Le dossier du POINT sur Heidegger

Le Point a récemment publié ces trois articles sur Heidegger.

 

La double face de Heidegger

Roger-Pol Droit

Heidegger, face claire. C’est un enfant de la campagne, élevé à la fin du XIXe siècle dans un village catholique, profondément rural, de l’Allemagne du Sud. Le père est tonnelier, et sacristain à l’église paroissiale, la mère vit au foyer. Toute sa vie, le penseur voudra rester un homme de la terre, ancré dans le sol, rétif à la vie urbaine. Il refusera explicitement ce qui est « cosmopolite », « déraciné ». Les logiques du capitalisme lui demeureront étrangères, la domination technique de la terre finira par lui paraître effrayante. Il verra finalement dans l’instrumentalisation de la nature une dévastation criminelle. Garçon remarquablement doué, soutenu par l’Eglise, il reçoit une formation classique et sérieuse, entre au séminaire et entame des études de théologie. A 20 ans, il les abandonne pour choisir la philosophie, au terme d’une crise dont on sait peu de chose, sauf qu’elle signe sa rupture apparente avec le catholicisme. Sa carrière dans l’université allemande est d’abord semblable à bien d’autres, s’ouvrant par des travaux sans grande singularité. Mais, en 1927, à 38 ans, Martin Heidegger publie un ouvrage qui lui vaut une renommée éclatante, faisant connaître son nom loin des fron- tières allemandes. Le titre est abrupt : « Sein und Zeit », c’est-à-dire « Etre et Temps ». La manière dont le penseur s’y exprime est étrange et pâteuse. Pourtant, le retentissement est immédiat.

Car le livre étonne, remettant en lumière une question qu’il affirme fort ancienne, et depuis longtemps oubliée : le « sens de l’être ». Cette question aurait été entendue par les premiers penseurs grecs. Elle porte sur la présence, le « il y a », le fait qu’il y ait « quelque chose plutôt que rien », et non sur la nature des diverses choses existantes. Cette question originaire aurait été délaissée par la métaphysique, depuis Platon et Aristote, au profit d’une interrogation sur les propriétés de ce qui existe (les « étants »). Cet oubli de l’être aurait ouvert la possibilité de la science et de la manipulation technique, filles de cette métaphysique oublieuse de l’être.

Du coup, les conceptions philosophiques du temps, du sujet, de la nature humaine, de l’Histoire se trouvaient mises en cause. Heidegger s’employait à les reformuler. Beaucoup crurent alors à une mutation de la pensée. Son enseignement à l’université de Fribourg connut une audience croissante. Ses étudiants – parmi lesquels Karl Löwith, Hannah Arendt, Emmanuel Levinas, Hans Jonas, d’autres – eurent le sentiment de participer à une aventure extraordinaire. Car leur maître, de semestre en semestre, transformait l’« histoire de l’être » en pivot souterrain de l’Histoire tout court. Le cours du monde ne dépendrait plus simplement des heurts militaires, des manoeuvres politiques, des rivalités économiques ou des inventions scientifiques. D’une manière plus secrète mais plus décisive, la façon dont l’être est pensé viendrait infléchir et transformer le destin de l’humanité.

Face claire, Heidegger apparaît donc, avant tout, comme un penseur qui voulut mettre l’accent sur ce que les philosophes n’ont pas pensé, la tache aveugle de leurs élaborations conceptuelles. Au règne de la rationalité il veut substituer la parole des poètes. Il va s’agir d’attendre une « autre pensée », qui demeurerait en retrait. Dans ce qui est originaire, et comme enfoui sous nos pas, se tiendrait en réserve une promesse d’avenir. A nous de tenter d’y faire retour. Ce rapport à l’être – empreint de ferveur, de respect et de gratitude, de sérénité – a passé longtemps pour le signe distinctif de Heidegger. Du moins dans ce que l’on enseignait le plus souvent à son propos, en France, des années 60 aux années 80. Rarement, à cette époque, étaient évoqués son engagement dans les institutions nazies, son admiration pour Hitler, ses jugements antisémites, son assourdissant silence sur la Shoah. Heidegger n’avait pas de face sombre.

Sans équivoque. La version officielle de sa compromission avec le nazisme disait que Heidegger s’était trompé quelques mois sur la nature du régime hitlérien. Pressé par ses collègues, il avait accepté la charge de recteur de l’université de Fribourg le 21 avril 1933, puis avait démissionné dès le 23 avril 1934. Il avait ensuite, selon ses disciples, souffert des disgrâces, voire des persécutions, infligées par le régime hitlérien pendant une dizaine d’années. Plusieurs ouvrages permettent aujourd’hui d’établir une tout autre réalité.

En quelques dates et citations, la face sombre se précise. 1910 : le tout premier texte de Heidegger est publié dans l’Allgemeine Rund-schau, revue de tendance antilibérale et antisémite. Il y célèbre la figure du prédicateur augustinien Abraham a Sancta Clara, connu pour son nationalisme virulent et son appel aux pogroms. Pour le jeune Heidegger, cette « tête de génie » a cherché « la santé du peuple, dans son âme et dans son corps ». Plus tard, en 1964, le penseur, devenu célèbre, continuera à voir dans ce pourfendeur des juifs et des Turcs un « maître pour notre vie ».

1916, le 18 octobre, il écrit à sa femme Elfride : « L’enjuivement [Verjudung] de notre culture et des universités est en effet effrayant et je pense que la race allemande [die deutsche Rasse] devrait trouver suffisamment de forces intérieures pour parvenir au sommet. » 1918, le 17 octobre, il lui confie : « Je reconnais, de manière toujours plus pressante, la nécessité de Führers. » 1920, le 12 août, il conclut : « Tout est submergé par les juifs et les profiteurs. »

En 1932, comme l’a récemment confirmé son fils Hermann, Heidegger vote pour le parti nazi. 1933, le 12 mars, il écrit – toujours à Elfride – à propos du philosophe Karl Jaspers : « Je suis ébranlé de voir comment cet homme, purement allemand, à l’instinct le plus authentique, qui perçoit la plus haute exigence de notre destin […] demeure lié à sa femme. » Celle-ci – faut-il le préciser pour comprendre ? – était juive.

Devenu recteur dans l’Allemagne du IIIe Reich, Heidegger s’efforce de révolutionner l’Université pour qu’elle soit à la hauteur du destin qui attend le peuple allemand. Sa prétendue disgrâce, après sa démission, ne résulte nullement de sa « résistance », mais de querelles internes entre idéologues nazis. Son « Discours du rectorat » devint au contraire une sorte de classique du nazisme, souvent cité par les organisations étudiantes antisémites, réédité à des milliers d’exemplaires jusqu’en… 1943 ! Après la « nuit des longs couteaux », le 30 juin 1934, Heidegger participe, en septembre, à un projet d’Académie des professeurs du Reich, où il propose de « repenser la science traditionnelle à partir des interrogations et des forces du national-socialisme ». Encore en 1943, alors que la pénurie de papier est à son comble, les éditions Klostermann se voient accorder par le ministère une livraison spéciale pour imprimer les oeuvres de Heidegger. A qui ferait-on croire que ce philosophe fut persécuté par les nazis ?

Après la guerre, interdit d’enseignement par les autorités alliées, réautorisé à enseigner seulement en 1951, Heidegger ne condamnera jamais explicitement le nazisme. De même qu’il ne prendra pas position sur l’assassinat de millions de juifs. A ce terrible silence, qu’il maintient même quand le poète Paul Celan lui rend visite à ce sujet, se combinent les « cordiales salutations de Noël et voeux de Nouvel An » qu’il adresse encore, en 1960, au raciologue Eugen Fischer, fondateur et dirigeant de l’Institut d’hygiène raciale, qui inspira notamment les expériences du docteur Mengele.

Trois solutions. Entre face claire et face sombre, quelle est donc la relation ? Comment penser le rapport qui les oppose ou les unit ? Il y a trois façons de répondre à ces questions.

La première consiste à nier, purement et simplement, l’existence même d’une face sombre. Une petite troupe de disciples fanatiques s’acharne encore, en France, à faire croire qu’on calomnie Heidegger en rappelant sa ferveur pour la croix gammée. Le résultat est grotesque : chaque fois que Heidegger a fait le salut nazi, magnifié le Führer, utilisé les termes du vocabulaire racial hitlérien, cela a voulu dire autre chose, s’est inscrit dans un autre contexte, a eu une autre portée. A l’évidence, cette casuistique de la double vérité ne tient pas.

Une deuxième attitude consiste à tenter de tenir ensemble les deux faces, dans leur tension, en endurant le malaise que leur opposition suscite. Ceux qui adoptent cette attitude considèrent à la fois que Heidegger est l’un des plus grands penseurs des temps modernes et qu’il fut profondément et intensément nazi. La difficulté à résoudre est alors de savoir où et comment faire passer une frontière entre l’appel de l’être et les sections d’assaut, ou d’expliquer comment les deux peuvent se conjuguer.

La troisième issue est de considérer qu’il n’existe que la face sombre, celle que l’on croit claire n’étant que sa face extérieure, ou son apparence vue de loin. Autrement dit, tout se ramènerait, chez Heidegger, à la même source d’inspiration que Hitler – de façon seulement plus contournée, verbeuse et retorse.

Une autre possibilité consisterait simplement à se désintéresser activement d’un penseur extraordinairement confus et brumeux, qui n’a cessé d’inventer des Grecs à sa main, sans souci des réalités historiques, de pratiquer des coupes claires dans l’histoire de la philosophie, sans attention pour sa diversité et sa complexité. On laisserait le pathos de l’authenticité, la manière de tout mettre à l’envers, la conviction d’être, par le seul fait de penser, appelé à un rôle essentiel dans un processus qui nous échapperait, toute une gnose plus ou moins extatique.

En 1933, à Fribourg, Heidegger a vu qu’on arrêtait les syndicalistes, qu’on molestait les juifs et cassait leurs vitrines. Il n’a pas pris le maquis ou le chemin de l’exil, mais sa carte du parti. On a le droit de ne pas habiter la même planète que lui. Et de cheminer avec d’autres philosophes. Le droit, ou le devoir ?

Mort il y a trente ans, le 26 mai 1976, Martin Heidegger suscite plus que jamais les controverses. Au coeur du débat, les relations de sa pensée avec le nazisme : inexistantes, superficielles, limitées ? Ou, au contraire, essentielles, profondes, durables ? Retour sur un dossier sensible.

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Entretien avec Emmanuel Faye
« Heidegger fait sien le culte de la violence et de la mort »

Propos recueillis par Roger-Pol Droit

© le point 29/06/06 – N°1763 – Page 87 – 959 mots

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Heidegger est profondément nazi, dans sa pensée et dans son enseignement philosophique comme dans ses choix politiques : voilà ce que soutient le philosophe Emmanuel Faye, maître de conférences à l’université Paris-X. Il récuse donc entièrement l’idée, autrefois si répandue, d’un partage possible entre les égarements idéologiques de l’homme et l’oeuvre méditative du penseur.

Avant d’arriver à cette conclusion, il a consacré à la question des années de travail et une démonstration de 574 pages. Ce livre, intitulé « Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie », paru chez Albin Michel au printemps 2005, a rencontré un large écho dans la presse française comme dans la presse allemande. Il est en cours de traduction en anglais (Etats-Unis), allemand, italien, espagnol.

Emmanuel Faye montre comment Heidegger a mis sa philosophie et son enseignement au service de l’idéologie du Reich, notamment en assimilant l’Etre à l’Etat hitlérien dans ses séminaires de 1934. Il apparaît que Heidegger ne cesse de défendre, selon ses propres termes, les « possibilités fondamentales de la race originellement germanique », même quand il aborde des thèmes qui semblent appartenir uniquement à la métaphysique et à l’histoire de la philosophie.

En quel sens la pensée même de Heidegger est-elle, selon vous, nazie ?

Sa pensée a connu deux versants, dont l’histoire est inti- mement liée au destin du mouvement nazi. De la fin des années 20 au début des années 40, c’est un moment volontariste : Heidegger fait sien le culte nazi de la violence et de la mort comme sacrifice de l’individu à la communauté völkisch. Ecrivant à Maria Scheler le 7 mars 1933, dans une lettre qui vient d’être découverte, Heidegger se fait l’avocat de la terreur hitlérienne. Il s’enthousiasme pour Horst Wessel, cet ancien souteneur devenu SA et mort dans un combat de rue, que le parti nazi célébrait dans son chant officiel, le « Horst-Wessel-Lied ». Heidegger va jusqu’à en appeler, dans un cours de philosophie, à l’extermination totale (völlige Vernichtung) de l’ennemi intérieur.

A partir de Stalingrad, et plus nettement encore après la défaite du nazisme, s’ouvre une seconde période, d’apparence quiétiste, qui a séduit beaucoup de Français. L’éloge de la sérénité et l’attente du dernier dieu ne peuvent toutefois masquer que Heidegger dépossède les hommes de toute capacité d’agir dans l’Histoire. Ne se reconnaissant plus dans les pouvoirs en place, il rejette explicitement la démocratie et travaille à relativiser, voire à nier la réalité du génocide nazi. Après 1945, jamais il ne parle explicitement de la « solution finale ». Quand il évoque les camps d’extermination, c’est, sans dire un seul mot des juifs, pour mettre sur le même plan des centaines de milliers de victimes – il ne dit pas six millions – et des millions de morts… de faim, en Chine ! Ces famines chinoises furent une terrible réalité, mais elles ne sont pas comparables à la Shoah.

Il ne parle jamais des chambres à gaz ?

Une seule fois, pour les mettre au compte du « dispositif de la technique », au même titre que… l’agriculture motorisée ! Cette association n’est pas seulement odieuse, elle masque aussi le fait que c’est bien la mort de Hitler et la défaite des nazis, et non une « nouvelle écoute de l’être », qui ont mis un terme à la destruction des juifs d’Europe. A mes yeux, un déni aussi grave de la vérité historique fait de Heidegger un des pères du révisionnisme. Sa pensée a épousé la montée en puissance du mouvement nazi, puis inspiré le révisionnisme de ses principaux disciples, l’historien Ernst Nolte en Allemagne, qui a tenté de minimiser la spécificité du totalitarisme hitlérien, et le philosophe Jean Beaufret en France. Ce dernier a exprimé les « mêmes doutes » que le négationniste Faurisson sur l’extermination des juifs.

Cela signifie-t-il en fin de compte qu’enseigner Heidegger, le traduire, le commenter, soit à vos yeux dangereux politiquement ? humainement ? culturellement ?

Il nous faut résister au déni de vérité de l’heideggérianisme. Bien évidemment, résister ne veut pas dire interdire : chacun est libre de lire qui il veut. Il s’agit au contraire, par des recherches plus approfondies, par le débat public et par des traductions sans euphémisme ni jargon, de donner à connaître la réalité de l’oeuvre de Heidegger.

Dans cet esprit j’ai analysé le contenu de cours non traduits et de séminaires en partie inédits. Ils montrent avec quelle radicalité Heidegger s’est identifié aux visées de l’hitlérisme. Je me suis également élevé contre la censure qui pèse sur la recherche, puisque plus de soixante ans après la défaite du nazisme les archives Heidegger, comme les archives Baeumler, ne sont toujours pas libres d’accès à tous les chercheurs.

Il faut aussi repenser la relation de la philosophie à l’effectivité de l’histoire. Il est troublant de constater que des universitaires comme Gérard Granel ont fait l’apologie du « Discours du rectorat » de Heidegger, comme s’il s’agissait d’un texte philosophique, sans voir qu’il est construit autour de la promotion du « nouveau droit des étudiants », qui n’est rien d’autre qu’une législation antisémite.

Que préconisez-vous ?

On n’a pas suffisamment mesuré tout ce que représente, sur le long terme, la diffusion, après 1945, du nazisme et de l’hitlérisme dans la pensée, avec des auteurs comme Heidegger ou Carl Schmitt. Cela vient de ce que l’on a trop vite magnifié une pensée dont les visées racistes et exterminatrices sont à l’opposé de toute philosophie. Aussi peut-on regretter que certains heideggériens préfèrent s’en prendre au chercheur qui apporte des données nouvelles plutôt que d’affronter les problèmes qui se posent désormais à tous. Ces problèmes concernent tout à la fois les fondements nazis de l’oeuvre de Heidegger et les points aveugles de sa réception. Il faut donc développer les recherches critiques, mais aussi renouveler notre manière de discerner ce qui est philosophique et ce qui ne l’est pas

Entre nazisme et heideggérianisme, ce philosophe spécialiste de Heidegger trouve une identité profonde.

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« Une inacceptable calomnie »

© le point 29/06/06 – N°1763 – Page 89 – 837 mots

Avec Walter Biemel, témoin direct, j’étais en mesure d’apprendre si Heidegger avait vraiment « manqué de caractère » – et précisément à l’époque cruciale des années 1942-1944. Ce que m’a alors raconté Walter Biemel est venu corroborer ce que je pressentais. A l’université de Fribourg, me disait-il (et comme j’ai dit plus haut, il l’a publié depuis), Heidegger était le seul professeur qui ne commençait pas ses cours en faisant le salut hitlérien. Je me souviens de lui avoir alors demandé : « Voulez-vous dire que les professeurs hostiles au régime, ceux qui allaient former, après l’effondrement du nazisme, la commission d’épuration de l’Université devant laquelle Heidegger a été sommé de comparaître, faisaient, eux, le salut hitlérien au commencement de leurs cours ? – Evidemment ! Seul Heidegger ne le faisait pas », me répondit Walter Biemel en frappant la table du plat de la main. […]

Walter Biemel ne manquait pas d’attirer mon attention sur le fait tout aussi important que cette attitude courageuse de Heidegger était parfaitement comprise par les étudiants. Aussi me confia-t-il n’avoir pas été étonné outre mesure, lors de la première visite privée qu’il lui rendit à son domicile, de voir Heidegger se livrer à une critique en règle du régime nazi, qu’« il traitait de criminel ». C’était la première fois, ajouta-t-il, que j’entendais prononcer des propos aussi graves de la bouche d’un professeur d’université. […]

Que reproche-t-on à Heidegger ? Toujours et encore ce que l’on prend bien soin d’appeler son « adhésion au nazisme ». Or cette formulation est inadmissible – pour la raison claire qu’en bon français « adhésion au nazisme », cela signifie adhésion à l’idéologie raciale des nazis, laquelle implique : l’extermination des juifs, la réduction en esclavage des « races » prétendues « inférieures » et la création, par sélection des « meilleurs », d’une race appelée à incarner l’humanité future. Rien que dire : « l’adhésion de Heidegger au nazisme », cela implique par conséquent – qu’on le veuille, ou bien que l’on ne s’en rende pas clairement compte – que Heidegger a donné son assentiment à cette idéologie criminelle. […]

A présent, regardons de plus près. Si c’est bien une inacceptable calomnie que de parler d’une « adhésion de Heidegger au nazisme », il n’en reste pas moins que le philosophe s’est engagé, pendant son rectorat, en soutenant sans réserve plusieurs initiatives du nouveau régime – parce que, précisément, il ne soutient pas tout ce qui se fait avec l’arrivée au pouvoir du régime en question. L’une des premières mesures prises par le recteur Heidegger est un fait incontestable et très significatif par lui-même : interdire dans les locaux universitaires de Fribourg-en-Brisgau l’affichage du « Placard contre les juifs » rédigé par les associations d’étudiants nationaux-socialistes (et qui sera affiché dans presque toutes les autres universités d’Allemagne). Ce fait indéniable (que les détracteurs de Heidegger, au mépris de la plus élémentaire honnêteté, passent sous silence, ou bien dont ils cherchent à minimiser la signification pourtant patente) permet, à mon sens, de se faire une idée plus claire des conditions dans lesquelles Heidegger a cru pouvoir assumer la charge du rectorat. […]

Il importe donc de bien prendre en vue le moment chronologique de cet engagement. Au tout début de l’année 1933 (et pendant plus d’un an), le pouvoir de Hitler est bien loin d’être total. Les observateurs, dans le monde entier, se demandent s’il va durer plus de quelques mois. Heidegger, pendant ces quelques mois, examine ce que propose le nouveau chancelier. Ne rejetant pas tout par principe, il donne son assentiment à ce qu’il juge acceptable, tout en s’opposant sans fléchir à ce qu’il juge inadmissible. En regardant de la sorte cet engagement, nous pouvons du même coup y repérer par où il pèche : Heidegger n’a pas vu d’emblée que la nature totalitaire de l’hitlérisme allait s’imposer irrésistiblement, et que de ce fait une distinction entre l’acceptable et l’inadmissible perdrait nécessairement toute pertinence, vu que, dans un totalitarisme, tout est proposé d’un seul tenant – plus exactement encore : vu que tout y est donné à approuver en bloc, de sorte que l’idée même d’y infléchir quoi que ce soit se révèle en fin de compte être chimérique.

Peut-on reprocher à Heidegger de ne pas s’en être aperçu d’emblée ? Pour être à même de répondre honnêtement, il faut préalablement s’être posé la question : ne pas comprendre d’emblée la nature fondamentalement totalitaire d’un régime, est-ce vouloir s’aveugler soi-même ? […]

Un autre fait, tout aussi incontestable et significatif, l’interdiction faite aux troupes nazies de procéder devant les locaux de l’université à l’« autodafé » des livres d’auteurs juifs ou marxistes peut (et dans mon esprit : elle doit) être, elle aussi, interprétée de la même manière, c’est-à-dire comme refus, par le recteur, de ce qu’il juge incompatible avec ce pour quoi il a accepté la charge du rectorat. […]

Mais à peine aura-t-il compris qu’avec ce type d’action il n’aboutissait à rien d’autre qu’à repousser les échéances, sans obtenir de véritables garanties d’indépendance, Heidegger démissionnera de son poste. Rappelons que cette démission, il la présente en février 1934, et qu’elle sera entérinée le 27 avril

François Fédier, chef des défenseurs du philosophe, le juge irréprochable. Extraits de L’Infini n° 95, été 2006. « Heidegger : le danger en l’être » (Gallimard, 255 pages, 15 E).

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Vérité historique et débat d’idées

Le philosophe Emmanuel Faye fait une mise au point à propos du texte de
François Fédier intitulé « Une inacceptable calomnie » (n° 1763).

Polémique heidegger

J’ai lu avec un grand intérêt le dossier sur Heidegger que Le Point
vient de publier dans son édition du 29 juin 2006, et je remercie la
rédaction d’avoir notamment publié mon entretien avec Roger-Pol Droit.
Très sensible au débat d’idées, je comprends bien que Le Point ait en
outre publié un texte du « chef des défenseurs du philosophe ».
Cependant, ce dernier, François Fédier, lance une accusation très grave
de « calomnie » qui ne peut manquer de retomber sur les critiques de
Heidegger qui s’expriment dans les mêmes pages, en l’occurrence
moi-même et Michel Gourinat, et il le fait à partir de deux points :
l’autodafé des livres et l’affichage d’un placard antisémite, à propos
desquels il présente comme des « faits incontestables » des
inexactitudes, pour ne pas dire des mensonges, de Heidegger, qui ne
résistent pas à la vérité historique telle qu’elle a été établie
publiquement par Guido Schneeberger, Hugo Ott, Victor Farias, Bernd
Martin et moi-même à partir de documents écrits et de témoignages
avérés. Malheureusement, les lecteurs du Point n’ont pas la possibilité
de se prononcer sur l’exactitude ou non de ces « faits incontestables »
et de l’accusation de « calomnie » qui en procède. C’est pourquoi j’ai
pensé qu’une mise au point brève, mais précise, était indispensable
tant pour répondre à cette accusation que pour rétablir la vérité
historique. Je vous adresse par conséquent la réponse ci-jointe. En
souhaitant vivement que la vérité soit ainsi rétablie, je vous prie
d’agréer…

Emmanuel Faye

Il est utile que sur l’évaluation de l’oeuvre de Heidegger ait lieu un
débat public et contradictoire où tous puissent s’exprimer. Cependant,
il faut distinguer entre débat d’idées et établissement des faits. A
cet égard, il est très grave que François Fédier présente comme des «
faits incontestables » deux points dont la fausseté est aujourd’hui
démontrée.

Il y a tout d’abord les autodafés de livres par les nazis. En 1945,
Heidegger a prétendu avoir interdit l’autodafé prévu devant
l’université. En réalité, simplement différé par la pluie, cet autodafé
a bien eu lieu, comme le rapporte le philosophe Ernesto Grassi, témoin
oculaire cité par Hugo Ott : « Le feu crépitait devant la bibliothèque
universitaire. » En outre, le bûcher devant lequel Heidegger tient, le
21 juin 1933 – jour de la fête du solstice d’été chère aux nazis -, un
discours où il déclare « flamme, montre-nous le chemin d’où il n’y a
plus de retour » est annoncé dans la presse nazie de Fribourg comme un
« autodafé symbolique de la littérature de souillure et de salissure
», après que « la grande masse des livres a déjà brûlé sur l’Exercier-
platz » (Der Alemanne, Kampfblatt der Nationalsozialisten Oberbadens,
20 juin 1933, page 12).

Il y a ensuite le placard antisémite que Heidegger a également prétendu
avoir interdit. En réalité, ce placard a été affiché dans tout le Reich
de manière concertée le 12 avril 1933, donc avant que Heidegger ne
devienne recteur. Si l’affichage a été interdit à l’université de
Fribourg, cela ne peut donc avoir été le fait que du prédécesseur de
Heidegger, le recteur von Möllendorf, qui a démissionné peu après sous
la pression du pouvoir nazi. Surtout, la correspondance citée par Hugo
Ott et Victor Farias prouve que Heidegger a entretenu des liens étroits
avec Gerhard Krüger et Georg Plötner, les dirigeants de la Deutsche
Studentenschaft ou DSt, l’organisation des étudiants nazis qui a pris
l’initiative à la fois de l’affichage des thèses antisémites et des
autodafés. Heidegger a personnellement organisé, les 10 et 11 juillet
1933, deux journées à Berlin avec les chefs de la DSt en vue de créer
des « camps du savoir » (voir la Breisgauer Zeitung, 12 juillet 1933,
page 5). Il est évident que cette collaboration eût été impossible s’il
s’était opposé à l’action de la DSt. Enfin, j’ai montré que le discours
de rectorat de Heidegger et les thèses antisémites des étudiants nazis
ont été réédités par deux fois, dans le même ouvrage et en vis-à-vis,
en 1938 et 1943.

Dans le même passage de la lettre de 1945 où Heidegger tente de se
justifier, il va jusqu’à affirmer qu’il n’a « jamais participé à une
quelconque mesure antisémite », ce qui est faux. Tout au contraire, le
recteur Heidegger a pris publiquement les mesures discriminatoires les
plus graves, comme sa directive du 3 novembre 1933* , où il ordonne de
ne « plus jamais » accorder de bourse aux « étudiants juifs ou
marxistes ». Dans la même directive, il déclare que les bourses seront
désormais attribuées en priorité aux étudiants qui, durant les années
précédentes, avaient « lutté dans la SA et la SS » pour «
l’insurrection nationale ». Et il précise ce qu’il faut entendre par «
étudiants juifs » : ceux qui sont « de souche non aryenne »
(nichtarischer Abstammung) au sens des lois antisémites entrées en
vigueur dès avril 1933. Pourtant rééditée par Schneeberger en 1961 («
Nachlese zu Heidegger », p.137), cette lettre n’a jamais été citée ni
par François Fédier ni par Hermann Heidegger, et pour cause. Le seul à
la mentionner est Raul Hilberg, dans « La destruction des juifs
d’Europe ».

Pour toutes ces raisons, il n’est plus possible de présenter
sérieusement ces mensonges de Heidegger comme des « faits indiscutables
» et de bâtir sur eux des accusations de « calomnie ». Il faut ajouter
que c’est dans ses séminaires et ses cours de « philosophie » récemment
parus qu’il a fourni la justification la plus complète de son action
raciste. La question n’est donc plus seulement celle de l’engagement,
mais bien des fondements nazis de l’oeuvre. C’est sur ce point qu’un
vrai débat public est maintenant nécessaire.

Emmanuel Faye

* Freiburger Studentenzeitung, 3 novembre 1933, page 6.

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26 commentaires à Le dossier du POINT sur Heidegger

  1. Cette confrontation F.Fédier/Emmanuel Faye montre que les questions philosophiques ont partie liée avec l’établissement des faits, l’histoire et la philologie.
    J’ai lu dans « Heidegger en France », dans la bouche d’un heideggérien, l’interrogation suivante : pourquoi François Fédier en reste-t-il sur le plan de l’histoire dans sa défense de Heidegger, au lieu de se placer sur le plan de la « pensée » ? Réponse : parce que ces deux plans ne sont pas si séparables, et que pour défendre Heidegger comme il le fait F.Fédier est également obligé de nier une partie de la réalité historique, et pas n’importe laquelle.
    Dans ce contexte, je réunis sous forme de dossier mes interventions sur le révisionnisme, notamment quand il concerne des gens qui écrivent sur « Parolesdesjours », mais pas seulement.
    YE.

    a) J’ai terminé ma lecture de « Die Heidegger Kontroverse » (Frankfurt am Main, Athenäum, 1988 – textes en réaction au livre de Victor Farias réunis par Jürg Altwegg, qui traite de l’affaire Heidegger dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung).
    Il s’agissait pour moi de comparer les différentes « affaires » Heidegger. De fait, et comme cela a été répété à l’envie, il y a des choses qui se répètent, et notamment des prises de position. GA Goldschmidt est déjà là, Bourdieu aussi, dont la présence aurait été bienvenue dans cette nouvelle affaire qui nous occupe actuellement. Alain Finkielkraut, qui ne parlait alors pas plus l’allemand qu’aujourd’hui, avance qu’il y aurait dans la critique de Heidegger « une forme de stalinisme qui rappelle les années 30 » (p. 108), sans vouloir voir que ce n’était pas de stalinisme qu’il était question. Pour Jürgen Busche « Also gut Heidegger war ein nazi ! » (Plasterstrand du 23 janvier 1988 ; Jürgen Busche a par ailleurs été un des vifs défenseurs de Peter Handke lors de ses récentes prises de position révisionnistes, avec Botho Strauss pour qui le génie a somme toute un droit à l’horreur que les éboueurs eux n’ont pas). Sous-entendu « et alors ? ». C’est que pour lui comme pour Rudolf Augstein (auteur de « Aber bitte nicht philosophieren ! » en 1987 dans le Spiegel, et en 1947 du fameux « Spiegel-Gespräch » avec le philosophe teutomanne) ou pour Henning Ritter (auteur à l’époque d’un « Bruder Heidegger »), la pensée ne saurait être touchée par l’engagement politique. Le fait que ces journalistes aient eu par ailleurs ou au cours des polémiques en question des positions ultra-réactionnaires n’a donc rien à voir avec leur défense de Heidegger. Dans son article du 29 octobre 2005 sur le livre de Emmanuel Faye, Henning Ritter a avancé qu’à tout prendre le nazisme de Heidegger serait moins dangereux que Descartes, ce dernier ayant le tort d’être « zu westlich », trop occidental…il n’y a pas besoin de beaucoup plus de commentaires.
    Le Nouvel Observateur du 22.01/1988 avait par ailleurs publié des extraits de « La fiction du politique » de Philippe Lacoue-Labarthe, qui a heureusement bien évolué depuis. En les relisant je me suis rappelé pourquoi je n’ai pas réussi à aller beaucoup plus loin que la préface de cet immortel ouvrage (préface où il est avancé que Victor Farias n’est somme toute qu’un complot de Jean-Pierre Faye. On peut choisir de rire). P. 122 on apprend ainsi que la prise de parti heideggérienne pour le national-socialisme aurait été une erreur si celui-ci n’avait pas été porteur d’une possibilité que Heidegger a bien vu en lui. P. 123 on apprend que Heidegger s’est trompé en 33, mais qu’en 43 il sait qu’il s’est trompé, « non sur la vérité du national-socialisme, mais sur sa réalité » (réalité et vérité n’ont donc rien à voir…). P. 124 notre penseur nous apprend qu’il entend se limiter à une question de pensée, et qu’il lui semble inutile de revenir aux faits. Puisqu’on vous dit que vérité et facticité n’ont rien à voir… circulez. Notre penseur ne voit pas en quoi être nazi était un crime- je cite la traduction allemande p. 124 : « Ich sehe nicht (…) daß nazi zu sein ein Verbrechen war. Diese Rede kann man politisch führen, und sie ist es, die ich persönlich führe. Aber die Sache bleibt zu denken, und hier sind Anekdoten [sic. Pourquoi pas des « détails de l’histoire »] von keinerlei Hilfe, selbst wenn es Dokumente und Zeugnisse gibt, die meines Erachtens bestürzend sind. » Voilà donc une estimation qui ne saurait être bouleversée par des choses aussi inintéressantes pour elle que l’histoire, l’existence, la réalité, les « documents et témoignages », toutes ces choses pour ploucs positivistes. Cette citation me suffit.
    Notre penseur avait pourtant vu que prendre parti pour le national-socialisme c’était prendre parti pour un racisme : « Indem man sich dem Nationalsozialismus anschloß, für wie kurz auch immer, schloß man sich notwendig einem Rassismus an. » (id.). Mais Auschwitz est la révélation de l’essence de l’Occident, j’imagine donc que le concept de responsabilité individuelle n’a plus cours : « Nicht mehr und nicht weniger als das Wesen des Abendlandes ist es, was sich in der Apokalypse von Auschwitz enthüllt hat » (p. 125). Quand on a prononcé ce genre de phrase, des questions comme « comment, où, qui », n’ont plus vraiment lieu d’être.
    Par ailleurs on peut penser ce que l’on veut de Derrida et de son livre « De l’esprit », mais sa réaction de 1988 (dans un entretien avec Didier Eribon, le Nouvel Obs du 6 novembre) était cependant supérieure à bien des dénégations impossibles que l’on peut encore lire aujourd’hui (Altwegg p. 87, on m’excusera le ridicule qu’il y a à citer la traduction allemande, mais je n’ai rien d’autre sous la main) : « welcher anspruchvoller Leser hat jemals geglaubt, die Rektoratszeit sei eine isolierte und leicht eingrenzbare Episode gewesen ? » Demandant lui même quel lecteur exigeant a jamais pu croire que le rectorat n’était qu’un épisode isolé et facilement délimitable, on aurait pu s’attendre à ce qu’il nous sorte autre chose comme explication du nazisme heideggérien qu’une nouvelle inculpation de la « métaphysique occidentale ».
    Mais mon désappointement le plus grand a par ailleurs été la lecture de l’article de Lévinas, dont avec Bourdieu je regrette le plus l’absence aujourd’hui. Qui d’autre que lui parmi les élèves de Heidegger, sauf peut-être Löwith (et Anders, mais ce dernier en se dégageant presque complètement de son emprise), a vu et décrit le mieux le pire de la pensée heideggérienne ? En 1988 il se contente d’abord de dire lui aussi que dans le livre de Farias de nombreuses informations qui sont données étaient en fait déjà connues, et que d’autres devront être vérifiées : « das Buch von Farias, in dem viele bekannte Informationen wieder aufgenommen werden und zahlreiche andere hinzukommenderen Details gewiß einer kritischen Überprüfung bedürfen » (p. 103). Mais ensuite Lévinas avance pourtant que même « Être et temps » pourrait bien être entaché par « le mal », avant de s’en tirer par une pirouette qui laisse quelque peu sur sa faim, et qui était déjà celle du titre (« Das Diabolische gibt zu denken », le diabolique donne à penser…on a envie de demander « …quoi ? ») : « Was die intellektuelle Stärke in SuZ angeht, so kann dem ganzen immensen Werk, das auf dieses außergewöhnliche Buch von 1926 gefolgt ist, die Bewunderung nicht versagt werden. Kann man aber sicher sein, daß das Böse darin nie auf ein Echo stieß ? (…) Was wollen Sie, das Diabolische gibt zu denken. » Il y a-t-il un lien entre cette esquive, ainsi que le malaise à parler du nazisme de Heidegger (dont témoigne par exemple Marc de Launay, qui avait fait une intervention sur le nazisme de Heidegger à partir du Scheeberger dans le séminaire de Lévinas), et le statut de l’histoire réelle dans la pensée lévinassienne ? Dans un autre registre, D. Janicaud parlait je crois d’ « érotisme de vitrail » pour désigner les descriptions lévinassiennes de la caresse, assez loin il est vrai de l’érotique réelle, mais bon. Je pensais quant à moi au statut de la responsabilité selon Lévinas, qui va jusqu’à voir dans le commandement une exigence de prendre sur soi jusqu’à la culpabilité du bourreau – responsabilité qui va jusqu’à englober celle de mon persécuteur ; ce n’est ici qu’une esquisse, mais je crois que le problème est à creuser.
    Je passe ici sur l’intervention de Pierre Aubenque, qui s’emploie à pointer plusieurs faiblesses du livre de Farias et à rappeler que KO Appel a été nazi (« alors hein pourquoi on nous embête, les analytico-machins aussi »), en faisant semblant d’ignorer le travail de Hugo Ott, déjà disponible à l’époque. Bien pratique.

