sa vie commence avec Être et temps. Il est né par génération spontanée. Il n’avait aucun contact avec Hitler avant 1933. D’ailleurs Hitler n’aurait rien compris à ce qu’il disait ou à ce qu’il écrivait. Etc, etc, etc…La cohorte des préjugés n’a jamais été remise en cause. Et pour cause. On savait. Et quand on sait, on sait. N’est-ce pas? Attitude regrettable de la part d’universitaires et d’ historiens qu’on veut croire sérieux.

    Mais tout le monde sent bien que l’hypothèse d’un Hitler séducteur, soumettant à lui tout seul l’Université, l’armée, les banquiers, la noblesse terrienne, ça ne marche pas. Tout le monde sent bien qu’Hitler, sans culture, n’est qu’un pantin dont on tire les ficelles. Tout le monde sent bien que la tête dirigeante du Reich est restée secrète et habilement dissimulée, conformément aux préceptes de Langbehn et de son Rembrandt éducateur. Pensez-donc ! qui aurait été assez fou pour aller s’afficher publiquement en disant: » En tant que chef d’Etat je vais réaliser le génocide des juifs ». Même la solution finale est restée éminemment secrète. Seul un pantin vaniteux comme Hitler, ayant une confiance totale en ceux qui le dirigeaient, pouvait accepter d’endosser une monstruosité semblable. Il faut voir ce qu’on lui a fait lire après la nuit des longs couteaux. Et il a accepté. Pensez-donc! Lui, le roturier sans culture et sans fortune, humilié par le refus de l’Ecole d’architecture, on lui avait promis de devenir chef d’Etat! Et c’étaient des intellectuels qui le lui disaient! Des gens très instruits qui ne l’avaient pas repoussé quand il s’était présenté au parti. Comment ne les aurait-il pas crus! La carotte fait marcher les ânes. On lui avait dit que son action réaliserait la « mission historique » dévolue aux Allemands. Comment ne leur aurait-il pas fait confiance ! La même vanité animait les Goering, les Eicke, les Rosenberg, les Hess, les Bormann, mais l’ « état major des intellectuels », pour reprendre l’expression d’Hitler, lui, restait dans l’ombre.

    Comment Hitler poussé par l’Armée, soutenu par des intellectuels de haut niveau, « tout ce monde instruit » comme il dit dans Mein Kampf, n’aurait-il pas accepté pour obtenir la gloire et l’admiration de tous de conduire le gouvernement le plus criminel de l’histoire? Il allait être le grand libérateur de la Germanie. Il allait débarrasser l’Europe et le monde de la « vermine ». Quel esprit quelque peu simplet aurait pu résister à une telle tentation ?

    Et pendant ce temps-là, l’éminence grise convaincue de la nécessité de sa « mission » de salut, en relation avec l’armée, par sa belle famille, avec la noblesse terrienne par Dilthey, Rothacker et Max Scheler interposés, travaillait au conditionnement idéologique de la grande Allemagne et préparait dans le plus grand secret les plans de conquête et de destruction. Ce n’est pas un hasard si Heidegger nous dit dans Être et temps en citant le comte Paul Yorck que « La connaissance de l’histoire est, pour sa meilleure part, connaissance de sources cachées » et qu' »avec l’histoire il en va ainsi que le principal n’est pas ce qui fait du tapage et ce qui saute aux yeux. De même que les nerfs sont invisibles, l’essentiel ne se voit pas à l’oeil nu ». (NRF p.466). Et dans le cours de 1937 sur l’Eternel retour du même: « Ce qui commence et se produit ici, s’accomplit dans le plus grand silence, et demeurera longtemps caché, pour la plupart; de cette histoire-là pas un mot ne passera dans les livres d’histoire ». (NRF, Nietzsche I, P.221). Et de citer le mot de Nietzsche:  » Les paroles les plus sourdes sont celles qui apportent la tempête. Des pensées qui s’avancent à pas de colombes, dirigent le monde ». (p.221). Ces paroles auraient dû mettre la puce à l’oreille depuis longtemps à nos intellectuels. Eh bien non. Bel est toujours un esprit « dérangé » qui doit se soigner et eux sont intelligents et ont le savoir. Un universitaire dont je tairai le nom m’a même recommandé de prendre des pilules roses. Pourquoi roses? En prenait-il pour son propre compte? Allez savoir. Vous pourrez comprendre facilement que dans ces conditions je n’ai pas eu envie de publier mes recherches trop tôt. A quoi cela sert-il de se faire insulter quand les esprits ne sont pas prêts pour recevoir la vérité. Il faut savoir attendre le moment propice. L’abcès commence à murir. La saison des fruits va bientôt arriver. L’heideggério-lâtrie et la guest-o-manie la préparent malgré elles. Les écrits vénéneux de Heidegger sont de plus en plus connus. Le temps vient où la véritable Kehre va apparaître. L’ordinateur la diffusera dans le monde entier. Je ne remercierai jamais assez Emmanuel Faye d’avoir eu le courage, par amour pour la vérité, de rompre le cercle des illusions et du grand mensonge universitaire.

