Points de vue sur une phrase de Heidegger

Cette page est celle d’un carnet de notes en cours de rédaction. Il sera toujours in-fini. Les points de vue sont numérotés et sont présentés dans l’ordre chronologique de leur écriture. Dans une seconde partie du carnet sont reproduites de larges citations extraites de Le mot de Nietzsche : « Dieu est mort » de Heidegger. Elles sont présentées sous forme de fiches et selon l’ordre alphabétique.

Avertissement. La phrase qui est ici commentée et interrogée est extraite d’une étude figurant dans un recueil intitulé Holzwege (Chemins qui ne mènent nulle part). Il a été publié pour la première fois en France en 1962 d’après une traduction de Wolfgang Brokmeier et avec le concours de J. Beaufret, F. Fédier et F. Vezin.

La phrase et les citations de Heidegger sont ici extraites d’une édition de poche datant de 1980. Cette édition ne comporte aucune indication relative au contexte historique et politique. Lors même que les textes ont été écrits de 1935 à 1946. On devine la justification : Heidegger est un grand penseur. Aprés sa démission de 1934 où il met fin à un moment d’égarement pro-hitlérien il écrit une série de textes parmi les plus grands du XX°siècle.

A la relecture de nombreux passages j’ai pourtant acquis la conviction que ces textes, bien loin de prendre une distance critique à l’égard du « nazisme fondamental », sont autant de célébrations de la « grandeur interne du mouvement ». L’expression est de Heidegger lui-même et fut utilisée par lui dans son entretien posthume accordé au Spiegel et publié en 1976.

La question ne serait pas aussi grave et aussi douloureuse je dirais qu’il est comique d’envisager un seul instant un Heidegger « résistant spirituel » au nazisme. A moins d’envisager l’épithète spirituel comme signifiant que cette résistance ne vise aucunement, précisément, la « grandeur interne du mouvement » et sa signification « historiale ». Le terme de calomniateur m’apparaît aujourd’hui, appliqué à ceux qui lisent un Heidegger nazi, une insulte hilarante.

Il y aurait ainsi à renouveller « l’herméneutique heideggerienne » en déchiffrant « mot à mot » le discours heideggerien en fonction de la trajectoire politique et idéologique de l’auteur : de la révolution conservatrice de la jeunesse jusqu’au « néo-nazisme » de l’entretien publié par le Spiegel à sa mort.

Cela se fera un jour de manière systématique et sans crispation. Et cela n’aura absolument rien à voir avec une quelconque police de la pensée. Cet argument n’est brandi que par des lecteurs abusés par le mythe. C’est une tâche philosophique majeure que d’interroger la signification d’une oeuvre dont des aspects fondamentaux ont été partie intégrante d’un dispositif totalitaire monstrueux.

.

..

« Et la pensée ne commence pour la première fois que si nous avons éprouvé que la raison glorifiée depuis des siècles est l’ennemie la plus acharnée de la pensée. »

(Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part. Le mot de Nietzsche : « Dieu est mort », Gallimard, Paris 1980, page 322).

.

1. A quoi bon aller plus loin.  Si Heidegger a raison, il donne raison à la raison et tort à sa pensée.

2. On se demande, en effet, ce qui peut bien advenir après une telle phrase. « Précisément, dira Hx – Hx est un heideggerien « intégriste » – il faut commencer à penser quand bien même cela doit-il se faire contre l’ennemie la plus acharnée. Que cela nous déconcerte, nous « électrocute » comme s’il s’agissait d’un paradoxe insoutenable, voire du paradoxe des paradoxes, ne fait signe que de la véritable difficulté qu’il y a à penser. Enfin cela commence vraiment!.. Avec cette phrase on passe aux choses sérieuses! »

3. Il est impossible d’aller plus loin. Aprés cette phrase il n’y a plus qu’à écrire de cette manière : « abraz toul2 X 45, 613 makartoulizoma… » etc. Ou de dessiner des cercles carrés.

4. Et si la phrase heideggerienne n’était qu’un gag nazi?

5. Hx dira : la « raison » c’est l’onto-logie, l’objectivation, le « soulévement humain », le face-à-face du subjectum et de l’étant sur fond de l’oubli de l’être, le nihilisme et la « production de cadavres ». La phrase est en réalité une critique, et même davantage, une condamnation sans appel du nazisme.

6. L’hypothèse serait alors qu’en 1943, date à laquelle fut écrite la phrase, un grand penseur allemand nommé Heidegger avait  habilement proféré, au coeur même de l’Allemagne hitlérienne et alors que la « solution finale » est en cours, une critique du totalitarisme nazi en le concevant comme relevant généalogiquement du nihilisme défini en son coeur comme culte de la raison.

7. Ce qui vient d’être dit au point 6 est une fable, un mythe. Après le discours du rectorat de 1933 Heidegger n’aurait mis que quelques mois pour passer à une forme de dissidence spirituelle. Comme ce qu’il enseigne était incompréhensible pour les nazis ceux-ci auraient protégé en fait, malgré certaines critiques formelles sans conséquence, un « résistant spirituel ». La phrase heideggerienne serait le condensé le plus fort, le plus suggestif et le plus prometteur d’une critique subversive du nihilisme de la raison, de cet « âge du culte de la raison » qui aura mené aux centres d’extermination. Le point 7 soutient au contraire qu’il s’agit là d’une réécriture révisionniste. Le « cas Heidegger » est d’une autre nature.

8. Ce que Victor Farias a esquissé avec beaucoup de défauts; ce que Emmanuel Faye a précisé et développé sur la base de textes récemment accessibles détermine la méthode suivie dans ce carnet. Elle se présente comme une hypothèse de travail : nous « calomnions » Heidegger en refusant de lui prêter des divergences fondamentales avec le nazisme. Ce qui est difficile autant à accepter et à débrouiller est que l’homme qui écrit sur le mot de Nietzsche en 1943 n’est pas un penseur éthéré, vivant dans le ciel des idées – même quand celles-ci ne sont pas à proprement parler platoniciennes – et un temps égaré, mais un intellectuel à la fois créatif et toujours aussi en accord avec la « grandeur et la noblesse interne au mouvement ». On aura beau argué qu’il a une conception particulièrement « idéaliste » du nazisme, il ne fait pas que rêver. Heidegger n’a pas cessé, en 1943, à penser que la révolution nazie constituait un tournant décisif et salutaire de l’histoire de l’occident. Il n’aura jamais, en ce sens, trahi le « mouvement ». Il lui restera fidèle jusqu’à l’entretien posthume donné au Spiegel. Réaffirmée comme par-delà la tombe cette fidélité est bien dans « l’éthos » nazi. (Je précise au lecteur que j’ai souvent pensé qu’une éthique ne faisait pas nécessairement une morale…) En ce sens Heidegger « c’est mieux » que Hitler… c’est en tous cas plus éternel et, naturellement, beaucoup plus honorable. (Beaucoup plus « mettable » comme on dit parfois familièrement).

9. Il s’ensuit que la thèse de la grandeur interne du mouvement (GIM) n’est pas réductible à quelques déclarations, à quelques petites phrases fonctionnant, entourées de prudence et de réserve, comme des signes de ralliement idéologique mais, qu’au contraire, elle est incarnée dans le discours heideggerien. Elle y est à la fois justifiée et illustrée. Justifiée : le nazisme est le tournant encore métaphysique (« métaphysiquement nécessaire ») de la fin de la métaphysique et du nihilisme qu’avec le concours des sciences – de la techno-science – elle a répandu sur terre. L’hypothèse que je fais ici consiste à prêter à Heidegger – j’assume pleinement ce prêt – l’idée selon laquelle ce qui choque dans le nazisme relève de cette métaphysique qu’il a précisément, en toute grandeur, pour mission de dépasser. On ne peut  passer d’une époque à une autre, de l’époque de la métaphysique  à celle de la pensée – de la pensée libérée de la vénération en la raison – sans emprunter des traits caractéristiques de l’époque que l’on veut révolue, que l’on veut précisément « révolutionnée ». Illustrée : cet aspect est épiphénoménal. C’est Heidegger lui-même, avec sa renommée et son génie philosophique, qui constituerait la meilleure illustration de cette grandeur qu’il pense, qu’il « élabore » spirituellement. Peut-être entrons-nous ici dans un élément trouble et comme dans une folie. Le nazisme de Heidegger serait la part folle de son génie. Il se découvre à nos yeux comme d’une grande habilité à perséverer dans son « engagement ». Notamment en enchaînant dénégations, prises de distances et justifications spirituelles de tonalité « GIM ». Tel aurait été le grand jeu heideggerien.

10. Voici précisément une « illustration » de l’illustration et justification heideggeriennes. Le texte sur le mot de Nietzsche intervient et après la défaite de la Wehrmacht à Stalingrad et après la conférence de Wannsee sur la « solution finale ». Il ne s’agit rien de moins que, et pour autant que le verbe heideggerien est le nazisme en sa grandeur interne (et spirituelle), de contrer l’Ereignis, d’opposer à l’événement de l’oubli de l’être un contre-événement, une contre-évolution, une révolution : « A la pensée préparatoire, il importe d’éclairer l’espace de jeu à partir duquel l’être même pourrait reprendre l’homme, quant à sa véritable essence, en un rapport originel. C’est ainsi que la préparation constitue l’essence même d’une telle pensée ». (Op. cité. page 255).

11. Hx ne dira-t-il pas alors qu’il s’agit précisément d’en terminer avec l’époque nihiliste dont le nazisme en est le symptôme le plus horrible?

12. C’est surtout l’occasion de saisir sur le vif comment fonctionne la rhétorique heideggerienne. C’est au reste la moindre des choses qu’un nazi spirituel de l’envergure d’un Heidegger ait compris que la meilleure façon de défendre et de développer la GIM est de ne surtout pas tenir le discours idéologique. Hitler pour les basses oeuvres; Heidegger pour la grandeur interne… pour la signification historiale du mouvement et de la révolution nazis. Selon mon hypothèse Hitler est aux yeux de Heidegger « métaphysiquement nécessaire » pour faire advenir, selon l’herméneutique heideggerienne du mouvement, la nouvelle époque de l’être, cet « espace de jeu à partir duquel l’être même pourrait reprendre l’homme, quant à sa véritable essence, en un rapport originel ». Telle est, selon la même hypothèse, la manière avec laquelle Heidegger justifie l’immédiat après Wannsee. Aucune trace, dans ce contexte, de biologisme. Mais telle n’est pas la GIM?  (Le biologisme est une scorie qui relève du « métaphysiquement nécessaire ».)

.

13. Peut-on alors faire également l’hypothèse de l’existence d’au moins trois grands langages nazis?

…13.a/ Le premier grand langage est celui du politico-idéologique proféré et explicite. Il est constitué par l’ensemble des discours tenus publiquement par les nazis à propos de leur mouvement.

…13.b/ Le second grand discours est celui qui est composé afin de permettre la réalisation des crimes nazis. On pense par exemple au fameux « marchandise » pour désigner les juifs transportés jusqu’aux centres d’extermination.

…13.c/ Le troisième grand discours serait représenté par excellence par le discours heideggerien. Il est constitué par tout ce qui permet de célébrer, souvent trés indirectement et par allusions finement codées, la GIM. (Grandeur Interne du Mouvement).

.

14. Un exemple de discours de type 13.c nous est donné par l’idée selon laquelle « l’être même pourrait reprendre l’homme ». Elle est une célébration de la GIM : incarnation, réalisation, justification et illustration en la personne même de Heidegger.

.

15. La calomnie se déchaîne dira alors Hx. Une hypothèse n’est pas une calomnie répond l’auteur des notes. Et surtout pas quand elle est formulée à propos d’une oeuvre influente et largement diffusée.

.

16. Tant que nous n’avons pas épuisé les ressources de la pire des hypothèses nous sommes exposés à recevoir Heidegger naïvement. Car cette « pire hypothèse » n’exclut pas, par définition, la conscience pleine et entière que Heidegger avait de la possibilité d’abuser de son aura pour à la fois dissimuler son jeu politique et cultiver la GIM. Un des aspects de sa stratégie discursive consiste à troubler le moins possible le lecteur soit par des déclarations trop évidemment favorables ou défavorables au nazisme soit par des déclarations de repentance. « Tranquillisés » par le célébre professeur nous sommes ainsi d’abord intégrés dans sa sphère d’influence. Mais je maintiens qu’il devient alors possible d’accéder « herméneutiquement » à la GIM et de comprendre le dispositif heideggerien comme une justification et une « fondation » du nazisme.

.

17. Le « heideggerisme » serait ainsi une version sublimée du nazisme. Si Heidegger a été aussi un « nazi ordinaire », acceptant et promouvant à sa manière l’hitlérisme, il a élaboré, n’en déplaise à sa haine de la raison, une rationalisation « historiale » du nazisme. Nous entendons par là le fait qu’il lui assigne le statut d’un changement d’époque : de l’époque Métaphysique à l’époque de la « pensée »; de l’époque correspondant à l’Ereignis à celle du non oubli de la question de l’être. Il faudrait alors s’interroger sur la signification et la pertinence réelles des « catégories » proposées par Heidegger pour rendre compte de cette mutation époquale : nihilisme, métaphysique, Temps Modernes, oubli de l’être… Mais l’essentiel me semble bien que, et cela lui permet « d’euphémiser » à souhait le nazisme effectif, d’élaborer une interprétation en termes de changement ou de mutation d’historialité. Pour le moment il semble avoir réussi pour une part son entreprise. L’injustifiable, l’abject, le pire sont tenus à distance tout en étant littéralement métamorphosés en séisme époqual. Cela ne signifie nullement que le dispositif heideggerien ne souffre pas en son sein d’une indicible situation d’impasse. Qu’est-ce qui s’effondre et s’abîme au sein de ce dispositif du fait qu’il ré-élabore en sublimité l’abjection et la honte?  Tout se passe en apparence comme si nous étions voués à faire du surplace avec la question de l’être tandis que la seule oeuvre pratique d’envergure serait celle qui consiste à asservir les « peuples de l’oubli » à la machine totalitaire.

.

18. Mais revenons à la phrase thème. Elle devrait nous guider vers une compréhension encore plus grande des motifs heideggeriens impliqués dans la sublimation du nazisme.

.

19. Et tout d’abord ceci : penser contre la raison cela peut-il seulement avoir un sens? Et est-ce alors seulement vraiment penser ou commencer à penser? Comment la pensée pense la raison pour penser qu’on peut penser contre elle? Qu’est-ce qui ne relève pas de la raison et qui, pourtant, se présente bien comme argumentation, liaison intelligible et discours transmissible? Pensez sans cela est-il pensable? Une fois la « raison » neutralisée que reste-t-il à la pensée pour penser?

.