    Rédigé par: Yvon Er | le 15/07/2006 à 12:16

    b) J’en viens à l’immortel article de Jean Baudrillard paru dans « Libération » du 29 janvier 1987. « Zu spät ! » dit la traduction allemande, trop tard…
    On assiste, nous est-il dit p. 166 du Altwegg, à un revival du fachisme, du nazisme et de l’extermination des juifs, en ce temps de bilan du siècle (on est encore en 1987, mais le millénarisme n’attend pas…). Après avoir accusé Marx d’avoir couché avec sa bonne, Freud d’être un sexiste, voilà qu’on accuse Heidegger d’avoir été nazi (p. 167 ; ces problèmes sont bien évidemment du même niveau…). Ce souci mémoriel ne tient pour notre penseur qu’au fait que nous voulons nous prouver que nous sommes morts en 1940 et 1945 à Auschwitz et à Hiroshima, et ce parce nous ne serions « aujourd’hui » plus « présents » politiquement et historiquement (sic., p. 167). Parce que la philosophie n’est plus présente, elle devrait prouver qu’elle est devenue muette à Auschwitz. De même, nous est-il dit, les arméniens tentent « en vain » de chercher une preuve « inutile » du fait qu’ils ont été massacrés, une preuve qui « d’une certaine manière déterminée » est insaisissable ; je cite la traduction allemande de cet éternel chef d’oeuvre : « In ähnlicher Weise bemühen sich die Armenier, den Beweis zu erbringen, daß man sie in 1917 abgeschlachtet hat, ein unfaßbarer und überflüssiger Beweis, der aber in einer gewisser Weise unangreifbar ist. » (ibid., p. 167).
    Et pourquoi je vous prie ? Parce que de toutes façons notre réalité, y compris les événements tragiques, est passée dans les poubelles des media, ce qui signifie qu’il est trop tard pour les vérifier et les concevoir (ibid., p. 168).
    On aurait voulu donner un exemple digne d’un manuel de complicité entre le négationnisme le plus bas et l’irrationnalisme « post-moderne » le plus chic et choc, que l’on aurait pas trouvé mieux. Puisqu’on vous dit que des concepts comme ceux de responsabilité, de cause objective, de sens ou de non-sens, ont disparu ou sont en train de disparaître (ibid.)…
    On apprend par la suite que nous vivons dans l’ère de l’échangeabilité bourreau-victime, que nous sommes tous coupables, d’où comment une amnistie ? et que plus on étudie le national-socialisme et les chambres à gaz, moins ils deviennent saisissables : « les événements cessent d’avoir existé », et on en viendra à se demander si Heidegger lui-même a existé, « Eines Tages wird man sich fragen, ob Heidegger überhaupt existiert hat. » (p. 169). En se mettant ainsi lui même un bonnet à clochettes (il finit son article en demandant une pétition pour la suppression des années 90, qui serait « plus intéressante que les pétitions humanitaires »), Baudrillard a sans doute échappé à l’accusation de négationnisme. Mais pourquoi s’est-il senti obligé de jouer au bouffon sur ce thème là ? D’autant que porter cet habit à clochettes et faire lustrer son escroquerie mondaine permet de faire passer des phrases qui rendent moins un bruit de clochettes que de bottes : p. 170 il nous est dit que ce n’est pas la nostalgie du fachisme qui est dangereuse (Finkie nous a bien appris par la suite que l’antiracisme pouvait être plus dangereux que le racisme), et que l’affaire Heidegger, le procès Barbie, ne sont que les convulsions douloureuses d’une perte de réalité : « Faurisson übersetzt ihn nur zynich in die Vergangenheit ». On venait, p. 169, d’apprendre qu’il n’y a pas de punition équivalente à Auschwitz, et que quand la punition est irréelle, les faits le deviennent aussi :
    « Es gibt kein vorstellbares Äquivalent der Bestrafung, und wenn die Strafe irreal ist, werden auch die Fakten irreal » (sic.). Je ne suis heureusement pas sûr que nous soyions passé depuis, en dépit de la prophétie baudrillardienne, à un nouveau stade mythique : « im Augenblick erleben wir jedoch etwas anderes. Was sich jetzt als kollektives Erleben in all den Prozessen, all den Polemischen konfus abspielt, ist der Übergang aus dem historischen Stadium in ein mythisches » (p. 169).
    Pas encore. Tant pis pour lui.

    Rédigé par: Yvon Er | le 15/07/2006 à 12:18

    c) mais je dois dire que dans la lecture du Altwegg, c’est celle d’un article de Michael Haller, que jusqu’alors je ne connaissais pas, qui m’a permis le plus de préciser mes pensées au sujet de l’évolution des « affaires Heidegger » (Michael Haller, « Die Philosophen-Streit zwischen Nazi-Rechtfertigung und postmoderner Öko-Philosophie », Die Zeit du 29 janvier 1988 ; M. Haller parle quant à lui du travail de H.Ott).
    Disons d’abord que Michael Haller a bien vu cette tendance qu’il y a en Allemagne face à ce type d’affaires, et qui consiste à ironiser en disant que somme toute, « nous autres allemands » nous savions déjà tout cela, quitte à se moquer en passant de ces pauvres français qui se sont fait des films sur le passé de Heidegger (Dieter Thomä a rejoué exactement ce petit jeu dans sa recension du livre d’Emmanuel Faye). A cela M. Haller répond en demandant : et alors, pourquoi cette connaissance est-elle restée sans suites jusqu’à la fin de l’automne 1987 ? Il se moque là-dessus des heideggériens qui quittent le navire à propos duquel ils n’avaient jusqu’alors rien à redire :
    « Unter der westdeutschen Intellektuellen und Publizisten begann die Debatte typisch deutsch, nämlich mit viel Verspätung une einer Belehrung der angeblich ignoranten Franzosen : Vieles von dem, was Farias aufzeigt, sei in Westdeutschland schon seit langem bekannt und darum nichts neues. Das stimmt. Nur : warum blieb dieses Wissen bis zum Spätherbst des Jahres 1987 folgenlos, und warum führt es jetzt plötzlich im Nachklapp der internationalen Debatte zur Fahnenflucht so vieler Heidegger-Vehrerer ? Plötzlich soll der große alte Mann aus dem Schwarzwald, den Besuch zu haben sich etwa Rudolf Augstein stets rühmte, nur ein Schaumschläger gewesen sein, der mit « verbalen Spielereien seinen legitimen Schwindel » trieb, wie es jetzt im Spiegel heißt. Motto : Rette sich, wer kann. » (Altwegg p. 203)
    Mais ce qui m’a le plus intéressé, c’est la manière dont il décrit le destin du livre de Scheeberger : comment personne, dans l’Allemagne « démocrate chrétienne » du miracle économique des années 60, n’a voulu le publier, et comment G.Schneeberger a fini par s’auto-éditer. Michael Haller décrit alors comment, étrangement, le livre que les bibliothèques universitaires avaient pourtant commandé ne se retrouvait jamais sur les rayons, voire disparaissait complètement – le maître et ses compromissions était déjà devenu tabou :
    « 1961, im christdemokratischen Wirtschaftswunderland mit seinem Globkes und Lübkes, fand sich kein deutscher Verleger, der Schneeberger Dokumentation publizieren wollte. So enschloß Schneeberger sich, das Buch im Selbstverlag zu vertreiben : Zum Preis von zehn Mark mußte es direkt beim Editor zu Bern in der Hochfleldstr. bezogen werden.
    Viele deutsche Universitätsbibliotheken beschaffen sich zwar das Buch, doch merkwürdigerweise gelangte es nicht in die Regale. In Freiburg, München und Marburg, erinnern sich einstige Studenten, ließen Assistenten und Professoren das Kompendium verschwinden : Die Nazi-Verstrickungen des inszwischen weit über 70 jährigen waren tabu ; der Meister galt, wie es der stets kommodierende Heidegger-schüler Hans-Georg Gadamer formulierte, als « ein Schender. Ein Denkender, der sieht. » Schneeberger erstaunliche Dokumentation geriet in Vergessenheit. » (p. 207)
    Il y a cependant un point sur lequel hélas l’affaire actuelle est allée plus loin que celle qui a suivi la publication du Farias en 87 : p. 204 M. Haller avance qu’à la différence de lors de l’ « Historikerstreit » qui vient d’avoir lieu, la relativisation de l’Holocauste n’est pas au cœur de l’affaire Heidegger en 1987 (à l’exception du délire mondain de Baudrillard toutefois ; et c’est à cette période que commence à naître le « Heidegger nous aide à penser Auschwitz », Bourdieu s’en plaint déjà dans son entretien). Elle est malheureusement, par contre, au cœur de celle de 2005. En ce sens on ne peut pas dire que les « affaires Heidegger » se répètent : elles empirent à chaque fois.
    J’ai ouvert il y a peu le Schneeberger et son « étonnante documentation », et de fait ceux qui ont pu le feuilleter ont dû avoir l’impression de ne pas tout découvrir en 1987 : le problème est qu’il s’agissait d’une toute petite élite, dont on peut se demander pourquoi elle a surtout choisi de laisser le problème de côté. Il n’y avait pas là forcément malice, même si malice il y a eu. Mais il n’y avait sûrement pas un grand courage non plus.

    Rédigé par: Yvon Er | le 15/07/2006 à 12:20

    Rédigé par : Yvon Er | le 17/07/2006 à 20:30 | Répondre | Modifier
  2. En second point, les interventions sur M. Plagne, et la recension du livre de M. Faye qu’il publie également sur le site où se trouvent réunis autour de M. Fédier les critiques les plus virulents de ce même livre (et plutôt et plus encore de son auteur), recension que j’ai comparée avec un numéro de la revue « La libre pensée », dirigée par le négationniste Claude Karnooh.

    1/
    Je commence un parcours dans une oeuvre « majeure » pour ce qui nous occupe ici.
    Je parle de la « Pensée libre », revue qui compte en co-rédac chef le négationniste Claude Karnooh, et qui a consacré, entre autres joyeusetés (voir la liste des dernières publications), un numéro à une « réfutation » du livre de M. Faye.
    Ce numéro s’intitulait « Heidegger : Objet Politique Non identifié » (n° 4, avril/mai 2005). L’unique auteur en est Maximilien Lehugeur, mais nous y reviendrons.
    A propos de « Maximilien Lehugeur », donc, qui était au comité de rédaction du numéro 8 (octobre 2005) de la fameuse revue, je lis une note en bas de la p. 5 du fameux n° 4 :
    « Maximilien Lehugeur, ancien élève de l’Ecole normale superieure (Ulm) et agrégé d’histoire, a obtenu un DEA en philosophie. Il enseigne la philosophie et l’histoire des idées. »
    Nous reviendrons donc sur la biographie de M. Lehugeur plus tard, je me contenterai ce soir d’une première plongée dans cette oeuvre maîtresse, histoire d’en donner le goût.
    Difficile comme d’habitude de débattre avec cette chose qui se prétend une critique du livre de Emmanuel Faye et qui en parle si peu. Au point qu’y est reprise l’idée que Pierre Teitgen a avancé sur le dernier blog du monde, et selon laquelle M. Faye aborderait le texte où Heidegger dit que les noirs (« cafres ») ont une histoire comme les singes et les oiseaux en ont une, ce qui n’est pas le cas.
    Ainsi p. 38 : « les Caffres de Heidegger qui suscitent tant la sympathie de E. Faye »
    p. 39 : « E.Faye, qui affiche sa tendresse pour les Caffres »
    Serait-ce là que P.Teitgen a repris son « argument » ? Je ne sais-mais il est vrai que l’attaque de M. Teitgen était par contre formulée sans ce fond raciste évident qui transparaît ici presque sans masque.
    Toujours est-il que consacrer plus de 100 pages à un livre en parlant de textes qui n’y sont pas a pour moi quelque chose d’étrange ; c’est sans doute que je suis encore dans une métaphysique de l’adéquation.
    Par contre si le fond est nullissime, reste une remarquable unité de style. M. Lehugeur sait en effet systématiquement rappeler l’origine juive des auteurs dont il parle, et si ils se trouvent avoir critiqué Heidegger, au moins il sait pourquoi. Ainsi d’Alfred Grosser et de son article du 19 déc 1964 dans « Médiations » : si il s’y montre critique, c’est qu’il y montre « l’aveuglement de la passion d’un Allemand juif exilé » (p. 10).
    Notre auteur, donc, délivré pour sa part de « l’obsession anti-raciste » (p. 33-où il dénonce ce qu’il juge être une focalisation sur l’antisémitisme, une forme de « racisme », donc), sait pourquoi l’ »ancien disciple juif exilé Karl Löwith » (p. 14) s’est rebellé. Le juif exilé, toujours, c’est hargneux vous savez, cela serait capable de vous repprocher votre nazisme…
    Ainsi p. 27
    « Ces attaques simplistes sur la « völkischité » de Heidegger sont fort intéressantes à un certain niveau, car elles témoignent de la mentalité tantôt techno-moderniste que défiera tranquillement Heidegger (d’où la fameuse mentalité « Blubo » qu’on lui reproche : son attachement à la communauté enracinée dans la terre natale) tantôt revancharde de Juifs expatriés pour tout ce qui ressemble à un amour des racines allemandes autochtones » [Heine n’était sans doute pas un autochtone…]
    La mentalité « Blubo » n’est donc qu’un attachement à la communauté enracinée…Passons sur la fin qui parle d’elle même.
    p. 28 on n’oublie pas de nous rappeler que Canetti est un « auteur germanophone juif d’Europe centrale et balkanique », qui a le tort il est vrai d’être critique, mais les origines juives de Joseph Rovan ne sont pas oubliées non plus (p. 46), ni non plus celles du « Juif Freud », ou celles des « penseurs « juifs » » qu’il faut convoquer comme Joseph Rovan pour sauver Heide : Lévy-Strauss, Arendt et Derrida (p. 106), ou « l’heideggérien juif Leo Strauss » (p. 50).
    C’est que les témoignages de l’antisémitisme de Heidegger ne sauraient être reçus par un « historien » aussi rigoureux :
    « la femme d’Ernst Cassirer, Tony, qui fera courir sur Heidegger la rumeur sans preuves de son antisémitisme de ressentiment -une pure interprétation socio-psychologique de bourgeoise un peu condescendante et peut-être vexée du manque de déférence de Heidegger devant son mari, et à qui Lévinas sur le tard se croira obligé de dire ses regrets d’avoir préféré Heidegger à Davos » (p. 102).
    C’est qu’il avait rien compris le Lévinas…puisqu’on vous dit que « Mais Elfriede Petri avait pour meilleures amies dans sa jeunesse des Juives ! » (p.57), si vous voyez à mal c’est vraiment que vous cherchez.
    Par contre les heideggériens qui ont eu le tort de discuter avec E. Faye ont pratiqué une « diplomatie fort münichoise » (p. 20), et notre si grand résistant sait dénoncer « les histoires « révisionnistes » à la Faye » (p. 42).
    Cela suffit pour aujourd’hui, il est temps que je reprenne ma respiration.
    Mais le meilleur est à venir.
    To be continued…
    Yvon Er.
    Rédigé par: Yvon Er | le 26/06/2006 à 20:30

    2/
    je poursuis la lecture du numéro de la revue « La pensée libre » dédié à la « critique » du travail de M. Faye.
    Je poursuis en « bergsonien bien connu » (Citation : « le philosophe V. Jankélévitsch, bergsonien bien connu, caché à Toulouse pendant l’Occupation », p. 10-il y est rentré en résistance et ses origines juives posaient quelques problèmes, mais passons…), mais laisse quelque peu de côté l’unité de « style » pour me pencher sur « l’argumentation ».
    On pourrait dire, ma foi, bien des choses. Suivont donc simplement l’ordre du déploiement de la chose, phénoménologiquement si on veut. P. 17 on rencontre un formidable argument contre « ce torchon ! » (p. 18), cette « foutaise diffamatoire », qu’est le travail de M. Faye :
    « les Lois raciales de Nüremberg, qui d’ailleurs -mais pourquoi le dire ? [oui, pourquoi ?…] – n’ont aucun rapport nécessaire avec l’extermination physique des juifs, puisque les nazis les présentaient comme une sorte de version allemande des lois de séparation du judaisme, !, répétant, mais cette fois en les racialisant les lois prussiennes de 1822, qui interdisaient la haute fonction publique et les offices de la magistrature et de l’armée aux Juifs,
    Ainsi donc il n’y a nul rapport nécessaire entre les lois raciales de Nüremberg et l’extermination physique des juifs, puisque les nazis ne l’ont pas présenté ainsi.
    Le petit problème qui fait de cette « argumentation » un révisionnisme virulent, outre l’imposture qui consiste à jouer ainsi de la parole nazie, c’est bien entendu qu’une extermination n’est pas décidée d’un coup de tête, mais découle d’un projet et d’une volonté inscrite dans la durée. De ce fait pas d’extermination sans persécution et ghettoisation préalable. Faire des lois de Nüremberg une racialisation des dites lois prussiennes, c’est délibéremment oublier qu’avec les lois de Nüremberg les juifs perdaient la nationalité allemande. Heidegger est par ailleurs devenu le recteur d’une faculté dont tous les professeurs juifs avaient été expulsés, mais passons. Comme d’habitude lorsque l’on sort ce type « d’arguments », convoquer Hannah Arendt à tort et à travers est du meilleur effet. Du reste notre auteur n’ignore rien de l’article 4 du programme officiel du NSDAP. Cf p. 77 :
    « Il faut ajouter ce point capital, de 1930 à 1933 pour gagner les élections, le NSDAP fut extrêmement discret sur son antisémitisme. Le programme de 1920 prévoyait « seulement » (article 4) de limiter les droits des Juifs dans la société et de les exclure de la politique, de la justice et de l’administration : « seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il faut être de sang allemand, la confession importe peu. Aucun Juif ne peut donc être citoyen ».
    Notre auteur note ensuite que si on se choque de l’espoir mis dans un parti antisémite, on doit au moins prendre en considération le dévoilement progressif de la criminalité de ce racisme et son caractère assez « modeste » [sic.] en 1933-35 voire en 1933-1938, avant la nuit de Cristal, en le comparant avec l’antisémistime européen et notamment avec celui dominant d’Europe centrale et orientale.
    Avec ses propres guillemets M. « Lehugeur » signait assez le caractère révisionniste de ses euphémisations, et les contradictions énormes dans lesquelles elles le place, notamment après la citation de l’article 4 de 1920, qui suffit.
    P. 41, l’oeuvre continue :
    « Heidegger qui fréquenta certains anthropologues racistes était sans doute intéressé par la question des fondements scientifiques de ces théories qui existaient, et de longue date hors d’Allemagne(en particulier en Suède et aux Etats-Unis), et tentaient de s’opposer à l’universalisme. Il s’agissait de proposer une théorie des processus historiques et facteurs d’histoires différentes. N’était-ce pas une façon de les mettre en question ? Même si Heidegger a pu s’intéresser aux théories des instituts raciaux et eugéniques de l’époque, il y a loin avec cautionner l’extermination des « races » en question. »
    Pour sortir du flou, rappelons que Heidegger continuait chaque nouvelle année de l’après-guerre à échanger des voeux avec le « raciologue » Eugen Fischer, théoricien de l’extermination des métis de Namibie au début du XXème siècle, et qui avait formé dans son institut le « médecin » Mengele. C’était sûrement une façon de le « mettre en question ».
    Un peu plus loin notre auteur convoque Karl Haushofer, inventeur du terme « Lebensraum », et argue pour défendre « l’innocence » du terme chez ce monsieur du fait que Haushofer avait une femme juive. Il aurait utilisé le mot « race » dans ses textes des années 20-45 sans y mettre de connotation exterminationniste :
    « Il est d’ailleurs marié à une juive ! Ce qui n’empêche pas Karl Haushofer d’admettre à un certain niveau un anti-sémitisme politique. C’est-à-dire que plus respectueux que Hitler de la « culture juive », il estime qu’elle peut nuire à la cohésion de la nation. »
    De fait les enfants de Haushofer font partie des quelques exceptions faites aux lois raciales du Reich, et cela parce que leur si net papa était le maître à penser de…Rudolf Hess, qui protégea la famille jusqu’à sa disparition. En poursuivant ce type d’argument, on pourra aussi retrouver le juif qui a réussi a rentrer dans la SS pour expliquer que bon, tout n’était pas si mal chez ces gens. Mais puisqu’un « antisémitisme politique » peut être « plus respectueux de la « culture juive » ».
    P. 47 M. « Lehugeur » lutte contre le « terrorisme intellectuel de notre époque », car franchement il n’y a pas de honte à avoir sympathisé avec la révolution conservatrice, et après tout ne diabolisons pas…
    P. 50 : « Il faudrait aussi se demander si avoir cautionné les lois de Nüremberg en 1935 (même sincèrement) revient à soutenir l’extermination physique : rappelons que ces lois sont d’apartheid et ressemblent au Statut juif français de 1940. Il est simplement faux (anachronisme) et scandaleux de rendre responsable de l’extermination, alors inconcevable pour la plupart des nazis [sic.], puisqu’elle n’a rien à voir avec le programme du NSDAP de 1920, toujours en vigueur et que ces lois se contentent d’appliquer. »
    Je ne devrais pas avoir à commenter ce texte, d’autant que vaut encore ce que j’ai dit de la citation de la p. 17. Que dire de quelqu’un qui pour « sauver » les lois de Nüremberg les rabat sur le Statut juif français de 1940 – qui n’a sans doute rien à voir avec l’extermination physique lui non plus, après tout qui aurait pu penser en 1940 que l’on allait pas envoyer les juifs en vacances à la mer ?
    P. 51 : où l’on apprend que Jünger était le partisan d’un « aristocratisme démocratique si on veut, avec une tendance anarchiste de droite ».
    P. 54 que le « Discours de rectorat » est un « exposé très défendable d’une philosophie de l’éducation. », et que d’ailleurs Heidegger ne jugera jamais indécente sa réédition. Alors ? Puisqu’on vous dit que…
    P. 59 on apprend que les camps de travail auxquels a participé Heidegger avec ses étudiant relevaient d’un « scoutisme de philosophie dans la nature genre Wandervogel ». P. 64 les Wandervogel sont eux mêmes décrits comme des « romantiques naturistes » (sic.).
    P. 71, une nouvelle fois le coup de l’anachronisme : le nazisme de 34-38 « n’inspirait pas l’horreur qu’il inspire rétrospectivement », et les projets du NSDAP étaient « d’ailleurs en partie indéterminés ».
    « En partie »…d’ailleurs dans les lois raciales de Nüremberg, « les nazis y voyaient une application à l’allemande [sic.] des lois religieuses juives de séparation des Juifs eux-mêmes d’avec les Goyims et se seraient « dits » eux aussi sionistes. » (ibid.).
    Judaisme et nazisme même combat, la preuve ce sont les nazis qui l’ont dit.
    Si on était pas content de toutes façons « rien n’empêche l’individualiste conséquent d’émigrer » (p. 73)
    P. 79 on apprend que Hitler jouissait « à vrai dire », peu après les jeux olympiques de Berlin, d’une image très positive à l’étranger.
    P. 82, un autre sommet :
    « Même si on admet que Heidegger avait lu Mein Kampf, ce gros livre indigeste qui n’annonce pas clairement de liquidation de Juifs, même si la haine s’y étale et si une fameuse phrase (fameuse pour nous, rétrospectivement) parle des gaz de la guerre comme expérience que les Juifs fauteurs de conflits mériteraient. Rappelons que le programme officiel de la NSDAP prévoyait « seulement » de limiter les droits des Juifs dans la société et de les exclure de la politique, de la justice et de l’administration et que selon tous les observateurs, la NSDAP pendant les élections de 1930 à 1932, se montra extrêmement discrète, par calcul, sur l’anti-sémitisme : pour se rendre plus fréquentable et plus crédible comme parti de gouvernement. »
    Le passage de Mein Kampf en question dit clairement que si on avait maintenu sous le gaz « quelques milliers » des Juifs « responsables » de la défaite de 14-18, l’Allemagne n’aurait pas perdu la guerre. A part ce « détail de l’histoire », Mein Kampf n’annonce pas « clairement » de liquidation de Juifs. Après tout
    « mieux vaut se demander si Hitler n’apparaissait pas comme un nouveau Bismarck modifié par les circonstances et d’ailleurs « démocratisé » » (p. 83). Après tout donc Hitler « agissait » (ibid.).
    p. 92 on apprend que Gentile a été un « assez bon » ministre laique de Mussolini.
    Voila donc le meilleur de l’argumentation de ce chef d’oeuvre contre la « PME » des Faye (« Les Faye père et fils semblent avoir constitué une PME pseudo-philosophique de la diffamation anti-heideggérienne », p. 110). M. « Lehugeur » a d’ailleur su déjouer le complot du « Gestell » :
    « Le scandale Heidegger comme complot [sic.] du « dispositif » ? Seuls ceux qui feignent d’ignorer les collusions avérées [entre ?] et l’idéologie dominante de « l’Occident développé » ridiculiseront cette hypothèse. » (p. 114).
    Il a du reste compris que « Heidegger est un verrou dans une stratégie des dominos » (p. 119) contre la culture allemande.
    Trouvant la chose trop navrante pour ridiculiser, je la laisse pour aujourd’hui.
    J’ai juste un mot de plus à dire sur notre grand auteur, mais sur ceci, plus tard.
    Yvon Er.
    Rédigé par: Yvon Er | le 28/06/2006 à 19:57
    3/
    Je poursuis mon analyse du numéro 4 de la revue «la pensée libre». L’auteur, M. « Maximilien Lehugeur », est présenté comme un normalien de la rue d’Ulm titulaire d’une agrégation d’histoire et d’un DEA de philosophie, comme nous l’avons vu. Le problème est qu’il n’y a nulle trace d’un quelconque Maximilien Lehugeur (un nom qui sonne quelque peu empire) dans l’annuaire des anciens élèves de l’ENS Ulm. Impossible pour un ancien de ne pas figurer dans « l’archicubier », donc soit M. Lehugeur ment sur ses titres, soit il s’agit d’un pseudonyme. Nulle trace nulle part d’un « Maximilien Lehugeur », l’hypothèse du pseudonyme s’impose donc, en particulier au vu d’un nom qui sonne quelque peu « anachronique » pour reprendre une expression chère à M. « Lehugeur » comme à Nicolas Plagne, qui lui est bien rentré en lettres rue d’Ulm en 1989, a bien une agrégation d’histoire et a bien un DEA de philosophie. M. Plagne est inscrit en thèse depuis le 01.12/1996 à l’université de Valenciennes (directeur Gérard Abensour) sur le thème « Origine, identité, destin de la Russie. Mémoire des origines russes et ses enjeux du début du XVIIIème siècle à nos jours dans la société russe. » (discipline : histoire ; mots clés : conscience nationale, historiographie, identité nationale, mémoire, nation, Russie, slave, URSS, viking, varegue ; code thèse 9605416V). Ceci collerait avec une soutenance de DEA en 1995, dont « Maximilien Lehugeur » parle p. 10-11 du numéro de « la Pensée libre » :
    « En 1995, alors que je mentionnais le nom de Heidegger pendant une soutenance, les deux universitaires de mon jury (un hégélien et un épistémologue), se croyant -mais qui ne s’y croit ?!- au fait du cas Heidegger (l’uniforme SA, le salut nazi à tout propos, notamment en cours, l’entêtement dans l’erreur après 1945, le « silence ») s’exclamèrent : « il avait ça dans le sang » ! Drôle de formule pour des maîtres de philosophie humaniste ! ».
    Par ailleurs, Nicolas Plagne a écrit sur Parutions.com plusieurs recensions dithyrambiques des livres du négationniste Claude Karnooh (co-rédacteur en chef de « La pensée libre ») sur l’Europe de l’Est, et sait lui aussi au besoin convoquer un auteur « juif puisqu’il faut montrer patte blanche »(« Réponse d’un certain Nicolas Plagne, historien, à un certain philosophe… »p. 12, sur le site « Parolesdesjours »).
    Mais cela n’est pas le plus déterminant. Ce qui l’est beaucoup plus, c’est le fait que la « recension » du livre de M. E. Faye que Nicolas Plagne a publiée sur le site « Parutions.com » (mise en ligne le 6 mai 2005) est constituée pour une bonne part de passages et d’argumentaires identiques à ceux que l’on trouve dans le numéro de la Pensée libre (n°4, avril-mai 2005). Compte tenu des dates de publication, un plagiat est très peu probable. Reste l’hypothèse statistiquement non impossible qu’il y ait une deuxième personne normalienne de la rue d’Ulm et titulaire d’une agrégation d’histoire et d’un DEA de philosophie qui ait travaillé avec M. Plagne. Mais ce qui n’est pas mathématiquement impossible n’est pas le plus réaliste.
    Suit une copie des passages en question. On indique d’abord le passage dans la « recension » de Nicolas Plagne dans Parutions.com (« L’introduction de la chasse aux sorcières en philosophie ») puis celui dans le numéro 4 de la revue « La pensée libre » (Heidegger, objet politique non identifié, avril-mai 2005) rédigé par « Maximilien Lehugeur ». Le premier est noté « Plagne », le second « «Lehugeur».