    Nous parlerons des notes de lecture de Hadrien France-Lanord sur « La dévastation et l’attente » un peu plus tard. Ceux qui savent écouter ce titre ont déjà perçu tout son sens dans l’effet « yau de poêle »
    michel bel
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    MB

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  16. Monsieur Bel , vous savez que la science historique en est une qui souhaite se nourrir de certitudes ; et la thèse que vous défendez ne s’appuie que sur des suppositions et des analogies assez improbables! Comment pouvez-vous nous demander de croire à de telles hypothèses sans aucune preuve à l’appui? Tous les extraits que vous avancez de Hitler comme de Heidegger sont volontairement diffus et équivoques , notamment tous ceux du second dans ses métaphores du feu. Sans vouloir pour une fois m’amuser de vos propos , pourquoi vous étonner que les universitaires aient d’autres chats à fouetter? Rester dans le silence est la seule attitude scientifiquement concevable face à une hypothèse si étonnante! Vous accordez à Heidegger ce qu’il souhaitait de plus cher en politique : être comme son modèle Platon le fûhrer du fûhrer. Mais donnez nous le moindre élément d’une rencontre avant 1933 et nous vous écouterons avec respect!
    Je suis bien plus d’accord avec Skildy –même si ça reste à discuter– quand à un « néo » nazisme heideggerien à partir de 1938 à partir d’une auto relecture; à cet égard la thématique de l’INSURRECTION est particulièrement riche et appelle de longues recherches. Que Heidegger fut nazi est indiscutable. Mais reste à voir si ce nazisme n’en est pas un privé et plus léger en antisémitisme (CAR , DIABLE? QU EST CE QUI AURAIT EMPECHé HEIDEGGER D ETRE PLUS LOQUACE QUAND A SA HAINE DES JUIFS A L’EPOQUE OU CELA ETAIT ENCOURAGé?)
    Là où, à mon sens le nazisme heideggerien est le plus visible est dans son souhait d' »innocenter le devenir » et les extrémités de la « machination » , du « gestell » , que d’aucuns auront reconnus dans les camps d’extermination. A ce niveau , c’est probablement la thématique de la « sérénité » qui est la plus suspecte. Et elle apparaît nettement dans « la dévastation et l’attente » : elle est abjecte.

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  17. A Stephane Domeracki,

    .
    Les nazis étaient des négationnistes en temps réel… Dans les transports les juifs devenaient de la « marchandise ». Et Heidegger était bien trop malin pour compromettre son pouvoir en mêlant sa voix au « on » antisémite.
    Il ontologise le plus possible la doctrine. C’est ainsi que, mais cela resterait à établir plus sûrement, le Gestell aurait quelque chose à voir avec « l’enjuivement ». Et la notion est présente, sinon le mot, dés 1935 dans le GEME.

    A titre d’hypothèse.
    Skildy

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  18. Monsieur Domeracki,
    Heidegger avait raison : les nerfs ne se voient pas. On ne voit que l’apparence extérieure du corps. Pourtant ce sont les nerfs qui commandent.
    Vous avez une vision bien primaire de l’histoire Monsieur Doméracki.Les apports indubitables des historiens sont les documents. Tout le reste est interprétation, c’est-à dire tentative de compréhension à partir des documents dont les historiens ont pris connaissance. Ce qui me chagrine c’est que même les historiens les plus chevronnés ne savent pas lire Mein Kampf et notamment les passages relatifs à la formation du parti. Un détail n’est-ce pas?

    Avez-vous remarqué qu’Hitler parle du président du Reich et qu’il ne le nomme jamais. C’est une obligation chez les Armanes. or Hitler était Armane,nous en avons le témoignage, donc, puisqu’il applique la consigne de silence , le président du Reich l’était aussi. Les autres présidents subalternes sont cités.

    Avez-vous remarqué qu’il le désigne par une périphrase? « C’était celui qui avait présidé la conférence de Feder »; or il se trouve que ce président est aussi le philosophe qui indique le but comme réalisable, qui trace le programme et qui indique les moyens pour parvenir aux fins décidées; Que ce philosophe ne présente pas une doctrine dans le style habituel des partis politiques, mais une nouvelle conception du monde pour le triomphe de laquelle il faudra se battre avec fanatisme et se sacrifier? Avez-vous remarqué que dès le départ le partage du pouvoir est établi entre le philosophe et l’homme politique?

    Et puis à quoi bon vous en dire davantage? Lisez Mein Kampf en français et en allemand et en le passant au peigne fin. Vous verrez comment le vocabulaire heideggérien est intégré (ceci n’est visible qu’en allemand). Vous verrez quelle utilisation boiteuse et mal maîtrisée Hitler fait du vocabulaire d’Aristote que le philosophe qu’il fréquente lui a appris. Je vous recommande entre autres « la foi apodictique ». Je ne suis pas tout à fait sûr qu’Hitler ait bien compris ce que ça voulait dire. Et je ne suis pas persuadé qu’il ait bien perçu l’usage du mot « apodictique » chez Kant. En revanche je connais un philosophe qui s’était spécialisé dans la lecture de Kant et d’Aistote et qui déclara en 1933 que le Führer était « la vérité présente et future de l’Allemagne et sa loi.  » Il se pourrait que cette « Wirklichkeit » ait quelque chose à voir avec « la foi apodictique » dont parle Hitler. Mais vous n’êtes pas obligé de me croire. Vous n’êtes pas obligé de me croire non plus si je vous dis qu’on n’a jamais trouvé l’ordre d’Hitler commandant la solution finale par le feu. En revanche l’ordre a bien été donné par Heidegger au début de son commentaire de Der Ister. Vous n’êtes pas obligé de croire non plus qu’il s’agissait d’un ordre malgré l’emploi de l’impératif. Quel meilleur camouflage que le commentaire poétique pour réaliser un génocide. Or il se trouve qu’Hölderlin n’est pas aux yeux de Heidegger un poète comme les autres, c’est le prophète de sa « Germanie ». Or que fait un prophète? Il annonce ce qui va se passer. Et dans certains cas pour assurer le salut du peuple, il l’ordonne. Je n’oblige personne à être lucide et à ouvrir davantage l’angle de son intelligence mais oserai-je vous rappeler que si continuer de s’aveugler est un droit, ce n’est pas une obligation.