20. Il est légitime d’être sceptique quant à une telle possibilité. La solution heideggerienne consiste à circonscrire la rationalité à l’onto-logie comme prise en compte représentationnelle et dominatrice de l’étant, onto-logie résultant elle-même d’éclaircies subreptices sur l’être et vite obscurcies par la métaphysique. On voit mal, cependant, ce qu’une pensée de l’être, ce qu’une pensée non oublieuse de l’être peut signifier qui n’implique rien de ce qu’on appelle « raison » ou « logos ». Le paradoxe apparaît particulièrement violent. Ne faut-il pas que la raison contre laquelle il faut penser, pour commencer à penser, ne soit pas toute la raison?

.

21. Privilégier la parole des poètes ne répond pas à l’inquiétude.

.

22. Point de vue de René Misslin, commentateur sur le phiblogZophe :

Si « la pensée » selon Heide surgit quand la raison se tait, nous sommes tout simplement dans la folie. La raison n’est-elle pas, en effet, l’instance de régulation des pulsions? La marotte du fou de Messkirch (pour parler comme S. Brant) était l’être, c.à.d. l’absolu. Savoir renoncer à la quête de l’absolu passe, aux yeux de toute la tradition philosophique, pour la sagesse. Montaigne a exprimé cela avec une totale clarté:  » Nous n’avons aucune communication à l’estre, par ce que toute humaine nature est tousjours au milieu entre le naistre et le mourir… » (II, XII). C’est bien pour cela que Heide n’est pas un philosophe, car philosopher, c’est penser et penser c’est justement faire appel à la raison. Mais qui est-il alors le berger souabe? Un prophète, un illuminé, un fou de Dieu, un fondamentaliste, un ontologiste. Son « nazisme » relève de ce fantasme de l’absolu, l’étoffe dont sont faits les fanatiques religieux. D’où sa permanente admiration pour le prédicateur fou, Abraham a Sancta Clara. Il est consternant de penser que cet insensé passe pour un grand penseur. Mais la folie a des charmes secrets que la raison ne connaît pas.

.

23.a/ Ce à quoi Hx objecte ceci : « précisément le paradoxe central de la pensée heideggerienne est bien qu’il n’y a pas identité entre pensée et raison. Le courage de la pensée consiste à accepter d’être questionné par le paradoxe. De même on pourrait se demander s’il est satisfaisant d’opposer folie et raison… au sens il pourrait bien y avoir de la folie dans la raison. Pour Heidegger la raison n’est pas seulement toute la pensée : dans la mesure où la raison est nihilisme dominateur de l’étant et voue l’humanité comme à l’auto-dévastation – guerres mondiales pour l’appropriation des matières premières, crises écologiques majeures etc. – elle est ce contre quoi la pensée doit s’élever pour se retrouver. Ce qui est surtout contestable, dans le texte étudié, c’est le raccourci de certaines formulations. Il est en effet choquant d’imaginer une pensée sans raison, privée de raison. Le bon sens nous suggère que ce ne peut être qu’une porte ouverte à la folie. Peut-être faudrait-il affiner l’approche de ce que rationalité veut dire : la raison comme multiplicité. »

23.a/a. Réponse à un Hx (René Misslin) : « Ce qui m’effraie précisément chez Heide, c’est le fait qu’il récuse l’identité pensée et raison, et cela d’un point de vue philosophique. Avec une pareille posture, il n’est pas étonnant qu’il ait pu trouver au mouvement nazi de la grandeur. C’est bien de cela qu’il est question, de la collusion entre une soi-disant pensée qu’il faisait passer pour philosophique et le national-socialisme. Affirmer que la technologie est une entreprise de la raison et que celle-ci a produit la métaphysique occidentale, c’est un a priori que je n’accepte pas évidemment. Or, c’est cet a priori que Heide proclame comme une vérité révélée, c.à.d. auto-proclamée. Après quoi, il n’y a plus qu’à affirmer que l’Occident s’est égaré par rapport à cette vérité, que nous sommes en train de payer le prix de cet égarement, mais qu’il existe un moyen pour s’en sortir: l’apocalypse selon Heide, c.à.d. la guerre totale, la destruction intégrale, la victoire d’une Allemagne revenue à la vérité de l’être, purifiée de toutes les scories de la raison (entre autres le marxisme inspiré par le judaïsme et le libéralisme inspiré par Descartes!). La référence aux présocratiques fait partie des galéjades philosophiques de Heide destinées à couvrir d’un habit décent sa croyance religieuse délirante. Le fait même qu’après l’apocalypse hitlérienne il n’a pas abandonné son délire montre bien que nous sommes en présence d’une folie, c.à.d. d’une incapacité pathologique de jeter sur la réalité un regard lucide. Sans doute pensait-il que maintenant que les hommes ont vu où les menaient leur raison et leur technologie, ils ouvriraient les yeux et verraient combien LUI, le prophète, le saint, l’illuminé, le gardien de la Vérité avait vu clair. Allez, encore un effort: suivons « les chemins qui ne mènent nulle part », et les lendemains qui chantent, comme les poètes sans doute, s’ouvriront à nous. Désolé, mais je ne mettrai pas ! les pieds dans cet asile (la sacrée Hütte!). »

23.b/ Ce à quoi le commentateur Stéphane Doméracki a répondu : « Il est quand même à noter que Heidegger s’est toujours défendu de verser dans l’irrationalisme, qui n’est que l’envers absurde du rationalisme ,écueil dont se protêge la pensée. Celle-ci, loin de s’éloigner de la raison , essaie d’en éprouver les limites , en « ré-endurant » la métaphysique en ses plus grandes épreuves. Jacques Derrida par exemple a aussi tenté d’éprouver cette « clôture » , du logocentrisme occidental. Doit-on pour autant le qualifier platemment d' »irrationnaliste » timbré, bavant des sornettes, en invoquant le vieux Montaigne ou je ne sais quel « vieux sage » pour le disqualifier à l’arrache? Cette attitude quelque peu risible a toujours été prise contre tous les penseurs allemands, pour peu que leurs « raisons » dépassait quelque peu l’entendement de leurs lecteurs. Je ne parle pas tant de l’auteur de la note qui semble éprouver effectivement vers quoi nous pousse Heidegger. Mais qu’on ne nous ressorte pas cet argument quelque peu niais du « oh ben il est irrationnel- comme le nazisme ». Quelle naïveté de croire que la raison nous préserverait du pire alors qu’il semble justement que c’est elle qui permet de cautionner le pire…Les leçons de Heidegger, Foucault et Derrida seront toujours rejetés par certains, prompts à traiter quiconque n’est pas scientiste, positiviste, platement rationnel, titulaire d’une éthique de bienveillance, de gourou , d’obscurantiste…Même Deleuze s’est laissé tenté par la qualification de l’oeuvre heideggerienne comme étant une « scolastique encore pire que celle du moyen-âge ». La phénoménologie de l’inapparent n’a pas fini de se faire mépriser par tous ceux qui se battent pour que l’être reste oublié , que continue à l’infini la « machination » de l’étant et l’humanisme qui lui sert de caution.
Notons enfin que Heidegger s’est toujours défendu de faire de la philosophie,il a bel et bien , comme Nietzsche, tenté un nouveau départ de la pensée , mais à partir de ses ressources essentielles. N’en déplaise à certains. »

24 . L’opposition entre pensée et raison est peut-être surtout trop simple que purement et simplement insensée. Ce simplisme, même s’il a la vertu d’aiguiser le paradoxe, serait à mettre au compte de la tension interne au discours heideggerien entre le nazisme de l’auteur et sa culture philosophique. Le pire, ici, est bien qu’une telle phrase ait pu couvrir la folie de la guerre totale et de l’extermination.

.
.
.

——————————————————————————————-

FICHES HEIDEGGER (Le mot de Nietzsche « Dieu est mort »)

.
.

Ereignis : Cette pensée oublieuse de l’être même, tel est l’événement (Ereignis) simple et fondamental, et pour cela énigmatique et inéprouvé, de l’Histoire occidentale, qui entre-temps est sur le point de s’élargir en Histoire mondiale. Au bout du compte, l’être est tombé, dans la Métaphysique, au rang d’une valeur. Ceci nous est témoignage de ce que l’être en tant qu’être n’est pas reçu. Que nous dit cela?

Qu’en est-il de l’être? Il n’en est rien. Serait-ce là que s’annonce l’essence jusqu’ici voilée du nihilisme? La pensée par valeurs serait alors le nihilisme pur et simple? (Op. cité. p. 312).

;

Métaphysique : le terme de Métaphysique sera partout pensé, dans ce qui suit, comme la vérité de l’étant comme tel et dans sa totalité, non pas comme l’enseignement de tel ou tel penseur. Le penser a toujours sa position philosophique fondamentale à l’intérieur de la Métaphysique. (…) Nietzsche lui-même interpréte métaphysiquement la marche de l’Histoire occidentale, lorsqu’il la saisit comme avénement et déploiement du nihilisme. Repenser la métaphysique de Nietzsche, c’est alors recueillir la situation et le lieu de l’homme contemporain, dont la destinée est encore bien peu appréhendée dans sa vérité. (…) Mais pour Nietzsche aussi, penser signifie : représenter l’étant en tant qu’étant. Toute pensée métaphysique est ainsi onto-logie, et rien d’autre. (Op. cité. page 255).

.

Métaphysique/Nietzsche :

… après le mouvement opéré par Nietzsche, il ne reste plus à la Métaphysique qu’à se dénaturer en sa propre perversion. Le supra-sensible n’est plus que le produit inconsistant du sensible. Mais en dépréciant ainsi son contraire, le sensible s’est renié lui-même en son essence. La destitution du supra-sensible supprime également le purement sensible et, par là, la différence entre les deux. Cette destitution aboutit ainsi à un « ni… ni… », quant à la distinction du sensible (aistheton) et du non-sensible (nonton); elle aboutit à l’in-sensible, c’est-à-dire à l’in-sensé. (Op. cité. p 253).

.

Nihilisme 1 : Sa pensée – de Nietzsche – se voit sous le signe du nihilisme. C’est là le nom d’un courant historique, reconnu par Nietzsche, qui, après avoir déjà régi les siècles précédents, détermine maintenant le nôtre. Nietzsche en résume l’interprétation dans la brève formule : « Dieu est mort ». (Op. cité. p. 257).

Nihilisme 2 : Le nihilisme est un mouvement historial, et non pas l’opinion ou la doctrine de telle ou telle personne. Le nihilisme meut l’Histoire à la manière d’un processus fondamental à peine reconnu dns la destinée des peuples de l’Occident. Le nihilisme n’est donc pas un phénomène historique parmi d’autres, ou bien un courant spirituel qui, à l’intérieur de l’histoire occidentale, se rencontrerait à côté d’autres courants spirituels, comme le christianisme, l’humanisme ou l’époque des lumières.

Le nihilisme est bien plutôt, pensé en son essence, le mouvement fondamental de l’Histoire de l’Occident. Il manifeste une telle importance de profondeur que son déploiement ne saurait entraîner autre chose que des catastrophes mondiales. Le nihilisme est, dans l’histoire du monde, le mouvement qui précipite les peuples de la terre dans la sphère de puissance des Temps Modernes. C’est pour cela qu’il n’est pas seulement un phénomène de notre siècle, ni même du XIX°siècle – au cours duquel, il est vrai, une vue plus perspicace commence à l’entrevoir et où le terme commence à être employé. Le nihilisme n’est pas non plus le produit de certaines nations, où les penseurs et les écrivains parleraient délibérement de lui. Quant à ceux qui s’en croient exempts, ils risquent fort d’être ceux qui le développent le plus intensément. Il appartient au caractère inquiétant de ce plus inquiétant des hôtes de ne pas pouvoir nommer sa propre origine. (Op. cité. p. 264).

Nihilisme incomplet et nihilisme complet : […] Le nihilisme incomplet remplace […]les valeurs anciennes par des valeurs nouvelles, mais il continue à les placer à l’arrière-plan, qu’on réserve en quelque sorte comme région idéale du suprasensible. Un nihilisme complet, par contre, doit supprimer le lieu même des valeurs, le suprasensible, en tant que région, et par conséquent poser les valeurs autrement, c’est-à-dire inverseur leur valeur.

.

Nihilisme/Histoire/Etre : L’essence du nihilisme réside en l’Histoire conformément à laquelle, dans l’apparition même de l’étant comme tel et en entier, il n’en est rien de l’être lui-même et de sa vérité, et cela de telle sorte que la vérité de l’étant comme tel passe pour l’être, tandis que la vérité de l’être fait défaut. Nietzsche a bien éprouvé, à l’époque de la perfection commençante du nihilisme, quelques traits du nihilisme, qu’il a en même temps interprétés nihilistiquement, ensevelissant de la sorte définitivement leur essence. Mais Nietzsche n’a jamais reconnu l’essence du nihilisme, pas plus qu’aucune métaphysique avant lui.

Or, si l’essence du nihilisme réside en cette destination de l’Histoire, que dans l’apparition de l’étant comme tel et en entier, la vérité de l’être fasse défaut, et que conformément à cela, il n’en soit rien de l’être et de sa vérité, alors la Métaphysique en tant qu’Histoire de la vérité de l’étant comme tel est, en son essence nihilisme. Si finalement la Métaphysique est le fond historial de l’Histoire mondiale déterminée occidentalement et européennement, alors cette Histoire est nihiliste en un sens nouveau.

Pensé à partitr du destin de l’être, le nihil du nihilisme signifie que l’être lui-même est tenu pour rien. L’être n’entre pas dans la lumière du déploiement de son règne. Lors même de l’apparition de l’étant comme tel, l’être lui-même fait défaut. La vérité de l’être échappe. Elle reste oubliée.

Ainsi donc, le nihilisme serait en son essence une Histoire se passant avec l’être lui-même. Il tiendrait alors à l’essence de l’être lui-même qu’il reste impensé, parce qu’il se dérobe. L’être lui-même se dérobe en sa vérité. Il s’abrite dans la vérité et s’héberge lui-même en cet abri. (Op. cité. p. 318)

Valeur : Dans une annotation (1887/1888), Nietzsche dit ce qu’il entend par valeur (Volonté de puissance, Aph. 715) : « Le point de vue de la « valeur » est le point de vue de conditions de conservation et d’accroissement portant sur des formations complexes à durée relative de vie à l’intérieur du devenir. »

L’essence de la valeur réside donc en ce qu’elle est point de vue. La valeur veut dire ce qui est envisagé. « Valeur », c’est le centre de perspective pour un regard qui a des visées sur quelque chose, oiu bien, comme nous disons habituellement, qui compte sur quelque chose, et ce faisant est contraint de compter avec autre chose. Toute valeur entretien d’étroites relations avec un tantième, avec la quantité et le nombre.