    Dès la première ligne :
    Plagne :
    « Le public cultivé français est rarement informé de l’édition de grands livres sur l’oeuvre de Martin Heidegger. » p.1
    « Lehugeur » :
    « Le public français est rarement informé de l’édition de grands livres sur l’oeuvre de Martin Heidegger, mais il a été abreuvé de compte-rendus élogieux sur l’ouvrage d’Emmanuel Faye (…) » p. 1
    Plagne p. 1 :
    « Il n’est certes pas impossible de philosopher à côté de la pensée de Heidegger, voire contre elle, mais il est impossible de ne pas prendre en considération ce qu’elle dit, pour la dépasser, si c’est possible, ou l’écarter en connaissance de cause. L’auteur d’Etre et temps (1927), de Kant et le problème de la métaphysique (1929), Introduction à la métaphysique (1935), Qu’appelle-t-on penser ? (1951-52) ou encore du Principe de raison (1954-55) a d’ailleurs suscité une importante littérature de commentaires, à laquelle ont participé les grands noms de la philosophie. Pourtant c’est toujours le « scandale Heidegger » qui fait la une des pages culturelles quand on daigne s’intéresser à cet auteur majeur, enseigné partout dans le monde. »
    « Lehugeur », p. 6, affirme que Heidegger est du fait de « l’affaire » devenu cette année un auteur « d’oral de l’agrégation » (alors qu’il a été mis à l’écrit), ce qui rappelle un peu les candeurs de M. Plagne lorsque dans une autre recension sur Parutions.com il se trompe sur l’identité du président de la dite agrégation en affirmant la même chose :
    « Il n’est certes pas impossible de philosopher à côté de la pensée de Heidegger, voire contre elle, mais – ne serait ce qu’à titre de retour critique sur la tradition métaphysique européenne ou l’interrogation sur les présupposés de la conscience « moderne » (son inconscient très actif, son « ombre »), il est impossible de ne pas prendre un moment sérieusement en considération ce qu’elle dit, pour la dépasser, si c’est possible, ou l’écarter en connaissance de cause. L’auteur d’Etre te temps (1927), de Kant et le problème de la métaphysique (1935), de Qu’appelle-t-on penser ? (1951-52) ou encore du Principe de raison ( 1954-55) a d’ailleurs suscité une importante littérature de commentaire, de qualité et d’originalité variable (Heidegger est devenu depuis quelques années un auteur de programme d’agrégation en France, et cette année -grâce au mauvais livre d’Emmanuel Faye – d’oral de l’agrégation ; enfin, il devient partout depuis des décennies un sujet banal de thèse de doctorat), mais à laquelle ont participé les grands noms de la philosophie contemporaine. »
    Plagne p. 2 :
    « Non-juif, il n’avait aucun besoin de fuir ; patriote si on veut « nationaliste », d’esprit communautaire et social, il adhérait sincèrement au principe d’une refondation « nationale et socialiste » non-marxiste voire anti-marxiste. Dans un entretien posthume, il reconnaît avoir commis « une grosse bêtise » (eine grosse Dummheit) ce qui peut s’actualiser en « belle connerie », mais Heidegger était bien élevé. Le terme n’est pas faible pour un homme qu’on dit arrogant et correspond à ses responsabilités réelles. »
    « Lehugeur » p. 87 :
    « Non-juif, Heidegger n’a aucun besoin vital de fuir (certains Juifs, les anciens combattants par exemple, restèrent d’ailleurs en assurant le pouvoir nazi de leur dévouement à la patrie et de leur fidélité au gouvernement) ; patriote (il se dit « national » dans un sens pacifique mais pas « nationaliste »), d’esprit communautaire et social, il continue d’adhérer sincèrement au principe d’une refondation « nationale et socialiste » non marxiste voire anti-marxiste » et p. 62 : « Dans un entretien publié en 1976 après sa mort et accordé au Spiegel, parlant de son engagement de 1933-34, il reconnait avoir commis une « grosse bêtise » ou « imbécillité » (« eine grosse Dummheit »), ce qui peut s’actualiser en « belle connerie », mais Heidegger était bien élevé. Le terme n’est pas faible pour un homme qu’on dit arrogant et correspond à ses responsabilités réelles. »
    Plagne p. 2-3 :
    « Thomas Mann hésita à rentrer en Allemagne pour ne pas perdre son public (il fallut la haine des nazis, l’autodafé public de ses livres et la pression de ses enfants pour qu’il coupât définitivement les ponts avec l’Allemagne, le pays de sa langue), tandis que les émigrés expérimentaient le déclassement et l’isolement culturel de l’apatride. On lira à ce sujet l’excellent Weimar en exil de J.M. Palmier, admirateur de Heidegger et d’Adorno et l’une des bêtes noires d’Emmanuel Faye. »
    « Lehugeur » p. 71-72 :
    « Thomas Mann hésita à rentrer en Allemagne pendant les premiers mois de 1933 et évita d’attaquer de front le nouveau gouvernement pour obtenir l’autorisation de rentrer et de publier, afin de ne pas perdre son public (il fallut la haine des nazis, l’autodafé public de ses livres et la pression de ses enfants pour qu’il coupât définitivement les ponts avec l’Allemagne, le pays de sa langue), tandis que les émigrés expérimentaient le déclassement et l’isolement culturel de l’apatride. On lira à ce sujet l’excellent Weimar en exil de JM Palmier, admirateur de Adorno et l’une des bêtes noires d’E.Faye. »
    Plagne p. 3 :
    « Rappelons avec Georges Goriely (1933 : Hitler prend le pouvoir, éd complexe) que les démocrates de l’étranger, sauf les communistes et une partie des socialistes, virent généralement en Hitler un mal nécessaire, un rempart contre la révolution communiste voire un exemple de révolution pacifique et une expérience de socialisme national capable de sauver le peuple allemand de la crise de 1929, dont nous n’imaginons même plus le caractère dévastateur pour l’Allemagne (voir l’article de Leon Blum dans Le populaire, qui salue l’élection du petit peintre viennois, y voyant une victoire contre l’obscurantisme réactionnaire du conservatisme militaro-prussien ; de même firent Breton et les surréalistes non-communistes). Pour beaucoup, Hitler était le Mussolini qu’il fallait à l’Allemagne ! Souvenons-nous que le libéral Lloyd George vint rendre visite à Hitler à Berchtesgaden en 1935, en sortit très impressionné et vanta ce « Georges Washington » ! Avant d’abdiquer, Edouard VIII d’Angleterre qui se voulait un roi social mais anti-communiste admirait la politique économique de Hitler contre le chômage ! »
    « Lehugeur » p. 80-81 :
    « Rappelons avec l’historien belge Georges Goriely (1933 : Hitler prend le pouvoir, Édit. Complexe) à propos de la fascination exercée par Hitler (cet homme, dit Heidegger, qui en changeant le destin de l’Allemagne change celui du monde, en provoquant partout l’étonnement et en retenant l’attention) que les démocrates de l’étranger, sauf les communistes et une partie des socialistes, virent généralement en Hitler un mal nécessaire, un rempart contre la révolution communiste voire un exemple de révolution pacifique et une expérience de socialisme national capable de sauver le peuple allemand de la crise de 1929, dont nous n’imaginons même plus le caractère dévastateur pour l’Allemagne. Même Léon Blum en 1932 chef de la SFIO, qui va bientôt en 1933 faire exclure les « néo-socialistes » Déat et Marquet pour leur trop grande compréhension à l’égard du fascisme, salue dans un article publié dans Le Populaire le soutien des masses allemandes au « petit peintre viennois » (l’année 1932 voit les nazis à leur apogée « légale » aux législatives et Hitler porté au second tour de la présidentielle), comme une victoire populaire contre l’arrogance de classe de la bourgeoisie allemande et l’obscurantisme réactionnaire du conservatisme militaro-prussien ; de même firent Breton et les surréalistes non-communistes, ainsi Dali, cas le plus connu de fascination pour Hitler et bientôt pour Franco. Pour beaucoup, comme le roi d’Angleterre Edouard VIII en 1936, Hitler était le Mussolini qu’il fallait à l’Allemagne et une source d’inspiration dans la lutte contre la misère de masse, alors que Travaillistes et Conservateurs échouent devant la Crise ! »
    Plagne p. 3-4 :
    « Heidegger n’était pas démocrate libéral mais soucieux du bien-être du peuple (le Volk), or Hitler réduisit spectaculairement le chômage en rendant confiance au pays. Il incarna un moment l’idée d’un Etat hiérarchisé, autoritaire (la tradition allemande de service), respecté à l’extérieur (les vainqueurs de 1918 lui accordèrent ce qu’ils n’avaient pas donné à Weimar et durent accepter la fin du Diktat de Versailles) et moins « classiste » dans la sélection des nouvelles élites : Heidegger était fils de tonnelier sacristain et souhaitait une société méritocratique plus égalitaire. Sur ces points, le nouveau régime lui paraissait une voie allemande (ni individualiste bourgeoise à la française ni égalitariste communiste) de communauté organique proche des thèses de Fichte et de Hegel. Faye surinterprète donc la notion de Volk et le sens de l’adjectif « völkisch », en les ramenant au sens racial nazi, car ces notions ont une longue histoire dans le romantisme allemand auquel Heidegger se rattache ici ! »
    « Lehugeur » p. 84-85 :
    « Pour comprendre pourquoi Heidegger pouvait mettre un espoir dans le gouvernement du Troisième Reich, il faut rappeler sans anachronisme le bilan des premières années de ce gouvernement. Heidegger était soucieux du bien-être du peuple (das Volk), dans une conception sans doute élitiste de la société, de type grec ou aristotélicien, mais qui défendait le droit pour chaque membre de la communauté nationale à une place selon ses talents propres et son travail. Encore fallait-il donner aux gens la possibilité de travailler. Or Hitler réduisit spectaculairement le chômage en rendant confiance au pays. Son État, social de nom, redonna du travail au peuple comme aux jeunes diplômés au chômage, désespérés par la crise. Dirigés par des anciens combattants, des soldats, des hommes venus du peuple, dirigé par un Führer venu de la petite bourgeoisie, cet État apparaissait moins « classiste » dans la sélection des nouvelles élites : Heidegger était fils de tonnelier sacristain et souhaitait une société méritocratique plus égalitaire. Il ne voulait pas la simple restauration de la société d’ordres héréditaires et de classes de 1941 et cela le distingue de la droite nationaliste monarchiste des Junkers (aristocratie terrienne légitimée en caste militariste). Sur ces points, le nouveau régime lui paraissait une voie proprement « allemande » (ni individualiste bourgeoise à la française ni égalitariste communiste) de communauté organique proche des thèses de Fichte et Hegel. E.Faye surinterprète donc la notion de Volk et le sens de l’adjectif völkisch, en les ramenant au sens racial nazi, alors que ces notions ont une longue histoire dans le romantisme allemand auquel Heidegger se rattache ici. »
    Plagne p. 4-5 :
    « Heidegger par gros temps, le livre (absent de la bibliographie) de Marcel Conche, un de nos principaux philosophes vivants, qui sait ce qu’il doit à l’influence de Heidegger mais le critique à l’occasion sans polémique tapageuse, résume bien les choses : Heidegger a eu « son » nazisme en partie imaginaire, un pari sur l’évolution du Mouvement qui pour lui portait une part de réponse pratique et idéologique aux défis de l’époque. Mais il s’en est écarté de plus en plus, en faisant la critique radicale mais philosophique dans ses cours, au point que nombre de témoins ont dit leur embarras devant les messages codés du professeur dans un contexte de répression et d’espionnage. Conche et d’autres avaient déjà pointé les graves défauts de méthode et les distorsions factuelles inadmissibles du livre de Farias (1987), qui instruisait à charge contre Heidegger sur-interprétant dans un sens hitlérien tout ce qui pouvait être ambigu dans ses paroles, ses écrits et ses actes, en refusant à sa prudence les circonstances atténuantes du contexte politique (Farias a pourtant fui la dictature de Pinochet !) et surtout du contexte de l’oeuvre elle-même. Mais ce qu’on n’arrivait pas à prouver, c’était le racisme et le biologisme de Heidegger, un point fondamental du nazisme réel. »
    « Lehugeur » p. 77-78 :
    « Le livre (absent de la bibliographie d’Emmanuel Faye) de Marcel Conche Heidegger par gros temps, (Cahiers de l’Egaré, 2004) un de nos principaux philosophes vivants, qui sait ce qu’il doit à l’influence de Heidegger mais le critique à l’occasion sans polémique tapageuse, résume bien les choses : Heidegger a eu « son » nazisme en partie imaginaire, un pari sur l’évolution du Mouvement qui pour lui portait une part de réponse pratique et idéologique aux défis de l’époque. Mais il s’en est écarté de plus en plus, en faisant la critique radicale mais philosophique dans ses cours, au point que nombre de témoins ont dit leur embarras devant les messages codés du professeur dans un contexte de répression et d’espionnage. Conche et d’autres avaient déjà pointé les graves défauts de méthode et les distorsions factuelles inadmissibles du livre de Farias Heidegger et le nazisme (1987), qui instruisait à charge contre Heidegger en sur-interprétant dans un sens hitlérien tout ce qui pouvait être ambigu dans ses paroles, ses écrits et ses actes, en refusant à sa prudence les circonstances atténuantes du contexte politique (Farias a pourtant fui la dictature de Pinochet !) et surtout du contexte de l’oeuvre elle-même. Mais ce qu’on n’arrivait pas à prouver, c’était le racisme et le biologisme de Heidegger, un point fondamental du nazisme réel. »
    Plagne p. 5-6 :
    « Bien après Karl Löwith, étudiant et disciple juif allemand de Heidegger et devenu le critique de Nietzsche et Heidegger comme penseurs nihilistes, Faye souligne son « décisionnisme » et le met en relation avec sa fréquentation du juriste nazi et théoricien de l’Etat Carl Schmitt. Certes, mais décisionnisme n’est pas nazisme ! La théorie de la souveraineté de Schmitt garde, malgré Faye et Zarka (qui publie une attaque contre Schmitt au même moment), une puissance conceptuelle qu’a bien montré JF Kervegan (Hegel, Carl Schmitt et l’Etat, PUF). Que l’Etat en temps de guerre révèle sa potentialité totalitaire de mobilisation totale au nom de lui-même, comme incarnation du bien collectif de la communauté, c’est ce que la Première Guerre mondiale a montré aussi à propos des démocraties ! On croit relire certains procès de Rousseau ou de Marx. Faye, comme un roi perse antique, tue le porteur des mauvaises nouvelles pris pour responsable de la réalité qu’il décrit. Faye devrait savoir que Machiavel a suscité l’horreur de ses contemporains, notamment des naifs ou des hypocrites et bien plus tard des jésuites, pour avoir dévoilé la vérité de la politique sans la confondre avec la morale. Cela suffisait à passionner l’homme de concepts et penseur de l’être qu’était Heidegger. Quant à s’indigner que la politique soit un rapport « ami-ennemi » dans les situations-limites de danger pour l’Etat (salut public), cela nous renseigne sur les voeux pieux de l’auteur plus que cela ne réfute Schmitt, car, à l’expérience de notre présent, cela demeure la base de l’action internationale (et parfois de politique intérieure) de tous les États. Que Heidegger dise qu’un Etat (même nazi) est fondé à éliminer ses ennemis jusque dans ses concitoyens en cas de trahison, en définissant pour lui-même ce qu’il attend de ses membres et en « inventant » ses ennemis, cela n’a aucun rapport nécessaire avec un éloge de la Gestapo ou des déportations, encore moins avec l’antisémitisme ! »
    «Lehugeur» p. 48-49 :
    « Bien après Karl Löwith critique de Nietzsche et Heidegger comme penseurs nihilistes, E. Faye souligne le « décisionnisme » et le met en relation avec sa fréquentation de Carl Schmitt. Certes oui, mais décisionnisme n’est pas nazisme ! La théorie de la souveraineté de Schmitt garde, malgré Faye et Y. C Zarka (qui publie par hasard une attaque contre Schmitt au même moment), une puissance conceptuelle qu’a bien montrée J.F. Kervégan (Hegel, Carl Schmitt. Le politique entre spéculation et positivité, 1992 PUF). Que l’État en temps de guerre révèle sa potentialité totalitaire de mobilisation totale au nom de lui-même, comme incarnation du bien collectif de la communauté, c’est ce que la Première Guerre et la Seconde Guerre mondiales ont montré à propos des démocraties ! On croit relirecertains procès de Rousseau ou de Marx. Faye, comme un roi perse antique, tue le porteur des mauvaises nouvelles pris pour responsable de la réalité qu’il décrit. Faye devrait savoir que Machiavel a suscité l’horreur de ses contemporains, notamment des naïfs ou des hypocrites et bien plus tard des jésuites, pour avoir dévoilé la vérité de la politique sans la confondre avec la morale. Cela suffisait à passionner l’homme de concepts et penseur de l’être qu’était Heidegger. Quant à s’indigner que la politique soit un rapport « ami-ennemi »dans les situations-limites de danger pour l’État (salut public), cela nous renseigne sur les voeux pieux de l’auteur plus que cela ne réfute Schmitt, car, à l’expérience de notre présent, cela demeure la base de l’action internationale (et parfois de la politique intérieure) des États, de tous les États. Le décisionnisme n’est donc pas du nazisme. Que Heidegger dise qu’un État (même national-socialiste) est fondé à éliminer ses ennemis jusque dans ses citoyens en cas de trahison (« L’ennemi est celui-là, est tout un chacun qui fait planer une menace essentielle contre l’existence du peuple et de ses membres. L’ennemi n’est pas nécessairement l’ennemi extérieur et l’ennemi extérieur n’est pas nécessairement le plus dangereux. Il peut même sembler qu’il n’y a pas d’ennemi du tout. L’exigence est alors de trouver l’ennemi, de le mettreen lumière », dit excellemment Heidegger dans un des séminaires incriminés par E.Faye et cité avec horreur par R. P. Droit), en définissant pour lui-même ce qu’il attend de ses membres et en « inventant » ses ennemis ( « de le mettre en pleine lumière ou peut-être même de le créer, afin qu’ait lieu ce surgissement contre l’ennemi et que l’existence ne soit pas hébétée»), cela n’a aucun rapport nécessaire avec un éloge de la Gestapo ou des déportations, encore moins avec l’antisémitisme !»
    Plagne p. 6 :
    « La vérité est qu’il s’agissait bien plus d’une critique non-marxiste de l’individualisme abstrait (du capitalisme aussi) d’où l’intérêt pour cette approche d’un penseur comme Gérard Granel qui n’eût de cesse de tisser la phénoménologie du capital de Marx et celle de la technique de Heidegger. »
    « Lehugeur » p. 43-44 :
    « d’où l’intérêt de cette approche pour un penseur comme Gérard Granel qui n’eût de cesse de tisser la phénoménologie du capital de Marx et celle de la technique de Heidegger. »
    Plagne p. 6 :
    « Cette vision de la condition humaine est discutable pour des philosophes mus par la foi (les théologiens objectent que l’homme est créé et aimé) mais avant la foi il y a la finitude et l’existence sur fond de mortalité et d’effacement des choses temporelles : Heidegger avait le portrait de Pascal sur son bureau. »
    « Lehugeur » p. 44 :
    « Cette vision de la condition humaine est discutable pour des philosophes mus par la foi (les théologiens objectent que l’homme est créé et aimé), mais avant la foi, il y a la finitude et l’existence sur fond de mortalité et d’effacement des choses temporelles :Heidegger avait le portrait de Pascal surson bureau (…)»
    Plagne p. 7 :
    « Disons même que Lévinas, l’un de ses tout premiers adeptes enthousiastes en France n’a jamais soupçonné, ni avant la guerre ni après, que Sein und Zeit eût pu être un texte protonazi ! De même, que les lectures-commentaires faites pendant la guerre à Lyon par deux résistants, Joseph Rovan (d’origine juive et remarquable germaniste) et Jean Beaufret, ne leur ont pas fait apparaître en pleine occupation la nature pré-nazie des textes de Heidegger qu’ils avaient à leur disposition. »
    « Lehugeur » p.45-46 :
    « Disons même que Lévinas, l’un de ses tout premiers adeptes enthousiastes en France n’a jamais soupçonné, ni avant la guerre ni après queSein und Zeit eût pu être un texte protonazi ! De même, que les lectures-commentaires faites pendant la guerre à Lyon par deux résistants, Joseph Rovan (d’origine juive et remarquable germaniste) et Jean Beaufret, ne leur ont pas fait apparaître en pleine occupation la nature pré-nazie des textes de Heidegger qu’ils avaient à leur disposition. »
    Plagne p. 7-8 :
    « A ce sujet, on lit que le NSDAP, peu intéressé par le détail de la pensée heideggerienne, relativisait les critiques contre Heidegger de collègues philosophes bien plus zélés que lui, sachant que des disputes théoriques doublées d’animosités personnelles les opposaient. Que le Parti ait estimé que Heidegger était « fiable politiquement » pendant la guerre signifie-t-il pour nous que Heidegger était partisan des camps d’extermination ? Cela signifie seulement que Heidegger était tenu pour un « intellectuel » prestigieux, qui n’encourageait pas clairement ses étudiants à l’insoummission et qui restait un patriote, un critique radical du marxisme, du communisme et du matérialisme libéral anglo-saxon, consacrait ses cours à des gloires nationales comme Hölderlin et Nietzsche ou à de vieux textes grecs. Les accusations de subversion de certains collègues laissaient les services du Parti froids. C’est peut-être de quoi Heidegger voulut demander pardon à Jaspers en lui disant sa honte dans une lettre fameuse d’après-guerre. »
    « Lehugeur » p. 67-68 :
    « A ce sujet, on lit aussi que le NSDAP, peu intéressé par le détail de la pensée heideggerienne, relativisait les critiques contre Heidegger de collègues philosophes bien plus zélés que lui, sachant que des disputes théoriques doublées d’animosités personnelles les opposaient. Que le Parti ait estimé que Heidegger était « fiable politiquement » pendant la guerre signifie-t-il pour nous que Heidegger était partisan des camps d’extermination ? Cela signifie seulement que Heidegger était tenu pour un « intellectuel » prestigieux, qui n’encourageait pas clairement ses étudiants à l’insoumission et qui restait un patriote, un critique radical du marxisme, du communisme et du matérialisme libéral anglo-saxon, consacrait ses cours à des gloires nationales comme Hölderlin et Nietzsche ou à de vieux textes grecs. Les accusations de subversion de certains collègues laissaient les services du Parti froids. C’est peut-être de quoi Heidegger voulut demander pardon à Jaspers en lui disant sa honte dans une lettre fameuse d’après-guerre. »
    Plagne p. 8 :
    « Se basant sur des notes de cours, Faye prétend d’ailleurs prouver que Heidegger était un mauvais professeur, qui ne comprenait rien à certains de ses sujets de lecons, par exemple sur la dialectique chez Hegel ! Ici il s’agit d’une grossière exagération à partir de quelques notes. Tous les témoignages de ses meilleurs étudiants, Gadamer, Biemel, Hannah Arendt, Elisabeth Blochmann, même Löwith et plus tard les membres du séminaire du Thor, s’opposent à cette assertion de Faye. Ces étudiants exemplaires, dont la plupart firent une brillante carrière universitaire ultérieurement, reconnaissent tous l’extraordinaire talent pédagogique dont les cours et les séminaires était l’exercice même de la pensée la plus rassemblée, en public. Et même en admettant que ce cours sur Hegel ait été réellement bâclé, ne savons-nous pas qu’on ne peut juger un professeur sur ses « jours sans » ? Professeur lui-même, M. Faye devrait l’admettre sans difficulté… »
    « Lehugeur » p. 90-91 :
    « Se basant sur des notes de cours, il prétend prouver que Heidegger était un mauvais professeur, qui ne comprenait rien à certains de ses sujets de cours, par exemple sur la dialectique chez Hegel ! Ici il s’agit d’un pur mensonge ou si on préfère d’une grossière exagération à partir de quelques notes. Tous les témoignages de ses meilleurs étudiants, Gadamer, Biemel, Hannah Arendt, Elisabeth Blochmann, même Karl Löwith et plus tard les membres du séminaire du Thor, s’opposent à cette assertion de Faye. Ces étudiants exemplaires, dont la plupart firent une brillante carrière universitaire ultérieurement, reconnaissent tous l’extraordinaire talent pédagogique dont les cours et les séminaires était l’exercice même de la pensée la plus rassemblée, se donnant dans son propre mouvement en public. Et même en admettant que ce cours sur Hegel ait été réellement bâclé, ne savons-nous pas qu’on ne peut juger un professeur sur ses « jours sans » ? Je me demande si les cours de M. Faye sont toujours admirés de ses étudiants! »
    Plagne p. 9 :
    « Preuve de nazisme, Heidegger aurait selon Faye exalté la technique tant que le nazisme triomphait et serait tombé dans l’obscurantisme antitechnique à partir des défaites de Hitler ! Or tout lecteur sérieux sait que Heidegger a critiqué la Technique dès ses cours sur Nietzsche avant la guerre et qu’il a toujours essayé de concevoir un rapport équilibré à la nature sans rejet de la science et de la technique, en soulignant l’origine cartésienne (sur le plan métaphysique) du projet de domination absolue de la nature. Que ce projet soit illusoire et dangereux est aujourd’hui une banalité ! Une partie du nazisme a été à la suite du romantisme aux origines de l’écologie, ce qui repose la question du sens de l’engagement de Heidegger et des raisons de son éloignement du nazisme. Quant au fait que Heidegger se complaise dans la pensée obscure des présocratiques, refusant le soleil de la raison platonicienne, autre vieux procès caricatural, la vérité est qu’il cherche à comprendre comment naissent la philosophie et la tradition occidentale avec leur recherche de l’origine absolue des choses (cause ultime, fondement) et leur pente au systématisme. Pour Heidegger, le fond de l’être est abyssal. Sa conception historiciste de la métaphysique (qui a joué un rôle dans l’histoire ultérieure de la philosophie et des révolutions cognitives) s’allie à une méditation encore ignorante de son but (« Chemins qui ne mènent nulle part » ou « de traverse » en quête de la lumière d’une clairière) portée par un souci de dépassement du « nihilisme » (la disparition du sacré). »
    « Lehugeur » p. 94-95 :
    « Preuve de nazisme, Heidegger aurait selon E. Faye exalté la technique tant que le nazisme triomphait et serait tombé dans l’obscurantisme antitechnique à partir des défaites de Hitler ! Or tout lecteur sérieux sait que Heidegger a critiqué la Technique dès ses cours sur Nietzsche, dès la fin du Rectorat, avant la guerre et qu’il a toujours essayé de concevoir un rapport équilibré à la nature sans rejet de la science et de la technique, en soulignant l’origine cartésienne (sur le plan métaphysique) du projet de domination absolue de la nature. Que ce projet soit illusoire et dangereux est aujourd’hui une banalité ! L’obscurantisme dans la peau ? Le goût de l’archaïque et du barbare ? Quant au fait que Heidegger se complaise dans la pensée obscure des présocratiques, refusant le soleil de la raison platonicienne, autre vieux procès caricatural, la vérité est qu’il cherche à comprendre comment naissent la philosophie et la tradition occidentale avec leur recherche de l’origine absolue des choses (accuse ultime, fondement) et leur pente au systématisme. Pour Heidegger, le fond de l’être est abyssal. Sa conception historiciste de la métaphysique (qui a joué un rôle dans l’histoire ultérieure de la philosophie et des révolutions cognitives) s’allie à une méditation encore ignorante de son but (« Chemins qui ne mènent nulle part » ou « de traverse » en quête de la lumière d’une clairière, die Lichtung) portée par un souci de dépassement du « nihilisme » (la disparition du sacré). »
    Plagne p. 10 :
    « On peut certes s’interroger sur le sens de ces textes ou des phrases de cette époque : tentation ou simples concessions à l’idéologie dominante officielle ? Heidegger qui fréquenta certains anthropologues racistes était sans doute intéressé par la question des fondements scientifiques de ces théories, qui existaient, et de longue date, hors d’Allemagne et tentaient de s’opposer à l’universalisme. Il s’agissait de proposer une théorie des processus historiques et des facteurs d’histoires différentes. N’était-ce pas une façon de la mettre en question ? »
    « Lehugeur » p. 41 :
    « On peut certes s’interroger sur le sens de certains textes ou de certains phrases de cette époque : tentation ou simples concessions à l’idéologie dominante officielle ? Heidegger qui fréquenta certains anthropologues racistes était sans doute intéressé par la question des fondements scientifiques de ces théories qui existaient, et de longue date hors d’Allemagne (en particulier en Suède et aux États-Unis), et tentaient de s’opposer à l’universalisme. Il s’agissait de proposer une théorie des processus historiques et des facteurs d’histoires différentes. N’était-ce pas une façon de la mettre en question ? »
    Plagne p. 10-11 :
    « Il est certain qu’il y a chez lui un attachement à l’idée de culture nationale fondée dans la langue et un imaginaire collectif (le Rhin, la germanité mythologique, etc.) et qu’il a pu considérer certains Juifs comme culturellement enracinés dans un cosmopolitisme de diaspora : Faye biologise à l’excès sur des bases fragiles voire grotesques ce nationalisme herdérien pour s’en indigner et destituer Heidegger du nombre des philosophes pour cela. »
    « Lehugeur » p. 34 :
    « Il est certain qu’il y a chez Heidegger un attachement à l’idée de culture nationale fondée dans la langue et un imaginaire collectif (le Rhin, la germanité mythologique, la figure du Poète national Hölderlin, etc.) et qu’il a pu considérer certains Juifs comme culturellement enracinés dans un cosmopolitisme de diaspora : Faye biologise à l’excès sur des bases fragiles voire grotesques ce nationalisme herdérien pour s’en indigner. »
    Plagne p. 11 :
    « Au lieu du « juge Faye », ne doit-on pas laisser les vrais philosophes créateurs de notre temps comme Sartre, Merleau-Ponty, Reiner Schürmann et parmi eux nombre de penseurs « juifs » comme Lévinas, Arendt ou Derrida inspirer notre jugement, par leurs dettes avouées et leurs usages de sa pensée ? Faye semble ignorer que Jaspers lui-même (marié à une Juive, en froid avec Heidegger et critique de certains aspects de sa pensée) demanda peu après la guerre le retour dans l’enseignement de ce philosophe « indispensable à l’université allemande ! » »
    « Lehugeur » p. 106 :
    « Au lieu du « juge Faye », ne doit-on pas laisser les vrais philosophes créateurs de notre temps comme Sartre, Merleau-Ponty, Reiner Schürmann et parmi eux nombre de penseurs « juifs » comme Lévinas, Arendt ou Derrida inspirer notre jugement, par leurs dettes avouées et leurs usages de sa pensée ? Faye semble ignorer que Jaspers lui-même (marié à une Juive, en froid avec Heidegger et critique de certains aspects de sa pensée) demanda peu après la guerre le retour dans l’enseignement de ce philosophe « indispensable à l’université allemande ! » »
    Plagne p. 11 :
    « Il faut noter l’absence de grands noms dans la bibliographie : sont-ils nazis ou imbéciles les Biemel, Wahl, Haar, Grondin, Granel, Vattimo, Birault, et tant d’autres parmi ses commentateurs et ses traducteurs ? N’aurait-on pas eu besoin de leurs lumières ? Leurs travaux prouvent qu’il est absurde de réduire la pensée de Heidegger à sa période de proximité avec le nazisme. Il est vrai que Faye, et c’est fort inquiétant, accuse de « révisionnisme » (après le bluff et le montage, le terrorisme intellectuel) les défenseurs de Heidegger, qui osèrent contredire les procès en crypto-nazisme que sont les « scandales Heidegger ». »
    « Lehugeur » p. 106 :
    « Il faut noter l’absence de grands noms dans la bibliographie : sont-ils nazis ou imbéciles les Biemel, Wahl, Haar, Grondin, Granel, Vattimo, Birault, et tant d’autres parmi ses commentateurs (Koyré) et ses traducteurs ? N’aurait-on pas eu besoin de leurs lumières ? Leurs travaux prouvent qu’il est absurde de réduire la pensée de Heidegger à sa période de proximité avec le nazisme.
    Il est vrai que le jeune Dr Faye, et c’est fort inquiétant, accuse de « révisionnisme » (après le bluff et le montage, le terrorisme intellectuel) les défenseurs de Heidegger, qui osèrent contredire les procès en crypto-nazisme que sont les « scandales Heidegger ». »
    Plagne p. 12-13 :
    « De deux choses l’une : ou l’oeuvre de Heidegger est distincte du nazisme et stimulante pour la pensée, et il est absurde d’en priver les étudiants (qui doivent apprendre à penser) et de la qualifier de nazie ; ou elle est intrinsèquement nazie et les universités sont remplies de nazis, de crypto- et paranazis ou d’imbéciles ! E. Faye prétend que l’oeuvre publiée est le fruit d’une autocensure après 1945 : il est étrange que les intellectuels qui jugèrent le cas Heidegger en 1945 pour la dénazification n’aient pas connus les fameux documents (qui devaient être accessibles), mais si on envisage cette hypothèse, les oeuvres révisées depuis 1945 ne sont donc plus nazies et c’est pourtant ce que leur reproche encore Faye ! On ne comprend pas pourquoi, si ces archives avaient été aussi compromettantes Heidegger ne les eût pas fait disparaître de ses archives. Naïveté ou opération concertée de démolition/diffamation mise en scène par Faye après le ratage de Farias ?
    Le livre se termine par une définition moralisante de l’espace de la philosophie, qui feint d’ignorer qu’on fait rarement de la bonne philosophie en étalant ses bons sentiments et sa vertu outragée. A ce compte, il faudrait retirer des bibliothèques l’oeuvre de Hobbes, en qui on peut voir le chantre du totalitarisme ! Signalons que le politologue antinazi Franz Neumann intitula son étude de l’État nazi Behemoth (1942), qui est aussi un titre de Hobbes ! (Bizarrement Y-Ch.Zarka, autrefois spécialiste de Hobbes, qui n’en demanda jamais l’interdiction et publie aujourd’hui contre Schmitt, bénéficiant des mêmes pages de promotion dansla presse, est signalé en bibliographie par E.Faye ! Il y a des coïncidences !…). »
    « Lehugeur » p. 107-108 :
    « De deux choses l’une : ou l’oeuvre de Heidegger est distincte du nazisme et stimulante pour la pensée, et il est absurde d’en priver les étudiants (qui doivent apprendre à penser) et de la qualifier de nazie ; ou elle est intrinsèquement nazie et les universités sont remplies de nazis, de crypto- et paranazis ou d’imbéciles ! E. Faye prétend que l’oeuvre publiée est le fruit d’une autocensure après 1945 ; or il est étrange que les intellectuels qui jugèrent le cas Heidegger en 1945 pour la dénazification n’aient pas connus les fameux documents (qui devaient être accessibles), mais si on envisage cette hypothèse, les oeuvres révisées depuis 1945 ne sont donc plus nazies et c’est pourtant ce que leur reproche encore Faye ! On ne comprend pas pourquoi, si ces archives avaient été aussi compromettantes Heidegger ne les eût pas fait disparaître de ses archives. Naïveté ou opération concertée de démolition/diffamation mise en scène par Faye après le ratage de Farias ?
    Le livre se termine par une définition moralisante de l’espace de la philosophie, qui feint d’ignorer qu’on fait rarement de la bonne philosophie en étalant ses bons sentiments et sa vertu outragée. A ce compte, il faudrait retirer des bibliothèques l’oeuvre de Hobbes, en qui on peut voir le chantre du totalitarisme ! Signalons que le politologue antinazi Franz Neumann intitula son étude de l’État nazi Behemoth (1942), qui est aussi un titre de Hobbes ! (Bizarrement Ych. Zarka autrefois spécialiste de Hobbes qui n’en demanda jamais l’interdiction et publie aujourd’hui contre Schmitt, bénéficiant des mêmes pages de promotion dans la presse, est signalé en bibliographie par E.Faye ! Il y a des coïncidences). »
    Plagne p. 13 (dernière phrase) :
    « La question est derechef : pourquoi traiter précisément Heidegger en sorcière démasquée ? Au-delà d’une stratégie personnelle ou collective de promotion, il y a sans doute un contexte idéologique. La clé de tout cela se trouve probablement dans la lecture même qu’Emmanuel Faye, après son père, veut nous interdire. »
    « Lehugeur » p. 108 :
    « La question est derechef : pourquoi traiter précisément Heidegger en sorcière démasquée ? Au-delà d’une stratégie personnelle ou collective de promotion, il y a sans doute un contexte idéologique. La clé de tout cela se trouve probablement dans la lecture même qu’Emmanuel Faye, après son père, veut nous interdire. »

    Par ailleurs, certains éléments de l’argumentation (la référence à Leon Blum par exemple) n’ont été utilisés par personne d’autre au cours des débats que par MM. Plagne et « Lehugeur ». Pour des raisons stylistiques et sans pouvoir en être absolument certain, je pense que la « recension » du site « Parutions.com » n’est qu’une version courte et ultérieure du numéro 4 de la « Pensée libre ». Ainsi p. 8 de la recension une phrase inintelligible (« (…) dont les cours et les séminaires était l’exercice même de la pensée la plus rassemblée en public. ») devient tout de suite compréhensible si on lui ajoute ce que contient le numéro de « la pensée libre » (p. 90-91) : « (…) dont les cours et les séminaires était l’exercice même de la pensée la plus rassemblée, se donnant dans son propre mouvement en public ».
    Quoiqu’il en soit, je pense que M. Plagne doit des explications au public, et de son propre mouvement.
    Rédigé par: Yvon Er | le 30/06/2006 à 22:58

    Interventions complémentaires sur les recensions de N.Plagne sur le site d’Amazon :

    Pour continuer sur ce même thème, je cite une recension d’un livre de Maurice Sachs faite par Nicolas Plagne sur Amazon :

    Le sabbat . par Sachs Maurice .
    Edition : Reliure inconnue
    Disponibilité : Article momentanément indisponible

    Mémoires picaresques d’un jeune naïf israëlite homosexuel, 22 Juil 2005
    Ce récit de la vie de Maurice Sachs se lit d’une traite, car il repose sur les atouts d’un syle classique NRF clair et élégant, un humour d’auto-dérision et de satire sociale efficace et un souffle dramatique qui tient en haleine. Il ne s’agit pourtant que de la vie (« ratée ») d’un jeune bourgeois fauché qui grâce à son intelligence charmeuse, son goût de l’aventure et à son talent littéraire passe par divers milieux et voyage dans la France (le Paris des années folles) et l’Amérique (provinciale étouffante) des années 1920-1939. Il es vrai que Sachs rencontre et courtise avec n succès variable des personnalités telles que Gide, Cocteau, Poulenc, les Maritain, Coco Chanel, Max Jacob et fréquente le Boeuf sur le Toit. La paresse et la jeunesse naïve de notre héros lui attirent bien des déconvenues et des échecs, mais il tire toujours de ces aventures des leçons dignes des grands moralistes français de l’âge classique, dont c’est un héritier. Sachs se fait pardonner ses vices (le vol, l’inconstance et le mensonge stratégique) par les circonstances de sa vie, la bêtise ou les défauts de certains de ses interlocuteurs et surtout par son art de la confession impudique et désabusée. C’est un écrivaint méconnu et qui mérite mieux que la réputation sulfureuse qui l’entoure parfois. C’est aussi un témoin de son temps.
    [fin de citation]
    Pour resituer ce personnage à la « réputation sulfureuse », je copie également sa biographie dans wikipedia :

    Maurice Sachs
    Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.

    Rédigé par : Yvon Er | le 17/07/2006 à 20:43 | Répondre | Modifier
  3. En troisième point, retour sur une « lecture » par un « universitaire » portugais du livre de M. Faye. On peut être orienté vers cette oeuvre sur le site « La pensée de Martin Heidegger ».

    Je marque une pose dans ma lecture du numéro de la « Pensée libre » consacré à Heidegger pour décrire la « lecture » du livre de M. Faye par un universitaire portugais (Alexandre Franco de Sá, trad. de Barbara Lacon), lecture à laquelle renvoie M. Domeracki sur son site.
    La chose n’a qu’un intérêt : c’est la première fois que je lis quelqu’un d’aussi avancé dans une institution philosophique quelconque qui déploie une argumentation à ce point « Parolesdesjouriennes », voire plus.
    p. 1, le bonhomme entend lutter contre ceux qui veulent discréditer la personnalité et la pensée d’auteurs allemands qui ont entretenu « des relations de sympathie ou, du moins, des relations qui n’étaient pas d’une hostilité manifeste avec le régime natinal-socialiste. »
    C’est le moins que l’on puisse dire, que l’on parle du secrétaire de Goering responsable des lois raciales du Reich, dont il a été le « Kronjurist » (Schmitt), ou du philosophe qui a participé à la non moins brillante « académie pour le droit allemand ».