    Heidegger n’a jamais été un philosophe. Il s’est introduit dans la philosophie à partir d’une autre préoccupation et il en a perverti toute l’histoire pour la faire correpondre à ses fantasmes , à ses craintes et à sa conception du salut. Maintenant si vous voulez persister à voir en lui un philosophe, c’est votre droit. Vous pouvez en faire aussi un martyr du nazisme, si vous le souhaitez – Pourquoi pas? – en décrétant comme les heidéggériens qu’il s’est opposé à Hitler. Vous trouverez bien dans toutes les pierres de sa cathédrale un bout de tesson de déclaration mensongère pour cela. Mais il vous faudra chercher beaucoup. Et il vous faudra vous assurer ensuite qu’il a dit la vérité sur ce qu’il pensait. Et ça, c’est autre chose. Entre ce que dit un acteur de l’histoire, ce qu’il pense et ce qu’il fait, il y a parfois un abîme. Mais ne vous ai-je pas déjà dit que mon but n’était pas de démontrer. On ne démontre rien en histoire. On expose des faits et quand on en a suffisamment pour comprendre on cherche à les relier pour donner une intelligibilité à la période qu’on étudie. je propose une intelligibilité plus haute et plus cohérente du nazisme que celles que nous connaisssons aujourd’hui . Vous n’êtes pas obligé de me croire. Je n’en serai pas vexé. J’écris pour ceux qui veulent comprendre plus finement et qui ne se contentent pas de ficelles superficielles..
    C’et fou ce qu’on a du mal à admettre la vérité quand elle a été bien camouflée. C’est ainsi, je n’y peux rien. Le vrai peut quelque fois n’être pas vraisemblable, avait constaté Bolileau. Et Galilée dut abjurer. Moi j’attends que les yeux de mes contemporains s’ouvrent. Ils s’ouvriront bien peut-être un jour.

    Vous me parlez de la référence à Platon et à Denys. Puis-je vous rappeler qu’il y a une différence très grande entre la situation de Platon vis à vis du tyran et celle de heidegger. Platon s’adresse à un tyran déjà existant. Heidegger, lui, façonne le tyran dont il a besoin por règner en le libérant de l’aveuglement de la caverne et en lui montrant la lumière (enfin, la sienne, ou ce qu’il prend por tel). La situation est radicalemnt différente.

    Vous ne trouvez pas tout de même que le mensonge de « l’aletheia » est un peu gros. il me semble qu’il y a longtemps que les philosophes s’ils étaient authentiques auraient dû se débarrasser de ce mythe dont la seule finalité est d’être criminogène. Mais que voulez-vous les philosophes ont besoin de mythes comme les lapins de luzerne. Ce sont des rongeurs de concepts. Puisque le mot existe la chose doit exister. Heidegger connaissait bien le nominalisme. ll leur a donné du « pseudes » à brouter et du temps qu’ils étaient occupés à ronger le « Dasein « , l' »aletheia » ou l' »Ereignis », lui construisait l’histoire à sa manière pour assurer son « salut », pour devenir le dernier dieu et règner en souverain sur la terre entière, après avoir libéré son espace vital des nicht arisch..

    Je ne comprends pas que cela soit si difficile à admettre pour des gens qui sont dotés d’une intelligence normale. Ou bien faut-il avoir, comme le diait Heidegger, un oeil en trop? Entre l’oeil de Heidegger et le mien, il y a tout de même une différence. Sûrement la même que celle qui existait entre les Rayons N de Blondlot et ceux de Pierre et Marie Curie. Souvenez-vous du mal que ces derniers ont eu à faire admettre la radioactivité par l’aréopage universitaire.
    C’est ainsi . On ne change pas la prise de conscience humaine par décret. on ne peut que la sensibiliser, la mettre sur la voie. Mais c’est elle seule qui décide de croire ou non. Nul ne peut se mettre à sa place.
    Je vous souhaite une bonne méditation.
    Je pressens qu’avec vous l’heideggérianité dormira tranquille jusqu’à son retour prochain. Et comme les commencements sont violents pour Heidegger, nous devons sans nul doute nous préparer au pire.

    michel Bel
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    MB

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  19. Je souhaite remercier Michel Bel pour sa réponse.
    Je ne puis cependant que rejoindre Skildy dans l’expression de ses réserves, et demander à mon tour des faits. Mais dans la mesure où monsieur Bel annonce un autre travail à venir, je reformulerai plus tard mes demandes d’éclaircissements de manière systématique.
    Je prends note par ailleurs du fait que monsieur Domeracki semble admettre un nazisme heideggérien en 1938, ce qui le placerait au moins sur le plan du contenu à part de MM. Fédier et affiliés, dont il s’est fait sur d’autres blogs l’allié objectif en allant jusqu’à nier l’existence du problème et en insultant de manière toute « parolesdesjouriène » ceux qui avaient le malheur de ne pas se plier à l’argument d’autorité qui consiste à arguer de l’incapacité de notre chère université à traiter du problème posé par le livre de E.Faye pour en nier jusqu’à l’existence.
    A vous,
    Yvon Er.