Selon Nietzsche, des « conditions de conservation et d’accroissement » sont posées avec les valeurs en tant que points de vue. Rien que par la façon dont cela est écrit en allemand (« Erhaltungs-, Steigerungs-Bedingungen« ), sans « et » entre Erhaltung et Steigerung, mais avec un trait d’union, Nietzsche veut préciser que les valeurs comme points de vue sont essentiellement – et par conséquent toujours – à la fois des conditions de la conservation et de l’accroissement. Dès que les valeurs sont posées, il faut aussitôt envisager les deux sortes de conditionnement, de façon qu’elles restent, de manière suivie, en rapport l’une avec l’autre. (Op. cité. p. 274-275).

=======

38 commentaires à Points de vue sur une phrase de Heidegger

  1. Bonjour je tiens à féliciter l’auteur de la note car celle-ci est très convaincante , pour une des rares fois sur ce site. Heidegger se veut bel et bien titulaire d’un « nazisme plus profond ». Reste à savoir si le but qu’il se propose serait encore et toujours la volonté d’anéantir les juifs , ou si il ne s’agirait pas plutôt , ce que je crois plus, de comprendre le pire, sans pour autant le cautionner. La pensée est-elle protêgée contre l’abject? Commemnt doit-elle l’appréhender? Heidegger nous répond , et c’est un défi , que la pensée peut l’envisager , que c’est même son rôle. De même que l’ontologie Leibnizienne et le principe de raison dont elle fait la promotion permettait de dépasser la simple
    mécompréhension de mal à partir de la « meilleure compossibilité » choisie par Dieu, de même ,semble-t-il, Heidegger souhaite renconnaître en la pensée la ressource nous permettant d’accepter le pire. Le « moment négatif » , comme collatéral , que serait le nihilisme déstructif , serait « métaphysiquement nécéssaire » afin qu’advienne la pensée de la « merveille » , de l’Ereignis. C’est tout bonnement intolérable pour la pensée hummaniste.
    .
    ——-
    « Compte tenu de la gravité de certains propos il est demandé à l’auteur de préciser et de rectifier ses déclarations.
    .
    Dans le cas contraire une décision sera prise et ses attendus seront publiés de manière conjointe à ce commentaire.
    .
    Le gérant du phiblogZophe, Skildy. »

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 07/05/2006 à 17:42 | Répondre | Modifier
  2. Bonjour

    En réponse à l’auteur de « Questions philo », voici ce que j’aimerais écrire. Si « la pensée » selon Heide surgit quand la raison se tait, nous sommes tout simplement dans la folie. La raison n’est-elle pas, en effet, l’instance de régulation des pulsions. La marotte du fou de Messkirch (pour parler comme S. Brant) était l’être, c.à.d. l’absolu. Savoir renoncer à la quête de l’absolu passe, aux yeux de toute la tradition philosophique, pour la sagesse. Montaigne a exprimé cela avec une totale clarté:  » Nous n’avons aucune communication à l’estre, par ce que toute humaine nature est tousjours au milieu entre le naistre et le mourir… » (II, XII). C’est bien pour cela que Heide n’est pas un philosophe, car philosopher, c’est penser et penser c’est justement faire appel à la raison. Mais qui est-il alors le berger souabe? Un prophète, un illuminé, un fou de Dieu, un fondamentaliste, un ontologiste. Son « nazisme » relève de ce fantasme de l’absolu, l’étoffe dont sont faits les fanatiques religieux. D’où sa permanente admiration pour le prédicateur fou, Abraham a Sancta Clara. Il est consternant de penser que cet insensé passe pour un grand penseur. Mais la folie a des charmes secrets que la raison ne connaît pas.
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 08/05/2006 à 11:11 | Répondre | Modifier
  3. Il est quand même à noter que Heidegger s’est toujours défendu de verser dans l’irrationnalisme, qui n’est que l’envers absurde du rationnalisme ,écueil dont se protêge la pensée. Celle-ci , loin de s’éloigner de la raison , essaie d’en éprouver les limites , en « ré-endurant » la métaphysique en ses plus grandes épreuves. Jacques Derrida par exemple a aussi tenté d’éprouver cette « clôture » , du logocentrisme occidental. Doit-on pour autant le qualifier platemment d’ »irrationnaliste » timbré, bavant des sornettes, en invoquant le vieux Montaigne ou je ne sais quel « vieux sage » pour le disqualifier à l’arrache? Cette attitude quelque peu risible a toujours été prise contre tous les penseurs allemands, pour peu que leurs « raisons » dépassait quelque peu l’entendement de leurs lecteurs. Je ne parle pas tant de l’auteur de la note qui semble éprouver effectivement vers quoi nous pousse Heidegger. Mais qu’on ne nous ressorte pas cet argument quelque peu niais du « oh ben il est irrationnel- comme le nazisme ». Quelle naïveté de croire que la raison nous préserverait du pire alors qu’il semble justement que c’est elle qui permet de cautionner le pire…Les leçons de Heidegger,Foucault et Derrida seront toujours rejetés par certains, prompts à traiter quiconque n’est pas scientiste, positiviste, platement rationnel, titulaire d’une éthique de bienveillance, de gourou , d’obscurantiste…Même Deleuze s’est laissé tenté par la qualification de l’oeuvre heideggerienne comme étant une « scolastique encore pire que celle du moyen-âge ». La phénoménologie de l’inapparent n’a pas fini de se faire mépriser par tous ceux qui se battent pour que l’être reste oublié , que continue à l’infini la « machination » de l’étant et l’humanisme qui lui sert de caution.
    Notons enfin que Heidegger s’est toujours défendu de faire de la philosophie,il a bel et bien , comme Nietzsche, tenté un nouveau départ de la pensée , mais à partir de ses ressources essentielles. N’en déplaise à certains.

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 08/05/2006 à 14:05 | Répondre | Modifier
  4. Notons au passage que M. Misslin s’est une fois une fois de plus complètement discrédité en affirmant avec une candeur impressionnante , je cite : « La marotte du fou de Messkirch (pour parler comme S. Brant) était l’être, c.à.d. l’absolu »

    …Ceux qui connaissent ce que Heidegger essayait d’entendre en la question de l’être apprécieront. Du reste , les tentatives qui essaient de rapprocher ses travaux d’un délire mystique sont toujours loin de ses textes. Heidegger , »fou de Dieu »? Mais mon pauvre Monsieur Misslin, allre donc bavasser sur un forum traitant de Montaigne, mais si vous n’avez lus que les livres de Faye et Farias, laissez donc ceux qui connaissent l’oeuvre s’en entretenir!…
    Pour ceux-ci, des travaux interéssants ont été écris sur le rapport de Heidegger à la « folie » , notamment Hölderlinienne et Nietzschéenne, dans l’ouvrage de Philippe Lacoue-Labarthe « Typographies I. Le sujet de la philosophie ». Que Heidegger ait essayé d’avoir « commmunication à l’estre » , au manifeste , à l’ »il y a » , cela est parfaitement intéressant et , oui , quelque part « fou »; mais c’est une folie plus interessante que celles courantes consistant à insister au sein du rêgne de l’étant de multiples manières, pour lesquelles nous sommes comme programmés, et dont, apparemment , vous ne voulez en aucun cas vous priver. Personne ne vous y oblige. Libre à vos de conntinuer ad aeternam vos tribulaitons au sein de l’étant en totalité sans jamais vous recueillir quand à ce don le plus grand qu’est le manifeste. Qu’un nouvel espace du sacré semble être pensé chez Heidegger échappera toujours à ceux qui , titulaires d’une lecture grossière de Nietzsche , entendent privilègier à l’infini l’immanence. Pas de chance pour leurs arguments quelque peu légers, la pensée Heideggerienne , si elle entend s’enquérir de l’ »inapparent » , ne se déploît pas pour autant dans un quelconque « arrière-monde »de gourou exalté , mais bel et bien, à ce monde-ci, y compris en ses pires manifestations. Les athéïstes de pacotille, tout comme les tenants des monothéïsmes (je pense à J-L Marion) ne peuvent en aucun cas « réfuter » Heidegger, tout comme une posture de moraliste rationnel à longue barbe loupe le plus souvent l’essentiel de sa pensée.Mais laissons-les s’ingénuer, se donner le sentiment qu’ils y entendent quelque chose…

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 08/05/2006 à 14:29 | Répondre | Modifier
  5. Sur le point 6 : j’ai en effet une certaine méfiance envers les critiques
    tellement subtiles que personne ne s’aperçoit qu’elles en sont.
    Sur le point 17 « Qu’est ce qui s’effondre et s’abîme au sein de ce
    dispositif du fait qu’il réélabore en sublimité l’abjection et la honte ? »
    Ceci pourrait constituer un titre à ce qui suit :

    Sur les toutes récentes interventions de M. Domeracki.

    Tout d’abord, disons que les critiques de M. Misslin ne visent pas si mal :
    si Heidegger s’est toujours, et pour cause, défendu d’irrationalisme, il
    précise quand même dans SuZ que celui-ci est borgne quand la raison est
    aveugle. Sa préférence est donc nette. Quant à voir à l’oeuvre dans la
    pensée heideggérienne une forme de mystique, je ne suis pas sûr que la piste
    soit fausse.

    Mais là n’est pas le problème le plus important.
    Le problème, ce sont de nouveau les « lapsus » calami de gens qui avancent que
    « Heidegger souhaite renconnaitre en la pensée la ressource nous permettant
    d’accepter le pire ». Il est ensuite avancé que le « nihilisme destructif »,
    « comme collatéral » est « métaphysiquement nécessaire » afin qu’advienne la
    « merveille » (traduction fédiéenne pour « Ereignis » ??). C’est par ailleurs la
    deuxième fois que M. Domeracki qualifie la Shoah de dommage « collatéral »,
    malgré le fait que je lui ait signalé le caractère inacceptable de ce
    propos.
    M. Domeracki croit bon d’ajouter que ceci est « tout bonnement intolérable
    pour la pensée hummaniste » (sic.).
    C’est le moins que l’on puisse dire que pour une pensée qui vise à libérer
    l’homme entendre affirmer l’idée proprement hitlérienne qu’il faut en passer
    par le mal qu’est l’extermination pour en arriver au bien, et la thématique
    qui est dite ici proprement heideggérienne et qui vise à nous faire accepter
    par la « pensée » l’extermination, est parfaitement insupportable.
    Ici comme par bégaiement les buts du maître sont avoués par le disciple.
    M. Domeracki, qui aime se faire peur et aimerait à impressionner, entend
    jeter par dessus bord la pensée « platement » humaniste. Il a surtout prouvé
    la servilité d’hommes qui en arrivent à traiter l’extermination de leurs
    semblables comme un dommage collatéral sur la route qui mène à la
    « merveille », et pour qui le but de la « pensée » est
    l’ »acceptation »-acceptation de l’asservissement et de l’avilissement de
    l’homme par l’homme, et enfin de son assassinat.
    A qui fera-t-on croire qu’il s’agit là d’une force ?

    Par ailleurs sur son blog M. Domeracki propose à la lecture un texte de
    Julien Hervier (qui a travaillé, à côté de ses traductions de Jünger, à
    l’édition du journal de Drieu La Rochelle) et une « biographie » de Ernst
    Jünger, sous le titre « Petit rappel aux inconséquents : Jünger et la
    politique ». Ces textes constituent de bons exemples de l’appareil
    idéologique qui a servi à recycler ce pilier de l’idéologie nazie que fut
    Ernst Jünger, système d’ »oublis » et d’euphémisations que M. Vanoosthuyse a
    récemment démonté dans son livre paru chez Agone (Fachisme et littérature
    pure : la fabrique Ernst Jünger), et dont M. Domeracki « oublie » de signaler
    l’existence.
    M. Hervier a lui aussi choisi d’éviter le débat public avec M. Vanoosthuyse
    : mêmes gens, mêmes méthodes.
    Par ailleurs si M. Domeracki faisait partie des gens « conséquents », il
    signalerait au moins d’où il sort les textes qu’il cite, à savoir pour le
    texte « Elements pour une biographie politique de Ernst Jünger », du site
    les-identitaires.com (où il figure au milieu d’un entretien avec un
    dirigeant neo-nazi et de l’affiche « ni voilée ni violée touche pas à ma
    soeur ») ou du site du Parti communautaire national européen, constitué
    d’admirateurs de Staline et de Milosevic, de l’ancienne DDR et de ce courant
    du nazisme qu’est le « national-bolchevisme ».
    Qui croyez-vous tromper M. Domeracki ?
    Yvon Er.

    Rédigé par : Skildy pour Yvon Er | le 09/05/2006 à 07:31 | Répondre | Modifier
  6. Bonjour Monsieur Er,

    Même si certains propos qui se répandent sur ce blog commencent à puer le néo-nazisme et le négationisme, il faut se réjouir de ce résultat dans la mesure où le livre de M. Faye a contraint les auteurs de ces propos à se démasquer. On ne pourra plus présenter dorénavant Heide comme un grand penseur, car un nazi quel qu’il soit ne peut pas être considéré comme un penseur, pour la simple raison que si l’on se met réellement à réfléchir, il est impossible d’adhérer à pareille idéologie, sauf à être pervers et à jouer double jeu. Or, il semble bien qu’au moins sur ce point Heide ait réussi son coup vu le nombre de ses épigones. Encore faut-il distinguer parmi ces derniers les vrais et les faux naïfs. La clarification est bien là: qu’on arrête de nous bassiner avec la douteuse pénombre des clairières, là où les fascistes se réunissent pour manigancer leurs complots.
    Amicalement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 09/05/2006 à 14:24 | Répondre | Modifier
  7. Bonjour

    Puisque M. Er cite le livre de M. Vanoosthuyse sur E. Jünger, permettez-moi de vous informer, si du moins cela est nécessaire, de la parution, chez le même éditeur, Agone, de « La troisème nuit de Walpurgis » de Karl Kraus d’où est extrait la citation suivante: « …et maintenant ces hommes de main qui font dans la transcendance et proposent dans les universités et les revues de faire de la philosophie allemande une école préparatoire aux idées de Hitler. On trouve parmi eux le penseur Heidegger qui aligne ses fumeuses idées bleues sur les brunes ». Dire que le super Kraus a écrit cela en 1933! Ah! que cela fait du bien de savoir que l’araignée porte-croix qui capte les insectes de toutes espèces, dont le génial et pur penseur de l’Etre, n’a pas réussi cependant à s’emparer de tous les penseurs. Qu’il est réconfortant de lire des textes comme celui de Kraus, écrit l’année même où notre intrépide Siegfried de Messkirch prône « le service militaire de l’esprit » et promeut philosophiquement les allégresses de BùB. Il est vrai que le même Kraus a eu cette phrase cinglante, sans doute en pensant au mage souabe: « J’ai toujours su qu’un savetier de Bohême est plus proche du sens de la vie qu’un penseur néo-allemand ».
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 09/05/2006 à 18:12 | Répondre | Modifier
  8. A Monsieur Er;