    Les stratégies déployées sont connues : les livres de MM. Faye et Zarka n’apporteraient rien de nouveau, ce qui permet de ne pas rentrer dans leurs argumentations. Mais notons que l’on retrouve un argument que le bon JF Kervegan nous avait déjà resservi : pointer le nazisme de ces auteurs serait du même niveau que la stigmatisation des juifs sous le troisème Reich, « de la même manière que l’Allemand des années 30 discutait le catalogue d’auteurs juifs dans les bibliothèques. » (Ibid.). C’est tellement énorme que cela devrait suffire, mais je continue…
    P. 2, il reprend l’hypothèse avancée par Emmanuel Faye selon laquelle Heidegger pourrait avoir écrit certains discours de Hitler pour discréditer l’ensemble du travail de ce dernier (deux lignes sur plus de 550 pages).
    p. 3 on nous refait le coup du biologisme : « Faye ne peut s’empêcher d’affirmer que la confrontation entre Heidegger et le biologisme ne signifie pas, pour l’essentiel, une confrontation critique vis à vis du nazisme »
    Evidemment qu’il ne peut s’en empêcher, puisque M. Faye ne fait ici que suivre les derniers développements de la recherche sur la question raciale dans le nazisme (voir par exemple Cornelia Essner, La quête de la race, Paris Fayard 1995), qui ont bien montré que celle-ci ne se limitait nullement à la question du biologisme.
    Mais continuons : notre grand penseur (spécialiste de Heidegger, Schmitt, Jünger, et d’une manière qui n’a rien à voir avec la politique, non non, traducteur de « Der Arbeiter » de Jünger en portugais) cite le « Zu Ernst Jünger » à la rescousse de son auteur :
    « L’homme n’est pas moins sujet, mais au contraire de manière plus essentielle, lorsqu’il se conçoit comme nation, comme peuple, comme race, comme une humanité qui d’une manière ou d’une autre mise sur elle même » (GA 90). Dans cette phrase notre héros voit une critique de la proposition völkisch (?), ce qui lui permet de dénoncer « l’insistance à trouver chez Heidegger la défense d’une pensée völkisch et d’un racisme biologiste » (p. 5). Une série d’hallucinations visuelles l’empêche visiblement de lire ce qui lui pose problème dans les argumentations de M. Faye et ce qu’il entend faire oublier chez Heidegger.
    Pour nier le lien entre Jünger et Heidegger, il avance que le terme de Hüter n’a rien de nazi, et cite pour cela le « juif libéral » (sic.) H. Kelsen et son « Wer soll der Hüter der Verfassung sein ? ». Le texte en question est peut-être d’ailleurs une réponse à Schmitt, mais il faudra que je vérifie. L’important d’abord est bien sûr que l’on a tout autre chose que le mot de « Hüter » pour comprendre les relations Heidegger/Schmitt.

    Mais le plus « interessant » arrive à la fin. M. de Sá, qui reconnaît par ailleurs p. 7 que le livre de M. Faye est utile pour comprendre le contexte intellectuel dans lequel nageait Heidegger, avance que E. Faye ne saurait pas faire de distingos assez subtils entre les courants du nazisme. « Sauvant » Ernst Forsthoff et Eric Wolf, il avance à ce sujet le rejet heideggérien d’une conception völkisch et raciste de l’état dans lequel celui-ci ne serait rien d’autre qu’un simple instrument au service du peuple et de son unité raciale (Rosenberg). Il s’agit alors pour Heidegger de maintenir une certaine autonomie de l’Etat pour assurer la pérennité du régime. Citation p. 6 :
    « Dans 60 ans, notre Etat ne sera certainement plus conduit par le Führer, aussi ce qu’il deviendra alors dépend de nous ».
    Le problème bien sûr c’est que personne n’a jamais nié que le but de Heidegger fût d’assurer la pérennité de l’Etat nazi, puisque c’est bien de cet Etat là qu’il est question et de nul autre.
    La compréhension « interne », sans « critères extérieurs » aux auteurs abordés, de cette lecture prouve au moins que l’on peut au sein de l’université européenne elle-même développer des critique fachisantes du livre de M. Faye.
    Mais on peut continuer à nier qu’il y a un problème. J’ai pour ma part encore deux ou trois choses à dire à ce sujet.
    Yvon Er.

    Rédigé par: Yvon Er | le 27/06/2006 à 19:54

    Rédigé par : Yvon Er | le 17/07/2006 à 20:47 | Répondre | Modifier
  4. Quant à la lettre envoyée par Philippe Arjakovsky au médiateur du journal le Monde (en réponse à l’article de RP. Droit qui a lancé le livre de M. Faye), et qui du site « Parolesdesjours » a atterri aussitôt sur celui de la revue négationniste « L’Aaargh-conseil de révision », no news. Si vraiment M. Arjakovsky n’a pas voulu cette publication, ce qui reste une possibilité toute mathématique, il devrait avoir été mis au courant de cet état de fait qui remonte à l’été dernier, et pu prendre publiquement ses distances.

    On remarquera sinon l’ignominie de la remarque qui suit le renvoi au site « Parolesdesjours », et qui compare M. Faye à une tare génétique à éliminer, englobant ainsi son père dans la « tare ».
    Lors de la conférence de l’APPEP, et contrairement à ce qui est dit dans cette remarque, la qualification par M. Faye de Heidegger et de J.Beaufret comme « négationnistes » et de F.Fédier comme « révisionniste » a été vive, et due aux membres de « Parolesdesjours » alors présents (notamment MM. Bernard Sichère et Hadrien France-Lanord, voir la conférence, et notamment les pages 4 et 5 : http://www.appep.net/debatheidegg.pdf ). M. Faye a alors eu l’occasion d’expliquer sa position.
    Les Faye père et fils peuvent s’enorgueillir d’avoir provoqué la colère et d’être poursuivis par la haine des milieux négationnistes : je leur tire mon chapeau, ainsi qu’à M. Droit, qui les rejoint aux yeux de ces messieurs.
    Yvon Er.

    Aaargh, Conseil de révision (été 2005 ; fichier accessible sur internet), p. 8-9 :

    DROIT, UN NÉGATIONNISTE TORDU
    Un site « qu’appelle-ton calomnier Heidegger? »
    Lettre au journal Le Monde
    Philippe Arjakovsky
    Dans son article du 25 mars 2005 intitulé “Les crimes d’idées de Schmitt et de Heidegger”, M.
    Droit fait une recension élogieuse d’un livre d’Emmanuel Faye accusant Heidegger d’avoir «introduit
    le nazisme dans la philosophie». Vers la fin de son article, il laisse entendre de la manière la plus
    explicite que Heidegger est directement responsable de l’extermination des Juifs. «Au bout du chemin,
    écrit-il, la mort de l’ennemi est la même» – et d’enchaîner par cette merveille d’ambiguïté sophistique:
    «Une fois les ennemis inventés par le Reich déportés, gazés et brûlés, Heidegger s’est tu.» Mais
    comment le Reich a-t-il fait pour inventer ses ennemis? Semblant comme répondre à cette question,
    un assez long extrait d’un cours de Heidegger (tiré du livre de M. Faye) est cité par Le Monde dans un
    encadré au bas de la page; il y est question de «l’exigence radicale de trouver l’ennemi» et «d’initier
    l’attaque (…) en vue de l’anéantissement total». CQFD: en principe, à la lecture de cette page, le lecteur
    non avisé ou prévenu comprend immédiatement que Heidegger est le véritable idéologue du régime
    nazi et au fond l’inspirateur de la «solution finale». Qui sait même si, en achetant le livre de M. Faye,
    on n’apprendrait pas en plus que ce cours qui nous parle de l’ennemi et du combat n’est pas tout
    bonnement un commentaire du Mein Kampf de Hitler…? Beau suspense commercial!
    Mais vous prenez vraiment les gens pour des imbéciles! Ce cours (sur la vérité) de 1933-34 n’est
    absolument pas inédit: il se trouve dans ma bibliothèque depuis quatre ans – et si on l’ouvre, on
    s’aperçoit que le passage cité sur l’ennemi et le combat est extrait en réalité d’un commentaire… d’un
    fragment d’Héraclite, le célèbre fragment DK 53, qui dit que «Polémos est le père de tout ce qui est…»
    – et la thèse générale du chapitre est que Polémos, le combat, est, pour les Grecs, le foyer essentiel de
    tout ce qui est, bien au-delà de tout comportement humain.
    Rien n’empêche un habile idéologue, pourrait-on me rétorquer, de prendre prétexte de la pensée
    de Héraclite pour soutenir le «combat» de Hitler. Mais là nous passons du domaine de la certitude
    indiscutable d’un fait (ce que laisse suggérer le montage du Monde) à celui de la justesse toujours
    discutable d’une interprétation.
    L’absence ici de tout contexte, de la moindre mise en perspective, nous permet de comprendre la
    différence entre un journalisme critique d’information et un journalisme idéologique qui sombre ici au
    fond de l’ignoble. La manière dont vous présentez cette citation est en réalité un de ces trucages,
    autrement dit un de ces «crimes d’idées» dont vous croyez être les pourfendeurs. Si vous aviez eu
    l’honnêteté d’indiquer le contexte de cette citation, le lecteur aurait pu par exemple se poser la
    question suivante: et si faire cours en 1933-34 sur le polémos (Kampf, combat) au sens d’Héraclite
    n’était pas au contraire une manière pour Heidegger d’offrir à ses étudiants un contrepoids
    extraordinaire à l’autre Combat inspiré par le livre officiel du régime? Autrement dit un acte de
    résistance? C’est là une question, on l’aura compris, que M. Droit a appris depuis longtemps à
    «combattre» de la plus ignoble des manières.
    Mais je me tourne ici plus particulièrement vers le Médiateur du Journal. J’ose imaginer que
    dans votre journal, le journaliste chargé d’une rubrique aime, d’une manière ou d’une autre, ce dont il
    est question dans sa rubrique; pour ne citer que vos plumes les plus connues, on n’imagine pas M.
    Vernet détestant les questions diplomatiques internationales, M. Kéchichian ingurgitant de force la
    poésie mystique ou M. Marmande traîné de force par son rédacteur en chef à la corrida. Ne serait-il
    pas temps quand même de faire oeuvre humaine et de retirer à M. Droit la charge manifestement pour
    lui dégoûtante de s’occuper des livres de Heidegger depuis plus de 20 ans? Soit Heidegger est un
    véritablement un philosophe nazi – et en ce cas le Monde, avec toute sa puissance de plus grand
    journal d’opinion français, s’honorerait, pour clore le procès qu’il lui fait depuis toujours, de lancer et
    de soutenir une pétition nationale pour qu’on réglât définitivement le cas Heidegger – par exemple en
    l’éjectant de la liste des auteurs officiels du programme de Terminale. Et l’on pourrait ainsi enlever à
    M. Droit la charge écrasante de faire semblant de lire les ouvrages de Heidegger. Soit Heidegger est le
    grand penseur de notre temps que d’aucuns aiment à croire, et en ce cas ne croyez-vous pas qu’il serait
    plus «déontologique» (si ce mot a encore du sens dans votre journal) de donner ses livres à un
    journaliste ou à un chroniqueur qui y entende quelque chose, et pourquoi pas l’aime un peu? M. Droit
    aurait ainsi le temps de multiplier les grandes expériences philosophiques du quotidien qu’il nous a
    relatées dans son livre fameux, comme celle de se regarder pisser ou de réciter à l’envers la liste des
    courses (je ne sais plus trop au juste, mais c’était passionnant et cela pourrait donner lieu à une
    chronique hebdomadaire dans votre supplément payant du week-end).
    Je me doute, M. le Médiateur, de ce que vous pourriez me répondre à propos de cette ignominie
    du 25 mars 2005. En face du grand article de M. Droit et au-dessus d’un second article du même se
    trouvaient une enquête de M. Birnbaum et un entretien mené par M. Kéchichian avec Marc de Launay,
    dans l’ensemble plutôt favorables à Heidegger. Mais voilà, ils n’étaient pas à armes égales: que vaut
    l’opinion d’inconnus devant l’ignoble bricolage construit à la page d’en face? Que valent les généralités
    auxquelles se livrent les gens que vous interrogez à propos d’un livre qu’ils n’ont pas encore lu (et pour
    cause, puisqu’il n’est pas encore paru)?

    http://parolesdesjours.free.fr/scandale.htm

    1er mai 2005, salle Cavaillès, Sorbonne
    Emmaniel Faye (junior) a également maintenu, sans rencontrer de la part de la salle la moindre
    demande d’explication, que Heidegger et Jean Beaufret étaient effectivement désignés par
    lui comme “négationnistes”, et que plusieurs commentateurs de Heidegger, dont François Fédier,
    étaient cités dans son livre comme “révisionnistes”.
    Bienvenue au club. Le père Faye était déjà une crapule intellectuelle assez débectante. Le fils
    promet de surpasser son horrible papa. Avec les tests in utero, on devraitmaintenant parvenir à
    ariver à éradiquer ce genre de tare génétique.
    ——————————————————————>

    Rédigé par : Yvon Er | le 17/07/2006 à 21:32 | Répondre | Modifier
  5. Petite question rhétorique : en quoi les sources de Faye seraient elles plus plausibles que celles de Fédier? Réponse : parce qu’elles sont à charge pardi.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 18/07/2006 à 01:24 | Répondre | Modifier
  6. La question est rhétorique en effet, puisque les délires de Fédier ont été démontés depuis longtemps par Ott, qui a publié ses recherches dans des revues d’historiens, recherches faites à partir de données vérifiables.
    Comment pouvez-vous, M. Domeracki, condamner les « fachos » sur votre site et en même temps affirmer que le négationnisme et la violence nazie sont collatéraux pour la pensée ? Comment ainsi condamner le fachisme et reprendre la traduction Arjakovsky-Lanord, « libre usage du nationel » ? Ne voyez vous pas que cette traduction fait partie d’une stratégie ?
    Les allemands, qui n’ont pas à craindre les effets de telles « traductions », ne se trompent guère sur la portée de l’ »Abendgespräch » :

    (Jungle World du 03 janvier 2006)

    Volk ohne Warteraum
    In der Schrift »Abendgespräch in einem Kriegsgefangenenlager« erklärte Martin Heidegger die Deutschen bereits am 8. Mai 1945 zu Opfern. Eine Nachlese von roger behrens
    Im Winter 1933/34 erzählte mir ein aus Freiburg gekommener Student: »In der Umgebung Heideggers haben sie den Freiburger Nationalsozialismus erfunden. Hinter vorgehaltener Hand sagen sie, das wahre Dritte Reich habe ja noch gar nicht begonnen, das komme erst.«
    Carl Friedrich von Weizsäcker
    In einer Bibliothek griff ich vor kurzem zufällig in der Philosophieabteilung nach einem schmalen Band von Martin Heidegger, der fingierte Gespräche enthält, drei »Feldweg-Gespräche«. Es handelt sich um den Band 77 der Gesamtausgabe. Allein der in der Tat beeindruckende Umfang der Werkausgabe, aber auch die Bedeutung, die Heideggers »Fundamentalontologie«, der, wie er es nannte, »Explikation der Frage nach dem Sinn des Seins«, heute noch auch in linken Theoriedebatten zukommt, ja überhaupt seine exponierte Stellung in der Gegenwartsphilosophie übten eine zweifelhafte Anziehungskraft aus, die mich in dem Band blättern ließ.
    »Eine gute Nacht uns beiden und allen im Lager (…) Und der Heimat den Segen ihrer Bestimmung.« So endet das letzte Gespräch, ein »Abendgespräch in einem Kriegsgefangenenlager«, versehen mit der Notiz: »Schloss Hausen im Donautal, am 8. Mai 1945. / Am Tage, da die Welt ihren Sieg feierte / und noch nicht erkannte, dass sie seit / Jahrhunderten schon die Besiegte ihres / eigenen Aufstands ist.« Ein »Gedicht, worin vielleicht doch etwas Gedichtetes verborgen ist«, wie Heidegger meinte. Tatsächlich handelt es sich jedoch um ein miserables Gedicht, in dem die ganze deutsche Ideologie Heideggers »Denken des Inhumanen«, wie der Philosoph und Universitätsprofessor Hassan Givsan es nennt, ihren Ausdruck findet.
    Das Kriegsgefangenenlager, in dem Heidegger das Gespräch stattfinden lässt, befindet sich in der Sowjetunion; die sozialistische Republik wird allerdings in dem Text kein einziges Mal erwähnt, lediglich von »Russland« ist die Re­de, und zwar von der Vorstellung »des weiten Waldes«, der »sich verhüllenden Weite, die in diesen Wäldern Russlands um uns weilt«, denn »das Geräumige, das in der Weite waltet, bringe uns etwas Befreiendes zu«. Nicht gemeint ist damit und nicht erwähnt wird die Befreiung der Welt vom Nationalsozialismus durch die ­alliierten Truppen; Heidegger schreibt am letzten Tag des »Deutschen Reichs«, erwähnt aber mit keinem Wort den Nationalsozialismus. Es geht stattdessen um das Volk, die Deutschen, das Wesen des Deutschen, das Wesen des Volks, das Volk der Dichter und Denker, das Wesen des Dichtenden und Denkenden und allerlei mehr.
    Heidegger verbrämt dies in dem Gespräch ontologisch, behandelt die Begriffe »Volk« und »Deutsch« als eine Art Grundworte des Seins. Das eigentliche Problem der Gegenwart besteht für ihn darin, dass dieses Sein verborgen, nicht zugänglich sei. Heidegger spricht wie bereits im Jahr 1927 in seinem Buch »Sein und Zeit« von der »Seinsvergessenheit«; die Welt sei von einer »Verwüstung« heimgesucht, lautet das Grundthema des Gesprächs. »All die Jahre des Kriegsdienstes hindurch, ja in gewisser Weise schon vorher in der Zeit des Universitätsstudiums war mir, als sei mein Wesen zugemauert und als Ganzes ausgestoßen aus der freien Weite des Denkens, das ich wie ein fernes Land doch um dieselbe Zeit ahnen durfte und ahnen lernte.« Es sei eine Verwüstung, die 1945 »über der Heimaterde und ihren ratlosen Menschen lagert«. Doch »diese Verwüstung sei keineswegs erst die Folge der Weltkriege, sondern die Weltkriege seien ihrerseits schon und nur eine Folge der Verwüstung, die seit Jahrhunderten die Erde anzehrt«.
    Es ist anzunehmen, dass Heidegger bei den Kriegsgefangenen, die er hier miteinander reden lässt, an seine beiden vermissten Söhne dachte: Soldaten der deutschen Wehrmacht, aufgehalten auf dem Weg des Terrors gegen die Sowjetunion. Doch in Heideggers Lagergespräch taucht kein Soldat auf, nur der Kriegsdienst; kein Toter, kein einziger Mord, kein Verbrechen. Gleichwohl hält er sich aber auch mit jeder möglichen Beschreibung der konkreten Situation der Gefangenen zurück; es gibt nur die beiden Gesprächspartner, den »Jüngeren« und den »Älteren«, die namenlos im Nirgendwo der russischen Weite »warten«. Sie warten aber nicht auf ihre Freilassung oder auf den nächsten Tag; es gibt keine Lagerordnung, keinen Befehl, keine Strafe, keine Zellen oder Baracken, keine Erinnerung an andere, keine Mitgefangenen. Sie sind alleine.
    Es ist keine Fiktion, mit der Heidegger hier aufwartet – wie etwa Günther Anders, der in seinem antifaschistischen Märchengespräch »Die molussische Katakombe« eine negative Utopie entwirft, in der die Welt nicht einmal mehr einen Ausdruck, ein Gesicht hat (in Anders’ Buch tritt Heidegger, genannt »Regedie«, übrigens als Staatsphilosoph auf). Heidegger zielt mit seinem »erdachten Gespräch« auf das Gegenteil einer Fik­tion, nämlich auf das Sein selbst. Das Gespräch ist ein sokratischer Dialog: als Grund und Gegengrund, Selbstfindung des Gesuchten, als die »Rückkehr zu sich selbst«. »Wir werden nur, nach einem alten Wort, die, die wir sind (…) Und wir sind nur, nach einem jungen Wort, das, was wir suchen (…) Und wir suchen nur, dessen wir warten (…) Und wir warten dessen, wohin wir gehören (…) Wir gehören aber dem Kommenden als die Gegenwart, die antwortend es einlässt.«
    Das Gespräch ist als Form nicht beiläufig gewählt. Das Thema ist ihm nicht äußerlich, sondern sein unmittelbarer Ausdruck; für Heidegger ist das Gespräch selbst das Denken als, wie es bei ihm heißt, »Andenken des Seins«. Er versucht ontologisch, das Wesen des deutschen Volkes zu entwerfen, die beiden Sprechenden sind vor allem Deutsche. Sie reden nicht nur über das Volk der Dichter und Denker, sondern sie selbst sind der Dichtende (der Jüngere) und der Denkende (der Ältere), das Volk an sich. Mit den beiden Figuren ist sozusagen das ganze deutsche Volk in Gefangenschaft geraten. Es steht aber nicht wegen der von ihm begangenen Verbrechen zur Verurteilung vor dem Weltgericht, denn selbstverständlich kommen bei Heidegger weder Ausch­witz noch die Rassenideologie vor.
    Nach Heidegger vermag kein Mensch über das deutsche Volk zu richten, weil es noch gar nicht deutsch und das Volk ist; wenn aber ein Volk werden beziehungsweise warten kann, dann das deutsche. »Das Warten ist ein Steg, der unseren Gang trägt, auf dem wir werden, die wir sind, ohne sie schon zu sein: die Wartenden (…) Im Warten sind wir reine Gegenwart.« Und nicht nur das: »Dann wäre ja das Volk der Dichter und Denker das in einem einzigen Sinne wartende Volk (…) Das Volk, das erst und vielleicht eine lange Zeit noch auf die Ankunft dieses seines Wesens warten muss, damit es wartender werde für das Kommen, worin schon die Verwüstung als etwas Vergangenes übergangen ist (…) Dieses wartende Volk wäre, zumal in der Zeit, da ihm noch sein Wesen entginge, eben diesem noch unerfahrenen wartenden Wesen zufolge gefährdet wie kein anderes (…) Diesem Volk müsste auch, wenn es einmal das wartende würde, gleichgültig bleiben, ob die Anderen es hörten oder nicht.«
    Das ist die Lehre, die das NSDAP-Mitglied Heidegger aus der »deutschen Kapitulation«, wie die Herausgeberin der Gesamtausgabe, Ingrid Schüßler, es nennt, zieht, im Jahr 1933 hatte er als Rektor der Freiburger Universität den Studenten noch versprochen: »Die nationalsozialistische Revolution bringt die völlige Umwälzung unseres deutschen Daseins (…) Der Führer selbst und allein ist die heutige und künftige deutsche Wirklichkeit und ihr Gesetz.«
    Der Philosoph Victor Farias hat in dem Band »Heidegger und der Nationalsozialismus« deutlich gemacht, inwiefern Heidegger kein Anhänger des Nationalsozialismus war, sondern Faschist im Sinne der SA, Anhänger der Arbeitsfront und des Röhm-Flügels. Das italienische Wort »Faschismus« kommt im übrigen von »Sammlung«; auch die Sammlung hat bei Heidegger ontologisch Bedeutung. Sozialismus, Nationalsozialismus und Demokratie sind bei Heidegger bloße »Weltanschauungen«, die in den »Herrschaftsbereich der Verwüstung« gehören. In der »Beilage« zu dem Gespräch heißt es: »›Von der Humanität über die Nationalität zur Bestialität (in die Brutalität)‹. (Römische Namen!)«
    Die nationale, d.h. die geburtsmäßige Bestimmung des Deutschen nach »Blut und Boden« war Heidegger gewissermaßen nicht deutsch genug, noch zu seinsvergessen. »Doch Deutsche werden wir solange nicht, als wir uns vornehmen, ›das Deutsche‹ durch Zergliederung unserer vermeintlichen ›Natur‹ ausfindig zu machen. In solche Absichten verfangen jagen wir nur dem Nationalen nach, das doch, wie das Wort sagt, auf Naturgegebenes pocht (…) Die Nationalität ist nichts anderes als die reine Subjektivität eines Volkes, das sich auf seine ›Natur‹ beruft als das Wirkliche.« Schließlich schreibt er: »Wenn wir aber Deutsche sind, verlieren wir uns auch nicht in einen verschwommenen Internationalismus.« Denn: »Das Nationale und das Internationale sind so entschieden das Selbe.« So könnten die Deutschen noch gar nicht sagen, was sie »eigentlich sind«, weil »wir als die Wartenden die längste Geschichtszeit vor uns haben«. Die Deutschen »müssen das Warten lernen« und dies »als Lernende den Völkern lehren«.
    Heute, 60 Jahre später, suggeriert die ­offizielle Politik, dass sich das Warten gelohnt habe. Die Verbrechen des »Dritten Reichs« erhalten eine Generalamnestie, weil die Deutschen die »verblendete Irreführung des eigenen Volkes« durch einen Wahnsinnigen erkannt haben. Man plädiert auf Unzurechnungsfähigkeit, und zwar auf die Hitlers, nicht auf die eigene. Betrogen wurden die Deutschen eben nicht wie der Idiot, dem man irgendwelches Talmi als Gold andreht, sondern irregeführt wurde das Wesen des deutschen Volkes selbst, das sich immer schon verloren glaubte und ohnehin seit langem unter der Verwüstung litt: »Denn die Verwüstung, die wir meinen, besteht ja nicht nur erst seit gestern. Sie erschöpft sich auch nicht im Sichtbaren und Greifbaren. Sie kann auch nie durch eine Aufzählung der Zerstörungen und der Auslöschung von Menschenleben verrechnet werden, gleich als sei sie nur deren Ergebnis.«
    Es kommt nicht von ungefähr, dass der Katholik Heidegger in den dreißiger Jahren in Hitler gleichsam eine religiöse Rettung sah, nach 1945 indes proklamierte, dass nur noch ein Gott »uns« retten könne. Es passt vortrefflich zu einer kollektiven Gesinnung, die ihre Vergangenheit als Kinoerlebnis erledigt, während nebenbei zum neuesten Konsens wird, sich über alle Konfessionen und Konfessionslosigkeit hinweg zu Gott und zum deutschen Papst zu bekennen.
    60 Jahre nach der Befreiung will es scheinen, als hätten die Alliierten die Deutschen auch vom eigentlichen Sinn befreit, der mit dem Wirtschaftswunder, dem Arbeiter- und Bauernstaat und schließlich der Vereinigung einen vorläufigen Ersatz fand. »Der Krieg entscheidet nichts. Die Entscheidung beginnt jetzt erst sich vorzubereiten – auch und zumal allem vorauf die, ob die Deutschen als die Herzmitte des Abendlandes vor ihrer geschichtlichen Bestimmung versagen und das Opfer fremder Gedanken werden.« (S. 244) Wenigstens ein halbes Jahrhundert blieb diese Bestimmung halbwegs aus, kraft der Befreiung bringenden fremden Gedanken. Heute scheint das Deutsche als Eigenes und ohne jede Identität mit dem Fremden zurückgekehrt.
    Heidegger erklärt bereits am Tag der Befreiung die Deutschen zu Opfern, die sich nur selbst befreien könnten, indem sie ihr wahres Wesen erwarteten beziehungsweise kommen ließen. Damit behauptet er weder, wie heute geschichtsrevisionistisch üblich, dass die Deutschen auch Opfer sind (nicht nur Täter), noch dass auch die Deutschen Opfer sind (nicht nur die Juden etc.); vielmehr betont er, dass nur das deutsche Volk Opfer ist, weil der Opferstatus eine bestimmte Dimension des Seins ist, welche nur dem Deutschen zukommt: als Dichter und Denker. Heidegger ontologisiert das Deutsche als Opfer und die Opfer als deutsch. Damit postuliert er gleichwohl den Grund, auf dem sich die deutsche Ideologie der postfaschistischen Gesellschaft erhebt: dass das Deutsche nicht als historische Kategorie zu begreifen ist, sondern als Gesinnung erfahren werden muss.
    Was Heidegger zu bieten hat, ist eine schlecht durchdachte, redundante Pseudophilosophie, gespickt mit unsäglich bescheuerten Gedichten und gestelzten Gesprächen. Sie wird, wie alles Deutsche, von den Deutschen ernst genommen: als Aufruf, das Deutsche daran ernst zu nehmen. Gegen solches Pathos des Absoluten, das heute sein Echo in der Selbstverliebtheit des neuen Deutschlands findet, kann man philosophisch ernsthaft eigentlich und ohne abzuwarten nur erwidern: Deutsche, hört auf zu denken!

    Rédigé par : Yvon Er | le 18/07/2006 à 21:03 | Répondre | Modifier
  7. J’ai essayé sans succès d’expliquer à M. Teitgen que quand on publie comme lui avec des gens dont on est en droit de penser que ce sont des négationnistes, un adulte responsable se doit de demander des explications, et de se retirer si elles sont insuffisantes.
    A titre d’exemple, je cite le comportement de J.Derrida et M. Blanchot dans une affaire qui a précédé de longtemps le soutien de Jean Beaufret à Faurisson.
    Yvon Er.

    Heidegger en France, tome 2 (Albin Michel 2001), p. 97-100 :

    Dominique Janicaud (…) : en 1967, Ousia et Grammè, n’est-il pas d’abord publié dans l’hommage à Beaufret ?
    Jacques Derrida : Du point de vue du texte lui-même, ce fut d’abord un séminaire (quel en était le prétexte, je ne m’en souviens plus). En tout cas, la chose était écrite quand Fédier m’a demandé de participer à cet hommage à Beaufret. J’ai d’abord hésité parce que, au fond, je ne me sentais pas particulièrement proche de Beaufret, avec qui j’avais un bon rapport personnel ; mais, je ne me sentais ne beaufrétien ni heideggérien à la mode Beaufret et, comme il y a dans Ousia et Grammè, quelques questions inquiètes sur Heidegger, je pensais répondre négativement. Mais Fédier a beaucoup insisté, il a été extrêmement prévenant avec moi (cela n’a pas duré tout le temps par la suite) ; sa façon fut un peu séductrice. Je me suis dit : « Et si, finalement, je publias ça au moins pour marquer un travail questionnant, à l’occasion de cet hommage à Beaufret et à Heidegger (c’était, en fait, un livre sur Heidegger) ? » Après une longue hésitation, j’ai accepté. Je donne ce texte à Fédier qui en accuse réception de façon chaleureuse et approbatrice. Et puis, un jour, alors qu’il a le texte, Laporte et sa femme viennent déjeuner chez moi, à Fresnes, dans l’hiver 1967-1968 (probablement déjà en 1968). Au cours d’une conversation à bâtons rompus, Laporte, qui a été son élève, me parle de certaines remarques antisémites de Beaufret. Des remarques graves. Il en cite quelques unes qui concernent Lévinas, ou le fait que les exterminations alléguées de Juifs étaient aussi peu crédibles que les bruits qui couraient au sujet des horreurs en Belgique après la guerre de 1914 (les Allemands qui tuaient et égorgeaient les enfants) ; enfin, quelques propos de ce type qui m’ont paru choquants non seulement parce qu’ils étaient antisémites, mais dans la forme de leur violence. Et donc je suis bouleversé. Laporte a été un peu surpris. Il n’avait peut-être pas mesuré l’effet que cela pouvait faire sur moi.
    DJ : Il ne t’en avait donc pas parlé pour t’alerter ?
    JD : Ah non ! vraiment sans penser que ça exploserait ! Et évidemment, en moi, ça a explosé. Aussitôt, le jour même ou le lendemain, j’ai écrit à Fédier (j’ai toute cette correspondance que j’avais confiée à Bident) : « Écoutez, je viens d’apprendre ça ; je ne veux pas en faire d’histoire publique, je ne veux pas mettre ça sur la place publique, mais permettez-moi de retirer mon texte discrètement. » Mais voilà ! Fédier n’entendait pas garder la chose sous le secret. Il a réagi violemment : calomnie ! etc. J’ai ses lettres. Bien sûr, je ne lui avais pas dit que je tenais ces propos de Laporte. Au bout d’un certain temps, il le découvre, par je ne sais quels canaux. Laporte devient alors le véritable accusé des amis de Beaufret qui montent la garde devant lui. Il y a plusieurs épisodes, échanges de toutes sortes, jusqu’au jour où on a organisé une rencontre, dans mon bureau de l’école normale, entre Beaufret et Laporte ; rencontre contradictoire. Beaufret est venu avec Vezin. Nous étions tous les quatre dans mon bureau. Laporte a confirmé. Beaufret a, naturellement, violemment dénié. Et c’en est resté là.
    Comme Laporte se sentait, paradoxalement, de plus en plus en accusation lui-même – c’était lui qui devenait l’accusé et il en était très malheureux (parce qu’il y a eu les protestations d’autres amis communs à Beaufret et à Laporte comme Munier, Fourcade – ni Deguy ni Granel ne se sont manifestés). Il l’a très mal supporté. Et c’est Jacqueline Laporte qui, m’a-t-on dit, pour protéger son mari, a alerté Blanchot. Blanchot, lui aussi, était dans la situation d’avoir donné un texte à Fédier. Naturellement, les Laporte savaient que, sur ces questions, Blanchot était très sensible, irritable et nerveux. Donc, dès que Blanchot est alerté, il me fait signe. Je ne le connaissais pas, à ce moment là. Je le lisais, naturellement ; nous avions échangé quelques lettres, mais je ne l’avais jamais rencontré. C’est á l’occasion de cette affaire que j’ai rencontré Blanchot assez souvent, pendant cette période limitée de 1968, pendant les « événements », comme on dit. Nous nous sommes vus à plusieurs reprises, nous demandant ce que nous devions faire – retirer ou ne pas retirer les textes. Et, après d’interminables délibérations, nous sommes tombés d’accord : Beaufret ne reconnaissant pas avoir dit ces choses et nous ne pouvions pas prouver qu’il les avaient dites – c’était témoin contre témoin, c’était Laporte contre lui -, nous n’avions pas le droit d’accuser Beaufret publiquement de quelque chose qu’il ne reconnaissait pas ; donc, nous devions laisser paraître les textes promis ; mais nous pensions, Blanchot et moi, qu’il serait bon de nous expliquer sur notre attitude devant les autres participants de ce volume – qui étaient déjà au courant – en disant : « Voilà, on a appris ça ; n’ayant pas de preuve, nous faisons crédit à Beaufret ; nous ne voulons pas l’accuser publiquement et donc nous laissons nos textes. Mais voilà ce qui s’est passé. » Nous écrivons donc cette lettre, nous la signons en commun et nous décidons que cette lettre, multipliée en autant d’exemplaires que de participants, ne serait envoyée que le jour où le volume paraîtrait : nous ne voulions pas nuire à la sortie du livre. Le jour où il paraît, nous envoyons la lettre à chacun des participants pour expliquer notre attitude pendant ce processus.
    Moi, j’étais aux Etats-Unis en septembre 1968. J’avais tapé les lettres, je les avais préparées ; il y avait dix-huit ou vingt lettres ; nous les avions signées et je les avais laissées à Blanchot qui devait les mettre à la boîte le jour où le livre sortirait pendant que je serai, moi, à Johns Hopkins. Donc, Blanchot les poste – et ces lettres n’arrivent jamais ! Il les a postées « aux bons soins » de l’éditeur…Ces lettres ont été apparemment interceptées parce que personne ne les a reçues. Notre hypothèse, voire notre soupçon, c’est que Fédier les a interceptées. On ne peut pas le prouver, bien sûr. En tous cas, ces lettres ne sont jamais arrivées…
    (…) C’est longtemps après qu’il y a eu des histoires de négationnisme. »

    Rédigé par : Yvon Er | le 18/07/2006 à 21:07 | Répondre | Modifier
  8. Je suis désolé si Heidegger et ses interrpètes français ont une quelconque intention négationniste elle ne fonctionne pas avec moi. Pour ma part, même si ils essayaient ici de détourner ce qui aurait été « le vrai Heidegger » je me fiche de ce Heidegger là. Ces combats d’arrières zones ne m’interessent pas (je veux dire , nouveaux fachos contre anti-fachos). A partir du moment où je suis au clair avec ma conscience sur ce terrain là , je peux lire Heidegger avec certes le risque de me voir contaminer par certaines de ses idées douteuses. Mais j’essaye tant bien que mal de faire un tri. C’est vraiment dommage que vous ne le compreniez pas , que pour vous les choses doivent forcément se présenter de façon bipolaire. Par exemple quand je dis que les gueguerre qui vous animent ici sont collatérales, au même titre que les exactions de tel ou tel barbare à telle ou telle époque, ce n’est pas du mépris : la philosophie peut bien en parler mais ce n’est pas sa tâche fondamentale. A moins bien entendu de mettre l’éthique sur un pied d’estale comme c’est bien souvent le cas à notre époque bien fière d’elle de rejeter toute métaphysique et ontologie comme « vieillerie ». Le négationnisme est une infâmie et une stupidité , nous sommes bien d’accord. Mais le souci , c’est qu’à partir du moment où Heidegger travaille dans le sens de la Geschichte on peut tout de suite lui foutre dans les dents à lui et à ses interprètees qu’il essaierai de nier ou d’atténuer la force de l’Historie. pas de bol , heidegger y travaille depuis fort longtemps , beaucoup avant le moindre pogrom. Alors à moins de prétendre comme Michou Bel que Heidegger fut le gourou qui aurait préparé la Shoah d’avance (dés les annes 20!), il y a beaucoup de critique outrées de « l’histoire de l’estre » qui tombent à l’eau. J’ai beaucoup de doutes sur le bien-fondé de certaines attaques; et si je me place dans le camp de certains pas toujours très ragoutants, c’est que je sais que le Heidegger qu’ils proposent à bien plus d’interêt que celui exsangue que vous recrachez après l’après l’avoir réduit à un bouffon nazillon. Diable! Cela fait il de moi quelqu’un qui devra haïr telle ou telle communauté? La volonté de nuance fait défaut depuis le début de l’affaire Faye et tout le monde en paye le prix (sauf bien entendu Le Monde et Le Point apparemment…)

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 19/07/2006 à 11:57 | Répondre | Modifier
  9. M. Domeracki,
    je vous souhaite une nouvelle fois bonne chance dans votre entreprise de tri (même si pour ma part je ne croît guère en son succès), tout en renouvellant mes inquiétudes au sujet de certaines des avancées que vous avez pu faire sur ce blog.
    J’avoue ne toujours pas comprendre ce type de phrase :

    « si je me place dans le camp de certains pas toujours très ragoutants, c’est que je sais que le Heidegger qu’ils proposent à bien plus d’interêt que celui exsangue que vous recrachez après l’après l’avoir réduit à un bouffon nazillon. »
    Ne comprenez vous donc pas que ce qui intéresse justement ces « pas toujours très ragoûtants » c’est justement la part que vous déclarez rejetter ? C’est pourtant visible, et de plus en plus.
    En recherchant un heidegger « plus intéressant » chez ces gens, il est pourtant évident que vous retomberez toujours dans les mêmes pièges.
    Si vous souhaitez garder un Heidegger « pur », pourquoi ne pas aller chercher celui des années 20 et de la première réception française (Sartre, Lévinas, etc.). J’aurais, en bon « anti » qui se respecte, bien des choses à redire, mais les dangers y sont quand même moindres…
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 21/07/2006 à 19:43 | Répondre | Modifier
  10. Par ailleurs M. Teitgen m’a laissé entendre qu’il n’avait aucun moyen de contacter Parolesdesjours, M. Arjakovsky, etc.
    C’est pour le moins étrange, mais en admettant qu’il n’ait jamais été contacté par un site sur lequel il est publié et qu’il a loué avec constance, ce site a une adresse électronique que les gens peu doués en informatique dont je suis peuvent aisément retrouver.
    Pour le cas où de manière encore plus étonnante M. Teitgen serait quant à lui incapable de retrouver l’adresse en question sur le site de « Parolesdesjours », je la lui donne :
    parolesdesjours@free.fr

    Rédigé par : Yvon Er | le 21/07/2006 à 20:42 | Répondre | Modifier
  11. A remarquer : si Faye , dont les sources sont seules censées être valides, a pu répondre à Fédier dans le même numéro , c’est bien que Le Point fait preuve de complaisance avec le premier, lui ayant transmis l’article du second avant publication. Belle leçon d’impartialité en somme; mais fallait-il s’attendre à quelque chose d’autre de la part de journaleux et de scribouillards qui ne semblent pas comprendre un traître mot à une oeuvre qui ne leur est surtout pas destinée?