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  20. Monsieur Er;
    Je souhaite rappeller qu’en aucun cas je nie les traductions apportées par Faye mais qu eje récuse certaines de ses inteprétations les plus hardies. Et je continue de soutenir qu’une grande partie de l’oeuvre heideggerienne n’a que peu à voir avec les décisions tragiques de l’époque , sauff s’il on a recourt comme Monsieur Bel a des extrapolations et des mises en rapport auxquelles on doit donner son assentiment sous peine de passer au mieux pour un imbécile.Parce que si je comprends bien le raisonnement de mon contradicteur , il est le seul sur Terre à avoir été aussi loin dans la compréhension d’un « vrai Heidegger ». Ce type de prétention le met contre son gré à la suite de la bande à Fédier qui s’adjgent semble-t-il aussi cette vérité de l’oeuvre ».
    « Parole des jours » est un monument de mauvaise foi mais certains éléments qui y sont écrits sont vrais. On ne va pas non plus rejeter en bloc toute approche philosophique de Heidegger! Si on le fait , c’est au risque de jeter le bébé avec l’eau du bain. J’ai horrreur des conceptions bipolaires. J’ai moi aussi lu des « résistances » de Heidegger au régime dans le « Nietzsche » notamment.Et pour autant je ne nie pas qu’Heidegger ait été nazi–ce qui est terrible c’est que sa pensée est pour autant tout à fait rigoureuse et impréssionnante, n’en déplaise aux frileux. Que des illuminés d’extrême droite récupère le message abject qui PEUT s’en dégager est regrattable; mais ce ne sont que quelques individus éparpillés. La grande majorité , je le répète , fait quelque chose de tout à fait respectable avec son oeuvre: et n’est ce pas ce que nous interprétons de l’histoire , comme vous le soutenez , qui est le plus important? Le message originel s’il est nauséeux, n’est finalementpas si importante. C’est le palimpseste-Heidegger,recouvert des errances et des illusions de ses lecteurs qui importe. Sans Heidegger , dans une certaine mesure , pas des Gadamer,Marion,Vattimo et Derrida voire Arendt,Jonas,Lévinas et Léo Strauss tels que nous les avons connus.
    C’est cela que moi je retiens : et sans aucun mépris pour les cendres puisque Heidegger n’a évidemment pas été l’instigateur de la Shoah.

    Merci enfin de cesser de mettre en doute l' »intelligence de vos interlocuteurs », car c’est en fin de compte assez puéril.

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  21. Cher Monsieur Er,
    je vous remercie de votre courtoisie. Elle apporte dans les blogs un climat de sérénité propice à l’échange d’idées, qui, à chaque intervention, est agréable à retrouver.

    Je comprends très bien que vous ne puissiez pas me suivre encore sur le chemin escarpé de la découverte de la vérité historique dans le « non dit » heideggérien. Mais je ne vous en demande pas tant. On ne conquiert pas l’Anapurna à la première escalade. Il faut beaucoup de patience, d’entraînement et beaucoup d’endurance aussi.

    L’essentiel est de commencer. Je vous ai apporté des conclusions. Ce n’est peut-être pas la bonne méthode pour progresser dans une démarche. Mais il est vrai aussi que sans la conclusion on ne sait pas où on va. Tous les philosophes français ont commencé l’approche de Heidegger par Être et temps. J’ai dit que je ne pensais pas que ce soit la bonne méthode et qu’il était peut-être préférable de partir de la petite enfance messkirchienne et des années de séminaire.

    Pourquoi? Parce que quand on veut comprendre la teneur profonde d’une pensée il faut partir de sa génèse. Or la génèse de la pensée de Heidegger est ce qui est resté le plus secret. Disons que dans une vie qui est restée continuellement secrète il y a des moments qui ont été plus secrets que d’autres, plus enfouis. Or Heidegger a fait beaucoup de confidences sur cette période-là. De 1906 à 1926 nous ne savons que peu de choses sur sa vie et sa vraie pensée parce que nous n’avons pas voulu chercher. Et quand on a cherché, dans quelle direction a-t-on cherché et qu’a-t-on voulu connaître exactement? Hugo Ott, Victor Farias,ont été des pionniers en ce domaine. Mais ils ont exploré cette période de sa vie avec des préoccupations très orientées par leurs préoccupations propres, ce qui fait que les investigations n’ont peut-être pas donné tout ce qu’elles auraient dû donner.