    Vos accusations et insunuations à mon égard étant très grave , je me dois de répondre de la manière la plus ferme et la plus honnnête : je n esui spas de ce bord-là. Le texte que j’ai mis sur mon blog aété éffectué à l’aide de l’opération suivante : Google—Rechercher—Jünger. Ce texte corréspondant à ce que je comprend de cet auteur , je l’ai mis en ligne sans aucune précaution de sa provenance , et je ne peux que régretter que des zozos comme ceux du site dont il provient ait été ceux chez qui je l’ai pris…Mais alors ,là encore ,impossible de ne pas avoir la nausée quand à la rapidité avec laquelle vous avez fait un raccourci , me mettant du côté des néo-quoiquecesoit débiles qui pullulent sur internet. On ne m’y reprendra plus!
    Pour le cas de Jünger il est effectivement peu étonnant de voir à quel point il a été expédié,apparemment (je ne l’ai pas lu) , par ce Monsieur Vanoosthuyse , de manière tout à fait analogue aux travaux de Faye. J’imagine que lui aussi procède par gros regroupements déstinés à impressionner les émotionnels et les inquisiteurs du dimanche…Puisque je comprendrai sans haine ni mépris que Skildy n’accepte pas d’extraits du Journal de Jünger ici-même, je vous inviterai , Monsieur Er, à jeter un coup d’oeil à ceux quue je vais mettre bientôt sur mon aaaaffreux blog, qui sont édifiants, me semble-t-il..Ainsi j’oublierait de signaler l’ouvrage de Monsieur Vanoosthuyse?…Mais qu’est ce que c’est que cette manière d’imposer aux étudiants des commentaires obligés? Vous êtes à ce point obnubilés par le nazisme que vous ne lisez plus que la littérature secondaire vouée à démolir tous les écrivains de la révolution conservatrice? Du reste , j’aimerais beaucoup, et sincèrement , que vous m’expliquiez en quoi , pour vous citer , « le national-bolchevisme d’un Niekiesch est un courant du nazisme » … ?? … Même si ces courants politiques valent ce qu’ils valent , tout historien de la philosophie se doit , pour tenir un jugement sur cette époque tumultueuse qui a précèdée le nazisme, d’en connaître les linéaments. Pour ma part , je m’y attèle. Et , de toute évidence , le simple fait d’évoquer ces évènemennts vous laisse à penser que j’en serait un fervent admirateur, une espèce de jeune nostalgique?… Parlons un peu de cette « collatéralité » qui vous a fait vous enflammer comme jamais alors que ce n’est qu’un pur produit de votre imagination fièvreuse…Relisez tous mes propos; à aucun momnet il n’est écrit que la Shoah serait quelque chose de « secondaire ».D’abord sachez que quand je marle de cette tragédie je n’en parle pas à titre personnel, car , moi , la seule chose que cela m’inspire n’est pas intellectuel , puisque ce n’est qu’un effroi mêlé de dégoût. Lorsque j’écris sur ce sujet sur mon blog ou ici, sous mon vrai patronnyme , c’est uniquement à titre d’étudiant du discours Heidegger , tâchant d’en sonder les ressources et les limites. En l’occurence lorsque Heidegger parle des phénomènes destructifs comme en en étant des dérivés , non seulement dans le passage du Nietzsche II présent sur mon blog , il ne les nie pas , mais en plus il dit clairement qu’ils « ne sont pas indifférents » -autrement dit , à la pensée. En revanche , il est clair que dans l’économie de ses travaux , d’ordre ontologiques , sur le nihilisme , Heidegger n’entend pas se laisser hypnotiser par l’horreur ambiante, mais bien en étudier la pro-venance , qui selon lui est celle du nihilisme européen. Qui a dit que je partage ce point de vue?…Non seulement je ne vous ai pas attendu pour entrevoir les limites de ce discours , mais je sais aussi en voir l’infâmie , d’un certain point de vue. Je regrette tout autant que vous que Heidegger se détâche autant ,émotionnellement, humainement parlant, des déshérités de son époque.On aurait aimé lire les même remarques que celles de Jünger dans son journal , sur « Kniébolo » (alias Hitler) et sur des fous furieux comme Heydrich par exemple. Mais pour l’instant, on voit surtout qu’à marcher côté à côte avec des criminels commme il l’a fait , on en sort forcément tâché (quoique Sartre l’ami des soviétiques des goulags et Platon l’ami des tyrans de Syracuse ne sont pas continuellement attaqués).
    Là où votre discours deviens franchement nauséeux , c’est lorsque vous semblez affirmer que quiconque ne suit pas les conclusions des travaux de Faye et de ce Vanoosthuyse est forcément suspect. Cela fait du monde! Quans vous aurez entrevus que l’étude des laideurs de ce monde ne signifie pas « les vouloir » , mais au moins les comprendre mieux que par la seule émotion, vous arriverez peut-être àvous rendre compte qu’il était très facile d’être mouillé par les sombres affaires de l’époque , ne serait-ce qu’en les évoquant intellectuellement. Jünger paiera encore longtemps d’avoir participé aux vifs échanges de la révolution conservatrice. Heidegger paiera probablement toujours plus d’avoir opté pour un parti raciste , puis après d’avoir essayé d’en sonder les possibiltés en leur provenance , et de l’avoir compris comme « époque ». Hé oui, Monsieur Er , ce sont bien les Américains qui « ont gagnés la guerre » comme vous me l’avez rappelés il y a peu : ce doux pays de paix et de félicité qui traite avec une bienveillance démocratiques les autres pays du monde (…hum). Là où Heidegger a eu ô combien raison, c’est que le nihilisme , même si il s’est déchaîné sous le nazisme ne s’est pas pour autant arrêté net à la victoire alliée! C’est bien pour cela qu’il se placait sur le terrain ontologique et non sur celui des faits , qui , tout atroces ,qu’ils soient (même archétypiques dans le cas de la Shoah) n’en constituent pas moins, à son sens,la manifestation de ce nihilisme. Or la philosophie s’enquiert de l’être.Cela peut paraître psycho-rigide, autiste , voire carrément odieux dans ce cas précis mais c’est ce qu’il a fait. Nous autres très tard-venus devons nous en tenir à ses partis-pris méthodologiques si nous voulons le comprendre , et non plaquer sur lui des jugements moraux que tout le monde applique. Monsieur Er , vous n’avez pas le monopole du coeur. Ceux qui tâchent de comprendre Heidegger peuvent tout aussi bien le faire en maudissant comme vous le nazisme : cela n’est pas un exploit.

    Je remercie Skildy de m’avoir laissé un droit de réponse et vous donne deux liens :
    1-http://heidegger.over-blog.com : pour que puissiez à loisir démontrer à travers les textes que je vais vous soumettre à tel point Jünger était nazi…
    2- Mes préférences politiques (réèles celles-là , pas celles issues de vos fantasmes et de mes erreurs philologiques) : http://www.nouveau-ps.net

    Stéphane Domeracki.

  9. Bonjour,

    J’ai exprimé à plusieurs reprises sur ce blog le sentiment que Heide ne m’apparaissait pas comme un philosophe, mais comme un théologien mystique, c.à.d. un esprit religieux dans le sens chrétien du terme. On m’a fait comprendre que je ne connaissais pas l’oeuvre de Heide et que je n’avais qu’à me taire. Voici ce qu’écrit un spécialiste de l’oeuvre de Heide, M. Jean Grondin, dont je viens de lire sur le net le texte : « Heidegger et le problème de la métaphysique »: « D’où sa (celle de Heide) solidarité avec les grands témoins de cette expérience (l’être comme Aufgang, un lever) les présocratiques, Aristote, mais aussi avec Hölderlin et les penseurs, comme Schelling, qui ont voulu secouer l »hégémonie » du principe de raison. On pourrait parler ici des penseurs mystiques, qui ont toujours fasciné Heidegger (Maître Eckhardt, par exemple) et dans la tradition de laquelle il s’est de fait situé. » Un peu plus haut, M.Grondin cite un texte autobiographique de Heide où celui-ci écrit: « Qui voudrait nier que tout le parcours accompli jusqu’à maintenant s’accompagnait d’une explication avec le christianisme…Seul celui qui a été aussi enraciné dans un monde catholique intensément vécu peut deviner quelque chose des nécessités qui ont agi sur le cheminement antérieur de mon questionnement comme des vagues sismiques. » (la fin de la dernière phrase ne me paraît pas bien traduite (avis personnel): le texte de Heide est: … wie unterirdische Erdstösse wirkten, que je traduirai: comme ont agi des secousses terrestres souterraines). Comme je l’ai un jour écrit ici, j’ai été élevé dans une ambiance alémanique catholique très proche de celle de Heide, et le peu de textes que j’ai lus de lui m’a immanquablement fait penser à des textes de certains mystiques rhénans, dont bien sûr Eckhart. C’est donc Heide en personne qui confirme mes intuitions somme toute faciles à comprendre vu mes origines. Ce que je lui reproche, ce ne sont pas ses origines, bien sûr, mais son manque de sincérité vis-à-vis de lui-même et donc d’autrui. Il prétend ne pas avoir fait de la philosophie, or, tous ses écrits se rapportent à la philo, à moins de supposer qu’il ne considérait pas Platon, Aristote, Descartes, Kant, Hegel, Schelling comme des philosophes. Qu’a-t-il donc fait si ce n’est de la philo? En fait, et je l’ai déjà écrit, pour moi il a fait de l’herméneutique théologique. Il a voulu détruire la métaphysique au nom de la mystique chrétienne, celle d’un Thomas, d’un Eckhart, d’un Nicolas de Cues. Très bien. Mais alors, il fallait rester fidèle à la théologie, et pas composer cette espèce de patchwork que sont ses écrits. Instrumentaliser la philosophie à des fins qui ne sont pas les siennes, ça s’appelle de la malhonnêté intellectuelle. On va encore me traiter de moralisateur, mais je me fiche éperduement des immoralistes de pacotille. Cette incapacité invraisemblable de clarifier ses présupposés liés à ses origines socio-culturelles se retrouve aussi dans son adhésion au nazisme. Un jour, il tient des discours hitlériens, un autre jour ces discours deviennent de la bêtise, une autre fois encore le mouvement nazi, malgré ses erreurs, garde toute sa grandeur, et tutti quanti. C’est pourquoi je persiste et signe: pour moi, ce type était un Tartuffe comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, voulant jouer, comme l’autre, sur tous les tableaux, et qui fait la sainte nitouche quand on l’attrape la main dans le sac.
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 10/05/2006 à 18:25 | Répondre | Modifier
  10. En vérité , Monsieur Misslin , je ne vous blâmait pas tant pour votre banal rapprochement de Heidegger avec Eckart et consort que pour les piètres conclusions que vous en tiriez , qui n’ont strictement aucun interêt à mon sens : je cite: « pour moi, ce type était un Tartuffe comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, voulant jouer, comme l’autre, sur tous les tableaux, et qui fait la sainte nitouche quand on l’attrape la main dans le sac. » Mais diable , que voulez vous que des chercheurs et des individus comme moi qui ont lus leurs travaux rigoureux à son sujet répondent à telles assertions hors de propos? Là où Skildy propose une analyse précise de son oeuvre (que je respecte malgré nos désaccords), vous ,préférez encore et toujours lâcher de grands jugements d’ensemble , qui , dés qu’ils vous sont reprochés pour leur vacuité, nous font traiter d’ »immoraliste de pacotille ». Que vous ne supportiez pas le « tutti quanti » , le « patchwork » heideggerien qui a l’air de vous semer, c’est un fait : mais c’est surtout celui de la limite de votre discours incessant sur une « malignité morbide et irrationnaliste » de Heidegger.
    Faites l’expérience: envoyez vos propos à un Jean Grondin, chercheur à la renommée mondiale pour ce qui est de la recherche heideggerienne. Vous verrez ce qu’il vous répondra. Je ne sui spas certain qu’il vous dira « oh oui effectivement – ce type fut un illuminé nazi très dangereux »… Vos combats de Don Quichotte contre le nazisme me fait songer à ces jeunes bohèmes que je croise parfois dans des cafés la nuit, qui mettent des blousons noirs avec des badges « anti-facho » ouais! « anti-nazi ». La cause est juste ,mais l’attitude qu’elle manifeste , en se donnant le beau rôle contre les souuuurnoiiis et mééééchaaants heideggeriens donne quand même à s’intérroger. Vos arguments sont flous , larges , expéditifs , manichéens. A la limite , je sui sprêt à vous accorder plus de choses si votre propos prend plus le style de la note écrite en haut de cette page sur la phrase de Heidegger. Celle-ci ,même je pense qu’elle prend à tort Heidegger pour un « promoteur de l’irrationnalisme », possède le bon ton et quelques ressources indéniables.
    Pour ce qui est du mysticisme , je lis justement en ce moment un beau livre de Reiner Schürmann sur Heidegger et Maître Eckart. Pour l’instant , on est bien loin de tout pogrom , en déplaise aux inquisiteurs du dimanche…Mais bon en fouillant bien et en interpétant de traviole les textes sains , vous savez bien que cela est facilement possible -en tout cas cela n’a rien d’un tour de force. Je devrais m’amuser un de ces jours à surenchérir encore la rhétorique du « heidegger le salaud » en outrant certains textes, en les interpétant de manière ridicule…Qui sait, peut être que l’éditeur de Faye me ferait un pont d’or?…