  12. M. Domeracki,
    si vous aviez fait un peu attention, vous vous seriez aperçu que M. Emmanuel Faye a répondu une semaine après la publication du dossier du Point, et en demandant un droit de réponse après que M. Fédier eût parlé de « diffamation » (comme du reste la chose est encore lisible sur internet) ; c’est Skildy qui a décidé de publier la réponse d’Emmanuel Faye après l’intervention de F.Fédier, ce qui du reste se justifie parfaitement dans la mesure où l’article de M. Fédier constitue une accusation grave portée contre MM. Droit, Gourinat et E.Faye (liste extensible à l’infini).

    Dans le cadre d’un droit de réponse habituel et parfaitement dans le cadre de la déontologie journalistique, François Fédier avait le droit après cette réponse de M. Faye de demander à son tour l’occasion de faire une réponse de même taille, ce qu’il n’a pas fait.

    M. Faye citant ses sources, il vous est par ailleurs tout à fait loisible d’aller les vérifier et d’en démontrer la fausseté et/ou d’en proposer une autre interprétation.
    Si vous vous êtes déjà rendu à Lausanne, vous devez donc avoir les moyens d’aller à Marbach où dans les autres endroits où M. Faye a réuni ses sources.
    Je vous souhaite bon courage si vous avez l’intention de faire usage de cette « probité philologique » qu’exigeait Nietzsche.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 24/07/2006 à 18:44 | Répondre | Modifier
  13. Oui, et vous ,vous pourrez toujours aller à Bucarest interroger Walter Biemel les yeux dans les yeux. Ou tout simplement lire le Heidegger qui dés la fin des années trente sans les lunettes grossissantes de Faye pour voir qu’il critique les outrances et les exactions de la volonté de puissance devastatrice.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 24/07/2006 à 20:18 | Répondre | Modifier
  14. Pour ce qui est de la « probité philologique », il me semble que Nietzsche prônait précisément le perspectivisme, et qu’il aurait été quelque peu outré qu’on s’acharne unilatéralement à ne rendre compte que des mauvais côtés de la pensée de Heidegger.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 24/07/2006 à 20:21 | Répondre | Modifier
  15. M. Domeracki,
    je crois savoir que Walter Biemel fait partie de ceux qui sont allés rejoindre Heidegger pendant les années 30, alors que ses élèves juifs avaient été expulsés. La plupart des « témoins » des années 30 sont ainsi des gens qui n’avaient guère de problèmes avec l’Allemagne nazie.
    Quant au contenu des textes des années 30, que, ne parlant pas l’allemand, vous maîtrisez bien moins que moi (nous avons déjà eu l’occasion de parler du Nietzsche, que vous ne lisez qu’en version française, et je vous avais orienté vers un article opérant une comparaison des éditions), nous avons déjà eu l’occasion d’en parler pendant 6 mois.
    Il ne suffit pas d’aligner des citations où Heidegger critique la « volonté de puissance » pour y trouver une critique de l’Allemagne nazie, surtout quand cette « critique » est tenue par quelqu’un qui est au mieux avec le régime.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 25/07/2006 à 14:26 | Répondre | Modifier
  16. « Perspectivisme » ou pas, je constate que M. Teitgen ne répond plus, et surtout pas à mes demandes – je lui ai demandé d’aller lui-même demander des précisions à « Parolesdesjours » où il est publié, ce qu’il s’est refusé de faire.
    Qu’à Dieu ne plaise, j’ai envoyé mes interventions sur MM. Plagne et Arjakovsky à Parolesdesjours le 3 juillet.
    J’ai également écrit le même jour à Parutions.com pour qu’ils fassent suivre la chose à M. Plagne, ainsi qu’à une adresse que je crois être celle du directeur de Nicolas Plagne (G. Abensour), sans certitude. J’ai également écrit à l’adresse que M. Plagne a laissé sur le premier blog de M. Assouline consacré au livre de M. Faye.
    Peu importe d’ailleurs : je suis convaincu que au moins quelques uns des messieurs de Parolesdesjours suivent ce qui se dit ici. Vu le nombre de courriels envoyés, je pense quoiqu’il en soit que MM. Plagne et Arjakovsky ont été mis au courant (ce dernier ne pouvant plus prétendre ne pas savoir qu’il est publié dans « l’Aaargh »).
    Je n’ai comme de bien entendu (et attendu) pas reçu de réponses, mais je ne crois pas que la chose restera sans échos : nous verrons comment nous pouvons nommer ces gens dans les mois qui viennent.
    Quant à M. Teitgen, j’espère pour lui qu’il reviendra sur son entêtement avant.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 25/07/2006 à 15:28 | Répondre | Modifier
  17. Cela bouge sur Parolesdesjours, où Gérard Guest vient de publier un nouvel inoubliable article.
    Ils sont donc encore vivants…
    par contre, rien sur « l’Aaargh », ni sur les relations de M. Plagne et de « La pensée libre ».
    C’est que cela ne doit pas être très important…
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 26/07/2006 à 17:26 | Répondre | Modifier
  18. Mon Allemand étant médiocre, je viens de découvrir la traduction du paragraphe 61 de Besinnung. Qu’avez vous à en dire , Monsieur Er? Qui sont ces criminels en chef dont parle Heidegger en 1939? Churchill? Les juifs? A la limite Staline…Mais si on les compte sur les doigts de la main , c’est qu’il y en a probablement au moins un autre…Je vous laisse le trouver…A moins que vous niiez une fois de plus que Heidegger affrota sur le terain de la pensée la volonté de puissance destructrice et criminelle.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 26/07/2006 à 19:08 | Répondre | Modifier
  19. monsieur Doméracki,
    On ne peut pas vouloir envoyer les juifs au bûcher et être contre Hitler. Seulement quand on s’appelle Heidegger on ne désigne pas les choses par leur nom, on les suggère par métaphore par exemple « du bois approprié et choisi ». Tous les militaires qui ont fait de sales besognes savent ce que signifie « la corvée de bois ». Il est vrai que Heidegger présente une variante, il l’appelle « la charge de buches » et il nomme les chemins qui conduisent à l’abattage : les « Holzwege ». Il nomme la société : la forêt et l’endroit où la lumière pénètre dans le bois après avoir abattu des arbres: l’éclaircie ou la clairière. A part ça , je ne vois aucune différence.

    La métaphore permet aux exécutants initiés de comprendre facilement les ordres et le moment où il fait passer aux actes. Quant aux non initiés, ils ne remarquent rien. Ils s’extasient sur la « poésie » de ce philosophe qui parle si bien de la forêt et du chemin de campagne. La « poésie » permet d’atténuer l’ardeur trop brûlante du feu. L’exécuteur des hautes oeuvres ne se gène pas pour nous le dire. Ouvrez les yeux, Monsieur Domeracki.

    michel bel, 28.07.2006

    Rédigé par : bel | le 28/07/2006 à 17:35 | Répondre | Modifier
  20. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas clairement désignés dans cette citation.
    Si cette phrase est une forme de « résistance », alors c’est encore une forme de résistance tellement discrète qu’on ne s’en aperçoit plus. L’Allemagne et la France ont produit de nombreux « résistants » de ce type.
    Par contre, ce que je sais, c’est que la dénonciation de la poignée de manipulateurs d’où vient le mal est un poncif antisémite tout sauf récent.
    Mais cela suffit maintenant, c’est assez.
    YE.

    Rédigé par : Yvon Er | le 28/07/2006 à 18:50 | Répondre | Modifier
  21. Sinon dans le blog précédent il fallait bien entendu lire « Gregory Chatonsky »…je suis quelque peu inquiet au vu de mes propres fautes (« fachiste »…), la tape ne faisant pas mon bonheur.
    Mais je pense avoir assez répondu à messieurs Domeracki et compères…
    YE.

    Rédigé par : Yvon Er | le 28/07/2006 à 20:03 | Répondre | Modifier
  22. Yvon Er botte comme d’habitude en touche en ressortant son tour de passe-passe préféré:
    « Par contre, ce que je sais, c’est que la dénonciation de la poignée de manipulateurs d’où vient le mal est un poncif antisémite tout sauf récent »…Je ne sais pas combien de fois vous avez accusez vos contradicteurs d’être d’affreux négationnistes ou antisémites cachés, mais le combre doit être impressionnant; même si il ne fait peu de doute que Heidegger parle des juifs ici (mais vraiment on croit rêver : mais quel genre de crime aurait il bien pu commettre entre 38 et 40?) , on s’aperçoit un de vos mouvements préférés : parier toujours sur le fait que les textes qui ne vous paraissent pas tout à fait clair (oui parce que Heidegger aurait dû hurler à ses élèves en héros que Hitler est un criminel en puissance vous l’auriez ,vous, bien entendu faits) sont automatiquement à charge. S »i Heidegger s’oppose à un crime , c’est forcément celui des juifs »….Mais alors qui sont les autres sur les doigts de la main? « Mais voyons: bien entendu: les Tziganes ,les handicapés mentaux et les homosexuels! « . A tirer toujours plus Heidegger vers le bas, on aperçoit surtout beaucoup l’imagination douteuse et l’herméneutique faible (qui consiste à toujours réduire l’auteur étudié à la portion congrue) des interprètes. Ils sont et restetont anonymes.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 29/07/2006 à 00:30 | Répondre | Modifier
  23. Bonjours,
    bon, ben, j’ai pas tout lu des divers commentaires précédents. Mais, pour moi, il n’y a qu’une seule question qui a sens, est-ce que la pensée de Heidegger a un intérêt fondamentale, ou bien n’est-elle finalement qu’un sport intellectuel pour justifier l’injustifiable nazisme ? Je découvre cette pensée, et je dois avouer que je la trouve fantastique, éblouissante. Un seul auteur avait retenu de la sorte mon attention, c’est Nietzsche. Donc, la pensée de Heidegger est-elle ou non, réductible à une pathologie ? Pour moi, le problème n’est pas dans son comportement (je me fou complètement du personnage), mais dans sa pensée. Est-elle ou non recevable ??? Merci de bien vouloir me répondre TRES sérieusement.

  24. Bonsoir M. Decluse
    Je suis toujours surpris quand quelqu’un prétend aimer Nietzsche et qu’il est aussi ébloui par Heidegger. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire ici combien Heidegger me paraît en retard par rapport à la pensée explosive de Nietzsche. Du reste, Jean Granier, qu’on ne peut pas accuser d’être un anti-heideggerien, écrit dans son passionnant livre, « Le problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche » ceci: « Heidegger plaque sur la philosophie de Nietzsche sa définition de la métaphysique, sans voir que Nietzsche possède lui-même une compréhension de l’essence de la Métaphysique qui brise les cadres de la définition heideggerienne… En fait, Heidegger est passé à côté de la critique décisive, celle qui, chez Nietzsche, vise l’essence de la Métaphysique qui identifie l’Etre et l’Idéal, la Vérité et le Bien, en rendant l’ontologie solidaire de la théologie et de la morale. » On ne peut pas être plus clair. Voici un extrait des oeuvres posthumes de Nietzsche qui en dit long sur l’opinion qu’il avait de certains philosophes: « Fichte, Schelling, Hegel, Feuerbach, Strauss – das stinkt Alles nach Theologen und Kirchenvätern. Davon ist Schopenhauer ziemlich frei, man atmet bessere Luft. » Qu’aurait-il écrit s’il avait pu connaître l’oeuvre de Heidegger!!! Car, pour moi, celle-ci pue franchement la sacristie.
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 25/08/2006 à 21:02 | Répondre | Modifier
  25. il faut vraiment avoir une vue courte de la pensée nietzschéenne pour la confondre avec votre athéisme vulgaire de nihiliste au dernier degré (ou plutôt l’avant-dernier)…

  26. Je confirme monsieur Delcuse dans ses propos : il « decouvre » la pensee de Martin Heidegger.
    Pour ce qui est des reponses serieuses, il peut se pencher sur les centaines de pages de debat(s) qui ont eu lieu sur ce site meme, voire essayer de participer au dit debat…
    Yvon Er.

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26 commentaires

  1. Cette confrontation F.Fédier/Emmanuel Faye montre que les questions philosophiques ont partie liée avec l’établissement des faits, l’histoire et la philologie.
    J’ai lu dans « Heidegger en France », dans la bouche d’un heideggérien, l’interrogation suivante : pourquoi François Fédier en reste-t-il sur le plan de l’histoire dans sa défense de Heidegger, au lieu de se placer sur le plan de la « pensée » ? Réponse : parce que ces deux plans ne sont pas si séparables, et que pour défendre Heidegger comme il le fait F.Fédier est également obligé de nier une partie de la réalité historique, et pas n’importe laquelle.
    Dans ce contexte, je réunis sous forme de dossier mes interventions sur le révisionnisme, notamment quand il concerne des gens qui écrivent sur « Parolesdesjours », mais pas seulement.
    YE.

    a) J’ai terminé ma lecture de « Die Heidegger Kontroverse » (Frankfurt am Main, Athenäum, 1988 – textes en réaction au livre de Victor Farias réunis par Jürg Altwegg, qui traite de l’affaire Heidegger dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung).
    Il s’agissait pour moi de comparer les différentes « affaires » Heidegger. De fait, et comme cela a été répété à l’envie, il y a des choses qui se répètent, et notamment des prises de position. GA Goldschmidt est déjà là, Bourdieu aussi, dont la présence aurait été bienvenue dans cette nouvelle affaire qui nous occupe actuellement. Alain Finkielkraut, qui ne parlait alors pas plus l’allemand qu’aujourd’hui, avance qu’il y aurait dans la critique de Heidegger « une forme de stalinisme qui rappelle les années 30 » (p. 108), sans vouloir voir que ce n’était pas de stalinisme qu’il était question. Pour Jürgen Busche « Also gut Heidegger war ein nazi ! » (Plasterstrand du 23 janvier 1988 ; Jürgen Busche a par ailleurs été un des vifs défenseurs de Peter Handke lors de ses récentes prises de position révisionnistes, avec Botho Strauss pour qui le génie a somme toute un droit à l’horreur que les éboueurs eux n’ont pas). Sous-entendu « et alors ? ». C’est que pour lui comme pour Rudolf Augstein (auteur de « Aber bitte nicht philosophieren ! » en 1987 dans le Spiegel, et en 1947 du fameux « Spiegel-Gespräch » avec le philosophe teutomanne) ou pour Henning Ritter (auteur à l’époque d’un « Bruder Heidegger »), la pensée ne saurait être touchée par l’engagement politique. Le fait que ces journalistes aient eu par ailleurs ou au cours des polémiques en question des positions ultra-réactionnaires n’a donc rien à voir avec leur défense de Heidegger. Dans son article du 29 octobre 2005 sur le livre de Emmanuel Faye, Henning Ritter a avancé qu’à tout prendre le nazisme de Heidegger serait moins dangereux que Descartes, ce dernier ayant le tort d’être « zu westlich », trop occidental…il n’y a pas besoin de beaucoup plus de commentaires.
    Le Nouvel Observateur du 22.01/1988 avait par ailleurs publié des extraits de « La fiction du politique » de Philippe Lacoue-Labarthe, qui a heureusement bien évolué depuis. En les relisant je me suis rappelé pourquoi je n’ai pas réussi à aller beaucoup plus loin que la préface de cet immortel ouvrage (préface où il est avancé que Victor Farias n’est somme toute qu’un complot de Jean-Pierre Faye. On peut choisir de rire). P. 122 on apprend ainsi que la prise de parti heideggérienne pour le national-socialisme aurait été une erreur si celui-ci n’avait pas été porteur d’une possibilité que Heidegger a bien vu en lui. P. 123 on apprend que Heidegger s’est trompé en 33, mais qu’en 43 il sait qu’il s’est trompé, « non sur la vérité du national-socialisme, mais sur sa réalité » (réalité et vérité n’ont donc rien à voir…). P. 124 notre penseur nous apprend qu’il entend se limiter à une question de pensée, et qu’il lui semble inutile de revenir aux faits. Puisqu’on vous dit que vérité et facticité n’ont rien à voir… circulez. Notre penseur ne voit pas en quoi être nazi était un crime- je cite la traduction allemande p. 124 : « Ich sehe nicht (…) daß nazi zu sein ein Verbrechen war. Diese Rede kann man politisch führen, und sie ist es, die ich persönlich führe. Aber die Sache bleibt zu denken, und hier sind Anekdoten [sic. Pourquoi pas des « détails de l’histoire »] von keinerlei Hilfe, selbst wenn es Dokumente und Zeugnisse gibt, die meines Erachtens bestürzend sind. » Voilà donc une estimation qui ne saurait être bouleversée par des choses aussi inintéressantes pour elle que l’histoire, l’existence, la réalité, les « documents et témoignages », toutes ces choses pour ploucs positivistes. Cette citation me suffit.
    Notre penseur avait pourtant vu que prendre parti pour le national-socialisme c’était prendre parti pour un racisme : « Indem man sich dem Nationalsozialismus anschloß, für wie kurz auch immer, schloß man sich notwendig einem Rassismus an. » (id.). Mais Auschwitz est la révélation de l’essence de l’Occident, j’imagine donc que le concept de responsabilité individuelle n’a plus cours : « Nicht mehr und nicht weniger als das Wesen des Abendlandes ist es, was sich in der Apokalypse von Auschwitz enthüllt hat » (p. 125). Quand on a prononcé ce genre de phrase, des questions comme « comment, où, qui », n’ont plus vraiment lieu d’être.
    Par ailleurs on peut penser ce que l’on veut de Derrida et de son livre « De l’esprit », mais sa réaction de 1988 (dans un entretien avec Didier Eribon, le Nouvel Obs du 6 novembre) était cependant supérieure à bien des dénégations impossibles que l’on peut encore lire aujourd’hui (Altwegg p. 87, on m’excusera le ridicule qu’il y a à citer la traduction allemande, mais je n’ai rien d’autre sous la main) : « welcher anspruchvoller Leser hat jemals geglaubt, die Rektoratszeit sei eine isolierte und leicht eingrenzbare Episode gewesen ? » Demandant lui même quel lecteur exigeant a jamais pu croire que le rectorat n’était qu’un épisode isolé et facilement délimitable, on aurait pu s’attendre à ce qu’il nous sorte autre chose comme explication du nazisme heideggérien qu’une nouvelle inculpation de la « métaphysique occidentale ».
    Mais mon désappointement le plus grand a par ailleurs été la lecture de l’article de Lévinas, dont avec Bourdieu je regrette le plus l’absence aujourd’hui. Qui d’autre que lui parmi les élèves de Heidegger, sauf peut-être Löwith (et Anders, mais ce dernier en se dégageant presque complètement de son emprise), a vu et décrit le mieux le pire de la pensée heideggérienne ? En 1988 il se contente d’abord de dire lui aussi que dans le livre de Farias de nombreuses informations qui sont données étaient en fait déjà connues, et que d’autres devront être vérifiées : « das Buch von Farias, in dem viele bekannte Informationen wieder aufgenommen werden und zahlreiche andere hinzukommenderen Details gewiß einer kritischen Überprüfung bedürfen » (p. 103). Mais ensuite Lévinas avance pourtant que même « Être et temps » pourrait bien être entaché par « le mal », avant de s’en tirer par une pirouette qui laisse quelque peu sur sa faim, et qui était déjà celle du titre (« Das Diabolische gibt zu denken », le diabolique donne à penser…on a envie de demander « …quoi ? ») : « Was die intellektuelle Stärke in SuZ angeht, so kann dem ganzen immensen Werk, das auf dieses außergewöhnliche Buch von 1926 gefolgt ist, die Bewunderung nicht versagt werden. Kann man aber sicher sein, daß das Böse darin nie auf ein Echo stieß ? (…) Was wollen Sie, das Diabolische gibt zu denken. » Il y a-t-il un lien entre cette esquive, ainsi que le malaise à parler du nazisme de Heidegger (dont témoigne par exemple Marc de Launay, qui avait fait une intervention sur le nazisme de Heidegger à partir du Scheeberger dans le séminaire de Lévinas), et le statut de l’histoire réelle dans la pensée lévinassienne ? Dans un autre registre, D. Janicaud parlait je crois d’ « érotisme de vitrail » pour désigner les descriptions lévinassiennes de la caresse, assez loin il est vrai de l’érotique réelle, mais bon. Je pensais quant à moi au statut de la responsabilité selon Lévinas, qui va jusqu’à voir dans le commandement une exigence de prendre sur soi jusqu’à la culpabilité du bourreau – responsabilité qui va jusqu’à englober celle de mon persécuteur ; ce n’est ici qu’une esquisse, mais je crois que le problème est à creuser.
    Je passe ici sur l’intervention de Pierre Aubenque, qui s’emploie à pointer plusieurs faiblesses du livre de Farias et à rappeler que KO Appel a été nazi (« alors hein pourquoi on nous embête, les analytico-machins aussi »), en faisant semblant d’ignorer le travail de Hugo Ott, déjà disponible à l’époque. Bien pratique.

    Rédigé par: Yvon Er | le 15/07/2006 à 12:16

    b) J’en viens à l’immortel article de Jean Baudrillard paru dans « Libération » du 29 janvier 1987. « Zu spät ! » dit la traduction allemande, trop tard…
    On assiste, nous est-il dit p. 166 du Altwegg, à un revival du fachisme, du nazisme et de l’extermination des juifs, en ce temps de bilan du siècle (on est encore en 1987, mais le millénarisme n’attend pas…). Après avoir accusé Marx d’avoir couché avec sa bonne, Freud d’être un sexiste, voilà qu’on accuse Heidegger d’avoir été nazi (p. 167 ; ces problèmes sont bien évidemment du même niveau…). Ce souci mémoriel ne tient pour notre penseur qu’au fait que nous voulons nous prouver que nous sommes morts en 1940 et 1945 à Auschwitz et à Hiroshima, et ce parce nous ne serions « aujourd’hui » plus « présents » politiquement et historiquement (sic., p. 167). Parce que la philosophie n’est plus présente, elle devrait prouver qu’elle est devenue muette à Auschwitz. De même, nous est-il dit, les arméniens tentent « en vain » de chercher une preuve « inutile » du fait qu’ils ont été massacrés, une preuve qui « d’une certaine manière déterminée » est insaisissable ; je cite la traduction allemande de cet éternel chef d’oeuvre : « In ähnlicher Weise bemühen sich die Armenier, den Beweis zu erbringen, daß man sie in 1917 abgeschlachtet hat, ein unfaßbarer und überflüssiger Beweis, der aber in einer gewisser Weise unangreifbar ist. » (ibid., p. 167).
    Et pourquoi je vous prie ? Parce que de toutes façons notre réalité, y compris les événements tragiques, est passée dans les poubelles des media, ce qui signifie qu’il est trop tard pour les vérifier et les concevoir (ibid., p. 168).
    On aurait voulu donner un exemple digne d’un manuel de complicité entre le négationnisme le plus bas et l’irrationnalisme « post-moderne » le plus chic et choc, que l’on aurait pas trouvé mieux. Puisqu’on vous dit que des concepts comme ceux de responsabilité, de cause objective, de sens ou de non-sens, ont disparu ou sont en train de disparaître (ibid.)…
    On apprend par la suite que nous vivons dans l’ère de l’échangeabilité bourreau-victime, que nous sommes tous coupables, d’où comment une amnistie ? et que plus on étudie le national-socialisme et les chambres à gaz, moins ils deviennent saisissables : « les événements cessent d’avoir existé », et on en viendra à se demander si Heidegger lui-même a existé, « Eines Tages wird man sich fragen, ob Heidegger überhaupt existiert hat. » (p. 169). En se mettant ainsi lui même un bonnet à clochettes (il finit son article en demandant une pétition pour la suppression des années 90, qui serait « plus intéressante que les pétitions humanitaires »), Baudrillard a sans doute échappé à l’accusation de négationnisme. Mais pourquoi s’est-il senti obligé de jouer au bouffon sur ce thème là ? D’autant que porter cet habit à clochettes et faire lustrer son escroquerie mondaine permet de faire passer des phrases qui rendent moins un bruit de clochettes que de bottes : p. 170 il nous est dit que ce n’est pas la nostalgie du fachisme qui est dangereuse (Finkie nous a bien appris par la suite que l’antiracisme pouvait être plus dangereux que le racisme), et que l’affaire Heidegger, le procès Barbie, ne sont que les convulsions douloureuses d’une perte de réalité : « Faurisson übersetzt ihn nur zynich in die Vergangenheit ». On venait, p. 169, d’apprendre qu’il n’y a pas de punition équivalente à Auschwitz, et que quand la punition est irréelle, les faits le deviennent aussi :
    « Es gibt kein vorstellbares Äquivalent der Bestrafung, und wenn die Strafe irreal ist, werden auch die Fakten irreal » (sic.). Je ne suis heureusement pas sûr que nous soyions passé depuis, en dépit de la prophétie baudrillardienne, à un nouveau stade mythique : « im Augenblick erleben wir jedoch etwas anderes. Was sich jetzt als kollektives Erleben in all den Prozessen, all den Polemischen konfus abspielt, ist der Übergang aus dem historischen Stadium in ein mythisches » (p. 169).
    Pas encore. Tant pis pour lui.

    Rédigé par: Yvon Er | le 15/07/2006 à 12:18

    c) mais je dois dire que dans la lecture du Altwegg, c’est celle d’un article de Michael Haller, que jusqu’alors je ne connaissais pas, qui m’a permis le plus de préciser mes pensées au sujet de l’évolution des « affaires Heidegger » (Michael Haller, « Die Philosophen-Streit zwischen Nazi-Rechtfertigung und postmoderner Öko-Philosophie », Die Zeit du 29 janvier 1988 ; M. Haller parle quant à lui du travail de H.Ott).
    Disons d’abord que Michael Haller a bien vu cette tendance qu’il y a en Allemagne face à ce type d’affaires, et qui consiste à ironiser en disant que somme toute, « nous autres allemands » nous savions déjà tout cela, quitte à se moquer en passant de ces pauvres français qui se sont fait des films sur le passé de Heidegger (Dieter Thomä a rejoué exactement ce petit jeu dans sa recension du livre d’Emmanuel Faye). A cela M. Haller répond en demandant : et alors, pourquoi cette connaissance est-elle restée sans suites jusqu’à la fin de l’automne 1987 ? Il se moque là-dessus des heideggériens qui quittent le navire à propos duquel ils n’avaient jusqu’alors rien à redire :
    « Unter der westdeutschen Intellektuellen und Publizisten begann die Debatte typisch deutsch, nämlich mit viel Verspätung une einer Belehrung der angeblich ignoranten Franzosen : Vieles von dem, was Farias aufzeigt, sei in Westdeutschland schon seit langem bekannt und darum nichts neues. Das stimmt. Nur : warum blieb dieses Wissen bis zum Spätherbst des Jahres 1987 folgenlos, und warum führt es jetzt plötzlich im Nachklapp der internationalen Debatte zur Fahnenflucht so vieler Heidegger-Vehrerer ? Plötzlich soll der große alte Mann aus dem Schwarzwald, den Besuch zu haben sich etwa Rudolf Augstein stets rühmte, nur ein Schaumschläger gewesen sein, der mit « verbalen Spielereien seinen legitimen Schwindel » trieb, wie es jetzt im Spiegel heißt. Motto : Rette sich, wer kann. » (Altwegg p. 203)
    Mais ce qui m’a le plus intéressé, c’est la manière dont il décrit le destin du livre de Scheeberger : comment personne, dans l’Allemagne « démocrate chrétienne » du miracle économique des années 60, n’a voulu le publier, et comment G.Schneeberger a fini par s’auto-éditer. Michael Haller décrit alors comment, étrangement, le livre que les bibliothèques universitaires avaient pourtant commandé ne se retrouvait jamais sur les rayons, voire disparaissait complètement – le maître et ses compromissions était déjà devenu tabou :
    « 1961, im christdemokratischen Wirtschaftswunderland mit seinem Globkes und Lübkes, fand sich kein deutscher Verleger, der Schneeberger Dokumentation publizieren wollte. So enschloß Schneeberger sich, das Buch im Selbstverlag zu vertreiben : Zum Preis von zehn Mark mußte es direkt beim Editor zu Bern in der Hochfleldstr. bezogen werden.
    Viele deutsche Universitätsbibliotheken beschaffen sich zwar das Buch, doch merkwürdigerweise gelangte es nicht in die Regale. In Freiburg, München und Marburg, erinnern sich einstige Studenten, ließen Assistenten und Professoren das Kompendium verschwinden : Die Nazi-Verstrickungen des inszwischen weit über 70 jährigen waren tabu ; der Meister galt, wie es der stets kommodierende Heidegger-schüler Hans-Georg Gadamer formulierte, als « ein Schender. Ein Denkender, der sieht. » Schneeberger erstaunliche Dokumentation geriet in Vergessenheit. » (p. 207)
    Il y a cependant un point sur lequel hélas l’affaire actuelle est allée plus loin que celle qui a suivi la publication du Farias en 87 : p. 204 M. Haller avance qu’à la différence de lors de l’ « Historikerstreit » qui vient d’avoir lieu, la relativisation de l’Holocauste n’est pas au cœur de l’affaire Heidegger en 1987 (à l’exception du délire mondain de Baudrillard toutefois ; et c’est à cette période que commence à naître le « Heidegger nous aide à penser Auschwitz », Bourdieu s’en plaint déjà dans son entretien). Elle est malheureusement, par contre, au cœur de celle de 2005. En ce sens on ne peut pas dire que les « affaires Heidegger » se répètent : elles empirent à chaque fois.
    J’ai ouvert il y a peu le Schneeberger et son « étonnante documentation », et de fait ceux qui ont pu le feuilleter ont dû avoir l’impression de ne pas tout découvrir en 1987 : le problème est qu’il s’agissait d’une toute petite élite, dont on peut se demander pourquoi elle a surtout choisi de laisser le problème de côté. Il n’y avait pas là forcément malice, même si malice il y a eu. Mais il n’y avait sûrement pas un grand courage non plus.