    Les recherches des historiens sont analogues aux analyses des laboratoires médicaux. Si l’ordonnance indique un type de recherche à effectuer, le laborantin ne s’intéressera pas à autre chose qu’à ce qu’on lui a demandé de chercher. Et ainsi il risque de passer à côté de quelque chose de capital qu’il n’aura pas su voir ou qui ne lui aura pas été demandé. Ni Farias ni Hugo Ott, à mon avis, n’ont cherché dans la bonne direction. Pourtant ils avaient tous les éléments en main. Seulement voilà quand on ne pressent pas ce qui est déterminant on passe à côté. Il est évidemment plus facile comme le dit Heidegger dans sa conférence sur « Pain et vin » « de découvrir quelque chose après qu’il vous a été indiqué dans quelle direction porter le regard ».

    Tant que les lecteurs du Maître de Messkirch ne voudront pas rattacher la production écrite de Heidegger à sa vie, comme il invite lui-même à le faire, on n’aboutira à rien. Mais je ne veux pas en dire davantage sur ce sujet. J’en ai assez dit tout au long de l’année 2005 sur les différents blogs où je suis intervenu depuis la publication du livre d’Emmanuel Faye. Je répéterai simplement qu’il me paraît souhaitable de faire une lecture symptômale de Heidegger plutôt qu’une lecture littérale. Il y a dans son oeuvre et dans sa vie prises comme un tout indissociable de nombreux symptômes inquiétants de diabolicité radicale au sens moral et politique du terme et non au sens folklorique, dérisoire et ridicule. Pensez à Julien l’Apostat et vous aurez tout compris. Lisez Ibsen à ce sujet. Heidegger du fait de sa participation à la revue « Gral » connaissait bien sa pièce de théâtre sur Julien.

    Vous pouvez vous souvenir qu’en 1919 Heidegger alors âgé de trente ans, en pleine force de l’âge, a dit à Engelbert Krebs qu’il ne substituerait pas à « l’univers catholique » « une aigre et stérile querelle d’apostat ». Il avait mieux à faire: substituer au « monde » judéo-chrétien un autre « monde » (le « monde » gréco-germanique façon Heidegger)et tenter de « s’effacer derrière son « monde » comme preuve de sa grandeur réelle.(Sérénité 1955). L’effacement est suggéré en 1955 après l’echec de son projet de monde: le national socialisme, il n’en était pas question en 1933, à l’heure de l’Ereignis, c’est à dire de l’Incarnation de l’Être dans le fantoche Hitler son représentant public exposé aux coups.

    Seulement voilà ,pour atteindre après 1945 l’effacement souhaité, signe de la grandeur de l' »artiste » , il aurait fallu éviter de faire, en 1933, de ce point de vue, une grosse « bêtise » (et le mot est faible).

    Faites donc une lecture symptômale, monsieur Er, et vous comprendrez mieux ma position. Elle n’a rien d’arbitraire, croyez-moi. Elle est le résultat d’une recherche assidue souvent reprise avec des hypothèses diamétralement opposées, voire divergentes, pour bien m’assurer que je ne faisais pas fausse route.

    je voudrais bien que le Heidegger réel soit ce personnage que nous présente Maxence Caron. Malheureusement dans son panégyrique il a oublié beaucoup de données notamment celles qui concernent le rapport de Heidegger à la violence et à l’histoire de l’Allemagne sous la férule de l’Ordre heideggérien, Ordre dans lequel tout le monde devait prêter serment pour assurer au « hiérarque » un pouvoir absolu et faire de lui un « dieu temporel », le dernier dieu clôturant le cycle de l’éternel retour du même au terme de l’histoire de la métaphysique. Ces choses-là ne s’inventent pas, Monsieur Er, il les a écrites.

    Je vous souhaite une bonne méditation , cher monsieur. Et, par référence à la Politie de Platon, une bonne « résurrection » bien que nous ne soyons plus en Pamphilie et pas encore, ou peut-être même jamais, dans les « îles des Bienheureux ».

    Michel Bel
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    MB

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  22. L’approche globale de Heidegger nécessitée par la volonté de répondre aux questions posées m’a fait différer le compte-rendu des notes de lecture d’Hadrien France Lanord. Je rattrape donc mon retard.