  11. Figurez-vous, Monsieur, que j’ai lu, moi aussi, les « Sermons allemands » de Eckhart, traduits et commentés par M. Schürmann. J’ai même cité ici une réflexion de ce dernier qui m’a beaucoup intéressé: « Mais il se confirme aussi une opposition entre Eckhart et Heidegger qui l’emporte sur toutes les similitudes: la pensée de Heidegger est historique de part en part, celle de Maître Eckhart ne l’est pas. Quand Heidegger dit « événement », il parle de quelque chose d’historique… Quand Eckhart dit « événement », il parle de Dieu. » C’est ce que je pense aussi. Eckhart me semble clair, comme d’autres mystiques chrétiens, car ils regardent la création à travers la lumière de leur foi. En revanche, quand je lis cette phrase de Heide citée par M. Grondin: « Interrogez l’être! Et dans son silence -entendu comme le commencement de la parole -répond le dieu. Vous avez beau ratisser tout l’étant, nulle part ne se montrera la trace du dieu », j’ai envie de dire: mais qu’est-ce qu’il est allé faire dans cette galère (la philosophie!), il n’avait qu’à rester fidèle à sa foi chrétienne et aux textes « saints » selon lesquels « au commencement était le Verbe », c.à.d. la parole de Dieu d’où tout vient. Au lieu de ça, Heide nage toujours entre deux eaux, celle, pour prendre les termes pascaliens, de l’ordre de la raison et celle de l’ordre du coeur ou de la foi. Bien je sois devenu agnostique, Pascal pour moi est clair, il sait distinguer, il ne fait pas tout le temps dans l’ambiguïté, dans le confus, dans le trouble comme Heide. Par exemple, Heide nous serine à longueur de textes que l’étant, ce n’est pas l’être. D’accord, on le sait depuis Socrate qui disait (voir l’Apologie) que nos savoirs sont en réalité de doctes ignorances (tiens, voilà Nicolas). Ca aussi, je le comprends, bien que je sois un chercheur scientifique. Il y a des scientifiques qui prétendent penser et qui savent parfaitement bien que leurs descriptions ne décrivent pas le réel en soi. A leur façon, ils « éprouvent » bien que les phénomènes ne peuvent pas être confondus avec la réalité en soi (la science pense bien plus que Heide ne le pensait: mais comme il pensait qu’il était le seul à penser….). Bref, tous les hommes, à un moment ou à un autre de leur vie, font l’expérience de la différence « essentielle » (wesentlich!)entre ce que nous croyons être et ce qui est, on n’a vraiment pas attendu M. Heidegger pour comprendre cette évidence. Mais, ça n’a rien à voir avec « l’être en tant que manque de la divinité des dieux » (« das Seyn (mein Gott, pour l’orthographe!)als die Not der Gottschaft der Götter »). Si Heide éprouvait le manque du divin, il n’avait qu’à pratiquer le pari de Pascal (dont, paraît-il, il avait l’oeuvre sur sa table) et ne pas nous faire croire que c’est l’humanité toute entière qui souffre de ce manque (en plus, en l’oubliant!): non mais, c’est n’importe quoi. Mais qu’est-ce qu’il a à parler au nom de l’humanité, cette espèce de mégalomane. Il n’avait qu’à s’abîmer dans la contemplation de Dieu. Car, comme dit L. Wittgenstein: « Il y a bien de l’inexprimable. Celui-ci se montre, il est l’élément mystique ». Et plus loin: « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. » Je suis désolé, mais, pour moi, Heide n’allait pas bien.
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 10/05/2006 à 21:36 | Répondre | Modifier
  12. Je constate que M. Domeracki a fait une nouvelle fois son entrée sur ce qu’il appelle le « Phiblogzone », pour ne répondre à rien.
    M. Domeracki, sans être « obnubilé par le nazisme », comme tous les révisionnistes du net depuis le début accusent Emmanuel Faye de l’être, prenant un malin plaisir à dénoncer ainsi un travail de recherche et à détourner le souçon, il y a bien longtemps que l’embellissement de ce que vous appelez la « révolution conservatrice » me fait sortir de mes gonds. Ce n’est néanmoins pas mon activité principale, ni celle de Skildy, alors que la compilation d’articles infamants (y compris celui de Catherine Malabou, qui est effectivement une diffamation, et que vous refusez de faire figurer avec ses réponses) semble être devenu la votre.
    Ne pas adhérer aux thèses de MM. Vanoosthuyse et Faye n’est bien entendu pas un aveu de révisionnisme, et à cet égard l’homme qui vient de vous poser une question sur « Acheminement vers la parole » sur votre blog n’a été accusé par personne d’être un neo-nazi, mais j’ai bien peur que par ailleurs vous n’ayiez ni la carrure intellectuelle ni la franchise d’un Rainer Marten.
    Lire Heidegger n’est bien sûr pas devenir Heidegger, comme il est dit par un commentateur sur votre blog, la preuve étant que je l’ai lu de plus près que vous, et Emmanuel Faye encore bien plus.
    Votre ignorance en la matière que vous prétendez « étudier » est grande, mais n’excuse pas tout dans la mesure où elle est aussi volontaire.
    Je ne crois pas plus en vos protestations d’innocence, qui fait suite à des aveux réitérés de fascination et à des propos nauséeux sur le lien du nazisme à l’antisémitisme, sur l’idée qu’il faut en passer par le mal pour en arriver à la « merveille », « erreurs philologiques » que vous n’avez pas retirées. Vous avez au contraire choisi de revenir la main sur le coeur, faisant semblant d’ignorer que c’est ici l’indétermination peu ragoûtante de votre discours qui est en cause.
    Vous prétendez ignorer que Niekisch et Jünger sont des piliers doctrinaires du nazisme, ce dont je ne crois plus rien. Rappelons quand même que ce qui fascinait ces gens dans l’URSS c’était bien l’idée d’une mobilisation totale des forces, d’un « état total » qui va devenir un des concepts porteurs du nazisme avant de se transformer en « völkische Ganzheit »-cf « Le travailleur » et « la mobilisation totale », qui ont dans les années 30 été des Bibles, mais puisque vous l’ignorez…la manière dont vous revenez avec les mêmes arguments usés dès leur apparition après avoir admis votre incompétence intellectuelle en dit assez long sur votre mauvaise foi, partialité assez prouvée par votre tendance à censurer les messages contradictoires sur votre site. J’ajouterais que vous savez fort bien qu’en pointant que le nazisme a été défait et en un sens allait vers sa défaite il n’a jamais été question pour moi de chanter les louanges de ce qui se fait appeler « démocratie » lorsqu’elle bombarde l’Irak, ni non plus d’ailleurs lorsqu’elle prend la forme de la technocratie européenne-cela vous le savez, mais nous avons d’autres lecteurs.
    Il est par ailleurs évident que vous ne pouviez ignorer la nature du site où vous êtes allé prélever cette « biographie » d’Ernst Jünger, et vous continuez à tromper vos lecteurs en n’en indiquant pas l’origine. Si vous faites partie des gens « conséquents », au moins indiquez un lien et le nom du site, que l’on sache à quoi s’en tenir…
    vous allez ainsi attirer encore plus vite d’autres « ignorants », avec lesquels vous pourrez continuer à « ignorer », et à sélectionner les textes dont vous avez besoin.
    Pour ce qui est du Vanoosthuyse, il a eu au moins le mérite de montrer que les fameuses « falaises de marbre », acte de résistance « intérieure » (très intérieure), était un des livres favoris du régime. Les pauvres, ils étaient tellement « ignorants ». M. Vanoosthuyse a bien montré que comme pour Heidegger on a avec Jünger tout un travail de réécritures et d’ »ignorances » après guerre, comme par exemple l’ »oubli » de la première préface de « Orages d’acier ». Les citations rabachées du Journal parisien (traduit notamment par M. de Towarnicki, mêmes gens, mêmes méthodes), pensées pour un autre public que celui des années 20-30, ne suffisent pas à faire oublier ce qu’il a écrit par ailleurs dans le Völkische Beobachter et dans Arminius. Que dans les années 30 Jünger ait pris la pose distante de l’esthète aristocratique parce qu’il méprisait ce qu’il estimait être la dimension populacière du régime, et qu’il ait abandonné le travail d’éditorialiste pour se consacrer plus directement à la littérature n’en fait pas un « critique » distant et innocent, surtout alors que ses écrits des années 20 et du début des années 30 continuaient à servir de référence.
    Bien sûr vous savez mieux ce qu’il faut penser des penseurs allemands que les allemands eux mêmes, même si vous ne pouvez pas accéder à tous leurs textes, et que vous n’êtes porté par aucun souci de vérification et de confrontation, mais là aussi sachez que ce type d’ »argumentation » sur Jünger que vous proposez ne marche pas non plus une fois passé le Rhin. Si vous voulez bien passer ne serait-ce que 5 min. sur le net, puisque vous n’avez pas l’intention de lire le Vanoosthuyse, vous pouvez taper « Jünger Antisemitismus » sur google.de.
    Vous pourriez tomber, au hasard, sur
    http://www.klick-nach-rechts.de/presse/2004/01/ejuenger.htm
    Vous ne parlez pas l’allemand, ce qui ne vous empêche pas de « lire » Koinon. Vous devez donc comprendre le sens de mots comme « Ameisen », « Zivilisationsjuden », « Assimilationsjuden », « radikale Lösung », « den Meister aller Masken ».
    Vous devriez aussi pouvoir comprendre ce genre de texte publié dans le Völkische Beobachter de 23 :
    « Ihre Idee ist die völkische (…) ihr Banner das Hakenkreuz, ihre Ausdruckform (…) die Diktatur ! Sie wird ersetzen das Wort durch die Tat, die Tinte durch das Blut, die Phrase durch das Opfer, die Feder durch das Schwert »
    ou de 1929 :
    « Wir wünschen dem Nationalsozialismus den Sieg »
    M. Domeracki, pour moi la preuve de votre malhonnêteté est faite. Je n’ai plus l’intention de discuter avec vous, ce qui ne m’empêchera pas de revenir pointer une de vos énormités au besoin.
    Comme vous le dites, vous signez de votre nom. A défaut d’un autre souci, ayiez au moins celui de ne pas le salir plus que vous ne l’avez fait.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 11/05/2006 à 13:18 | Répondre | Modifier
  13. Cher monsieur Misslin,
    à propos de vos messages du 09 :
    merci pour les citations. Elles font du bien, même si elles ne m’étaient pas inconnues.
    Pour ma part, même si l’affaire déclenchée par la publication du livre de Emmanuel Faye a eu le mérite de montrer l’étendue du révisionnisme à l’oeuvre dans notre pays, je crains que le révisionnisme et le négationnisme ne soient dépassés à leur droite par l’affirmationnisme pur et simple, et surtout que se généralise une indifférence malsaine pour ce genre de problèmes.
    Mais les pessimistes n’ont pas toujours raison.
    Vous répondez avec grande élégance à M. Domeracki, même si celui-ci vous traite avec un mépris injustifiable en soi, et d’autant moins au vu de l’ »envergure » humaine et intellectuelle de M. Domeracki.
    Si pour moi l’ »échange » est terminé, je n’ai pas de conseil à vous donner en la matière.
    Bien à vous,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 11/05/2006 à 13:31 | Répondre | Modifier
  14. Ce dont on ne peut parler il faut le taire? Belle ouverture d’esprit Monsieur Misslin…La philosophie n’aurait pas à se mêler des Dythirambes de Nietzsche, des Hymnes de Hölderlin , de la prose de Rilke , des poèsies de Saint John Perse. Elle se devrait uniquement d’être le garde-fou hyper-rationnel qui nous garderait des « délires », que seraient tous les discours non-rationnels…Bref, vive le positivisme le plus plat. Hé ben…

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 11/05/2006 à 14:06 | Répondre | Modifier
  15. Bonjour
    Je voudrais revenir un instant sur les reproches qui m’ont été adressés sous le prétexte que je trouve chez Heide des tendances très prononcées au mysticisme. Je suis tout prêt à me laisser convaincre du contraire, si l’on me fournit des arguments. Pour l’instant, et après la lecture du texte de M. Grondin, je conserve mon intuition. Car, que signifie en fait cette opposition qui frise l’obsession, chez Heide, entre être et étant? A quelle fonction répond-elle? Si j’ai bien compris, toute détermination conceptuelle de l’être donne un étant, ce qui provoque un retrait de l’être qui ne tient pas à passer sous les fourches caudines réductrices de la représentation humaine. Car, n’est-ce pas M. Héraclite, la nature (phusis) aime à se cacher (voir le joli livre de M. Hadot, « Le voile d’Isis »). Mais là je me pose néanmoins une question: par quelle voie accède-t-on à la notion d’être si ce n’est la même que celle par laquelle on parvient à celle d’étant? Pour moi, c’est une énigme, compte tenu du fait que le statut grammatical de être et étant me semble être le même. Car même si le concept d’étant est de l’ordre de la représentation ordinaire et que celui d’être relèverait de celui d’une expérience mystique, au bout du compte, ces deux termes fonctionnent dans notre système langagier pareillement. Sauf, si l’on renonce à dire quoi que ce soit de l’être comme les mystiques chrétiens nous invitent à le faire de Dieu. Or, c’est ce que parfois Heide semble nous inviter à faire aussi avec l’être. Mais pas toujours, puisque Heide espère l’Ereignis, dans un avenir pas défini, événement qui permettrait à l’humanité de ne plus oublier l’être, et de laisser celui-ci advenir à nous. Sous quelle forme? Mystère. Franchement, se référer aux présocratiques pour suggérer que chez eux l’être n’était pas encore oublié, c’est une affirmation dont j’attends démonstration. D’autant que les écrits de ces gens sont le plus souvent complètement obscurs et qu’on ne peut que les interpréter. Ils l’étaient déjà pour les penseurs antiques. A propos d’Héraclite, Lucrèce écrit: « C’est par l’obscurité de son langage qu’Héraclite s’est acquis sa réputation surtout auprès des têtes légères. Les sots en effet admirent et goûtent de préférence toutes les pensées qu’ils voient cachées sous un langage énigmatique » (I, 640). J’espère qu’on m’expliquera comment l’être peut se rappeler à nous sans se réduire à notre humaine forme d’appréhension. Car, comme écrit le « vieux » (sic)Montaigne: « Les yeux humains ne peuvent apercevoir les choses que par les formes de leur cognaissance. » (II,XII).
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 11/05/2006 à 15:13 | Répondre | Modifier
  16. A Monsieur Er;
    Vos tendances à la diffamation gratuite sont désormais avèrées : continuez comme cela à ne privilégier que les commentaires de Faye et de Vanoomachin, vous vous discréditez tout seul. Vous avez dit: « Vous prétendez ignorer que Niekisch et Jünger sont des piliers doctrinaires du nazisme, ce dont je ne crois plus rien. Rappelons quand même que ce qui fascinait ces gens dans l’URSS c’était bien l’idée d’une mobilisation totale des forces, d’un « état total » qui va devenir un des concepts porteurs du nazisme avant de se transformer en « völkische Ganzheit »-cf « Le travailleur » et « la mobilisation totale », qui ont dans les années 30 été des Bibles ».
    Même si vous n’avez rien trouvés de mieux que de récuser INTEGRALEMENT les journaux de guerre de Jünger, sous prétexte que vous avancez sans autres motifs que son traducteur vous pâraît douteux , je vais me voir obligé de citer un extrait de celui-ci, répondant assez bien,ongtemps à l’avance à vos critiques moralisantes en pantoufle et robe de chambre:

