Münich de Steven Spielberg : le « scénario ».

Spielberg a tenté, avec Münich, une approche du conflit du proche-orient qui ménage la possibilité d’un dialogue et d’une compréhension de l’autre. Très difficile, cependant, de respecter à la fois le principe de complexité et celui d’ouverture. On ne peut que désirer celui-ci malgré le fait que, du côté des parties impliquées dans le conflit, existent des points de vue radicaux et totalement centrés sur soi. Ainsi bien que les qualités du film soient évidentes je ne suis pas certain que Spielberg soit parvenu a maîtrisé son propos. La responsabilité du réalisateur est écrasante : comment éviter à la fois de verser de l’huile sur le feu, de respecter les légitimités qui s’affrontent et de rendre compréhensible un conflit à multiples dimensions?

Une profonde et sourde inquiétude perce cependant qui peut expliquer pourquoi le film semble dire : une machine infernale est en route, nous sommes dans un espace tragique, essayons de nous dégager du mécanisme. La question est bonne. Mais elle est très difficile et les solutions pratiques sont tout sauf évidentes. Ainsi nous comprenons bien ce qui a pu animer le gouvernement israélien au lendemain des attentats de Münich. Il a agit moins par vengeance immédiate, comme n’importe quel "sujet" peut le faire, que dans le souci de montrer qu’il est capable de protéger fondamentalement le peuple dont il exprime la volonté de souveraineté et d’indépendance. Ce faisant, et le trouble de Arvi Kaufmann, le chef du commando spécial du Mossad chargé de rechercher les organisateurs des attentats et de les tuer, est tout à la fois psychologique et politique. Dans Cape et poignard Fritz Lang avait déjà bien posé le problème : à s’affronter au mal ne risque-t-on pas de finir par  lui ressembler? Il ne s’agit pas ici de basse polémique mais de reconnaître que telle est bien la partie la plus difficile du combat. Si tuer est un crime absolu qu’advient-il quand nous sommes confrontés à des puissances qui banalisent ou sanctifient le meurtre? Les meurtriers, toujours, chercheront à effacer le caractère immoral de leurs objectifs et de leurs plans. La cause palestinienne, quel que soit le degré de légitimité qu’on lui reconnaît, devient la pièce principale d’un mécanisme destiné à terme à effacer l’immoralité du projet de destruction de "l’état juif". Quand Arvi Kauffmann se rend compte que les terroristes qu’il a éliminé sont remplacés par d’autres, bien pires, il révèle les rouages du mécanisme qui se met en place.

Ce que l’équipe de Spielberg a bien compris c’est précisément Münich. Le discours officiel du groupe Septembre noir, l’artisan des attentats de Münich, est qu’avec cette action d’éclat la cause palestinienne devient une cause publique et universelle.

Mais il y a un autre discours et dont la vérité est précisément münichoise. Münich est la ville où le projet de fondation du parti national-socialiste s’est cristallisé. C’est en effet le 24 février 1920 qu’a été fondé à Münich le parti national-socialiste. Münich a été le véritable coup d’envoi de ce que sera Auschwitz. En articulant la cause palestinienne, via les attentats des Jeux Olympiques, à l’histoire du nazisme l’extrême-droite islamiste a prononcé un discours à la fois clair, menaçant et provocateur.

On pourrait ainsi parler d’un Münich I, celui de 1920, et d’un Münich II, celui de 1972. Ce second Münich a pour toile de fond les suites de la défaite du Reich devant la coalition "soviético-américaine". Il passe, pour Spielberg, par les attentats du 11 septembre 2001. Et la vérité du Münich II a été "popularisée" récemment par le président iranien Ahmadinejad.

Ce qui est en effet très troublant, et très réussi dans le film de Spielberg – quand bien même les points ne sont pas mis sur tous les "i" – c’est ce que j’ai appelé dans ma note le "scénario". Je veux dire par là que tout "s’est passé comme si", en 1972, les attentats s’étaient déroulés selon un scénario prévu de longue date. Münich, la ville symbolique de l’hitlérisme, s’est avérée d’une inconscience invraisemblable. Les terroristes sont entrés dans le village olympique avec une facilité déconcertante alors même que les massacres du septembre noir de Jordanie s’étaient déroulés deux ans auparavant. Et, pour couronner le tout, les terroristes survivants ont trouvé le moyen de retourner en "arabie" en héros!

Ainsi Münich I et II apparaissent comme des points nodaux dans une guerre qui n’aurait en réalité jamais cessé.

Sans jamais versé dans la "complotite" Spielberg nous suggère également que les services secrets, y compris le Mossad israélien, ont accès assez facilement comme à un fond commun d’informations – et d’informateurs. Il n’y a pas lieu d’imaginer des complots particulièrement pervers. Il y a en réalité une guerre. Elle n’a jamais cessé depuis 1945. Les parties impliquées ne se font aucune illusion. C’est pourquoi elles peuvent à la fois être informées de manière pertinente alors même que les protagonistes qui ont l’initiative imposent l’événement. Aux autres, parfois, d’essayer d’en tirer partie malgré tout. Tel aurait été le choix de faire la traque aux organisateurs – ainsi qu’aux organisateurs, ou supposés tels, d’autres attentats – comme démonstration de responsabilité étatique et de puissance. Mais la machine infernale est en marche. Münich II, à la différence de Münich I, peut se parer en effet de la cause palestinienne.

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1 commentaire

  1. Quelle leçon de cinéma ce cours et cette projection de J. Ford! Je croyais m’attendre à un simple western avec ses elements recurrents ,comme le personnage principal, charismatique et enigmatique,les rivalités ,les pistoletades entre cowboys, la femme (ou les femmes plutôt) au grand coeur mais à la poigne dure, le personnage comique du viellard, ect ect… En effet c’est ce que j’ai observé. Mais au dela d’observer, j’ai vu. J’ai vu le cinéma, j’ai vu un cinema que j’ai rarement eu l’occasion de voir, en fait jamais; un film qui ne repose pas sur une intrigue, un film qui n’est pas de l’écriture : les dialogues n’ont pas autant d’importance que dans les films que l’on peut voir aujourdh’ui et c’est ça qui ma le plus touché dans ce film. Ford reussi à prendre le spectateur dans des jeux de caméra, le spectateur vassille entre observateur et acteur;il contemple alor les paysage des canyons, il est un observateur caché et curieu qui devine les tensions qui lient les personnages puis il croise les regards des personnages et vient ensuite prendre place parmis eux. Quoi de plus remarquable que de pouvoir en dire autant avec un film dont les acteurs parle si peu! Merci, vivement la prochaine scéance.

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