    Pages 71 à 111: quarante pages de trop. Les pages sur la mort, sur « l’aître », sur le travail de Heidegger dans la langue allemande, sur Schelling et son rapport au mal, sur « l’extermination », sur « l’urgence » et « la nécessité », sur ce qui est allemand , sur « la prétendue « rupture de Heidegger avec les régimes totalitaires dont le nazisme », sur le non nationalisme de Heideger, sur les cadavres d’Auschwitz, sur le « meurent-ils? » de Heidegger, sur le « nihilisme » et de surcroît, son dédain injustifié vis à vis de la traduction de « Die Armut » par Lacoue-Labarthe rendent Hadrien France-Lanord, le prétendu « philologue pensant » aussi odieux que son maître Heidegger lors des entretiens de Davos, du cours sur les Concepts fondamentaux, pour ne rien dire de son attitude méprisante vis à vis de Husserl à la fin du cours de 1928 sur les problèmes fondamentaux de la phénoménologie(NRf p.394). Il n’est pas nécessaire de commenter. Le lecteur attentif qui ne se laisse pas prendre au piège d’une prétendue supériorité apparente, verra vite à qui il a à faire. Morgue , dévastation et fausse compétence prétentieuse se disputent le bout de gras que monsieur Hermann Heidegger les a autorisés à ronger. Il se pourrait que le ressort de la tapette se referme durement emprisonnant la prétention insolente de leur auteur sous la frappe impartiale de la critique.
    Ce ne serait entre nous que pour le plus grand bien de ce révisionniste dédaigneux.
    Michel Bel
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  23. Cher Monsieur Domeracki, c’est bien mal connaître Michel Bel que de lui prêter les intentions et les sentiments que vous lui prêtez. Il n’y a aucun dogmatisme dans ma pensée, simplement le fruit d’une recherche assidue se heurtant pour toutes les hypothèses basses à des apories desquelles il faut bien se décider à sortir si on veut comprendre quelque chose à cette période monstrueuse. C’est en cherchant du côté de Reimer, de George, de Lamprecht, de Bernardi , de Langbehn , de Maximilien Yorck von Wartenburg, le frère de Paul, de Dilthey et de son gendre Misch, de Lange et de quelques autres grosses pointures de la germanité, n’oublions pas Paul de Lagarde, bien sûr, que j’ai commencé à comprendre qui était Heidegger.

    Alors vous savez celui qui voudra me faire avaler qu’Hitler est le fondateur du nazisme, s’appelât-il Kershaw, n’est pas prêt à avoir une oreille attentive de ma part. La constellation intellectuelle, financière et agrarienne qui se trouve derrière Heidegger est trop puissante pour que vous puissiez me faire avaler une couleuvre semblable. Mais les agrariens, les intellectuels et les financiers seuls, réduits à leurs seules initiatives désastreuses jusqu’ à 1932 ne pouvaient rien. Il fallait une tête pensante au sommet de tout ça qui coordonne le tout et qui n’ait pas l’air de le faire. Pour passer aux actes on prit une marionnette vaniteuse, Hitler. Mais la tête réelle , elle, devait donner au monde entier l’apparence d’une compétence jamais égalée, jamais égalable pour justifier l’invasion planétaire et l’anéantissement des prétendus ennemis du genre humain. Et pour qu’elle pût être crue, il fallait qu’elle donnât l’illusion de l’universalité. Quoi de mieux que l’Être pour y parvenir? On pouvait ainsi faire de l’Allemagne la représentante de l’Être comme l’avait pensé Hegel dans sa Philosophie de l’histoire. Il avait été payé pour ça, pour donner une métaphysique à l’Armée prussienne après la victoire des coalisés sur Napoléon. Schelling le suivit dans cette voie. Voie qui, au préalable, avait été inaugurée par Fichte. Je crois que vous n’avez pas encore compris, monsieur Domeracki, à quoi sert la philosophie dans la perspective prussienne.

    Mais Heidegger voyait plus loin que Kant, que Fichte, que Hegel, que Schelling qui avaient déjà tente d’apprivoiser le mal. Après la fuite de l’empereur, ne pouvant plus être idéologue de Cour comme l’avait été Abraham a Sancta Clara en son temps, Heidegger rêva, comme Julien, -et pourquoi pas?- de sauver l’Allemagne en devenant empereur . Mais les remèdes qu’il préconisait étaient tellement radicaux qu’il ne pouvait pas se permettre de les appliquer lui-même. Il avait trop peur de se faire mettre à mort (Cf ses propos sur la Caverne de Platon). Alors il les fit appliquer par son « frère médecin ». Lui se contenta de manier la rhétorique. Et ça marcha grâce à l’argent des grands industriels et des grands agrariens capitalistes. Les techniques employées furent empruntées militairement à tous les grands stratèges sur le plan militaire, Napoléon et Alexandre le Grand inclus. La maîtrise du peuple fut empruntée au Don Carlos de Schiller c’est à dire aux grands d’Espagne. La modération fut empruntée aux chevaliers de Malte que Schiller avait étudiés de très près. Et la technique du marionnettiste à Kleist. Je vous fais grâce d’autres influences, Dostoiesvski, Joseph de Maistre, Taine, Renan, etc…Pour les rapports d’Hitler avec Heidegger à l’intérieur de la caverne, vous me permettrez de réserver mes connaissance sur les sociétés ésotériques germaniques.. Le pouvoir colossal de certaines sociétés secrètes dans ce pays est impensable en France. Leurs rivalités furent balayées en un tournemain après la victoire du communisme en Russie. Peur des grands agrariens commanditaires des Corps-francs, oblige.