    Rédigé par: Yvon Er | le 15/07/2006 à 12:20

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  2. En second point, les interventions sur M. Plagne, et la recension du livre de M. Faye qu’il publie également sur le site où se trouvent réunis autour de M. Fédier les critiques les plus virulents de ce même livre (et plutôt et plus encore de son auteur), recension que j’ai comparée avec un numéro de la revue « La libre pensée », dirigée par le négationniste Claude Karnooh. 1/ Je commence un parcours dans une oeuvre « majeure » pour ce qui nous occupe ici. Je parle de la « Pensée libre », revue qui compte en co-rédac chef le négationniste Claude Karnooh, et qui a consacré, entre autres joyeusetés (voir la liste des dernières publications), un numéro à une « réfutation » du livre de M. Faye. Ce numéro s’intitulait « Heidegger : Objet Politique Non identifié » (n° 4, avril/mai 2005). L’unique auteur en est Maximilien Lehugeur, mais nous y reviendrons. A propos de « Maximilien Lehugeur », donc, qui était au comité de rédaction du numéro 8 (octobre 2005) de la fameuse revue, je lis une note en bas de la p. 5 du fameux n° 4 : « Maximilien Lehugeur, ancien élève de l’Ecole normale superieure (Ulm) et agrégé d’histoire, a obtenu un DEA en philosophie. Il enseigne la philosophie et l’histoire des idées. » Nous reviendrons donc sur la biographie de M. Lehugeur plus tard, je me contenterai ce soir d’une première plongée dans cette oeuvre maîtresse, histoire d’en donner le goût. Difficile comme d’habitude de débattre avec cette chose qui se prétend une critique du livre de Emmanuel Faye et qui en parle si peu. Au point qu’y est reprise l’idée que Pierre Teitgen a avancé sur le dernier blog du monde, et selon laquelle M. Faye aborderait le texte où Heidegger dit que les noirs (« cafres ») ont une histoire comme les singes et les oiseaux en ont une, ce qui n’est pas le cas. Ainsi p. 38 : « les Caffres de Heidegger qui suscitent tant la sympathie de E. Faye » p. 39 : « E.Faye, qui affiche sa tendresse pour les Caffres » Serait-ce là que P.Teitgen a repris son « argument » ? Je ne sais-mais il est vrai que l’attaque de M. Teitgen était par contre formulée sans ce fond raciste évident qui transparaît ici presque sans masque. Toujours est-il que consacrer plus de 100 pages à un livre en parlant de textes qui n’y sont pas a pour moi quelque chose d’étrange ; c’est sans doute que je suis encore dans une métaphysique de l’adéquation. Par contre si le fond est nullissime, reste une remarquable unité de style. M. Lehugeur sait en effet systématiquement rappeler l’origine juive des auteurs dont il parle, et si ils se trouvent avoir critiqué Heidegger, au moins il sait pourquoi. Ainsi d’Alfred Grosser et de son article du 19 déc 1964 dans « Médiations » : si il s’y montre critique, c’est qu’il y montre « l’aveuglement de la passion d’un Allemand juif exilé » (p. 10). Notre auteur, donc, délivré pour sa part de « l’obsession anti-raciste » (p. 33-où il dénonce ce qu’il juge être une focalisation sur l’antisémitisme, une forme de « racisme », donc), sait pourquoi l\' »ancien disciple juif exilé Karl Löwith » (p. 14) s’est rebellé. Le juif exilé, toujours, c’est hargneux vous savez, cela serait capable de vous repprocher votre nazisme… Ainsi p. 27 « Ces attaques simplistes sur la « völkischité » de Heidegger sont fort intéressantes à un certain niveau, car elles témoignent de la mentalité tantôt techno-moderniste que défiera tranquillement Heidegger (d’où la fameuse mentalité « Blubo » qu’on lui reproche : son attachement à la communauté enracinée dans la terre natale) tantôt revancharde de Juifs expatriés pour tout ce qui ressemble à un amour des racines allemandes autochtones » [Heine n’était sans doute pas un autochtone…] La mentalité « Blubo » n’est donc qu’un attachement à la communauté enracinée…Passons sur la fin qui parle d’elle même. p. 28 on n’oublie pas de nous rappeler que Canetti est un « auteur germanophone juif d’Europe centrale et balkanique », qui a le tort il est vrai d’être critique, mais les origines juives de Joseph Rovan ne sont pas oubliées non plus (p. 46), ni non plus celles du « Juif Freud », ou celles des « penseurs « juifs » » qu’il faut convoquer comme Joseph Rovan pour sauver Heide : Lévy-Strauss, Arendt et Derrida (p. 106), ou « l’heideggérien juif Leo Strauss » (p. 50). C’est que les témoignages de l’antisémitisme de Heidegger ne sauraient être reçus par un « historien » aussi rigoureux : « la femme d’Ernst Cassirer, Tony, qui fera courir sur Heidegger la rumeur sans preuves de son antisémitisme de ressentiment -une pure interprétation socio-psychologique de bourgeoise un peu condescendante et peut-être vexée du manque de déférence de Heidegger devant son mari, et à qui Lévinas sur le tard se croira obligé de dire ses regrets d’avoir préféré Heidegger à Davos » (p. 102). C’est qu’il avait rien compris le Lévinas…puisqu’on vous dit que « Mais Elfriede Petri avait pour meilleures amies dans sa jeunesse des Juives ! » (p.57), si vous voyez à mal c’est vraiment que vous cherchez. Par contre les heideggériens qui ont eu le tort de discuter avec E. Faye ont pratiqué une « diplomatie fort münichoise » (p. 20), et notre si grand résistant sait dénoncer « les histoires « révisionnistes » à la Faye » (p. 42). Cela suffit pour aujourd’hui, il est temps que je reprenne ma respiration. Mais le meilleur est à venir. To be continued… Yvon Er. Rédigé par: Yvon Er | le 26/06/2006 à 20:30 2/ je poursuis la lecture du numéro de la revue « La pensée libre » dédié à la « critique » du travail de M. Faye. Je poursuis en « bergsonien bien connu » (Citation : « le philosophe V. Jankélévitsch, bergsonien bien connu, caché à Toulouse pendant l’Occupation », p. 10-il y est rentré en résistance et ses origines juives posaient quelques problèmes, mais passons…), mais laisse quelque peu de côté l’unité de « style » pour me pencher sur « l’argumentation ». On pourrait dire, ma foi, bien des choses. Suivont donc simplement l’ordre du déploiement de la chose, phénoménologiquement si on veut. P. 17 on rencontre un formidable argument contre « ce torchon ! » (p. 18), cette « foutaise diffamatoire », qu’est le travail de M. Faye : « les Lois raciales de Nüremberg, qui d’ailleurs -mais pourquoi le dire ? [oui, pourquoi ?…] – n’ont aucun rapport nécessaire avec l’extermination physique des juifs, puisque les nazis les présentaient comme une sorte de version allemande des lois de séparation du judaisme, !, répétant, mais cette fois en les racialisant les lois prussiennes de 1822, qui interdisaient la haute fonction publique et les offices de la magistrature et de l’armée aux Juifs, Ainsi donc il n’y a nul rapport nécessaire entre les lois raciales de Nüremberg et l’extermination physique des juifs, puisque les nazis ne l’ont pas présenté ainsi. Le petit problème qui fait de cette « argumentation » un révisionnisme virulent, outre l’imposture qui consiste à jouer ainsi de la parole nazie, c’est bien entendu qu’une extermination n’est pas décidée d’un coup de tête, mais découle d’un projet et d’une volonté inscrite dans la durée. De ce fait pas d’extermination sans persécution et ghettoisation préalable. Faire des lois de Nüremberg une racialisation des dites lois prussiennes, c’est délibéremment oublier qu’avec les lois de Nüremberg les juifs perdaient la nationalité allemande. Heidegger est par ailleurs devenu le recteur d’une faculté dont tous les professeurs juifs avaient été expulsés, mais passons. Comme d’habitude lorsque l’on sort ce type « d’arguments », convoquer Hannah Arendt à tort et à travers est du meilleur effet. Du reste notre auteur n’ignore rien de l’article 4 du programme officiel du NSDAP. Cf p. 77 : « Il faut ajouter ce point capital, de 1930 à 1933 pour gagner les élections, le NSDAP fut extrêmement discret sur son antisémitisme. Le programme de 1920 prévoyait « seulement » (article 4) de limiter les droits des Juifs dans la société et de les exclure de la politique, de la justice et de l’administration : « seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il faut être de sang allemand, la confession importe peu. Aucun Juif ne peut donc être citoyen ». Notre auteur note ensuite que si on se choque de l’espoir mis dans un parti antisémite, on doit au moins prendre en considération le dévoilement progressif de la criminalité de ce racisme et son caractère assez « modeste » [sic.] en 1933-35 voire en 1933-1938, avant la nuit de Cristal, en le comparant avec l’antisémistime européen et notamment avec celui dominant d’Europe centrale et orientale. Avec ses propres guillemets M. « Lehugeur » signait assez le caractère révisionniste de ses euphémisations, et les contradictions énormes dans lesquelles elles le place, notamment après la citation de l’article 4 de 1920, qui suffit. P. 41, l’oeuvre continue : « Heidegger qui fréquenta certains anthropologues racistes était sans doute intéressé par la question des fondements scientifiques de ces théories qui existaient, et de longue date hors d’Allemagne(en particulier en Suède et aux Etats-Unis), et tentaient de s’opposer à l’universalisme. Il s’agissait de proposer une théorie des processus historiques et facteurs d’histoires différentes. N’était-ce pas une façon de les mettre en question ? Même si Heidegger a pu s’intéresser aux théories des instituts raciaux et eugéniques de l’époque, il y a loin avec cautionner l’extermination des « races » en question. » Pour sortir du flou, rappelons que Heidegger continuait chaque nouvelle année de l’après-guerre à échanger des voeux avec le « raciologue » Eugen Fischer, théoricien de l’extermination des métis de Namibie au début du XXème siècle, et qui avait formé dans son institut le « médecin » Mengele. C’était sûrement une façon de le « mettre en question ». Un peu plus loin notre auteur convoque Karl Haushofer, inventeur du terme « Lebensraum », et argue pour défendre « l’innocence » du terme chez ce monsieur du fait que Haushofer avait une femme juive. Il aurait utilisé le mot « race » dans ses textes des années 20-45 sans y mettre de connotation exterminationniste : « Il est d’ailleurs marié à une juive ! Ce qui n’empêche pas Karl Haushofer d’admettre à un certain niveau un anti-sémitisme politique. C’est-à-dire que plus respectueux que Hitler de la « culture juive », il estime qu’elle peut nuire à la cohésion de la nation. » De fait les enfants de Haushofer font partie des quelques exceptions faites aux lois raciales du Reich, et cela parce que leur si net papa était le maître à penser de…Rudolf Hess, qui protégea la famille jusqu’à sa disparition. En poursuivant ce type d’argument, on pourra aussi retrouver le juif qui a réussi a rentrer dans la SS pour expliquer que bon, tout n’était pas si mal chez ces gens. Mais puisqu’un « antisémitisme politique » peut être « plus respectueux de la « culture juive » ». P. 47 M. « Lehugeur » lutte contre le « terrorisme intellectuel de notre époque », car franchement il n’y a pas de honte à avoir sympathisé avec la révolution conservatrice, et après tout ne diabolisons pas… P. 50 : « Il faudrait aussi se demander si avoir cautionné les lois de Nüremberg en 1935 (même sincèrement) revient à soutenir l’extermination physique : rappelons que ces lois sont d’apartheid et ressemblent au Statut juif français de 1940. Il est simplement faux (anachronisme) et scandaleux de rendre responsable de l’extermination, alors inconcevable pour la plupart des nazis [sic.], puisqu’elle n’a rien à voir avec le programme du NSDAP de 1920, toujours en vigueur et que ces lois se contentent d’appliquer. » Je ne devrais pas avoir à commenter ce texte, d’autant que vaut encore ce que j’ai dit de la citation de la p. 17. Que dire de quelqu’un qui pour « sauver » les lois de Nüremberg les rabat sur le Statut juif français de 1940 – qui n’a sans doute rien à voir avec l’extermination physique lui non plus, après tout qui aurait pu penser en 1940 que l’on allait pas envoyer les juifs en vacances à la mer ? P. 51 : où l’on apprend que Jünger était le partisan d’un « aristocratisme démocratique si on veut, avec une tendance anarchiste de droite ». P. 54 que le « Discours de rectorat » est un « exposé très défendable d’une philosophie de l’éducation. », et que d’ailleurs Heidegger ne jugera jamais indécente sa réédition. Alors ? Puisqu’on vous dit que… P. 59 on apprend que les camps de travail auxquels a participé Heidegger avec ses étudiant relevaient d’un « scoutisme de philosophie dans la nature genre Wandervogel ». P. 64 les Wandervogel sont eux mêmes décrits comme des « romantiques naturistes » (sic.). P. 71, une nouvelle fois le coup de l’anachronisme : le nazisme de 34-38 « n’inspirait pas l’horreur qu’il inspire rétrospectivement », et les projets du NSDAP étaient « d’ailleurs en partie indéterminés ». « En partie »…d’ailleurs dans les lois raciales de Nüremberg, « les nazis y voyaient une application à l’allemande [sic.] des lois religieuses juives de séparation des Juifs eux-mêmes d’avec les Goyims et se seraient « dits » eux aussi sionistes. » (ibid.). Judaisme et nazisme même combat, la preuve ce sont les nazis qui l’ont dit. Si on était pas content de toutes façons « rien n’empêche l’individualiste conséquent d’émigrer » (p. 73) P. 79 on apprend que Hitler jouissait « à vrai dire », peu après les jeux olympiques de Berlin, d’une image très positive à l’étranger. P. 82, un autre sommet : « Même si on admet que Heidegger avait lu Mein Kampf, ce gros livre indigeste qui n’annonce pas clairement de liquidation de Juifs, même si la haine s’y étale et si une fameuse phrase (fameuse pour nous, rétrospectivement) parle des gaz de la guerre comme expérience que les Juifs fauteurs de conflits mériteraient. Rappelons que le programme officiel de la NSDAP prévoyait « seulement » de limiter les droits des Juifs dans la société et de les exclure de la politique, de la justice et de l’administration et que selon tous les observateurs, la NSDAP pendant les élections de 1930 à 1932, se montra extrêmement discrète, par calcul, sur l’anti-sémitisme : pour se rendre plus fréquentable et plus crédible comme parti de gouvernement. » Le passage de Mein Kampf en question dit clairement que si on avait maintenu sous le gaz « quelques milliers » des Juifs « responsables » de la défaite de 14-18, l’Allemagne n’aurait pas perdu la guerre. A part ce « détail de l’histoire », Mein Kampf n’annonce pas « clairement » de liquidation de Juifs. Après tout « mieux vaut se demander si Hitler n’apparaissait pas comme un nouveau Bismarck modifié par les circonstances et d’ailleurs « démocratisé » » (p. 83). Après tout donc Hitler « agissait » (ibid.). p. 92 on apprend que Gentile a été un « assez bon » ministre laique de Mussolini. Voila donc le meilleur de l’argumentation de ce chef d’oeuvre contre la « PME » des Faye (« Les Faye père et fils semblent avoir constitué une PME pseudo-philosophique de la diffamation anti-heideggérienne », p. 110). M. « Lehugeur » a d’ailleur su déjouer le complot du « Gestell » : « Le scandale Heidegger comme complot [sic.] du « dispositif » ? Seuls ceux qui feignent d’ignorer les collusions avérées [entre ?] et l’idéologie dominante de « l’Occident développé » ridiculiseront cette hypothèse. » (p. 114). Il a du reste compris que « Heidegger est un verrou dans une stratégie des dominos » (p. 119) contre la culture allemande. Trouvant la chose trop navrante pour ridiculiser, je la laisse pour aujourd’hui. J’ai juste un mot de plus à dire sur notre grand auteur, mais sur ceci, plus tard. Yvon Er. Rédigé par: Yvon Er | le 28/06/2006 à 19:57 3/ Je poursuis mon analyse du numéro 4 de la revue «la pensée libre». L’auteur, M. « Maximilien Lehugeur », est présenté comme un normalien de la rue d’Ulm titulaire d’une agrégation d’histoire et d’un DEA de philosophie, comme nous l’avons vu. Le problème est qu’il n’y a nulle trace d’un quelconque Maximilien Lehugeur (un nom qui sonne quelque peu empire) dans l’annuaire des anciens élèves de l’ENS Ulm. Impossible pour un ancien de ne pas figurer dans « l’archicubier », donc soit M. Lehugeur ment sur ses titres, soit il s’agit d’un pseudonyme. Nulle trace nulle part d’un « Maximilien Lehugeur », l’hypothèse du pseudonyme s’impose donc, en particulier au vu d’un nom qui sonne quelque peu « anachronique » pour reprendre une expression chère à M. « Lehugeur » comme à Nicolas Plagne, qui lui est bien rentré en lettres rue d’Ulm en 1989, a bien une agrégation d’histoire et a bien un DEA de philosophie. M. Plagne est inscrit en thèse depuis le 01.12/1996 à l’université de Valenciennes (directeur Gérard Abensour) sur le thème « Origine, identité, destin de la Russie. Mémoire des origines russes et ses enjeux du début du XVIIIème siècle à nos jours dans la société russe. » (discipline : histoire ; mots clés : conscience nationale, historiographie, identité nationale, mémoire, nation, Russie, slave, URSS, viking, varegue ; code thèse 9605416V). Ceci collerait avec une soutenance de DEA en 1995, dont « Maximilien Lehugeur » parle p. 10-11 du numéro de « la Pensée libre » : « En 1995, alors que je mentionnais le nom de Heidegger pendant une soutenance, les deux universitaires de mon jury (un hégélien et un épistémologue), se croyant -mais qui ne s’y croit ?!- au fait du cas Heidegger (l’uniforme SA, le salut nazi à tout propos, notamment en cours, l’entêtement dans l’erreur après 1945, le « silence ») s’exclamèrent : « il avait ça dans le sang » ! Drôle de formule pour des maîtres de philosophie humaniste ! ». Par ailleurs, Nicolas Plagne a écrit sur Parutions.com plusieurs recensions dithyrambiques des livres du négationniste Claude Karnooh (co-rédacteur en chef de « La pensée libre ») sur l’Europe de l’Est, et sait lui aussi au besoin convoquer un auteur « juif puisqu’il faut montrer patte blanche »(« Réponse d’un certain Nicolas Plagne, historien, à un certain philosophe… »p. 12, sur le site « Parolesdesjours »). Mais cela n’est pas le plus déterminant. Ce qui l’est beaucoup plus, c’est le fait que la « recension » du livre de M. E. Faye que Nicolas Plagne a publiée sur le site « Parutions.com » (mise en ligne le 6 mai 2005) est constituée pour une bonne part de passages et d’argumentaires identiques à ceux que l’on trouve dans le numéro de la Pensée libre (n°4, avril-mai 2005). Compte tenu des dates de publication, un plagiat est très peu probable. Reste l’hypothèse statistiquement non impossible qu’il y ait une deuxième personne normalienne de la rue d’Ulm et titulaire d’une agrégation d’histoire et d’un DEA de philosophie qui ait travaillé avec M. Plagne. Mais ce qui n’est pas mathématiquement impossible n’est pas le plus réaliste. Suit une copie des passages en question. On indique d’abord le passage dans la « recension » de Nicolas Plagne dans Parutions.com (« L’introduction de la chasse aux sorcières en philosophie ») puis celui dans le numéro 4 de la revue « La pensée libre » (Heidegger, objet politique non identifié, avril-mai 2005) rédigé par « Maximilien Lehugeur ». Le premier est noté « Plagne », le second « «Lehugeur». Dès la première ligne : Plagne : « Le public cultivé français est rarement informé de l’édition de grands livres sur l’oeuvre de Martin Heidegger. » p.1 « Lehugeur » : « Le public français est rarement informé de l’édition de grands livres sur l’oeuvre de Martin Heidegger, mais il a été abreuvé de compte-rendus élogieux sur l’ouvrage d’Emmanuel Faye (…) » p. 1 Plagne p. 1 : « Il n’est certes pas impossible de philosopher à côté de la pensée de Heidegger, voire contre elle, mais il est impossible de ne pas prendre en considération ce qu’elle dit, pour la dépasser, si c’est possible, ou l’écarter en connaissance de cause. L’auteur d’Etre et temps (1927), de Kant et le problème de la métaphysique (1929), Introduction à la métaphysique (1935), Qu’appelle-t-on penser ? (1951-52) ou encore du Principe de raison (1954-55) a d’ailleurs suscité une importante littérature de commentaires, à laquelle ont participé les grands noms de la philosophie. Pourtant c’est toujours le « scandale Heidegger » qui fait la une des pages culturelles quand on daigne s’intéresser à cet auteur majeur, enseigné partout dans le monde. » « Lehugeur », p. 6, affirme que Heidegger est du fait de « l’affaire » devenu cette année un auteur « d’oral de l’agrégation » (alors qu’il a été mis à l’écrit), ce qui rappelle un peu les candeurs de M. Plagne lorsque dans une autre recension sur Parutions.com il se trompe sur l’identité du président de la dite agrégation en affirmant la même chose : « Il n’est certes pas impossible de philosopher à côté de la pensée de Heidegger, voire contre elle, mais – ne serait ce qu’à titre de retour critique sur la tradition métaphysique européenne ou l’interrogation sur les présupposés de la conscience « moderne » (son inconscient très actif, son « ombre »), il est impossible de ne pas prendre un moment sérieusement en considération ce qu’elle dit, pour la dépasser, si c’est possible, ou l’écarter en connaissance de cause. L’auteur d’Etre te temps (1927), de Kant et le problème de la métaphysique (1935), de Qu’appelle-t-on penser ? (1951-52) ou encore du Principe de raison ( 1954-55) a d’ailleurs suscité une importante littérature de commentaire, de qualité et d’originalité variable (Heidegger est devenu depuis quelques années un auteur de programme d’agrégation en France, et cette année -grâce au mauvais livre d’Emmanuel Faye – d’oral de l’agrégation ; enfin, il devient partout depuis des décennies un sujet banal de thèse de doctorat), mais à laquelle ont participé les grands noms de la philosophie contemporaine. » Plagne p. 2 : « Non-juif, il n’avait aucun besoin de fuir ; patriote si on veut « nationaliste », d’esprit communautaire et social, il adhérait sincèrement au principe d’une refondation « nationale et socialiste » non-marxiste voire anti-marxiste. Dans un entretien posthume, il reconnaît avoir commis « une grosse bêtise » (eine grosse Dummheit) ce qui peut s’actualiser en « belle connerie », mais Heidegger était bien élevé. Le terme n’est pas faible pour un homme qu’on dit arrogant et correspond à ses responsabilités réelles. » « Lehugeur » p. 87 : « Non-juif, Heidegger n’a aucun besoin vital de fuir (certains Juifs, les anciens combattants par exemple, restèrent d’ailleurs en assurant le pouvoir nazi de leur dévouement à la patrie et de leur fidélité au gouvernement) ; patriote (il se dit « national » dans un sens pacifique mais pas « nationaliste »), d’esprit communautaire et social, il continue d’adhérer sincèrement au principe d’une refondation « nationale et socialiste » non marxiste voire anti-marxiste » et p. 62 : « Dans un entretien publié en 1976 après sa mort et accordé au Spiegel, parlant de son engagement de 1933-34, il reconnait avoir commis une « grosse bêtise » ou « imbécillité » (« eine grosse Dummheit »), ce qui peut s’actualiser en « belle connerie », mais Heidegger était bien élevé. Le terme n’est pas faible pour un homme qu’on dit arrogant et correspond à ses responsabilités réelles. » Plagne p. 2-3 : « Thomas Mann hésita à rentrer en Allemagne pour ne pas perdre son public (il fallut la haine des nazis, l’autodafé public de ses livres et la pression de ses enfants pour qu’il coupât définitivement les ponts avec l’Allemagne, le pays de sa langue), tandis que les émigrés expérimentaient le déclassement et l’isolement culturel de l’apatride. On lira à ce sujet l’excellent Weimar en exil de J.M. Palmier, admirateur de Heidegger et d’Adorno et l’une des bêtes noires d’Emmanuel Faye. » « Lehugeur » p. 71-72 : « Thomas Mann hésita à rentrer en Allemagne pendant les premiers mois de 1933 et évita d’attaquer de front le nouveau gouvernement pour obtenir l’autorisation de rentrer et de publier, afin de ne pas perdre son public (il fallut la haine des nazis, l’autodafé public de ses livres et la pression de ses enfants pour qu’il coupât définitivement les ponts avec l’Allemagne, le pays de sa langue), tandis que les émigrés expérimentaient le déclassement et l’isolement culturel de l’apatride. On lira à ce sujet l’excellent Weimar en exil de JM Palmier, admirateur de Adorno et l’une des bêtes noires d’E.Faye. » Plagne p. 3 : « Rappelons avec Georges Goriely (1933 : Hitler prend le pouvoir, éd complexe) que les démocrates de l’étranger, sauf les communistes et une partie des socialistes, virent généralement en Hitler un mal nécessaire, un rempart contre la révolution communiste voire un exemple de révolution pacifique et une expérience de socialisme national capable de sauver le peuple allemand de la crise de 1929, dont nous n’imaginons même plus le caractère dévastateur pour l’Allemagne (voir l’article de Leon Blum dans Le populaire, qui salue l’élection du petit peintre viennois, y voyant une victoire contre l’obscurantisme réactionnaire du conservatisme militaro-prussien ; de même firent Breton et les surréalistes non-communistes). Pour beaucoup, Hitler était le Mussolini qu’il fallait à l’Allemagne ! Souvenons-nous que le libéral Lloyd George vint rendre visite à Hitler à Berchtesgaden en 1935, en sortit très impressionné et vanta ce « Georges Washington » ! Avant d’abdiquer, Edouard VIII d’Angleterre qui se voulait un roi social mais anti-communiste admirait la politique économique de Hitler contre le chômage ! » « Lehugeur » p. 80-81 : « Rappelons avec l’historien belge Georges Goriely (1933 : Hitler prend le pouvoir, Édit. Complexe) à propos de la fascination exercée par Hitler (cet homme, dit Heidegger, qui en changeant le destin de l’Allemagne change celui du monde, en provoquant partout l’étonnement et en retenant l’attention) que les démocrates de l’étranger, sauf les communistes et une partie des socialistes, virent généralement en Hitler un mal nécessaire, un rempart contre la révolution communiste voire un exemple de révolution pacifique et une expérience de socialisme national capable de sauver le peuple allemand de la crise de 1929, dont nous n’imaginons même plus le caractère dévastateur pour l’Allemagne. Même Léon Blum en 1932 chef de la SFIO, qui va bientôt en 1933 faire exclure les « néo-socialistes » Déat et Marquet pour leur trop grande compréhension à l’égard du fascisme, salue dans un article publié dans Le Populaire le soutien des masses allemandes au « petit peintre viennois » (l’année 1932 voit les nazis à leur apogée « légale » aux législatives et Hitler porté au second tour de la présidentielle), comme une victoire populaire contre l’arrogance de classe de la bourgeoisie allemande et l’obscurantisme réactionnaire du conservatisme militaro-prussien ; de même firent Breton et les surréalistes non-communistes, ainsi Dali, cas le plus connu de fascination pour Hitler et bientôt pour Franco. Pour beaucoup, comme le roi d’Angleterre Edouard VIII en 1936, Hitler était le Mussolini qu’il fallait à l’Allemagne et une source d’inspiration dans la lutte contre la misère de masse, alors que Travaillistes et Conservateurs échouent devant la Crise ! » Plagne p. 3-4 : « Heidegger n’était pas démocrate libéral mais soucieux du bien-être du peuple (le Volk), or Hitler réduisit spectaculairement le chômage en rendant confiance au pays. Il incarna un moment l’idée d’un Etat hiérarchisé, autoritaire (la tradition allemande de service), respecté à l’extérieur (les vainqueurs de 1918 lui accordèrent ce qu’ils n’avaient pas donné à Weimar et durent accepter la fin du Diktat de Versailles) et moins « classiste » dans la sélection des nouvelles élites : Heidegger était fils de tonnelier sacristain et souhaitait une société méritocratique plus égalitaire. Sur ces points, le nouveau régime lui paraissait une voie allemande (ni individualiste bourgeoise à la française ni égalitariste communiste) de communauté organique proche des thèses de Fichte et de Hegel. Faye surinterprète donc la notion de Volk et le sens de l’adjectif « völkisch », en les ramenant au sens racial nazi, car ces notions ont une longue histoire dans le romantisme allemand auquel Heidegger se rattache ici ! » « Lehugeur » p. 84-85 : « Pour comprendre pourquoi Heidegger pouvait mettre un espoir dans le gouvernement du Troisième Reich, il faut rappeler sans anachronisme le bilan des premières années de ce gouvernement. Heidegger était soucieux du bien-être du peuple (das Volk), dans une conception sans doute élitiste de la société, de type grec ou aristotélicien, mais qui défendait le droit pour chaque membre de la communauté nationale à une place selon ses talents propres et son travail. Encore fallait-il donner aux gens la possibilité de travailler. Or Hitler réduisit spectaculairement le chômage en rendant confiance au pays. Son État, social de nom, redonna du travail au peuple comme aux jeunes diplômés au chômage, désespérés par la crise. Dirigés par des anciens combattants, des soldats, des hommes venus du peuple, dirigé par un Führer venu de la petite bourgeoisie, cet État apparaissait moins « classiste » dans la sélection des nouvelles élites : Heidegger était fils de tonnelier sacristain et souhaitait une société méritocratique plus égalitaire. Il ne voulait pas la simple restauration de la société d’ordres héréditaires et de classes de 1941 et cela le distingue de la droite nationaliste monarchiste des Junkers (aristocratie terrienne légitimée en caste militariste). Sur ces points, le nouveau régime lui paraissait une voie proprement « allemande » (ni individualiste bourgeoise à la française ni égalitariste communiste) de communauté organique proche des thèses de Fichte et Hegel. E.Faye surinterprète donc la notion de Volk et le sens de l’adjectif völkisch, en les ramenant au sens racial nazi, alors que ces notions ont une longue histoire dans le romantisme allemand auquel Heidegger se rattache ici. » Plagne p. 4-5 : « Heidegger par gros temps, le livre (absent de la bibliographie) de Marcel Conche, un de nos principaux philosophes vivants, qui sait ce qu’il doit à l’influence de Heidegger mais le critique à l’occasion sans polémique tapageuse, résume bien les choses : Heidegger a eu « son » nazisme en partie imaginaire, un pari sur l’évolution du Mouvement qui pour lui portait une part de réponse pratique et idéologique aux défis de l’époque. Mais il s’en est écarté de plus en plus, en faisant la critique radicale mais philosophique dans ses cours, au point que nombre de témoins ont dit leur embarras devant les messages codés du professeur dans un contexte de répression et d’espionnage. Conche et d’autres avaient déjà pointé les graves défauts de méthode et les distorsions factuelles inadmissibles du livre de Farias (1987), qui instruisait à charge contre Heidegger sur-interprétant dans un sens hitlérien tout ce qui pouvait être ambigu dans ses paroles, ses écrits et ses actes, en refusant à sa prudence les circonstances atténuantes du contexte politique (Farias a pourtant fui la dictature de Pinochet !) et surtout du contexte de l’oeuvre elle-même. Mais ce qu’on n’arrivait pas à prouver, c’était le racisme et le biologisme de Heidegger, un point fondamental du nazisme réel. » « Lehugeur » p. 77-78 : « Le livre (absent de la bibliographie d’Emmanuel Faye) de Marcel Conche Heidegger par gros temps, (Cahiers de l’Egaré, 2004) un de nos principaux philosophes vivants, qui sait ce qu’il doit à l’influence de Heidegger mais le critique à l’occasion sans polémique tapageuse, résume bien les choses : Heidegger a eu « son » nazisme en partie imaginaire, un pari sur l’évolution du Mouvement qui pour lui portait une part de réponse pratique et idéologique aux défis de l’époque. Mais il s’en est écarté de plus en plus, en faisant la critique radicale mais philosophique dans ses cours, au point que nombre de témoins ont dit leur embarras devant les messages codés du professeur dans un contexte de répression et d’espionnage. Conche et d’autres avaient déjà pointé les graves défauts de méthode et les distorsions factuelles inadmissibles du livre de Farias Heidegger et le nazisme (1987), qui instruisait à charge contre Heidegger en sur-interprétant dans un sens hitlérien tout ce qui pouvait être ambigu dans ses paroles, ses écrits et ses actes, en refusant à sa prudence les circonstances atténuantes du contexte politique (Farias a pourtant fui la dictature de Pinochet !) et surtout du contexte de l’oeuvre elle-même. Mais ce qu’on n’arrivait pas à prouver, c’était le racisme et le biologisme de Heidegger, un point fondamental du nazisme réel. » Plagne p. 5-6 : « Bien après Karl Löwith, étudiant et disciple juif allemand de Heidegger et devenu le critique de Nietzsche et Heidegger comme penseurs nihilistes, Faye souligne son « décisionnisme » et le met en relation avec sa fréquentation du juriste nazi et théoricien de l’Etat Carl Schmitt. Certes, mais décisionnisme n’est pas nazisme ! La théorie de la souveraineté de Schmitt garde, malgré Faye et Zarka (qui publie une attaque contre Schmitt au même moment), une puissance conceptuelle qu’a bien montré JF Kervegan (Hegel, Carl Schmitt et l’Etat, PUF). Que l’Etat en temps de guerre révèle sa potentialité totalitaire de mobilisation totale au nom de lui-même, comme incarnation du bien collectif de la communauté, c’est ce que la Première Guerre mondiale a montré aussi à propos des démocraties ! On croit relire certains procès de Rousseau ou de Marx. Faye, comme un roi perse antique, tue le porteur des mauvaises nouvelles pris pour responsable de la réalité qu’il décrit. Faye devrait savoir que Machiavel a suscité l’horreur de ses contemporains, notamment des naifs ou des hypocrites et bien plus tard des jésuites, pour avoir dévoilé la vérité de la politique sans la confondre avec la morale. Cela suffisait à passionner l’homme de concepts et penseur de l’être qu’était Heidegger. Quant à s’indigner que la politique soit un rapport « ami-ennemi » dans les situations-limites de danger pour l’Etat (salut public), cela nous renseigne sur les voeux pieux de l’auteur plus que cela ne réfute Schmitt, car, à l’expérience de notre présent, cela demeure la base de l’action internationale (et parfois de politique intérieure) de tous les États. Que Heidegger dise qu’un Etat (même nazi) est fondé à éliminer ses ennemis jusque dans ses concitoyens en cas de trahison, en définissant pour lui-même ce qu’il attend de ses membres et en « inventant » ses ennemis, cela n’a aucun rapport nécessaire avec un éloge de la Gestapo ou des déportations, encore moins avec l’antisémitisme ! » «Lehugeur» p. 48-49 : « Bien après Karl Löwith critique de Nietzsche et Heidegger comme penseurs nihilistes, E. Faye souligne le « décisionnisme » et le met en relation avec sa fréquentation de Carl Schmitt. Certes oui, mais décisionnisme n’est pas nazisme ! La théorie de la souveraineté de Schmitt garde, malgré Faye et Y. C Zarka (qui publie par hasard une attaque contre Schmitt au même moment), une puissance conceptuelle qu’a bien montrée J.F. Kervégan (Hegel, Carl Schmitt. Le politique entre spéculation et positivité, 1992 PUF). Que l’État en temps de guerre révèle sa potentialité totalitaire de mobilisation totale au nom de lui-même, comme incarnation du bien collectif de la communauté, c’est ce que la Première Guerre et la Seconde Guerre mondiales ont montré à propos des démocraties ! On croit relirecertains procès de Rousseau ou de Marx. Faye, comme un roi perse antique, tue le porteur des mauvaises nouvelles pris pour responsable de la réalité qu’il décrit. Faye devrait savoir que Machiavel a suscité l’horreur de ses contemporains, notamment des naïfs ou des hypocrites et bien plus tard des jésuites, pour avoir dévoilé la vérité de la politique sans la confondre avec la morale. Cela suffisait à passionner l’homme de concepts et penseur de l’être qu’était Heidegger. Quant à s’indigner que la politique soit un rapport « ami-ennemi »dans les situations-limites de danger pour l’État (salut public), cela nous renseigne sur les voeux pieux de l’auteur plus que cela ne réfute Schmitt, car, à l’expérience de notre présent, cela demeure la base de l’action internationale (et parfois de la politique intérieure) des États, de tous les États. Le décisionnisme n’est donc pas du nazisme. Que Heidegger dise qu’un État (même national-socialiste) est fondé à éliminer ses ennemis jusque dans ses citoyens en cas de trahison (« L’ennemi est celui-là, est tout un chacun qui fait planer une menace essentielle contre l’existence du peuple et de ses membres. L’ennemi n’est pas nécessairement l’ennemi extérieur et l’ennemi extérieur n’est pas nécessairement le plus dangereux. Il peut même sembler qu’il n’y a pas d’ennemi du tout. L’exigence est alors de trouver l’ennemi, de le mettreen lumière », dit excellemment Heidegger dans un des séminaires incriminés par E.Faye et cité avec horreur par R. P. Droit), en définissant pour lui-même ce qu’il attend de ses membres et en « inventant » ses ennemis ( « de le mettre en pleine lumière ou peut-être même de le créer, afin qu’ait lieu ce surgissement contre l’ennemi et que l’existence ne soit pas hébétée»), cela n’a aucun rapport nécessaire avec un éloge de la Gestapo ou des déportations, encore moins avec l’antisémitisme !» Plagne p. 6 : « La vérité est qu’il s’agissait bien plus d’une critique non-marxiste de l’individualisme abstrait (du capitalisme aussi) d’où l’intérêt pour cette approche d’un penseur comme Gérard Granel qui n’eût de cesse de tisser la phénoménologie du capital de Marx et celle de la technique de Heidegger. » « Lehugeur » p. 43-44 : « d’où l’intérêt de cette approche pour un penseur comme Gérard Granel qui n’eût de cesse de tisser la phénoménologie du capital de Marx et celle de la technique de Heidegger. » Plagne p. 6 : « Cette vision de la condition humaine est discutable pour des philosophes mus par la foi (les théologiens objectent que l’homme est créé et aimé) mais avant la foi il y a la finitude et l’existence sur fond de mortalité et d’effacement des choses temporelles : Heidegger avait le portrait de Pascal sur son bureau. » « Lehugeur » p. 44 : « Cette vision de la condition humaine est discutable pour des philosophes mus par la foi (les théologiens objectent que l’homme est créé et aimé), mais avant la foi, il y a la finitude et l’existence sur fond de mortalité et d’effacement des choses temporelles :Heidegger avait le portrait de Pascal surson bureau (…)» Plagne p. 7 : « Disons même que Lévinas, l’un de ses tout premiers adeptes enthousiastes en France n’a jamais soupçonné, ni avant la guerre ni après, que Sein und Zeit eût pu être un texte protonazi ! De même, que les lectures-commentaires faites pendant la guerre à Lyon par deux résistants, Joseph Rovan (d’origine juive et remarquable germaniste) et Jean Beaufret, ne leur ont pas fait apparaître en pleine occupation la nature pré-nazie des textes de Heidegger qu’ils avaient à leur disposition. » « Lehugeur » p.45-46 : « Disons même que Lévinas, l’un de ses tout premiers adeptes enthousiastes en France n’a jamais soupçonné, ni avant la guerre ni après queSein und Zeit eût pu être un texte protonazi ! De même, que les lectures-commentaires faites pendant la guerre à Lyon par deux résistants, Joseph Rovan (d’origine juive et remarquable germaniste) et Jean Beaufret, ne leur ont pas fait apparaître en pleine occupation la nature pré-nazie des textes de Heidegger qu’ils avaient à leur disposition. » Plagne p. 7-8 : « A ce sujet, on lit que le NSDAP, peu intéressé par le détail de la pensée heideggerienne, relativisait les critiques contre Heidegger de collègues philosophes bien plus zélés que lui, sachant que des disputes théoriques doublées d’animosités personnelles les opposaient. Que le Parti ait estimé que Heidegger était « fiable politiquement » pendant la guerre signifie-t-il pour nous que Heidegger était partisan des camps d’extermination ? Cela signifie seulement que Heidegger était tenu pour un « intellectuel » prestigieux, qui n’encourageait pas clairement ses étudiants à l’insoummission et qui restait un patriote, un critique radical du marxisme, du communisme et du matérialisme libéral anglo-saxon, consacrait ses cours à des gloires nationales comme Hölderlin et Nietzsche ou à de vieux textes grecs. Les accusations de subversion de certains collègues laissaient les services du Parti froids. C’est peut-être de quoi Heidegger voulut demander pardon à Jaspers en lui disant sa honte dans une lettre fameuse d’après-guerre. » « Lehugeur » p. 67-68 : « A ce sujet, on lit aussi que le NSDAP, peu intéressé par le détail de la pensée heideggerienne, relativisait les critiques contre Heidegger de collègues philosophes bien plus zélés que lui, sachant que des disputes théoriques doublées d’animosités personnelles les opposaient. Que le Parti ait estimé que Heidegger était « fiable politiquement » pendant la guerre signifie-t-il pour nous que Heidegger était partisan des camps d’extermination ? Cela signifie seulement que Heidegger était tenu pour un « intellectuel » prestigieux, qui n’encourageait pas clairement ses étudiants à l’insoumission et qui restait un patriote, un critique radical du marxisme, du communisme et du matérialisme libéral anglo-saxon, consacrait ses cours à des gloires nationales comme Hölderlin et Nietzsche ou à de vieux textes grecs. Les accusations de subversion de certains collègues laissaient les services du Parti froids. C’est peut-être de quoi Heidegger voulut demander pardon à Jaspers en lui disant sa honte dans une lettre fameuse d’après-guerre. » Plagne p. 8 : « Se basant sur des notes de cours, Faye prétend d’ailleurs prouver que Heidegger était un mauvais professeur, qui ne comprenait rien à certains de ses sujets de lecons, par exemple sur la dialectique chez Hegel ! Ici il s’agit d’une grossière exagération à partir de quelques notes. Tous les témoignages de ses meilleurs étudiants, Gadamer, Biemel, Hannah Arendt, Elisabeth Blochmann, même Löwith et plus tard les membres du séminaire du Thor, s’opposent à cette assertion de Faye. Ces étudiants exemplaires, dont la plupart firent une brillante carrière universitaire ultérieurement, reconnaissent tous l’extraordinaire talent pédagogique dont les cours et les séminaires était l’exercice même de la pensée la plus rassemblée, en public. Et même en admettant que ce cours sur Hegel ait été réellement bâclé, ne savons-nous pas qu’on ne peut juger un professeur sur ses « jours sans » ? Professeur lui-même, M. Faye devrait l’admettre sans difficulté… » « Lehugeur » p. 90-91 : « Se basant sur des notes de cours, il prétend prouver que Heidegger était un mauvais professeur, qui ne comprenait rien à certains de ses sujets de cours, par exemple sur la dialectique chez Hegel ! Ici il s’agit d’un pur mensonge ou si on préfère d’une grossière exagération à partir de quelques notes. Tous les témoignages de ses meilleurs étudiants, Gadamer, Biemel, Hannah Arendt, Elisabeth Blochmann, même Karl Löwith et plus tard les membres du séminaire du Thor, s’opposent à cette assertion de Faye. Ces étudiants exemplaires, dont la plupart firent une brillante carrière universitaire ultérieurement, reconnaissent tous l’extraordinaire talent pédagogique dont les cours et les séminaires était l’exercice même de la pensée la plus rassemblée, se donnant dans son propre mouvement en public. Et même en admettant que ce cours sur Hegel ait été réellement bâclé, ne savons-nous pas qu’on ne peut juger un professeur sur ses « jours sans » ? Je me demande si les cours de M. Faye sont toujours admirés de ses étudiants! » Plagne p. 9 : « Preuve de nazisme, Heidegger aurait selon Faye exalté la technique tant que le nazisme triomphait et serait tombé dans l’obscurantisme antitechnique à partir des défaites de Hitler ! Or tout lecteur sérieux sait que Heidegger a critiqué la Technique dès ses cours sur Nietzsche avant la guerre et qu’il a toujours essayé de concevoir un rapport équilibré à la nature sans rejet de la science et de la technique, en soulignant l’origine cartésienne (sur le plan métaphysique) du projet de domination absolue de la nature. Que ce projet soit illusoire et dangereux est aujourd’hui une banalité ! Une partie du nazisme a été à la suite du romantisme aux origines de l’écologie, ce qui repose la question du sens de l’engagement de Heidegger et des raisons de son éloignement du nazisme. Quant au fait que Heidegger se complaise dans la pensée obscure des présocratiques, refusant le soleil de la raison platonicienne, autre vieux procès caricatural, la vérité est qu’il cherche à comprendre comment naissent la philosophie et la tradition occidentale avec leur recherche de l’origine absolue des choses (cause ultime, fondement) et leur pente au systématisme. Pour Heidegger, le fond de l’être est abyssal. Sa conception historiciste de la métaphysique (qui a joué un rôle dans l’histoire ultérieure de la philosophie et des révolutions cognitives) s’allie à une méditation encore ignorante de son but (« Chemins qui ne mènent nulle part » ou « de traverse » en quête de la lumière d’une clairière) portée par un souci de dépassement du « nihilisme » (la disparition du sacré). » « Lehugeur » p. 94-95 : « Preuve de nazisme, Heidegger aurait selon E. Faye exalté la technique tant que le nazisme triomphait et serait tombé dans l’obscurantisme antitechnique à partir des défaites de Hitler ! Or tout lecteur sérieux sait que Heidegger a critiqué la Technique dès ses cours sur Nietzsche, dès la fin du Rectorat, avant la guerre et qu’il a toujours essayé de concevoir un rapport équilibré à la nature sans rejet de la science et de la technique, en soulignant l’origine cartésienne (sur le plan métaphysique) du projet de domination absolue de la nature. Que ce projet soit illusoire et dangereux est aujourd’hui une banalité ! L’obscurantisme dans la peau ? Le goût de l’archaïque et du barbare ? Quant au fait que Heidegger se complaise dans la pensée obscure des présocratiques, refusant le soleil de la raison platonicienne, autre vieux procès caricatural, la vérité est qu’il cherche à comprendre comment naissent la philosophie et la tradition occidentale avec leur recherche de l’origine absolue des choses (accuse ultime, fondement) et leur pente au systématisme. Pour Heidegger, le fond de l’être est abyssal. Sa conception historiciste de la métaphysique (qui a joué un rôle dans l’histoire ultérieure de la philosophie et des révolutions cognitives) s’allie à une méditation encore ignorante de son but (« Chemins qui ne mènent nulle part » ou « de traverse » en quête de la lumière d’une clairière, die Lichtung) portée par un souci de dépassement du « nihilisme » (la disparition du sacré). » Plagne p. 10 : « On peut certes s’interroger sur le sens de ces textes ou des phrases de cette époque : tentation ou simples concessions à l’idéologie dominante officielle ? Heidegger qui fréquenta certains anthropologues racistes était sans doute intéressé par la question des fondements scientifiques de ces théories, qui existaient, et de longue date, hors d’Allemagne et tentaient de s’opposer à l’universalisme. Il s’agissait de proposer une théorie des processus historiques et des facteurs d’histoires différentes. N’était-ce pas une façon de la mettre en question ? » « Lehugeur » p. 41 : « On peut certes s’interroger sur le sens de certains textes ou de certains phrases de cette époque : tentation ou simples concessions à l’idéologie dominante officielle ? Heidegger qui fréquenta certains anthropologues racistes était sans doute intéressé par la question des fondements scientifiques de ces théories qui existaient, et de longue date hors d’Allemagne (en particulier en Suède et aux États-Unis), et tentaient de s’opposer à l’universalisme. Il s’agissait de proposer une théorie des processus historiques et des facteurs d’histoires différentes. N’était-ce pas une façon de la mettre en question ? » Plagne p. 10-11 : « Il est certain qu’il y a chez lui un attachement à l’idée de culture nationale fondée dans la langue et un imaginaire collectif (le Rhin, la germanité mythologique, etc.) et qu’il a pu considérer certains Juifs comme culturellement enracinés dans un cosmopolitisme de diaspora : Faye biologise à l’excès sur des bases fragiles voire grotesques ce nationalisme herdérien pour s’en indigner et destituer Heidegger du nombre des philosophes pour cela. » « Lehugeur » p. 34 : « Il est certain qu’il y a chez Heidegger un attachement à l’idée de culture nationale fondée dans la langue et un imaginaire collectif (le Rhin, la germanité mythologique, la figure du Poète national Hölderlin, etc.) et qu’il a pu considérer certains Juifs comme culturellement enracinés dans un cosmopolitisme de diaspora : Faye biologise à l’excès sur des bases fragiles voire grotesques ce nationalisme herdérien pour s’en indigner. » Plagne p. 11 : « Au lieu du « juge Faye », ne doit-on pas laisser les vrais philosophes créateurs de notre temps comme Sartre, Merleau-Ponty, Reiner Schürmann et parmi eux nombre de penseurs « juifs » comme Lévinas, Arendt ou Derrida inspirer notre jugement, par leurs dettes avouées et leurs usages de sa pensée ? Faye semble ignorer que Jaspers lui-même (marié à une Juive, en froid avec Heidegger et critique de certains aspects de sa pensée) demanda peu après la guerre le retour dans l’enseignement de ce philosophe « indispensable à l’université allemande ! » » « Lehugeur » p. 106 : « Au lieu du « juge Faye », ne doit-on pas laisser les vrais philosophes créateurs de notre temps comme Sartre, Merleau-Ponty, Reiner Schürmann et parmi eux nombre de penseurs « juifs » comme Lévinas, Arendt ou Derrida inspirer notre jugement, par leurs dettes avouées et leurs usages de sa pensée ? Faye semble ignorer que Jaspers lui-même (marié à une Juive, en froid avec Heidegger et critique de certains aspects de sa pensée) demanda peu après la guerre le retour dans l’enseignement de ce philosophe « indispensable à l’université allemande ! » » Plagne p. 11 : « Il faut noter l’absence de grands noms dans la bibliographie : sont-ils nazis ou imbéciles les Biemel, Wahl, Haar, Grondin, Granel, Vattimo, Birault, et tant d’autres parmi ses commentateurs et ses traducteurs ? N’aurait-on pas eu besoin de leurs lumières ? Leurs travaux prouvent qu’il est absurde de réduire la pensée de Heidegger à sa période de proximité avec le nazisme. Il est vrai que Faye, et c’est fort inquiétant, accuse de « révisionnisme » (après le bluff et le montage, le terrorisme intellectuel) les défenseurs de Heidegger, qui osèrent contredire les procès en crypto-nazisme que sont les « scandales Heidegger ». » « Lehugeur » p. 106 : « Il faut noter l’absence de grands noms dans la bibliographie : sont-ils nazis ou imbéciles les Biemel, Wahl, Haar, Grondin, Granel, Vattimo, Birault, et tant d’autres parmi ses commentateurs (Koyré) et ses traducteurs ? N’aurait-on pas eu besoin de leurs lumières ? Leurs travaux prouvent qu’il est absurde de réduire la pensée de Heidegger à sa période de proximité avec le nazisme. Il est vrai que le jeune Dr Faye, et c’est fort inquiétant, accuse de « révisionnisme » (après le bluff et le montage, le terrorisme intellectuel) les défenseurs de Heidegger, qui osèrent contredire les procès en crypto-nazisme que sont les « scandales Heidegger ». » Plagne p. 12-13 : « De deux choses l’une : ou l’oeuvre de Heidegger est distincte du nazisme et stimulante pour la pensée, et il est absurde d’en priver les étudiants (qui doivent apprendre à penser) et de la qualifier de nazie ; ou elle est intrinsèquement nazie et les universités sont remplies de nazis, de crypto- et paranazis ou d’imbéciles ! E. Faye prétend que l’oeuvre publiée est le fruit d’une autocensure après 1945 : il est étrange que les intellectuels qui jugèrent le cas Heidegger en 1945 pour la dénazification n’aient pas connus les fameux documents (qui devaient être accessibles), mais si on envisage cette hypothèse, les oeuvres révisées depuis 1945 ne sont donc plus nazies et c’est pourtant ce que leur reproche encore Faye ! On ne comprend pas pourquoi, si ces archives avaient été aussi compromettantes Heidegger ne les eût pas fait disparaître de ses archives. Naïveté ou opération concertée de démolition/diffamation mise en scène par Faye après le ratage de Farias ? Le livre se termine par une définition moralisante de l’espace de la philosophie, qui feint d’ignorer qu’on fait rarement de la bonne philosophie en étalant ses bons sentiments et sa vertu outragée. A ce compte, il faudrait retirer des bibliothèques l’oeuvre de Hobbes, en qui on peut voir le chantre du totalitarisme ! Signalons que le politologue antinazi Franz Neumann intitula son étude de l’État nazi Behemoth (1942), qui est aussi un titre de Hobbes ! (Bizarrement Y-Ch.Zarka, autrefois spécialiste de Hobbes, qui n’en demanda jamais l’interdiction et publie aujourd’hui contre Schmitt, bénéficiant des mêmes pages de promotion dansla presse, est signalé en bibliographie par E.Faye ! Il y a des coïncidences !…). » « Lehugeur » p. 107-108 : « De deux choses l’une : ou l’oeuvre de Heidegger est distincte du nazisme et stimulante pour la pensée, et il est absurde d’en priver les étudiants (qui doivent apprendre à penser) et de la qualifier de nazie ; ou elle est intrinsèquement nazie et les universités sont remplies de nazis, de crypto- et paranazis ou d’imbéciles ! E. Faye prétend que l’oeuvre publiée est le fruit d’une autocensure après 1945 ; or il est étrange que les intellectuels qui jugèrent le cas Heidegger en 1945 pour la dénazification n’aient pas connus les fameux documents (qui devaient être accessibles), mais si on envisage cette hypothèse, les oeuvres révisées depuis 1945 ne sont donc plus nazies et c’est pourtant ce que leur reproche encore Faye ! On ne comprend pas pourquoi, si ces archives avaient été aussi compromettantes Heidegger ne les eût pas fait disparaître de ses archives. Naïveté ou opération concertée de démolition/diffamation mise en scène par Faye après le ratage de Farias ? Le livre se termine par une définition moralisante de l’espace de la philosophie, qui feint d’ignorer qu’on fait rarement de la bonne philosophie en étalant ses bons sentiments et sa vertu outragée. A ce compte, il faudrait retirer des bibliothèques l’oeuvre de Hobbes, en qui on peut voir le chantre du totalitarisme ! Signalons que le politologue antinazi Franz Neumann intitula son étude de l’État nazi Behemoth (1942), qui est aussi un titre de Hobbes ! (Bizarrement Ych. Zarka autrefois spécialiste de Hobbes qui n’en demanda jamais l’interdiction et publie aujourd’hui contre Schmitt, bénéficiant des mêmes pages de promotion dans la presse, est signalé en bibliographie par E.Faye ! Il y a des coïncidences). » Plagne p. 13 (dernière phrase) : « La question est derechef : pourquoi traiter précisément Heidegger en sorcière démasquée ? Au-delà d’une stratégie personnelle ou collective de promotion, il y a sans doute un contexte idéologique. La clé de tout cela se trouve probablement dans la lecture même qu’Emmanuel Faye, après son père, veut nous interdire. » « Lehugeur » p. 108 : « La question est derechef : pourquoi traiter précisément Heidegger en sorcière démasquée ? Au-delà d’une stratégie personnelle ou collective de promotion, il y a sans doute un contexte idéologique. La clé de tout cela se trouve probablement dans la lecture même qu’Emmanuel Faye, après son père, veut nous interdire. » Par ailleurs, certains éléments de l’argumentation (la référence à Leon Blum par exemple) n’ont été utilisés par personne d’autre au cours des débats que par MM. Plagne et « Lehugeur ». Pour des raisons stylistiques et sans pouvoir en être absolument certain, je pense que la « recension » du site « Parutions.com » n’est qu’une version courte et ultérieure du numéro 4 de la « Pensée libre ». Ainsi p. 8 de la recension une phrase inintelligible (« (…) dont les cours et les séminaires était l’exercice même de la pensée la plus rassemblée en public. ») devient tout de suite compréhensible si on lui ajoute ce que contient le numéro de « la pensée libre » (p. 90-91) : « (…) dont les cours et les séminaires était l’exercice même de la pensée la plus rassemblée, se donnant dans son propre mouvement en public ». Quoiqu’il en soit, je pense que M. Plagne doit des explications au public, et de son propre mouvement. Rédigé par: Yvon Er | le 30/06/2006 à 22:58 Interventions complémentaires sur les recensions de N.Plagne sur le site d’Amazon : Pour continuer sur ce même thème, je cite une recension d’un livre de Maurice Sachs faite par Nicolas Plagne sur Amazon : Le sabbat . par Sachs Maurice . Edition : Reliure inconnue Disponibilité : Article momentanément indisponible Mémoires picaresques d’un jeune naïf israëlite homosexuel, 22 Juil 2005 Ce récit de la vie de Maurice Sachs se lit d’une traite, car il repose sur les atouts d’un syle classique NRF clair et élégant, un humour d’auto-dérision et de satire sociale efficace et un souffle dramatique qui tient en haleine. Il ne s’agit pourtant que de la vie (« ratée ») d’un jeune bourgeois fauché qui grâce à son intelligence charmeuse, son goût de l’aventure et à son talent littéraire passe par divers milieux et voyage dans la France (le Paris des années folles) et l’Amérique (provinciale étouffante) des années 1920-1939. Il es vrai que Sachs rencontre et courtise avec n succès variable des personnalités telles que Gide, Cocteau, Poulenc, les Maritain, Coco Chanel, Max Jacob et fréquente le Boeuf sur le Toit. La paresse et la jeunesse naïve de notre héros lui attirent bien des déconvenues et des échecs, mais il tire toujours de ces aventures des leçons dignes des grands moralistes français de l’âge classique, dont c’est un héritier. Sachs se fait pardonner ses vices (le vol, l’inconstance et le mensonge stratégique) par les circonstances de sa vie, la bêtise ou les défauts de certains de ses interlocuteurs et surtout par son art de la confession impudique et désabusée. C’est un écrivaint méconnu et qui mérite mieux que la réputation sulfureuse qui l’entoure parfois. C’est aussi un témoin de son temps. [fin de citation] Pour resituer ce personnage à la « réputation sulfureuse », je copie également sa biographie dans wikipedia : Maurice Sachs Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre. J’aimeJ’aime
  3. En troisième point, retour sur une « lecture » par un « universitaire » portugais du livre de M. Faye. On peut être orienté vers cette oeuvre sur le site « La pensée de Martin Heidegger ».