    « Dans le courrier, trouvé un article d’un jeune professeur de philosophie,une sorte d’enfant prodige, qui éxige ma tête dans une revue de ce qu’on appelle la zone est. Il le fait avec tenacité, bien qu’il ne soit pas entièrement satisfait de l’effet produit, car il se plaint des lettres anonymes qu’on lui envoie. Je parcours de l’oeil les citations qu’il me reproche et trouve parmi celles-ci « Rien n’est plus facile que d’aggraver l’esclavage, pourvu qu’on lui donne un badigeon de liberté ». Je l’exprimerais plus guère sous cette forme, non que j’aie changé d’avis, mais parce qu’on pourrait concevoir cette maxime comme une recette déstinée à des esprits qui n’en n’ont nullement besoin. Maiselle reste la constatation d’un fait, la clé de phénomènes paradoxaux de la socièté actuelle. Il est probable qu’elle me vint à l’esprit quand j’eus vu une masse hurlante de joie, et lu quelques pages de Chamfort. Notre professeur, lui ausi, pourrait en faire son profit. Est-ce qu’un esprit intelligent, sans aucun doute , n’a jamais réflèchi sur le fait qu’il philosophe,et tout à son aise semble-il, à l’entrée d’une équarisserie? Et par dessus le marché,on ne peut dire de lui , comme le Marquis Posa : « le lien au bout duquel il papillonait est long ». Qu’il dévie, si peu que ce soit,e la ligne générale, et c’en est fait de sa gloire.
    J’apprends en outre que je suis l’inventeur de la « mobilisation totale ». Cela aussi est une erreur : je suis celui qui l’a DECOUVERTE et BAPTISEE, et la distinction est d’importance. J’ai lu un jour, durant la guerre, que le président des USA louait son pays d’avoir réalisé la plus grande mobilisation totale de l’histoire. Le principe demeure,comme l’une des conséquences inéluctables du monde du dynamisme. Aujourd’hui, ou bien on s’arme dans ce style, ou bien on y renonce et paie d’autre manière on tribut au temps. Il arrive que des cousettes tirent du haut de leurs llucarnes; si ce n’est pas chez nous ce sera ailleurs.
    J’ai été à un moment tenté e lui écrire une lettre, car je puis mieux me mettre dans sa peau que lui dans la mienne. Mais cela emeurerait une tentative sans espoir, dans notre pays,où les esprits n’arrivent pas à s’arracher aux catégoriesdans lesquelles ils entrent e force. On sait , dés la troisième phrase, comment ils ont voté. C’est un pays où il n’y a pas d’académie , ou alors une douzaine. Avec un cynique comme le vieu Léautaud, on pouvait passer tout un après midi sans jamais se rappeler que l’Allemagne et la France étaient en guerre. Cela devrait toujours être possible entre hommes de culture,et c’était jadis une grande détente : « voilà un homme »; Cette formule demeure finalement celle à laquelle doivent aboutir les évaluations les plus complexes, si l’on ne veut pas battre l’air de vaines paroles » (5janvier 1948,traduction Henri Plard…)
    Le journal est truffé d’accusations claires et nettes du nazisme , et votre maigre conception du « la révolution conservatrice a « causée » le nazisme » ne peut bien évidemment reconnaître ces centaines de pages, qui contredisent intégralement vos propos manichéens au ton grand seigneur…J’attend toujours une réfutation philologique des textes mis sur mon blog…Je crois que je vais l’attendre longtemps puisque l’on préfère comme toujours dans ce genre d’histoire accuser ma personne gratuitement… »Niekisch et Jünger sont des piliers doctrinaires du nazisme » ?…Aux vues de ce que j’ai lu ces derniers jours,rien ne me paraît plus ridicule. Peut être est ce la faute de méchants traducteurs qui inventent n’importe quoi pour couvrir Jünger?…Les lecteurs de l’oeuvre (et non des ragôts éhontés d’internet) apprécieront…

  17. Au passage , Monsieur Er , je prend note des saletés écrites dans le Völkischer Beobachter par Jünger. ça ne vole pas haut. J’imagine qu’il a dû vite le regretter aux vues de ce qu’il affirma pas la suite. Je constate aussi qu’un Helmut Kohl semble avoir fait la même « erreu » que moi, à la fin de l’article. Etje me rapelle , pour finir , que le sale canard dans lequel il écrivit des articles sondant les différentes possibilités de l’époque est aussi celui où un nazi recut Der Arbeiter comme un ouvrage faisant rentrer Jünger  » dans la zone des balles dans la nuque ». On a connu hommage plus appuyé…De même Niekiesch fut vite emprissonné. Là encore ,je doute fort qu’ils fut « nazi au plus profon de son âme ». Mais puisque vous le dites…

  18. Wittgenstein, Monsieur Domeracki, n’était ni un positiviste, et surtout, il n’écrivait pas des platitudes. Mais je suppose que vous n’avez pas le temps de lire de vrais philosophes, vous préférez vous enivrer des prophéties escatologiques du retour de l’Ereignis comme les millénaristes attendent, depuis fort lontemps d’ailleurs, le retour du Christ. C’est vrai que je déteste les salmigondis de banalités énoncées sur un ton oraculaire par la Pythie de Messkirch. Quand je lis de la poésie, je ne fais pas de philosophie, et quand je lis de la philosophie, je ne fais pas des mathématiques.
    Grâce à M. Er, j’ai appris que vous prenez aussi la défense du sieur E. Jünger contre ces vulgaires détracteurs qui voient le mal partout. Mais, nous savons maintenant quel genre d’avocat vous êtes et quelles causes vous aimez défendre. Bien sûr que ce n’était pas un nazi, ce Jünger, voyons, qui peut croire ça, mais un délicat aristocrate prussien qui adorait seulement un peu, même un peu beaucoup, la guerre, qu’il voulait totale, car seule une guerre totale pouvait débarrasser sa glorieuse nation de la « vermine », des « ennemis du sang » qu’une « poigne de fer prendra à la gorge »: ces charmants qualificatifs de Monsieur Jünger, délicats et subtiles, s’adressent à… Mais, il n’est pas nécessaire de le dire: dans la bouche d’un boche de l’époque de la stature d’un héros de la guerre, cela ne peut désigner que ceux qui seront sacrifiés pour le Reich. Bien entendu, quand Jünger a vu comment tournaient les événements, son discours aussi a tourné avec sa veste. Mais sans doute, sur votre blog, ne figurent que les discours lénifiants à l’eau de rose qu’il a tenus sur les atrocités nazi en se bouchant délicatement ses narines aristocratiques. Quelle noblesse tout de même et quel sens de l’histoire. Du vrai Heide!
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 11/05/2006 à 18:37 | Répondre | Modifier
  19. Mais non voyons Jünger ,Heidegger et Nietzsche étaient bien entendus aviiiides de sang et de meutres rahahahaaa toute leur oeuvre est en vue des gigantesques charniers du vingtième siècle c’est tout à fait ce qu’ils voulaient au plus profond de leur âme vous les avez entièrement compris! Encore bravo!

    Rédigé par : Stéphane Domeracki | le 12/05/2006 à 10:15 | Répondre | Modifier
  20. Bonjour Monsieur Er,
    Merci pour nous avoir donné la référence de l’article de Thomas Blum que je viens de lire. Les extraits qu’il cite de Jünger me replonge dans l’atmosphère que j’ai connue dans mon enfance, au moment de l’occupation de l’Alsace par les nazis. Quand on a vécu le fanatisme allemand, quand on les a vus se comporter, s’exprimer, se glorifier, s’héroïser (passez-moi ce néologisme), on ne se laisse plus facilement berner par les « pensées ». Je ne sais plus qui a utilisé l’expression « brutes cultivées » pour désigner les nazis, elle traduit bien ce mélange très caractéristique de brutalité insigne saupoudrée de Kultur (musique, poésie, philosophie). Immonde! Ajoutons l’obsession judéophobique et le tableau est complet. Mais bien entendu, nous sommes des êtres du ressentiment qui détruisons par le soupçon les nobles figures héroïques de la littérature et de la philosophie allemandes. Il y a eu de vrais résistants allemands (plus nombreux qu’on le dit) contre la barbarie nazi, mais ni Jünger ni Heide n’en font partie: la ficelle est vraiment trop grosse!
    Amicalement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 12/05/2006 à 10:44 | Répondre | Modifier
  21. Le dernier commentaire de M. Domeracki appelle quelques mises au point.
    Sur les journeaux de guerre d’abord : il sont consacrés pour une bonne part, rappelons le, à la description de la fréquentation du tout Paris collaborationniste. Que Jünger affecte une pose de mépris aristocratique à leur égard ne contredit pas les faits. Que par ailleurs il ait été affecté à la censure du courrier à cette époque atteste suffisamment de sa fidélité au régime, quelles que soient les prises de distances par ailleurs.
    Sur mon argumentation enfin, que M. Misslin a quant à lui fort bien comprise : je ne « rejette » pas les Journaux de guerre du fait de leur traducteur, j’ai simplement pointé au passage le rôle de blanchisseur professionnel qu’a tenu M. de Towarnicki depuis plus de 50 ans.
    Mon argument sur les journaux de guerre consistait simplement à pointer qu’ils ont été écrits et réécrits pour un tout autre public que celui des années 20-30.
    Sur la « Mobilisation totale », que Jünger réédite en 42 : il est de fait que Jünger prétend lui aussi « décrire », et décrire le phénomène propre à son temps. Le problème c’est que cette « description » pour le moins sélective constitue également une thématisation et comporte une dimension normative : la mobilisation totale est exaltée, non seulement décrite. On a bien là une conceptualisation à visée politique.
    Sur mes « tendances à la diffamation gratuite » qui sont « désormais avèrées » : il est de fait que le mouvement nazi a comporté dans les années 20 et jusqu’aux années 30 une dimension « nationale-bolchvique », qui comptait d’ailleurs Goebbels dans ses rangs au moins jusqu’en 1926. Prétendre que Niekisch n’ait pas été nazi parce qu’il a été éliminé dans les années 30 revient à dire que les SA n’étaient pas nazies parce qu’elles ont été liquidées par le régime. Il n’y a qu’un seul type d’endroit où l’on soutient que les nationaux-bolcheviques ne faisaient pas partie du mouvement : ce sont les sites que j’ai indiqués, et où vous allez puiser votre inspiration.
    Je constate par ailleurs que vous n’indiquez toujours pas vos sources à vos lecteurs ni n’avez souhaité corrigé vos formulations plus que douteuses sur l’acceptation du pire. Ceux qui nous ont lu depuis quelques temps n’auront d’ailleurs pas manqué vos tentatives pour nier la cohérence meurtrière du projet nazi et votre recherche d’un « nazisme non antisémite », votre intérêt pour un nazisme « profond ». Je vous le laisse, vous n’arriverez pas à falsifier vos propres dires.

    Je pense que de l’ensemble de l’ »affaire » depuis le début on peut tirer un certain nombre de leçons sur les stratégies révisionnistes à l’oeuvre. Il ne s’agit jamais dans ces stratégies de tenter de sauver Hitler ou Heydrich, mais des personnalités que l’on juge plus « nobles ». Pour cela, deux méthodes : on va décrire leur pensée comme une simple description des maux du temps en « oubliant » leur dimension de prescription normative. C’est ainsi ce qu’a tenté ici M. Domeracki, « oubliant » qu’en écrivant des rapports sur ses collègues, en participant au rectorat dans une des universités en pointe du nazisme triomphant, puis à « l’académie pour le droit allemand », en glorifiant le régime et en éructant son antisémitisme, Heidegger a fait plus que « décrire ». Cette stratégie s’est en un sens retournée dans le premier message de ce blog quand il nous a été présenté comme une nécessité d’en passer par le « collatéral » pour en arriver à la « merveille » -dans une synthèse où pour le coup la pensée serait à la fois dévoilante et active.
    Une autre stratégie consiste à faire passer les très violents règlements de compte au sein du régime pour une preuve d’anti-nazisme. On nous a ainsi fait le coup avec Heidegger et Schmitt, M. Domeracki le retente, dans une inspiration nationale-socialiste, avec Niekisch-qui pour le coup faisait bien corps avec la dimension « socialiste » et pro-URSS stalinienne du mouvement, éliminée à partir du début des années 30, et définitivement en 38.
    Le mieux bien sûr pour sauver cette personnalité est de marteler son rapport avec des personnalités juives, qui, n’est ce pas, sont bien une preuve.
    J’ai ainsi pu lire dans une revue dont je parlerai peut-être plus tard que Haushofer, inventeur du concept de « Lebensraum », inspirateur de la symbolique du mouvement et maître à penser de Rudolf Hess, n’aurait pas été nazi. Les arguments avancés : il a eu une femme juive ; il a eu des problèmes après 1941. Le tout étant que grâce à la protection toute spéciale de Rudolf Hess les enfants Haushofer ont pu échapper aux lois raciales du Reich, un des fils poursuivant une « brillante » carrière diplomatique-une des quelques très rares exceptions. Après la disparition de Rudolf Hess, les problèmes commencèrent pour la famille Haushofer, ce qui ne fait sûrement pas de Haushofer un « opposant de l’intérieur ». J’imagine que d’aucuns pourraient vouloir faire de la notion de « Lebensraum » une « description » somme toute objective et ô combien intéressante de la politique moderne-à moins que l’on n’avance qu’il faut au déploiement du paradis sur terre un moment négatif ? Les pauvres Leibniz et Hegel pourraient s’en retourner dans leurs tombes.
    Par souci de justice pour ces livres que M. D. range « dans ses chiottes » en les diffamant et/ou sans les avoir lu, je copie une recension du livre de M. Vanoosthuyse pour ceux que cela intéressent.
    Yvon Er.

    Fascisme & littérature pure. La fabrique d’Ernst Jünger
    Michel Vanoosthuyse
    Préface d’Isabelle Kalinowski

    Le parcours d’Ernst Jünger (1895-1998), du guerrier et publiciste de combat au sage contemplatif cultivant la Muse, a pour lui les apparences. Sans doute ne saurait-on reprocher, a priori, à un auteur d’avoir évolué en cours de route et d’avoir troqué l’ivresse guerrière de ses débuts contre les jouissances intenses que lui procurent la contemplation d’une fleur ou la chasse aux papillons.

    « Des ruptures avec le nationalisme des débuts, l’histoire de la littérature allemande n’offre-t-elle pas bien d’autres exemples ? Mais la question qui se pose est celle des limites de cette métamorphose et de l’intérêt que l’auteur et ses hagiographes ont au contraire à la mettre en avant. L’idée de ce livre est née de l’étonnement devant ce qui semble être devenu l’évidence d’une honorabilité politique et d’une qualité littéraire de premier plan. Celui qui défilait rue de Rivoli à la tête de sa compagnie et fréquentait le Tout-Paris des collaborateurs a fini par être presque unanimement reconnu comme un intellectuel allemand antinazi qui aurait lucidement dénoncé « les dangers de la vision totalitaire du national-socialisme ». Il ne s’agira pas ici de relater l’histoire de la réception de Jünger, mais de se demander comment et à quelle fin son image a été rendue acceptable, et ce que recouvre l’entrée d’un auteur à passé fasciste dans la littérature “pure”. »

    Spécialiste de littérature allemande du XXe siècle, Michel Vanoosthuyse est professeur à l’université Paul-Valéry de Montpellier. Il a notamment écrit Le Roman historique. Mann, Brecht, Döblin (1996) et Alfred Döblin. Théorie et pratique de l’« œuvre épique » (2005).