    Etes-vous toujours persuadé du caractère prétentieux de michel bel? Si oui, c’est que vous n’avez rien compris à L’Allemagne depuis la création des Chevaliers teutoniques à Brême jusqu’aux « vêpres hitlériennes » sept cents ans plus tard. Mais ceci est une autre histoire..
    J’espère quand même que vous avez compris. Je le souhaite ardemment. Faites, vous aussi, les recherches qui s’imposent et peut-être aboutirez-vous à la même conclusion. Si vous n’y aboutissez pas, alors en toute sérénité nous confronterons nos travaux pour tenter de sortir de l’aporie. Merci de votre recherche.
    Michel bel
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    MB

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  24. Je viens de relire, de relire et de relire encore le « dialogue hespérique » du 8 mai 1945. Je suis atterré par la facilité avec laquelle le Heidegger de 56 ans, acculé à la défaite national-socialiste de son combat pour l’Être, denie tout son passé nationaliste depuis au moins les rencontres du Haut Meissner en 1913. : « Le plus âgé: » Nous ne pouvons devenir Allemands, donc habiter en poètes et en penseurs, donc être ceux qui attendent, tant que nous nous lancerons à la poursuite de ce qui est allemand au sens de quelque chose de national. » (p.64)Et quelques lignes plus bas: »Il devient pour nous tout à fait impossible de dire encore, dans l’optique du national et de l’international, ce que nous sommes alors en propre. »

    Considérés donc comme inexistants les cours sur la Germanie, sur le Rhin, sur l’Introduction à la métaphysique, sur les Concepts fondamentaux. Tout cela n’a pas existé. C’est pourtant Heidegger qui a écrit en 1934: « la patrie, c’est l’être lui-même ». C’est pourtant lui qui a écrit: »nous n’apprenons rien aussi difficilement que le libre usage du national » (das Vaterlândische). Certes le national pouvait avoir aussi un autre sens: l’originel. Mais il avait surtout le sens de national. « notre peuple, Notre Dasein ». En 1941 Heidegger écrivait: « Il est nécessaire qu’en cet instant du monde, les Allemands sachent ce qui pourait à l’avenir être exigé d’eux si « l’esprit de leur patrie » doit être « un coeur sacré des peuples. » »(NRF p.24)

    Heidegger refuse d’assumler le passé dans lequel il vient de conduire les Allemands.

    En réalité c’est peut-être moins la nation qu’il rejette que l’étroitesse de ses frontières nouvelles puisque « l’avenir du peuple historial » est toujours présent (p.65) »La moindre des choses à faire est de pouvoir nous rassembler, en nous laissant être dans la détente, nous laisser engager dans l’attente ».(p.65)
    On saura ce que ce discours imprécis et indéterminé veut dire lorsque Heidegger, en 1953,cherchera à re-mobiliset le peuple allemand en publiant conjointement Être et tmps et l’Introduction à la métaphysique afin de bien éclairer le sens du combat et la nécessité de la violence qu’il exige.(Avant propos de Être et temps).
    Contrairement à ce que veut laisser entendre Heidegger en 1945,le dénigrement du « national » ne signifie pas l’exclusion du national, mais au contraire son extension puisque c’est la terre entière qui doit appartenir aux Allemands, comme le dit la Métaphysique de Nietzsche publiée avec l’ensemble de ses cours sur Nietzsche chez Neske en 1961.

    Non seulement Heidegger fait semblant de dénier le « national » pour lequel il a tant milité ouvertement de 1933 à 1945, mais il encore il tente de faire retomber la faute de l’echec sur Hitler seul:  » la manière dont notre propre peuple s’est aveuglément fourvoyé en se laissant conduire dans l’errance est trop lamentable pour que nous ayons le droit de nous prodiguer en lamentations » (p.20) .

    Qui a conduit, en réalité le peuple dans l’errance? il suffit de lire « L’expérience de la pensée » pour le savoir: »Qui pense grandement il lui faut errer grandement » Questions III, p.31.

    Mais nous n’avons pas de souci à nous faire car: « Dans la patience mûrit la grandeurt » (même page). Ne nous attachons donc pas à ce qu’il a pu écrire car: « Ce que l’on énonce en mots n’est jamais, ni dans aucune langue, ce que l’on dit » (p.35). Ce texte date de 1947. Il est postérieur de deux ans au « dialogue hespéride ».

    Naturellement sivous voyez la moindre trace de malignité dans les paroles de Heidegger, c’est que vous êtes mal intentionné.
    Souvenez-vous de Hegel. Le sens de l’histoire qu’il avait élaboré en 1807 a changé brusquement après la chute de Napoléon en 1814. Le pro napoléonien est devenu subiteemnt le prophète de l’Allemagne protestante annonçant le triomphe du luthérianisme sur la catholicité pour des raisons de nécessité conceptuelle.

    Heidegger en revanche gardera toujours son appétit de domination mondiale. Simplement il ne le nommzra plus « national » mais « attente »: »l’endurance de ce que nous adresse l’histoire ne peut être fondée que dans l’attente du venir »(p.65) et dans la « nécessité de retourner dans l’inutile »( p.69). Et « l’inutile » nous le svons c’est le combat pour l¨Être, pour la patrie, pour le « natal ». Le long du chemin de campagne « une tere natale nous est rendue ». Et cette terre natale est la patrie au sens large du mot, la patrie gréco-germanique, c’est-à-dire la grande germanie. Si ce n’est pas du nationalisme, ça, qu’est-ce que c’est?

    Réponse: « De l’heideggérianisme ».
    Eh bien voyons! Nous ne sommes plus en terre nazie, n’est-ce oas?

    Mais qu’est-ce que le nazisme, si ce n’est la conduite allemande du combat pour l’Être dirigé par le penseur Heidegger, comme il le révèle dans son écrit sur l’expérience de la pensée. Il faut réapprendre la nécesité de l’inutile à ceux qui ne penseraient qu’à l’utile sur les décombres encore fumants de l’Allemagne vaincue.. « La nécessité de l’inutile » ! Quel euphémisme pour parler de la visée de l’Être par Heidegger, c’est à dire de la patrie (onto-géo-historiale).