    Je marque une pose dans ma lecture du numéro de la « Pensée libre » consacré à Heidegger pour décrire la « lecture » du livre de M. Faye par un universitaire portugais (Alexandre Franco de Sá, trad. de Barbara Lacon), lecture à laquelle renvoie M. Domeracki sur son site.
    La chose n’a qu’un intérêt : c’est la première fois que je lis quelqu’un d’aussi avancé dans une institution philosophique quelconque qui déploie une argumentation à ce point « Parolesdesjouriennes », voire plus.
    p. 1, le bonhomme entend lutter contre ceux qui veulent discréditer la personnalité et la pensée d’auteurs allemands qui ont entretenu « des relations de sympathie ou, du moins, des relations qui n’étaient pas d’une hostilité manifeste avec le régime natinal-socialiste. »
    C’est le moins que l’on puisse dire, que l’on parle du secrétaire de Goering responsable des lois raciales du Reich, dont il a été le « Kronjurist » (Schmitt), ou du philosophe qui a participé à la non moins brillante « académie pour le droit allemand ».

    Les stratégies déployées sont connues : les livres de MM. Faye et Zarka n’apporteraient rien de nouveau, ce qui permet de ne pas rentrer dans leurs argumentations. Mais notons que l’on retrouve un argument que le bon JF Kervegan nous avait déjà resservi : pointer le nazisme de ces auteurs serait du même niveau que la stigmatisation des juifs sous le troisème Reich, « de la même manière que l’Allemand des années 30 discutait le catalogue d’auteurs juifs dans les bibliothèques. » (Ibid.). C’est tellement énorme que cela devrait suffire, mais je continue…
    P. 2, il reprend l’hypothèse avancée par Emmanuel Faye selon laquelle Heidegger pourrait avoir écrit certains discours de Hitler pour discréditer l’ensemble du travail de ce dernier (deux lignes sur plus de 550 pages).
    p. 3 on nous refait le coup du biologisme : « Faye ne peut s’empêcher d’affirmer que la confrontation entre Heidegger et le biologisme ne signifie pas, pour l’essentiel, une confrontation critique vis à vis du nazisme »
    Evidemment qu’il ne peut s’en empêcher, puisque M. Faye ne fait ici que suivre les derniers développements de la recherche sur la question raciale dans le nazisme (voir par exemple Cornelia Essner, La quête de la race, Paris Fayard 1995), qui ont bien montré que celle-ci ne se limitait nullement à la question du biologisme.
    Mais continuons : notre grand penseur (spécialiste de Heidegger, Schmitt, Jünger, et d’une manière qui n’a rien à voir avec la politique, non non, traducteur de « Der Arbeiter » de Jünger en portugais) cite le « Zu Ernst Jünger » à la rescousse de son auteur :
    « L’homme n’est pas moins sujet, mais au contraire de manière plus essentielle, lorsqu’il se conçoit comme nation, comme peuple, comme race, comme une humanité qui d’une manière ou d’une autre mise sur elle même » (GA 90). Dans cette phrase notre héros voit une critique de la proposition völkisch (?), ce qui lui permet de dénoncer « l’insistance à trouver chez Heidegger la défense d’une pensée völkisch et d’un racisme biologiste » (p. 5). Une série d’hallucinations visuelles l’empêche visiblement de lire ce qui lui pose problème dans les argumentations de M. Faye et ce qu’il entend faire oublier chez Heidegger.
    Pour nier le lien entre Jünger et Heidegger, il avance que le terme de Hüter n’a rien de nazi, et cite pour cela le « juif libéral » (sic.) H. Kelsen et son « Wer soll der Hüter der Verfassung sein ? ». Le texte en question est peut-être d’ailleurs une réponse à Schmitt, mais il faudra que je vérifie. L’important d’abord est bien sûr que l’on a tout autre chose que le mot de « Hüter » pour comprendre les relations Heidegger/Schmitt.

    Mais le plus « interessant » arrive à la fin. M. de Sá, qui reconnaît par ailleurs p. 7 que le livre de M. Faye est utile pour comprendre le contexte intellectuel dans lequel nageait Heidegger, avance que E. Faye ne saurait pas faire de distingos assez subtils entre les courants du nazisme. « Sauvant » Ernst Forsthoff et Eric Wolf, il avance à ce sujet le rejet heideggérien d’une conception völkisch et raciste de l’état dans lequel celui-ci ne serait rien d’autre qu’un simple instrument au service du peuple et de son unité raciale (Rosenberg). Il s’agit alors pour Heidegger de maintenir une certaine autonomie de l’Etat pour assurer la pérennité du régime. Citation p. 6 :
    « Dans 60 ans, notre Etat ne sera certainement plus conduit par le Führer, aussi ce qu’il deviendra alors dépend de nous ».
    Le problème bien sûr c’est que personne n’a jamais nié que le but de Heidegger fût d’assurer la pérennité de l’Etat nazi, puisque c’est bien de cet Etat là qu’il est question et de nul autre.
    La compréhension « interne », sans « critères extérieurs » aux auteurs abordés, de cette lecture prouve au moins que l’on peut au sein de l’université européenne elle-même développer des critique fachisantes du livre de M. Faye.
    Mais on peut continuer à nier qu’il y a un problème. J’ai pour ma part encore deux ou trois choses à dire à ce sujet.
    Yvon Er.

    Rédigé par: Yvon Er | le 27/06/2006 à 19:54

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  4. Quant à la lettre envoyée par Philippe Arjakovsky au médiateur du journal le Monde (en réponse à l’article de RP. Droit qui a lancé le livre de M. Faye), et qui du site « Parolesdesjours » a atterri aussitôt sur celui de la revue négationniste « L’Aaargh-conseil de révision », no news. Si vraiment M. Arjakovsky n’a pas voulu cette publication, ce qui reste une possibilité toute mathématique, il devrait avoir été mis au courant de cet état de fait qui remonte à l’été dernier, et pu prendre publiquement ses distances.

    On remarquera sinon l’ignominie de la remarque qui suit le renvoi au site « Parolesdesjours », et qui compare M. Faye à une tare génétique à éliminer, englobant ainsi son père dans la « tare ».
    Lors de la conférence de l’APPEP, et contrairement à ce qui est dit dans cette remarque, la qualification par M. Faye de Heidegger et de J.Beaufret comme « négationnistes » et de F.Fédier comme « révisionniste » a été vive, et due aux membres de « Parolesdesjours » alors présents (notamment MM. Bernard Sichère et Hadrien France-Lanord, voir la conférence, et notamment les pages 4 et 5 : http://www.appep.net/debatheidegg.pdf ). M. Faye a alors eu l’occasion d’expliquer sa position.
    Les Faye père et fils peuvent s’enorgueillir d’avoir provoqué la colère et d’être poursuivis par la haine des milieux négationnistes : je leur tire mon chapeau, ainsi qu’à M. Droit, qui les rejoint aux yeux de ces messieurs.
    Yvon Er.

    Aaargh, Conseil de révision (été 2005 ; fichier accessible sur internet), p. 8-9 :

    DROIT, UN NÉGATIONNISTE TORDU
    Un site « qu’appelle-ton calomnier Heidegger? »
    Lettre au journal Le Monde
    Philippe Arjakovsky
    Dans son article du 25 mars 2005 intitulé “Les crimes d’idées de Schmitt et de Heidegger”, M.
    Droit fait une recension élogieuse d’un livre d’Emmanuel Faye accusant Heidegger d’avoir «introduit
    le nazisme dans la philosophie». Vers la fin de son article, il laisse entendre de la manière la plus
    explicite que Heidegger est directement responsable de l’extermination des Juifs. «Au bout du chemin,
    écrit-il, la mort de l’ennemi est la même» – et d’enchaîner par cette merveille d’ambiguïté sophistique:
    «Une fois les ennemis inventés par le Reich déportés, gazés et brûlés, Heidegger s’est tu.» Mais
    comment le Reich a-t-il fait pour inventer ses ennemis? Semblant comme répondre à cette question,
    un assez long extrait d’un cours de Heidegger (tiré du livre de M. Faye) est cité par Le Monde dans un
    encadré au bas de la page; il y est question de «l’exigence radicale de trouver l’ennemi» et «d’initier
    l’attaque (…) en vue de l’anéantissement total». CQFD: en principe, à la lecture de cette page, le lecteur
    non avisé ou prévenu comprend immédiatement que Heidegger est le véritable idéologue du régime
    nazi et au fond l’inspirateur de la «solution finale». Qui sait même si, en achetant le livre de M. Faye,
    on n’apprendrait pas en plus que ce cours qui nous parle de l’ennemi et du combat n’est pas tout
    bonnement un commentaire du Mein Kampf de Hitler…? Beau suspense commercial!
    Mais vous prenez vraiment les gens pour des imbéciles! Ce cours (sur la vérité) de 1933-34 n’est
    absolument pas inédit: il se trouve dans ma bibliothèque depuis quatre ans – et si on l’ouvre, on
    s’aperçoit que le passage cité sur l’ennemi et le combat est extrait en réalité d’un commentaire… d’un
    fragment d’Héraclite, le célèbre fragment DK 53, qui dit que «Polémos est le père de tout ce qui est…»
    – et la thèse générale du chapitre est que Polémos, le combat, est, pour les Grecs, le foyer essentiel de
    tout ce qui est, bien au-delà de tout comportement humain.
    Rien n’empêche un habile idéologue, pourrait-on me rétorquer, de prendre prétexte de la pensée
    de Héraclite pour soutenir le «combat» de Hitler. Mais là nous passons du domaine de la certitude
    indiscutable d’un fait (ce que laisse suggérer le montage du Monde) à celui de la justesse toujours
    discutable d’une interprétation.
    L’absence ici de tout contexte, de la moindre mise en perspective, nous permet de comprendre la
    différence entre un journalisme critique d’information et un journalisme idéologique qui sombre ici au
    fond de l’ignoble. La manière dont vous présentez cette citation est en réalité un de ces trucages,
    autrement dit un de ces «crimes d’idées» dont vous croyez être les pourfendeurs. Si vous aviez eu
    l’honnêteté d’indiquer le contexte de cette citation, le lecteur aurait pu par exemple se poser la
    question suivante: et si faire cours en 1933-34 sur le polémos (Kampf, combat) au sens d’Héraclite
    n’était pas au contraire une manière pour Heidegger d’offrir à ses étudiants un contrepoids
    extraordinaire à l’autre Combat inspiré par le livre officiel du régime? Autrement dit un acte de
    résistance? C’est là une question, on l’aura compris, que M. Droit a appris depuis longtemps à
    «combattre» de la plus ignoble des manières.
    Mais je me tourne ici plus particulièrement vers le Médiateur du Journal. J’ose imaginer que
    dans votre journal, le journaliste chargé d’une rubrique aime, d’une manière ou d’une autre, ce dont il
    est question dans sa rubrique; pour ne citer que vos plumes les plus connues, on n’imagine pas M.
    Vernet détestant les questions diplomatiques internationales, M. Kéchichian ingurgitant de force la
    poésie mystique ou M. Marmande traîné de force par son rédacteur en chef à la corrida. Ne serait-il
    pas temps quand même de faire oeuvre humaine et de retirer à M. Droit la charge manifestement pour
    lui dégoûtante de s’occuper des livres de Heidegger depuis plus de 20 ans? Soit Heidegger est un
    véritablement un philosophe nazi – et en ce cas le Monde, avec toute sa puissance de plus grand
    journal d’opinion français, s’honorerait, pour clore le procès qu’il lui fait depuis toujours, de lancer et
    de soutenir une pétition nationale pour qu’on réglât définitivement le cas Heidegger – par exemple en
    l’éjectant de la liste des auteurs officiels du programme de Terminale. Et l’on pourrait ainsi enlever à
    M. Droit la charge écrasante de faire semblant de lire les ouvrages de Heidegger. Soit Heidegger est le
    grand penseur de notre temps que d’aucuns aiment à croire, et en ce cas ne croyez-vous pas qu’il serait
    plus «déontologique» (si ce mot a encore du sens dans votre journal) de donner ses livres à un
    journaliste ou à un chroniqueur qui y entende quelque chose, et pourquoi pas l’aime un peu? M. Droit
    aurait ainsi le temps de multiplier les grandes expériences philosophiques du quotidien qu’il nous a
    relatées dans son livre fameux, comme celle de se regarder pisser ou de réciter à l’envers la liste des
    courses (je ne sais plus trop au juste, mais c’était passionnant et cela pourrait donner lieu à une
    chronique hebdomadaire dans votre supplément payant du week-end).
    Je me doute, M. le Médiateur, de ce que vous pourriez me répondre à propos de cette ignominie
    du 25 mars 2005. En face du grand article de M. Droit et au-dessus d’un second article du même se
    trouvaient une enquête de M. Birnbaum et un entretien mené par M. Kéchichian avec Marc de Launay,
    dans l’ensemble plutôt favorables à Heidegger. Mais voilà, ils n’étaient pas à armes égales: que vaut
    l’opinion d’inconnus devant l’ignoble bricolage construit à la page d’en face? Que valent les généralités
    auxquelles se livrent les gens que vous interrogez à propos d’un livre qu’ils n’ont pas encore lu (et pour
    cause, puisqu’il n’est pas encore paru)?

    http://parolesdesjours.free.fr/scandale.htm

    1er mai 2005, salle Cavaillès, Sorbonne
    Emmaniel Faye (junior) a également maintenu, sans rencontrer de la part de la salle la moindre
    demande d’explication, que Heidegger et Jean Beaufret étaient effectivement désignés par
    lui comme “négationnistes”, et que plusieurs commentateurs de Heidegger, dont François Fédier,
    étaient cités dans son livre comme “révisionnistes”.
    Bienvenue au club. Le père Faye était déjà une crapule intellectuelle assez débectante. Le fils
    promet de surpasser son horrible papa. Avec les tests in utero, on devraitmaintenant parvenir à
    ariver à éradiquer ce genre de tare génétique.
    ——————————————————————>

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  5. Petite question rhétorique : en quoi les sources de Faye seraient elles plus plausibles que celles de Fédier? Réponse : parce qu’elles sont à charge pardi.