    La presse

    Celui qui aimait la guerre, celui qui ne l’aimait pas

    Consacré dans notre pays comme l’un des plus grands écrivains allemands du XXe siècle – sinon le plus grand -, Ernst Jünger est aussi, pour le public français, ce sage à l’éternelle jeunesse et au port altier, goûtant par-dessus tout la contemplation des fleurs et des papillons, que décrivent complaisamment les récits des voyageurs qui lui rendirent visite, jusqu’à sa mort en 1998 à l’âge de 103 ans, dans le village du sud de l’Allemagne où il avait élu domicile après la guerre. C’est précisément cette image et ce mythe que bouscule le livre de Michel Vanoosthuyse. On connaît, certes, depuis longtemps le passé guerrier et nationaliste de Jünger, mais il est communément admis que loin d’avoir jamais fait preuve, comme c’est le cas de Heidegger, de quelque faiblesse que ce soit à l’égard du nazisme, il en a même été un adversaire résolu et que son œuvre la plus célèbre, Sur les falaises de marbre, est, sous une forme allégorique et cryptée, une dénonciation de Hitler, dépeint dans le livre sous les traits du « Grand Forestier ». Or, non seulement la chose est loin d’avoir sauté aux yeux de tout le monde en 1939 à la parution du livre, mais il semble bien que les nazis, qui en autorisèrent l’édition et en favorisèrent la diffusion, aient eu en réalité de bonnes raison de le trouver à leur goût. Aussi bien esthétiquement – étant donné son « classicisme » archaïsant – qu’idéologiquement, dans la mesure où on y retrouve, sous une forme sublimée, les principaux thèmes de la propagande de l’époque. Contre ceux qui n’ont toujours voulu voir en lui que le représentant par excellence d’une littérature « protégée dès son seuil contre le coudoiement » – selon l’expression de Julien Gracq – et détachée de toute contingence historique ou politique, Michel Vanoosthuyse montre très précisément que cette exaltation de Jünger comme « écrivain en soi » est bel et bien un « trompe-l’œil » destiné à marquer un fascisme esthétisant des plus convenus.

    Dès 1920, dans Orages d’acier, où il tente d’élever ses souvenirs des tranchées à la hauteur d’un mythe, Ernst Jünger décrit la guerre – « notre mère » – comme une expérience humaine dont seuls les meilleurs sortent grandis. À cette « nouvelle race » de héros qu’elle n’a pu briser, il annonce, quelques années plus tard, que « cette guerre n’est pas le finale de la violence, mais en est le prélude », car « des formes nouvelles réclament un sang qui les emplisse et le pouvoir veut être saisi d’une main de fer ». Et il leur promet que « l’homme nouveau sera de notre trempe ». De nombreux textes des années 1920 et 1930, que Jünger s’est bien gardé de republier de son vivant, sont plus explicites encore. On y apprend, par exemple, que les « forces antinationales », qui ont en commun d’être « ennemies du sang » (à savoir les juifs, la haute finance et la franc-maçonnerie) sentiront, le moment venu, « une poigne de fer les prendre à la gorge » et qu’il convient de ne pas « faire trop d’honneur à cette vermine » ! On comprend que, redevenu officier en 1939-1945, notre « homme des Muses », qu’il soit en poste à Paris ou en mission sur le front russe, n’ait pas eu à se faire violence pour garder la pose contemplative et aristocratique qu’il affectionne au récit ou au spectacle des exactions et des massacres qui se commettaient.

    La littérature allemande du XXe siècle n’est heureusement pas toute de cette farine, comme en témoignent Les Derniers Jours de l’humanité de l’écrivain autrichien Karl Kraus (1874-1936). Cette pièce méconnue, écrite en 1919, dont « la représentation, mesurée en temps terrestre, s’étendrait sur une dizaine de soirées » (il en existe une version courte, dite « scénique »), est à mille lieues de l’esthétisation de l’horreur à la Jünger. La guerre de 14 y est ici un « carnaval tragique ». Dans ce drame – dont « le contenu, nous dit Kraus, est arraché à ces années irréelles, impensables, inimaginables pour un esprit éveillé, inaccessibles au souvenir et conservées seulement dans un rêve sanglant, années durant lesquelles des personnages d’opérette ont joué la tragédie de l’humanité » – rien n’est inventé. Les propos grotesques que Kraus met dans la bouche de ses personnages, généraux, hommes politiques, journalistes ou banquiers, sont ceux qu’ils ont réellement prononcés ou écrits mais se sont empressés d’oublier, faisant comme s’il ne s’était rien passé et qu’ils n’avaient aucune responsabilité dans cette tragédie. L’efficacité du procédé, servi par une écriture qui évoque Shakespeare et Brecht, fait de ce texte d’une beauté tragique la plus implacable dénonciation qui soit de l’ivresse nationaliste et guerrière. Les Derniers Jours de l’humanité poursuivent le combat moral et intellectuel que Kraus a mené, pendant près de quarante ans, dans la revue Die Fackel (Le Flambeau) qu’il crée en 1899 et dont il est l’unique rédacteur. Il y publie Strindberg ou Wedekind, prend la défense de Freud, de Loos ou de Schönberg, et, dans le même temps, fustige inlassablement et avec une ironie féroce la corruption, l’hypocrisie et le cynisme des puissants et des institutions – dont la presse qu’il tient pour responsable d’une corruption de la langue et de la culture.

    En 1933, à l’arrivée de Hitler au pouvoir, Kraus écrit la Troisième nuit de Walpurgis, publiée seulement en 1952 et traduite aujourd’hui en français. Le titre en est inspiré de la légende du sabbat des sorcières dont Goethe a fait une scène du Faust. Convaincu qu’une catastrophe inédite est en train de se produire, Kraus commence par confesser qu’il « ne trouve rien à dire à propose de Hitler » : la phrase ne signifie certainement pas qu’il n’a rien à lui reprocher, mais bien plutôt que ce qui se prépare laisse sans voix l’imagination et que l’on ne peut pas comprendre Hitler en s’attachant à sa seule personne. Aussi Kraus entreprend-il d’analyser le contexte de faillite intellectuelle et morale qui a rendu possible le nazisme. Sa lucidité, en ces temps sombres, contraste avec l’attitude d’un Jünger. Puisse la lecture de Karl Kraus convaincre le public français que la grande littérature de langue allemande du XXe siècle est précisément celle qui n’a pas perdu son âme dans la tourmente.

    Jean Blain, Lire, février 2005

    Rédigé par : Yvon Er | le 12/05/2006 à 16:47 | Répondre | Modifier
  22. Cher monsieur Misslin,
    à propos de vos remarques sur l’opposition être/étant : il est effectivement quelque peu contradictoire de prétendre comme Heidegger se passer de la notion de substance et en même temps substantialiser l’ »être ».
    Mais puisqu’il faut détruire la logique…
    Amitiés wittgensteiniennes,
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 12/05/2006 à 16:54 | Répondre | Modifier
  23. Sur les derniers développements de la note de Skildy :
    je trouve dommage que les développements de Derrida et de Foucault soient ici appelés à la rescousse. De fait, penser hors de la logique, ce n’est penser à rien et rien penser, comme l’a dit René Misslin.
    Blâmer la raison en elle-même des maux de la civilation occidentale est une stratégie nazillone (puisque le mot de « logocentrisme » vient bien de là). Il est dommage que Derrida et Foucault soient tombés dans ce piège. Qui a dit que la « raison » était en cause parce qu’une bande de bouchers utilisait les résultats de la science pour barbariser ? Un projet dément appuyé par une technique développée et justifié par des « philosophes » et des pseudo-scientifiques n’est pas « rationnel » parce qu’il fait sinistrement joujou avec des engins de mort- j’emploie ces mots ici en pensant à la dimension infantile des projets de toute puissance.
    En ce sens il est faux d’avancer : « Quelle naïveté de croire que la raison nous préserverait du pire alors qu’il semble justement que c’est elle qui permet de cautionner le pire… » De fait, non : les cautions du pire n’ont rien de « rationnel », à moins de confondre la raison comme faculté et la raison comme fondement d’une vérité. Parler de raisons inaccessibles à l’entendement n’a par ailleurs pas de sens, et n’est au mieux qu’un mot vide.
    Je me souviens ici des propos de Derrida avançant qu’étudier le fou c’était l’enfermer dans les catégories du rationnel, et que somme toute pour l’approcher en vérité il faudrait sortir de la raison. Quelle conception des rapports de la rationalité et de l’irrationalité était ici à l’oeuvre ? Pour quelqu’un qui connaît un peu le milieu psychiatrique, au moins une chose est claire : pas de celle qui permet de réduire la souffrance des malades.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 12/05/2006 à 17:14 | Répondre | Modifier
  24. Bonsoir,

    Voici un extrait d’une interview avec Jeanne Hersch publiée par Sic et non: http://www.sicetnon.org (traduction personnelle).
    Jeannne Hersch (JH): Il (Jaspers) s’efforce toujours d’être clair.
    Sic et non (SN): Sincère et pas tactique.
    JH: Sincère, exactement. C’est important. Sincère et pas tactique.
    SN: Reprocheriez-vous à Heidegger d’être tactique?
    JH: Tactique… je crois qu’il l’est souvent. Heidegger est tactique. Je l’ai écrit un jour et je pourrais l’écrire encore que Heidegger est quelqu’un qui jouit du pouvoir. Il aime le pouvoir, il aime forcer. J’ai à plusieurs reprises constaté qu’il se donnait plus de mal pour contraindre que pour convaincre. Il ne veut pas avoir raison, il veut vaincre. Cela fait partie de sa vérité. Sa vérité doit devenir ma vérité.
    SN: Veut-il soumettre?
    JH: Oui
    SN: Ainsi Heidegger est quelqu’un qui n’est pas sincère, car il se sert tactiquement de la philosophie pour ses propres fins à lui?
    JH: A mon avis, oui. Kierkegaard non… Il (Heidegger) a des habitudes. L’habitude de forcer, l’expérience de la contrainte par le truchement d’une pensée ou d’une invention de son esprit est pout lui bien, bien plus profonde que l’expérience d’une pensée véritable et pure. Il n’a pas de pensée pure.
    SN: Vous lui reprocheriez de ne pas vraiment s’occuper du sujet quand il parle?
    JH: Oui, je le lui reprocherais.
    Je rappelle que Jeanne Hersch en tant que jeune fille juive, mais de nationalité suisse était autorisée à suivre les cours de Jaspers et de Heidegger.
    Je trouve l’éclairage qu’apporte Jeannne Hersch sur Heide très intéressant. Une fois encore, une de mes intuitions me parait confirmée: nous avons bien affaire à un gourou de secte, pas à un philosophe!
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 12/05/2006 à 22:19 | Répondre | Modifier
  25. Voilà ,oui, cela confirme que quiconque travaille philosophiquement l’oeuvre de Heidegger ne peut être qu’il illuminé de service, toujours prêt à suivre son maître. Quelle perspicacité,Monsieur Misslin!

    à Monsieur Er: votre lecture de l’écriture et la différance (de l’essai « Cogito et histoire de la folie »), vous conduit à supposer que la thématisation dérridéenne du « discours sur le fou » serait pire, au niveau des applications psychatriques, pour le fou en question. Cela m’interesse: pourriez-vous develloper s’il vous plaît?
    Vous vous douterez que je ne suis évidemment pas solidaire de votre thèse à brûle pourpoint selon laquelle la raison, immaculée, serait pratiquement notre assurance vie contre la justification des pires exactions. Bon, la vérité étant que c’est bien plus « le principe de raison » qui est pointé du doigt par Heidegger mais passons.

    Sur Jünger :j’ai relu hier Les falaises de marbre, et je dois dire que je vais encore me faire moquer ou taper sur les doigts, car,même après avoir lu la recension de « Lire » que vous avez mis ici, je ne vois pas une seconde en quoi de bel ouvrage de résistance serait « pro-nazi »; à vrai dire je me prononcerai sûrement avec plus d’acuité après avoir lu Vanoothuyse…Pour l’instant il semble que « mêmes personnes, mêmes procédés » soit aussi le mot qui me vienne à priori : selection de textes de l’ambiance nationaliste des années 20, aucun mot des textes de reniement -ou juste pour montrer qu’ils sont « cryptés ». C’est toujours la même rengaine : là où le pauvre petit étudiant ne saurait reconnaître un insidieux duscours nazi crypté , de braves Faye et Er (pour ne pas parler de la figure de proue Monsieur Bel) nous apporteraient pas leurs lectures « à qui on ne la fait pas » un charmant décodeur nous réstituant à quel point ces auteurs auraient été avides de sang de juif…On va jusqu’à dire que le dêgout clairement affiché par Jünger dans les falaises et dans ses journaux , des « centres d’équarissages » ne sont que « poses aristocratiques »…J’aurais voulu vous y voir, moi , en Allemagne en 1939 : je ne doute pas le moins du monde le camp que vous auriez tous choisis avec votre ton grand seigneur et votre culte de la raison… A condamner sans appel toute lecture sensée de Heidegger et Jünger comme étant le fruit d’une « stratégie négationniste » , vous en dites long sur les vertus dscriminatoires de vos discours « vengeurs »,de ceux-là même qui précèdaient la tonsure des fammes qui avaient eu le malheur de coucher avec un « boche » en 44. La « censure à son comble » dit Gérard Guest sur Parole des jours. Plus le temps passe sur ce blog et plus je vois apparaître votre souhait de faire taire une bonne fois pour toute des « blanchisseurs professionnels » comme Towarnicki, à l’aide d’une quelconque « vérité des textes », compilés à votre sauce, trahissant la lettre de la grande majorité d’entre eux, postulant la cachotterie dans un grand délire paranoïaque, lors même que les textes des Gesamtausgabe sont accessibles dans toutes les bibliothèques.
    J’enjoins quiconque lis ceci de lire Heidegger et Jünger par leurs propres moyens, notamment les falaises de marbre , qui ont values des soucis à l’éditeur de Jünger, la sympathie des membres de l’armée qui ont fait un putsch anti-hitlérien, et dont Heidegger a donné un éclaircissement dans ses séminaires dans le tome 90. C’est quand même dingue de refuser la meilleure arme contre le nazisme : sa critique intérieure , par ceux qui l’ont approchés au plus près et s’en détournés avec dégout. Les piaillements de nos braves humanistes démocrates, agréssés ou non par leurs instituteurs,ne valent pas grand chose à côté. Car ce n’est pas un exploit de critiquer le nazisme en robe de chambre et pantoufle sans tâcher d’apercevoir la complexité de l’époque qui a précédée son accession au pouvoir. Monsieur Er , a préfèré d’un geste aristocratique affirmer que rien n’était aussi plat que les écrits de la révolution conservatrice. Puisque aucun argument n’a été donné pour le prouver (si ce n’est quelques élucubrations de profession de foi positivistes), chacun tranchera comme il l’entend ces années 20 allemandes : avec empressement et mépris ou non.