    Il paraît malgré tout ce qui vient d’être vu et rappelé que , selon monsieur Hadrien France-Lanord : « la manière dont Heidegger pense – interprète !- au futur ce qui est allemand n’a donc évidemment rien de commun avec la pseudo détermination nationale-socialiste »(p.100)

    Bien évidemment, voyons! Nous l’avions compris.

    michel bel

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    MB

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  25. Réponse à monsieur Domeracki
    votre message du 13.02.2006. 12 : 41

    Monsieur Domeracki,
    comment faites-vous pour savoir que  » Heidegger n’a évidemment pas été l’instigateur de la Shoah »?
    Comment pouvez-vous en être si sûr?
    Pour ma part c’est en lisant son oeuvre très attentivement que j’ai fini par comprendre que certains énoncés n’avaient rien à voir avec le cours ou le commentaire qu’il professait mais renvoyaient à autre chose; c’est en faisant une étude attentive de ces incidentes que j’ai compris qu’elles se répondaient d’un livre , d’une leçon, d’une conférence ou d’un écrit à un autre. La suite chronologique de ces incidentes constitue une chaîne dont la progression apparaît très vite comme indéniable. On commence en 1916 avec la volonté de « trancher » , contemporaine des propos antisémites contenus dans les lettres à Elfriede, et on termine en 1942 avec l’ordre de mise à feu des bûchers. Entre les deux moments se situent toutes les opérations intermédiaires clairement explicitées toujours sous forme d’incidentes , de métaphores ou de références à l’actualité immédiate, au peuple (notre peuple, notre Dasein), à la mission, à la nécessité de la violence, à la corvée de bûches, à la sélection, au marquage, à la frappe , à l’éclaicissement, etc, etc. La philosophie apparente professée cache une oeuvre dont la progression se situe toujours en filigrane, à l’arrière plan. Cette chaîne d’incidentes constitue en fait la direction politique réelle de Heidegger qui à travers ses cours s’adresse non seulement à ses étudiants, mais également à d’autres auditeurs chargés de transmettre les messages à qui de droit. Heidegger attire notre attention sur ce point et sur cette méthode de transmission d’information au début de son cours sur La Germanie.
    Ses cours sont l’exposé de sa conception du monde mais ils sont aussi le lieu de la communication de ses ordres à ses exécutants sans qu’il n’y paraisse. Il n’a pas inventé le procédé mais il l’a appliqué systématiquement. Pour intercepter le message il faut naturellement connaître l’encodage. Ne faisant intervenir ni la poste, ni le téléphone, ni le télégraphe, ni les ordres de mission imprimés, le commanditaire restait inattaquable. Et nous savons par la lettre à Schwoerer qu’il ne voulait « ni tracasseries, ni démêlés ».

    Ces choses-là ne se démontrent pas, monsieur Doméracki, elles se comprennent comme le disait si justement Dilthey. Naturellement la méthode de lecture diffère de celle à laquelle nous ont habitués nos maîtres au lycée ou à l’université.
    Mais cette statistique des incidentes qui laisse apparaître la progression de l’action politique se double d’une lecture symptômale appliquée au style, au vocabulaire, aux thèmes et aux problématiques dont certaines sont apparentes, d’autres, du fait de l’ambiguïté des mots ou des propos, accessibles seulement aux familiers des domaines visés ou des méthodes spécifiques employées.

    Pour découvrir cela il faut une certaine habitude des méthodes symptômales et des problèmes qui se posent dans leurs aires d’application respectives.

    Vous me permettrez de réserver la primeur de ce travail à mes lecteurs ultérieurs. L’indication de cette technique est déjà suffisante pour comprendre beaucoup de choses. La pratique de « l’Oeuvre » qu’il veut « porter à son efficace » avec ses collaborateurs et à laquelle il appelle ses étudiants et ses auditeurs à participer, est cachée derrière l’exposé de la Weltanschauung apparemment philosophique. Car Dionysos, celui qui est deux fois né, est un dieu philosophe ou qui se prétend tel, ou qui cherche à être perçu comme tel. Un dieu qui aspire à sa parousie.

    Êtes-vous toujours aussi sûr, maintenant que Martin Heidegger n’a rien à voir avec la Shoah? Et si c’était lui l’instigateur et le dirigeant suprême avançant et faisant avancer l’Oeuvre, la « mission dévolue aux Allemands », abrité derrière le bouclier de la poésie de Hölderlin et se servant de certains aspects de cette oeuvre littéraire, considérée par lui comme prophétique, pour réaliser la progression par étapes de sa « croisade » marquée du sceau de la Croix gammée.

    Moi, à votre place je ne serais pas aussi sûr de mes évidences. Beaucoup d’évidences se sont dégradées au cours de l’histoire de la pensée car elles n’étaient que des préjugés. L’histoire de la physique en est remplie, celle des mathématiques et celle de la biologie également. Pourquoi ne serait-ce pas aussi vrai en historiographie?
    Je vous souhaite de bonnes lectures symptômales , monsieur Doméracki.
    michel bel
    J’approuve ce texte.
    MB

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