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  6. La question est rhétorique en effet, puisque les délires de Fédier ont été démontés depuis longtemps par Ott, qui a publié ses recherches dans des revues d’historiens, recherches faites à partir de données vérifiables.
    Comment pouvez-vous, M. Domeracki, condamner les « fachos » sur votre site et en même temps affirmer que le négationnisme et la violence nazie sont collatéraux pour la pensée ? Comment ainsi condamner le fachisme et reprendre la traduction Arjakovsky-Lanord, « libre usage du nationel » ? Ne voyez vous pas que cette traduction fait partie d’une stratégie ?
    Les allemands, qui n’ont pas à craindre les effets de telles « traductions », ne se trompent guère sur la portée de l' »Abendgespräch » :

    (Jungle World du 03 janvier 2006)

    Volk ohne Warteraum
    In der Schrift »Abendgespräch in einem Kriegsgefangenenlager« erklärte Martin Heidegger die Deutschen bereits am 8. Mai 1945 zu Opfern. Eine Nachlese von roger behrens
    Im Winter 1933/34 erzählte mir ein aus Freiburg gekommener Student: »In der Umgebung Heideggers haben sie den Freiburger Nationalsozialismus erfunden. Hinter vorgehaltener Hand sagen sie, das wahre Dritte Reich habe ja noch gar nicht begonnen, das komme erst.«
    Carl Friedrich von Weizsäcker
    In einer Bibliothek griff ich vor kurzem zufällig in der Philosophieabteilung nach einem schmalen Band von Martin Heidegger, der fingierte Gespräche enthält, drei »Feldweg-Gespräche«. Es handelt sich um den Band 77 der Gesamtausgabe. Allein der in der Tat beeindruckende Umfang der Werkausgabe, aber auch die Bedeutung, die Heideggers »Fundamentalontologie«, der, wie er es nannte, »Explikation der Frage nach dem Sinn des Seins«, heute noch auch in linken Theoriedebatten zukommt, ja überhaupt seine exponierte Stellung in der Gegenwartsphilosophie übten eine zweifelhafte Anziehungskraft aus, die mich in dem Band blättern ließ.
    »Eine gute Nacht uns beiden und allen im Lager (…) Und der Heimat den Segen ihrer Bestimmung.« So endet das letzte Gespräch, ein »Abendgespräch in einem Kriegsgefangenenlager«, versehen mit der Notiz: »Schloss Hausen im Donautal, am 8. Mai 1945. / Am Tage, da die Welt ihren Sieg feierte / und noch nicht erkannte, dass sie seit / Jahrhunderten schon die Besiegte ihres / eigenen Aufstands ist.« Ein »Gedicht, worin vielleicht doch etwas Gedichtetes verborgen ist«, wie Heidegger meinte. Tatsächlich handelt es sich jedoch um ein miserables Gedicht, in dem die ganze deutsche Ideologie Heideggers »Denken des Inhumanen«, wie der Philosoph und Universitätsprofessor Hassan Givsan es nennt, ihren Ausdruck findet.
    Das Kriegsgefangenenlager, in dem Heidegger das Gespräch stattfinden lässt, befindet sich in der Sowjetunion; die sozialistische Republik wird allerdings in dem Text kein einziges Mal erwähnt, lediglich von »Russland« ist die Re­de, und zwar von der Vorstellung »des weiten Waldes«, der »sich verhüllenden Weite, die in diesen Wäldern Russlands um uns weilt«, denn »das Geräumige, das in der Weite waltet, bringe uns etwas Befreiendes zu«. Nicht gemeint ist damit und nicht erwähnt wird die Befreiung der Welt vom Nationalsozialismus durch die ­alliierten Truppen; Heidegger schreibt am letzten Tag des »Deutschen Reichs«, erwähnt aber mit keinem Wort den Nationalsozialismus. Es geht stattdessen um das Volk, die Deutschen, das Wesen des Deutschen, das Wesen des Volks, das Volk der Dichter und Denker, das Wesen des Dichtenden und Denkenden und allerlei mehr.
    Heidegger verbrämt dies in dem Gespräch ontologisch, behandelt die Begriffe »Volk« und »Deutsch« als eine Art Grundworte des Seins. Das eigentliche Problem der Gegenwart besteht für ihn darin, dass dieses Sein verborgen, nicht zugänglich sei. Heidegger spricht wie bereits im Jahr 1927 in seinem Buch »Sein und Zeit« von der »Seinsvergessenheit«; die Welt sei von einer »Verwüstung« heimgesucht, lautet das Grundthema des Gesprächs. »All die Jahre des Kriegsdienstes hindurch, ja in gewisser Weise schon vorher in der Zeit des Universitätsstudiums war mir, als sei mein Wesen zugemauert und als Ganzes ausgestoßen aus der freien Weite des Denkens, das ich wie ein fernes Land doch um dieselbe Zeit ahnen durfte und ahnen lernte.« Es sei eine Verwüstung, die 1945 »über der Heimaterde und ihren ratlosen Menschen lagert«. Doch »diese Verwüstung sei keineswegs erst die Folge der Weltkriege, sondern die Weltkriege seien ihrerseits schon und nur eine Folge der Verwüstung, die seit Jahrhunderten die Erde anzehrt«.
    Es ist anzunehmen, dass Heidegger bei den Kriegsgefangenen, die er hier miteinander reden lässt, an seine beiden vermissten Söhne dachte: Soldaten der deutschen Wehrmacht, aufgehalten auf dem Weg des Terrors gegen die Sowjetunion. Doch in Heideggers Lagergespräch taucht kein Soldat auf, nur der Kriegsdienst; kein Toter, kein einziger Mord, kein Verbrechen. Gleichwohl hält er sich aber auch mit jeder möglichen Beschreibung der konkreten Situation der Gefangenen zurück; es gibt nur die beiden Gesprächspartner, den »Jüngeren« und den »Älteren«, die namenlos im Nirgendwo der russischen Weite »warten«. Sie warten aber nicht auf ihre Freilassung oder auf den nächsten Tag; es gibt keine Lagerordnung, keinen Befehl, keine Strafe, keine Zellen oder Baracken, keine Erinnerung an andere, keine Mitgefangenen. Sie sind alleine.
    Es ist keine Fiktion, mit der Heidegger hier aufwartet – wie etwa Günther Anders, der in seinem antifaschistischen Märchengespräch »Die molussische Katakombe« eine negative Utopie entwirft, in der die Welt nicht einmal mehr einen Ausdruck, ein Gesicht hat (in Anders’ Buch tritt Heidegger, genannt »Regedie«, übrigens als Staatsphilosoph auf). Heidegger zielt mit seinem »erdachten Gespräch« auf das Gegenteil einer Fik­tion, nämlich auf das Sein selbst. Das Gespräch ist ein sokratischer Dialog: als Grund und Gegengrund, Selbstfindung des Gesuchten, als die »Rückkehr zu sich selbst«. »Wir werden nur, nach einem alten Wort, die, die wir sind (…) Und wir sind nur, nach einem jungen Wort, das, was wir suchen (…) Und wir suchen nur, dessen wir warten (…) Und wir warten dessen, wohin wir gehören (…) Wir gehören aber dem Kommenden als die Gegenwart, die antwortend es einlässt.«
    Das Gespräch ist als Form nicht beiläufig gewählt. Das Thema ist ihm nicht äußerlich, sondern sein unmittelbarer Ausdruck; für Heidegger ist das Gespräch selbst das Denken als, wie es bei ihm heißt, »Andenken des Seins«. Er versucht ontologisch, das Wesen des deutschen Volkes zu entwerfen, die beiden Sprechenden sind vor allem Deutsche. Sie reden nicht nur über das Volk der Dichter und Denker, sondern sie selbst sind der Dichtende (der Jüngere) und der Denkende (der Ältere), das Volk an sich. Mit den beiden Figuren ist sozusagen das ganze deutsche Volk in Gefangenschaft geraten. Es steht aber nicht wegen der von ihm begangenen Verbrechen zur Verurteilung vor dem Weltgericht, denn selbstverständlich kommen bei Heidegger weder Ausch­witz noch die Rassenideologie vor.
    Nach Heidegger vermag kein Mensch über das deutsche Volk zu richten, weil es noch gar nicht deutsch und das Volk ist; wenn aber ein Volk werden beziehungsweise warten kann, dann das deutsche. »Das Warten ist ein Steg, der unseren Gang trägt, auf dem wir werden, die wir sind, ohne sie schon zu sein: die Wartenden (…) Im Warten sind wir reine Gegenwart.« Und nicht nur das: »Dann wäre ja das Volk der Dichter und Denker das in einem einzigen Sinne wartende Volk (…) Das Volk, das erst und vielleicht eine lange Zeit noch auf die Ankunft dieses seines Wesens warten muss, damit es wartender werde für das Kommen, worin schon die Verwüstung als etwas Vergangenes übergangen ist (…) Dieses wartende Volk wäre, zumal in der Zeit, da ihm noch sein Wesen entginge, eben diesem noch unerfahrenen wartenden Wesen zufolge gefährdet wie kein anderes (…) Diesem Volk müsste auch, wenn es einmal das wartende würde, gleichgültig bleiben, ob die Anderen es hörten oder nicht.«
    Das ist die Lehre, die das NSDAP-Mitglied Heidegger aus der »deutschen Kapitulation«, wie die Herausgeberin der Gesamtausgabe, Ingrid Schüßler, es nennt, zieht, im Jahr 1933 hatte er als Rektor der Freiburger Universität den Studenten noch versprochen: »Die nationalsozialistische Revolution bringt die völlige Umwälzung unseres deutschen Daseins (…) Der Führer selbst und allein ist die heutige und künftige deutsche Wirklichkeit und ihr Gesetz.«
    Der Philosoph Victor Farias hat in dem Band »Heidegger und der Nationalsozialismus« deutlich gemacht, inwiefern Heidegger kein Anhänger des Nationalsozialismus war, sondern Faschist im Sinne der SA, Anhänger der Arbeitsfront und des Röhm-Flügels. Das italienische Wort »Faschismus« kommt im übrigen von »Sammlung«; auch die Sammlung hat bei Heidegger ontologisch Bedeutung. Sozialismus, Nationalsozialismus und Demokratie sind bei Heidegger bloße »Weltanschauungen«, die in den »Herrschaftsbereich der Verwüstung« gehören. In der »Beilage« zu dem Gespräch heißt es: »›Von der Humanität über die Nationalität zur Bestialität (in die Brutalität)‹. (Römische Namen!)«
    Die nationale, d.h. die geburtsmäßige Bestimmung des Deutschen nach »Blut und Boden« war Heidegger gewissermaßen nicht deutsch genug, noch zu seinsvergessen. »Doch Deutsche werden wir solange nicht, als wir uns vornehmen, ›das Deutsche‹ durch Zergliederung unserer vermeintlichen ›Natur‹ ausfindig zu machen. In solche Absichten verfangen jagen wir nur dem Nationalen nach, das doch, wie das Wort sagt, auf Naturgegebenes pocht (…) Die Nationalität ist nichts anderes als die reine Subjektivität eines Volkes, das sich auf seine ›Natur‹ beruft als das Wirkliche.« Schließlich schreibt er: »Wenn wir aber Deutsche sind, verlieren wir uns auch nicht in einen verschwommenen Internationalismus.« Denn: »Das Nationale und das Internationale sind so entschieden das Selbe.« So könnten die Deutschen noch gar nicht sagen, was sie »eigentlich sind«, weil »wir als die Wartenden die längste Geschichtszeit vor uns haben«. Die Deutschen »müssen das Warten lernen« und dies »als Lernende den Völkern lehren«.
    Heute, 60 Jahre später, suggeriert die ­offizielle Politik, dass sich das Warten gelohnt habe. Die Verbrechen des »Dritten Reichs« erhalten eine Generalamnestie, weil die Deutschen die »verblendete Irreführung des eigenen Volkes« durch einen Wahnsinnigen erkannt haben. Man plädiert auf Unzurechnungsfähigkeit, und zwar auf die Hitlers, nicht auf die eigene. Betrogen wurden die Deutschen eben nicht wie der Idiot, dem man irgendwelches Talmi als Gold andreht, sondern irregeführt wurde das Wesen des deutschen Volkes selbst, das sich immer schon verloren glaubte und ohnehin seit langem unter der Verwüstung litt: »Denn die Verwüstung, die wir meinen, besteht ja nicht nur erst seit gestern. Sie erschöpft sich auch nicht im Sichtbaren und Greifbaren. Sie kann auch nie durch eine Aufzählung der Zerstörungen und der Auslöschung von Menschenleben verrechnet werden, gleich als sei sie nur deren Ergebnis.«
    Es kommt nicht von ungefähr, dass der Katholik Heidegger in den dreißiger Jahren in Hitler gleichsam eine religiöse Rettung sah, nach 1945 indes proklamierte, dass nur noch ein Gott »uns« retten könne. Es passt vortrefflich zu einer kollektiven Gesinnung, die ihre Vergangenheit als Kinoerlebnis erledigt, während nebenbei zum neuesten Konsens wird, sich über alle Konfessionen und Konfessionslosigkeit hinweg zu Gott und zum deutschen Papst zu bekennen.
    60 Jahre nach der Befreiung will es scheinen, als hätten die Alliierten die Deutschen auch vom eigentlichen Sinn befreit, der mit dem Wirtschaftswunder, dem Arbeiter- und Bauernstaat und schließlich der Vereinigung einen vorläufigen Ersatz fand. »Der Krieg entscheidet nichts. Die Entscheidung beginnt jetzt erst sich vorzubereiten – auch und zumal allem vorauf die, ob die Deutschen als die Herzmitte des Abendlandes vor ihrer geschichtlichen Bestimmung versagen und das Opfer fremder Gedanken werden.« (S. 244) Wenigstens ein halbes Jahrhundert blieb diese Bestimmung halbwegs aus, kraft der Befreiung bringenden fremden Gedanken. Heute scheint das Deutsche als Eigenes und ohne jede Identität mit dem Fremden zurückgekehrt.
    Heidegger erklärt bereits am Tag der Befreiung die Deutschen zu Opfern, die sich nur selbst befreien könnten, indem sie ihr wahres Wesen erwarteten beziehungsweise kommen ließen. Damit behauptet er weder, wie heute geschichtsrevisionistisch üblich, dass die Deutschen auch Opfer sind (nicht nur Täter), noch dass auch die Deutschen Opfer sind (nicht nur die Juden etc.); vielmehr betont er, dass nur das deutsche Volk Opfer ist, weil der Opferstatus eine bestimmte Dimension des Seins ist, welche nur dem Deutschen zukommt: als Dichter und Denker. Heidegger ontologisiert das Deutsche als Opfer und die Opfer als deutsch. Damit postuliert er gleichwohl den Grund, auf dem sich die deutsche Ideologie der postfaschistischen Gesellschaft erhebt: dass das Deutsche nicht als historische Kategorie zu begreifen ist, sondern als Gesinnung erfahren werden muss.
    Was Heidegger zu bieten hat, ist eine schlecht durchdachte, redundante Pseudophilosophie, gespickt mit unsäglich bescheuerten Gedichten und gestelzten Gesprächen. Sie wird, wie alles Deutsche, von den Deutschen ernst genommen: als Aufruf, das Deutsche daran ernst zu nehmen. Gegen solches Pathos des Absoluten, das heute sein Echo in der Selbstverliebtheit des neuen Deutschlands findet, kann man philosophisch ernsthaft eigentlich und ohne abzuwarten nur erwidern: Deutsche, hört auf zu denken!

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  7. J’ai essayé sans succès d’expliquer à M. Teitgen que quand on publie comme lui avec des gens dont on est en droit de penser que ce sont des négationnistes, un adulte responsable se doit de demander des explications, et de se retirer si elles sont insuffisantes.
    A titre d’exemple, je cite le comportement de J.Derrida et M. Blanchot dans une affaire qui a précédé de longtemps le soutien de Jean Beaufret à Faurisson.
    Yvon Er.

    Heidegger en France, tome 2 (Albin Michel 2001), p. 97-100 :

    Dominique Janicaud (…) : en 1967, Ousia et Grammè, n’est-il pas d’abord publié dans l’hommage à Beaufret ?
    Jacques Derrida : Du point de vue du texte lui-même, ce fut d’abord un séminaire (quel en était le prétexte, je ne m’en souviens plus). En tout cas, la chose était écrite quand Fédier m’a demandé de participer à cet hommage à Beaufret. J’ai d’abord hésité parce que, au fond, je ne me sentais pas particulièrement proche de Beaufret, avec qui j’avais un bon rapport personnel ; mais, je ne me sentais ne beaufrétien ni heideggérien à la mode Beaufret et, comme il y a dans Ousia et Grammè, quelques questions inquiètes sur Heidegger, je pensais répondre négativement. Mais Fédier a beaucoup insisté, il a été extrêmement prévenant avec moi (cela n’a pas duré tout le temps par la suite) ; sa façon fut un peu séductrice. Je me suis dit : « Et si, finalement, je publias ça au moins pour marquer un travail questionnant, à l’occasion de cet hommage à Beaufret et à Heidegger (c’était, en fait, un livre sur Heidegger) ? » Après une longue hésitation, j’ai accepté. Je donne ce texte à Fédier qui en accuse réception de façon chaleureuse et approbatrice. Et puis, un jour, alors qu’il a le texte, Laporte et sa femme viennent déjeuner chez moi, à Fresnes, dans l’hiver 1967-1968 (probablement déjà en 1968). Au cours d’une conversation à bâtons rompus, Laporte, qui a été son élève, me parle de certaines remarques antisémites de Beaufret. Des remarques graves. Il en cite quelques unes qui concernent Lévinas, ou le fait que les exterminations alléguées de Juifs étaient aussi peu crédibles que les bruits qui couraient au sujet des horreurs en Belgique après la guerre de 1914 (les Allemands qui tuaient et égorgeaient les enfants) ; enfin, quelques propos de ce type qui m’ont paru choquants non seulement parce qu’ils étaient antisémites, mais dans la forme de leur violence. Et donc je suis bouleversé. Laporte a été un peu surpris. Il n’avait peut-être pas mesuré l’effet que cela pouvait faire sur moi.
    DJ : Il ne t’en avait donc pas parlé pour t’alerter ?
    JD : Ah non ! vraiment sans penser que ça exploserait ! Et évidemment, en moi, ça a explosé. Aussitôt, le jour même ou le lendemain, j’ai écrit à Fédier (j’ai toute cette correspondance que j’avais confiée à Bident) : « Écoutez, je viens d’apprendre ça ; je ne veux pas en faire d’histoire publique, je ne veux pas mettre ça sur la place publique, mais permettez-moi de retirer mon texte discrètement. » Mais voilà ! Fédier n’entendait pas garder la chose sous le secret. Il a réagi violemment : calomnie ! etc. J’ai ses lettres. Bien sûr, je ne lui avais pas dit que je tenais ces propos de Laporte. Au bout d’un certain temps, il le découvre, par je ne sais quels canaux. Laporte devient alors le véritable accusé des amis de Beaufret qui montent la garde devant lui. Il y a plusieurs épisodes, échanges de toutes sortes, jusqu’au jour où on a organisé une rencontre, dans mon bureau de l’école normale, entre Beaufret et Laporte ; rencontre contradictoire. Beaufret est venu avec Vezin. Nous étions tous les quatre dans mon bureau. Laporte a confirmé. Beaufret a, naturellement, violemment dénié. Et c’en est resté là.
    Comme Laporte se sentait, paradoxalement, de plus en plus en accusation lui-même – c’était lui qui devenait l’accusé et il en était très malheureux (parce qu’il y a eu les protestations d’autres amis communs à Beaufret et à Laporte comme Munier, Fourcade – ni Deguy ni Granel ne se sont manifestés). Il l’a très mal supporté. Et c’est Jacqueline Laporte qui, m’a-t-on dit, pour protéger son mari, a alerté Blanchot. Blanchot, lui aussi, était dans la situation d’avoir donné un texte à Fédier. Naturellement, les Laporte savaient que, sur ces questions, Blanchot était très sensible, irritable et nerveux. Donc, dès que Blanchot est alerté, il me fait signe. Je ne le connaissais pas, à ce moment là. Je le lisais, naturellement ; nous avions échangé quelques lettres, mais je ne l’avais jamais rencontré. C’est á l’occasion de cette affaire que j’ai rencontré Blanchot assez souvent, pendant cette période limitée de 1968, pendant les « événements », comme on dit. Nous nous sommes vus à plusieurs reprises, nous demandant ce que nous devions faire – retirer ou ne pas retirer les textes. Et, après d’interminables délibérations, nous sommes tombés d’accord : Beaufret ne reconnaissant pas avoir dit ces choses et nous ne pouvions pas prouver qu’il les avaient dites – c’était témoin contre témoin, c’était Laporte contre lui -, nous n’avions pas le droit d’accuser Beaufret publiquement de quelque chose qu’il ne reconnaissait pas ; donc, nous devions laisser paraître les textes promis ; mais nous pensions, Blanchot et moi, qu’il serait bon de nous expliquer sur notre attitude devant les autres participants de ce volume – qui étaient déjà au courant – en disant : « Voilà, on a appris ça ; n’ayant pas de preuve, nous faisons crédit à Beaufret ; nous ne voulons pas l’accuser publiquement et donc nous laissons nos textes. Mais voilà ce qui s’est passé. » Nous écrivons donc cette lettre, nous la signons en commun et nous décidons que cette lettre, multipliée en autant d’exemplaires que de participants, ne serait envoyée que le jour où le volume paraîtrait : nous ne voulions pas nuire à la sortie du livre. Le jour où il paraît, nous envoyons la lettre à chacun des participants pour expliquer notre attitude pendant ce processus.
    Moi, j’étais aux Etats-Unis en septembre 1968. J’avais tapé les lettres, je les avais préparées ; il y avait dix-huit ou vingt lettres ; nous les avions signées et je les avais laissées à Blanchot qui devait les mettre à la boîte le jour où le livre sortirait pendant que je serai, moi, à Johns Hopkins. Donc, Blanchot les poste – et ces lettres n’arrivent jamais ! Il les a postées « aux bons soins » de l’éditeur…Ces lettres ont été apparemment interceptées parce que personne ne les a reçues. Notre hypothèse, voire notre soupçon, c’est que Fédier les a interceptées. On ne peut pas le prouver, bien sûr. En tous cas, ces lettres ne sont jamais arrivées…
    (…) C’est longtemps après qu’il y a eu des histoires de négationnisme. »

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  8. Je suis désolé si Heidegger et ses interrpètes français ont une quelconque intention négationniste elle ne fonctionne pas avec moi. Pour ma part, même si ils essayaient ici de détourner ce qui aurait été « le vrai Heidegger » je me fiche de ce Heidegger là. Ces combats d’arrières zones ne m’interessent pas (je veux dire , nouveaux fachos contre anti-fachos). A partir du moment où je suis au clair avec ma conscience sur ce terrain là , je peux lire Heidegger avec certes le risque de me voir contaminer par certaines de ses idées douteuses. Mais j’essaye tant bien que mal de faire un tri. C’est vraiment dommage que vous ne le compreniez pas , que pour vous les choses doivent forcément se présenter de façon bipolaire. Par exemple quand je dis que les gueguerre qui vous animent ici sont collatérales, au même titre que les exactions de tel ou tel barbare à telle ou telle époque, ce n’est pas du mépris : la philosophie peut bien en parler mais ce n’est pas sa tâche fondamentale. A moins bien entendu de mettre l’éthique sur un pied d’estale comme c’est bien souvent le cas à notre époque bien fière d’elle de rejeter toute métaphysique et ontologie comme « vieillerie ». Le négationnisme est une infâmie et une stupidité , nous sommes bien d’accord. Mais le souci , c’est qu’à partir du moment où Heidegger travaille dans le sens de la Geschichte on peut tout de suite lui foutre dans les dents à lui et à ses interprètees qu’il essaierai de nier ou d’atténuer la force de l’Historie. pas de bol , heidegger y travaille depuis fort longtemps , beaucoup avant le moindre pogrom. Alors à moins de prétendre comme Michou Bel que Heidegger fut le gourou qui aurait préparé la Shoah d’avance (dés les annes 20!), il y a beaucoup de critique outrées de « l’histoire de l’estre » qui tombent à l’eau. J’ai beaucoup de doutes sur le bien-fondé de certaines attaques; et si je me place dans le camp de certains pas toujours très ragoutants, c’est que je sais que le Heidegger qu’ils proposent à bien plus d’interêt que celui exsangue que vous recrachez après l’après l’avoir réduit à un bouffon nazillon. Diable! Cela fait il de moi quelqu’un qui devra haïr telle ou telle communauté? La volonté de nuance fait défaut depuis le début de l’affaire Faye et tout le monde en paye le prix (sauf bien entendu Le Monde et Le Point apparemment…)

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  9. M. Domeracki,
    je vous souhaite une nouvelle fois bonne chance dans votre entreprise de tri (même si pour ma part je ne croît guère en son succès), tout en renouvellant mes inquiétudes au sujet de certaines des avancées que vous avez pu faire sur ce blog.
    J’avoue ne toujours pas comprendre ce type de phrase :

    « si je me place dans le camp de certains pas toujours très ragoutants, c’est que je sais que le Heidegger qu’ils proposent à bien plus d’interêt que celui exsangue que vous recrachez après l’après l’avoir réduit à un bouffon nazillon. »
    Ne comprenez vous donc pas que ce qui intéresse justement ces « pas toujours très ragoûtants » c’est justement la part que vous déclarez rejetter ? C’est pourtant visible, et de plus en plus.
    En recherchant un heidegger « plus intéressant » chez ces gens, il est pourtant évident que vous retomberez toujours dans les mêmes pièges.
    Si vous souhaitez garder un Heidegger « pur », pourquoi ne pas aller chercher celui des années 20 et de la première réception française (Sartre, Lévinas, etc.). J’aurais, en bon « anti » qui se respecte, bien des choses à redire, mais les dangers y sont quand même moindres…
    Yvon Er.

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  10. Par ailleurs M. Teitgen m’a laissé entendre qu’il n’avait aucun moyen de contacter Parolesdesjours, M. Arjakovsky, etc.
    C’est pour le moins étrange, mais en admettant qu’il n’ait jamais été contacté par un site sur lequel il est publié et qu’il a loué avec constance, ce site a une adresse électronique que les gens peu doués en informatique dont je suis peuvent aisément retrouver.
    Pour le cas où de manière encore plus étonnante M. Teitgen serait quant à lui incapable de retrouver l’adresse en question sur le site de « Parolesdesjours », je la lui donne :
    parolesdesjours@free.fr

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  11. A remarquer : si Faye , dont les sources sont seules censées être valides, a pu répondre à Fédier dans le même numéro , c’est bien que Le Point fait preuve de complaisance avec le premier, lui ayant transmis l’article du second avant publication. Belle leçon d’impartialité en somme; mais fallait-il s’attendre à quelque chose d’autre de la part de journaleux et de scribouillards qui ne semblent pas comprendre un traître mot à une oeuvre qui ne leur est surtout pas destinée?

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  12. M. Domeracki,
    si vous aviez fait un peu attention, vous vous seriez aperçu que M. Emmanuel Faye a répondu une semaine après la publication du dossier du Point, et en demandant un droit de réponse après que M. Fédier eût parlé de « diffamation » (comme du reste la chose est encore lisible sur internet) ; c’est Skildy qui a décidé de publier la réponse d’Emmanuel Faye après l’intervention de F.Fédier, ce qui du reste se justifie parfaitement dans la mesure où l’article de M. Fédier constitue une accusation grave portée contre MM. Droit, Gourinat et E.Faye (liste extensible à l’infini).

    Dans le cadre d’un droit de réponse habituel et parfaitement dans le cadre de la déontologie journalistique, François Fédier avait le droit après cette réponse de M. Faye de demander à son tour l’occasion de faire une réponse de même taille, ce qu’il n’a pas fait.

    M. Faye citant ses sources, il vous est par ailleurs tout à fait loisible d’aller les vérifier et d’en démontrer la fausseté et/ou d’en proposer une autre interprétation.
    Si vous vous êtes déjà rendu à Lausanne, vous devez donc avoir les moyens d’aller à Marbach où dans les autres endroits où M. Faye a réuni ses sources.
    Je vous souhaite bon courage si vous avez l’intention de faire usage de cette « probité philologique » qu’exigeait Nietzsche.
    Yvon Er.

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  13. Oui, et vous ,vous pourrez toujours aller à Bucarest interroger Walter Biemel les yeux dans les yeux. Ou tout simplement lire le Heidegger qui dés la fin des années trente sans les lunettes grossissantes de Faye pour voir qu’il critique les outrances et les exactions de la volonté de puissance devastatrice.

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  14. Pour ce qui est de la « probité philologique », il me semble que Nietzsche prônait précisément le perspectivisme, et qu’il aurait été quelque peu outré qu’on s’acharne unilatéralement à ne rendre compte que des mauvais côtés de la pensée de Heidegger.

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  15. M. Domeracki,
    je crois savoir que Walter Biemel fait partie de ceux qui sont allés rejoindre Heidegger pendant les années 30, alors que ses élèves juifs avaient été expulsés. La plupart des « témoins » des années 30 sont ainsi des gens qui n’avaient guère de problèmes avec l’Allemagne nazie.
    Quant au contenu des textes des années 30, que, ne parlant pas l’allemand, vous maîtrisez bien moins que moi (nous avons déjà eu l’occasion de parler du Nietzsche, que vous ne lisez qu’en version française, et je vous avais orienté vers un article opérant une comparaison des éditions), nous avons déjà eu l’occasion d’en parler pendant 6 mois.
    Il ne suffit pas d’aligner des citations où Heidegger critique la « volonté de puissance » pour y trouver une critique de l’Allemagne nazie, surtout quand cette « critique » est tenue par quelqu’un qui est au mieux avec le régime.
    Yvon Er.

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  16. « Perspectivisme » ou pas, je constate que M. Teitgen ne répond plus, et surtout pas à mes demandes – je lui ai demandé d’aller lui-même demander des précisions à « Parolesdesjours » où il est publié, ce qu’il s’est refusé de faire.
    Qu’à Dieu ne plaise, j’ai envoyé mes interventions sur MM. Plagne et Arjakovsky à Parolesdesjours le 3 juillet.
    J’ai également écrit le même jour à Parutions.com pour qu’ils fassent suivre la chose à M. Plagne, ainsi qu’à une adresse que je crois être celle du directeur de Nicolas Plagne (G. Abensour), sans certitude. J’ai également écrit à l’adresse que M. Plagne a laissé sur le premier blog de M. Assouline consacré au livre de M. Faye.
    Peu importe d’ailleurs : je suis convaincu que au moins quelques uns des messieurs de Parolesdesjours suivent ce qui se dit ici. Vu le nombre de courriels envoyés, je pense quoiqu’il en soit que MM. Plagne et Arjakovsky ont été mis au courant (ce dernier ne pouvant plus prétendre ne pas savoir qu’il est publié dans « l’Aaargh »).
    Je n’ai comme de bien entendu (et attendu) pas reçu de réponses, mais je ne crois pas que la chose restera sans échos : nous verrons comment nous pouvons nommer ces gens dans les mois qui viennent.
    Quant à M. Teitgen, j’espère pour lui qu’il reviendra sur son entêtement avant.
    Yvon Er.

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  17. Cela bouge sur Parolesdesjours, où Gérard Guest vient de publier un nouvel inoubliable article.
    Ils sont donc encore vivants…
    par contre, rien sur « l’Aaargh », ni sur les relations de M. Plagne et de « La pensée libre ».
    C’est que cela ne doit pas être très important…
    Yvon Er.

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  18. Mon Allemand étant médiocre, je viens de découvrir la traduction du paragraphe 61 de Besinnung. Qu’avez vous à en dire , Monsieur Er? Qui sont ces criminels en chef dont parle Heidegger en 1939? Churchill? Les juifs? A la limite Staline…Mais si on les compte sur les doigts de la main , c’est qu’il y en a probablement au moins un autre…Je vous laisse le trouver…A moins que vous niiez une fois de plus que Heidegger affrota sur le terain de la pensée la volonté de puissance destructrice et criminelle.

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  19. monsieur Doméracki,
    On ne peut pas vouloir envoyer les juifs au bûcher et être contre Hitler. Seulement quand on s’appelle Heidegger on ne désigne pas les choses par leur nom, on les suggère par métaphore par exemple « du bois approprié et choisi ». Tous les militaires qui ont fait de sales besognes savent ce que signifie « la corvée de bois ». Il est vrai que Heidegger présente une variante, il l’appelle « la charge de buches » et il nomme les chemins qui conduisent à l’abattage : les « Holzwege ». Il nomme la société : la forêt et l’endroit où la lumière pénètre dans le bois après avoir abattu des arbres: l’éclaircie ou la clairière. A part ça , je ne vois aucune différence.

    La métaphore permet aux exécutants initiés de comprendre facilement les ordres et le moment où il fait passer aux actes. Quant aux non initiés, ils ne remarquent rien. Ils s’extasient sur la « poésie » de ce philosophe qui parle si bien de la forêt et du chemin de campagne. La « poésie » permet d’atténuer l’ardeur trop brûlante du feu. L’exécuteur des hautes oeuvres ne se gène pas pour nous le dire. Ouvrez les yeux, Monsieur Domeracki.

    michel bel, 28.07.2006

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  20. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas clairement désignés dans cette citation.
    Si cette phrase est une forme de « résistance », alors c’est encore une forme de résistance tellement discrète qu’on ne s’en aperçoit plus. L’Allemagne et la France ont produit de nombreux « résistants » de ce type.
    Par contre, ce que je sais, c’est que la dénonciation de la poignée de manipulateurs d’où vient le mal est un poncif antisémite tout sauf récent.
    Mais cela suffit maintenant, c’est assez.
    YE.

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  21. Sinon dans le blog précédent il fallait bien entendu lire « Gregory Chatonsky »…je suis quelque peu inquiet au vu de mes propres fautes (« fachiste »…), la tape ne faisant pas mon bonheur.
    Mais je pense avoir assez répondu à messieurs Domeracki et compères…
    YE.

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  22. Yvon Er botte comme d’habitude en touche en ressortant son tour de passe-passe préféré:
    « Par contre, ce que je sais, c’est que la dénonciation de la poignée de manipulateurs d’où vient le mal est un poncif antisémite tout sauf récent »…Je ne sais pas combien de fois vous avez accusez vos contradicteurs d’être d’affreux négationnistes ou antisémites cachés, mais le combre doit être impressionnant; même si il ne fait peu de doute que Heidegger parle des juifs ici (mais vraiment on croit rêver : mais quel genre de crime aurait il bien pu commettre entre 38 et 40?) , on s’aperçoit un de vos mouvements préférés : parier toujours sur le fait que les textes qui ne vous paraissent pas tout à fait clair (oui parce que Heidegger aurait dû hurler à ses élèves en héros que Hitler est un criminel en puissance vous l’auriez ,vous, bien entendu faits) sont automatiquement à charge. S »i Heidegger s’oppose à un crime , c’est forcément celui des juifs »….Mais alors qui sont les autres sur les doigts de la main? « Mais voyons: bien entendu: les Tziganes ,les handicapés mentaux et les homosexuels! « . A tirer toujours plus Heidegger vers le bas, on aperçoit surtout beaucoup l’imagination douteuse et l’herméneutique faible (qui consiste à toujours réduire l’auteur étudié à la portion congrue) des interprètes. Ils sont et restetont anonymes.

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  23. Bonjours,
    bon, ben, j’ai pas tout lu des divers commentaires précédents. Mais, pour moi, il n’y a qu’une seule question qui a sens, est-ce que la pensée de Heidegger a un intérêt fondamentale, ou bien n’est-elle finalement qu’un sport intellectuel pour justifier l’injustifiable nazisme ? Je découvre cette pensée, et je dois avouer que je la trouve fantastique, éblouissante. Un seul auteur avait retenu de la sorte mon attention, c’est Nietzsche. Donc, la pensée de Heidegger est-elle ou non, réductible à une pathologie ? Pour moi, le problème n’est pas dans son comportement (je me fou complètement du personnage), mais dans sa pensée. Est-elle ou non recevable ??? Merci de bien vouloir me répondre TRES sérieusement.

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  24. Bonsoir M. Decluse
    Je suis toujours surpris quand quelqu’un prétend aimer Nietzsche et qu’il est aussi ébloui par Heidegger. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire ici combien Heidegger me paraît en retard par rapport à la pensée explosive de Nietzsche. Du reste, Jean Granier, qu’on ne peut pas accuser d’être un anti-heideggerien, écrit dans son passionnant livre, « Le problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche » ceci: « Heidegger plaque sur la philosophie de Nietzsche sa définition de la métaphysique, sans voir que Nietzsche possède lui-même une compréhension de l’essence de la Métaphysique qui brise les cadres de la définition heideggerienne… En fait, Heidegger est passé à côté de la critique décisive, celle qui, chez Nietzsche, vise l’essence de la Métaphysique qui identifie l’Etre et l’Idéal, la Vérité et le Bien, en rendant l’ontologie solidaire de la théologie et de la morale. » On ne peut pas être plus clair. Voici un extrait des oeuvres posthumes de Nietzsche qui en dit long sur l’opinion qu’il avait de certains philosophes: « Fichte, Schelling, Hegel, Feuerbach, Strauss – das stinkt Alles nach Theologen und Kirchenvätern. Davon ist Schopenhauer ziemlich frei, man atmet bessere Luft. » Qu’aurait-il écrit s’il avait pu connaître l’oeuvre de Heidegger!!! Car, pour moi, celle-ci pue franchement la sacristie.
    Cordialement
    R. Misslin

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  25. Je confirme monsieur Delcuse dans ses propos : il « decouvre » la pensee de Martin Heidegger.
    Pour ce qui est des reponses serieuses, il peut se pencher sur les centaines de pages de debat(s) qui ont eu lieu sur ce site meme, voire essayer de participer au dit debat…
    Yvon Er.

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