    Je terminerai par l’impression qu’une telle mise sur pied d’estale de Wittgenstein et une misèrable et banale critique de Derrida et Foucault n’interviennent pas par hasard dans ce débat. Chacun en déduira ce qu’il voudra.

    à clouer au pilori:
    Heidegger
    Jünger
    Nietzsche?
    Schmitt (mais là nous sommes d’accord)
    Niekiesch
    Derrida
    Foucault
    Towarnicki
    Fédier
    Guest
    Malabou
    toute la communauté de chercheurs sur l’oeuvre de Hiedegger qui méprisent l’ouvrage de Faye.

    Cela fait du monde!

    S.D

  26. Je rappelle l’interêt de lire Heidegger : celui de combattre à sa racine la nihilisme ,qui n’a pas cèssé en 45 à l’arrivée des alliés dans les camps : l’infâmie continue sous des masques démocratiques,humanistes et rationnels.

  27. M. Domeracki,
    comme vous m’attribuez des propos que je n’ai pas tenu, je n’y répondrai pas longtemps : où est ma « profession de foi positiviste » ? Où ai-je dis que la faculté de raison suffisait ?
    Comme par ailleurs vous m’avez posé une question poliment, j’y réponds également, dans la maigre mesure de mes moyens sur le sujet : j’entendais simplement dire que l’on ne peut guérir la folie par la folie, et que la comprendre impliquait d’avoir une raison qui fonctionnent suffisamment bien pour en saisir les raisons, justement. Rien de plus. Il ne s’agissait de rien d’autre que d’une pique à l’approche que l’on pourra rapidement qualifier de « romantique » de la folie. J’ai le plus grand mal par exemple à accepter le discours deleuzien sur la schizophrénie et le capitalisme. En quoi la schizophrénie serait-elle une possibilité de libération ? Être « fou », c’est avant tout souffrir, être moins à même de communiquer et d’agir.
    Je trouve simplement ces messieurs qui valorisent le fou comme une figure de la marginalité peu à l’écoute de la souffrance qu’elle implique, et ce n’est pas se placer du côté du pouvoir « normalisateur » dominant que de vouloir soigner.

    Pour le reste : Jünger et Heidegger ont été « avides de sang juif ». Niekisch aussi. Il y a des faits, c’est tout.
    On peut dégager de votre discours des constantes qui sont celles de ceux que l’on pourrait appeler les « méprisants » ou « l’école du mépris » (puisqu’ils considèrent tous que le mépris, en particulier celui des « spécialistes » souvent auto-proclamés, est un argument, celui d’un groupe qui ne tire sa légitimité que de lui même et n’en reconnait pas d’autre).
    Depuis le début, donc, deux constantes : renverser le rapport bourreau/victime, ou du moins celui du bourreau et celui qui le décrit ; mais dans ce cas la défense du bourreau en fera une victime.
    Pratiquer la confusion.

    Pour le rapport bourreau/victime : les mêmes qui arguent de leur mépris parlent de censure. Où ? Me comparer à ceux qui ont tondu des « fammes » est odieux. Madame Malabou est allée, et je ne risque pas de le lui pardonner, jusqu’à parler de « complicité avec ce que E. Faye dénonce », parce qu’il en opère une critique radicale. Ce renversement est inqualifiable : les textes cités par Emmanuel Faye sont pour une bonne part univoques, les taxer de nazisme c’est donc être nazi soit même ? Il y a un moment où la confusion de tout avec tout doit cesser.
    Pour la confusion précisément : j’ai cité des textes très précis, et vous ai fait des critiques très précises, sur vos sources sur internet, sur vos propos sur le « collatéral », sur votre recherche d’un nazisme qui lave plus blanc, sur le national-bolchevisme, qui est bien une forme du nazisme. Au lieu d’y répondre vous balancez de grandes généralisations, « c’est comme »…sauf que non, ce n’est pas comme.
    « A clouer au pilori ». Par qui ? Les gens que vous citez sont pour le moins différents. Nous avons déjà eu l’occasion de parler de Jünger, Heidegger et du nabot Niekisch, dont je n’aurais jamais imaginé que vous puissiez nous le ressortir.
    J’ignorais que vous citiez désormais Gérard Guest, qui pour sa part a formulé des menaces plutôt claires. N’avez vous pas passé ces derniers mois à expliquer que vous n’aviez rien à voir avec ces gens ? Mais laissons là Towarnicki, Guest et Fédier : si ils sont loin d’être aussi doués que leurs maîtres, ils n’ont pas non plus eu l’occasion d’être aussi malfaisants.
    Et après, que font les autres dans cette soupe ? Vous avez bien fait de mettre un point d’interrogation à Nietzsche, que fait-il dans cet inventaire qui n’est pas à la Prévert, et qui fait peu rire alors qu’il semble vouloir tourner en ridicule quelque chose ou quelqu’un ? Quant à Catherine Malabou, si je n’ai pas apprécié sa réaction épidermique, elle a écrit un livre pas mal sur Hegel après tout, et j’espère qu’elle ne va pas continuer à se mouiller avec la bande de Parolesdesjours…quant à Derrida et Foucault laissez les, voulez vous ? Ne confondez pas tout, c’est la base de la pensée.
    Sur le nihilisme enfin : cela n’existe pas. Point. Ce n’est rien d’autre là encore qu’une généralisation abusive, une abstraction que l’on transforme mystiquement en cause. C’est bien pourquoi cela marche.
    M. Domeracki, vous marquez au moins des points sur un domaine : vous me fatiguez, et j’ai horreur de la répétition. Je reprends donc mes pantoufles et ma robe de chambre, dont je n’use pas souvent et à qui vous voulez bien à tort du mal,et vous laisse.
    Juste une chose : allez demander aux résistants qui restent, puisque je ne suis qu’un « résistant a posteriori », ce qu’ils pensent de l’idée de faire confiance, pour le combattre, à ceux qui ont été des doctrinaires du nazisme et se sont (se seraient) éloigné de lui.
    Par exemple à ceux qui ont lancé l’appel relayé par Skildy.
    Veuillez donc vous adresser désormais à d’autres qu’à moi sur ce sujet.
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 17/05/2006 à 21:44 | Répondre | Modifier
  28. Il n’est probablement pas très pertinent de vouloir jouer Wittgenstein contre Heidegger.
    Ce dernier prend pour thème la question fondamentale de la métaphysique, « Pourquoi il y a l’étant et non pas plutôt rien ? », comme question qui monte du Dasein lui-même dans la disposition affective fondamentale de l’angoisse, lorsque l’étant recule et laisse s’avancer le rien, imposant le silence à toute parole qui dit « est », faisant s’effondrer la logique dans le tourbillon d’une interrogation plus originaire (cf. Was ist Metaphysik ?). Seul de tout l’étant, l’homme éprouve, appelé par la voix de l’Être, la merveille des merveilles : Que l’étant est (Cf. Nachwort).

    De son côté, Wittgenstein évoque un domaine de questions distinct de celui de la science et qui n’entre pas en concurrence avec elle, et dont les questions ne sont pas pour autant absurdes : l’éthique. Ce domaine, que Wittgenstein trouve parfaitement respectable, repose sur une expérience fondamentale : « Je crois que la meilleure manière de la décrire, c’est de dire que lorsque je fais cette expérience, je m’étonne de l’existence du monde » (« Conférence sur l’éthique », Gallimard, 1971, p. 148-149). Cette expérience consiste encore, dit-il, à « voir le monde comme un miracle » (p. 153). Cette expérience consiste à affronter les limites du langage signifiant qui obéit au logique : « elle nous documente sur une tendance qui existe dans l’esprit de l’homme, tendance que je ne puis que respecter profondément quant à moi, et que je ne saurais sur ma vie tourner en dérision » (p. 155).

    Pour finir, un extrait de l’entretien du 30 décembre 1929 avec Waismann :
    » »A propos de Heidegger ».

    Je peux assurément me faire une notion de ce que Heidegger veut dire par Être et Angoisse. Il y a en l’homme la pulsion de s’élancer contre les frontières du langage. Pensez par exemple à l’étonnement dû au fait que quelque chose existe. Cet étonnement ne peut pas s’exprimer sous la forme d’une question de même qu’il ne comporte absolument pas de réponse. Tout ce que nous pourrions dire ne peut être a priori que non-sens. Il n’empêche que nous nous élançons contre les frontières du langage. Kierkegaard lui aussi a bien vu cet élancement et le décrit dans des termes tout à fait semblables (comme manière de s’élancer contre le paradoxe). S’élancer contre lse frontières du langage, c’est là l »’éthique ». (…) En éthique, on fait toujours l’essai de dire quelque chose qui n’atteint pas l’essence de la chose et ne peut jamais l’atteindre (…). Mais la tendance, cet élancement, indique quelque chose. Cela, Augustin le savait quand il disait : « Quoi, crapule, tu ne veux pas dire de non-sens ? Allons, formules-en un, au moins un, qu’importe ! ». «

    Rédigé par : EP | le 18/05/2006 à 00:39 | Répondre | Modifier
  29. Monsieur Pinat,
    après la réécriture éhontée de la biographie de Heidegger à laquelle vous vous êtes livré, je me vois mal commencer à dialoguer avec vous. C’est dommage, car de la bande vous êtes sûrement celui qui a le plus avancé ce qui ressemblait à des arguments. N’ayant pas pour vous l’excuse de la bêtise, je vous pardonne d’autant moins votre « compte rendu d’une conférence d’Emmanuel Faye » où vous commencez par dire que vous n’avez pas vu la conférence en question, ni vos interventions sur wikipedia.
    Mais laissons cela. Disons simplement que le fait que Wittgenstein avance qu’il peut « se faire une notion » de ce que Heidegger avance par être et angoisse ne signifie absolument pas qu’il se rapproche de lui sur le plan de la pensée et lui envoie des roses. Simplement qu’il peut donner un sens aux concepts fondamentaux de SuZ, ce dont je ne doute pas. Le développement qui suit sur les frontières du langage, en quoi pourrait-il être dit en quelque façon heideggérien ? Par ailleurs, que W. poursuive sur Kierkegaard me paraît d’importance : d’un point de vue éthique, n’est ce pas plutôt Kierkegaard dans Heidegger qui l’intéresse, plutôt que le « proprement » (si on veut jouer à notre tour à l’Eigentlichkeit) heideggérien ?
    A voir, je ne suis pas spécialiste de ces questions, mais la citation que vous donnez ne me convainc pas du fait qu’il ne serait pas pertinent de vouloir faire jouer Wittgenstein contre Heidegger.
    Mais merci quand même en un sens : c’est moins bête, cela me change…
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 18/05/2006 à 19:48 | Répondre | Modifier
  30. Je donne ici l’analyse de M. Vanoosthuyse de la réception de son livre et des enjeux de son travail. On la trouve sur le site d’Agone.
    YE.

    De l’intérêt de lire Jünger et ses afficionados

    « Il apparaît que le contact avec l’écrivain ne s’est pas figé ici dans des travaux d’érudition, mais relève bien plutôt d’affinités secrètes et du partage d’une quête essentielle où Jünger se révèle comme un maître. Bien plus que l’objet d’une étude, Jünger est en France le sujet d’un dialogue qui peut prendre tous les visages de l’amitié. » Cette phrase d’un adepte fait sienne l’opposition classique entre une critique de type herméneutique, conçue comme aventure spirituelle qui lie deux intimités, dont la condition est l’effacement de la distance entre le sujet et l’objet (d’où le terme « amitié », qui implique une réciprocité, selon la formule immortelle : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ») et une approche analytique, rationnelle, objective, pour laquelle la distance entre le sujet et l’objet est au contraire la condition même de la connaissance. Cette dernière approche est ici clairement disqualifiée comme « figement » dans l’« érudition » (topos classique aussi, l’érudition étant implicitement suspectée d’être la science des ânes). On observera toutefois la modalité particulière de cette « amitié » : ce n’est pas d’un rapport d’égal à égal qu’il s’agit mais d’une relation de type hiérarchique, de disciple à maître, attachés l’un à l’autre dans une « quête » qualifiée d’« essentielle », dans laquelle le maître est un guide (on ignore quelle est cette « essence » ; c’est sans doute un synonyme de « profondeur », dont Brecht explique que tout ce qu’on peut en dire, c’est qu’elle est « profonde »). On voit que la relation herméneutique classique s’augmente ici incontestablement d’une dimension de type initiatique et sacrale.

    Cette description correspond à une réalité incontestable : Jünger est en France un maître charismatique qui réunit autour de lui une communauté de zélateurs, qui, pour différents qu’ils soient, les uns parfois frottés de culture classique, les autres ignorants, parfois franchement idiots (voir en particulier le blog « Assouline »), vivent tous dans la vénération d’une personnalité d’exception supposée détentrice de vérités inaccessibles au commun des mortels : au contact du maître, les disciples croient saisir l’éternité par ses basques. Julien Gracq leur a fourni la formule inégalée de cette relation d’exception : « Le public que s’est conquis cette œuvre en France est un public restreint d’initiés aptes à faire société entre eux sur le seul lien de leur admiration commune. Une œuvre castée, qui se refuse à la collaboration de l’intouchable. Il y a des livres aujourd’hui, le cœur vous bondit de plaisir à la pensée de tous les lecteurs qu’ils vont rejeter. » On remarquera l’impertinente et hautaine formulation finale : ce n’est pas le lecteur qui rejette l’œuvre mais c’est l’œuvre, destinée exclusivement au happy few des élus, qui rejette le lecteur – ce qui revient à ranger ce malheureux lecteur parmi les béotiens.
    Tant pis : l’« œuvre castée » de Jünger se refuse obstinément à la collaboration de l’intouchable que je suis. J’ai beau faire : elle me laisse sur les bas-côtés de son mystère. Je le confesse : je ne suis pas « de bonne compagnie, de nature assez fervente et subtile pour comprendre que les écrits de Jünger sont les traces des Dieux enfuis ». Je ne parviens pas à participer « à la joie et à l’ivresse de la Toute-Possibilité », je ne réussis pas à « m’élever dans les régions hauturières du Temps immobile », et c’est en vain que je cherche « à me rebrousser jusqu’à l’être nu, à me retrousser jusqu’au cœur pour faire l’expérience du Vivant cru ». Oui, du Vivant cru, pas à point, pas saignant, pas bleu, cru. Quelque chose en moi résiste. Est-ce une fragilité d’estomac ? Un manque de souplesse (se rebrousser jusqu’à l’être nu réclame un exercice régulier) ? Ma position est-elle celle du valet de chambre pour lequel, on le sait depuis Hegel au moins, il n’est pas de héros ? Tout cela sans doute, mais aussi une autre raison, la principale : c’est que mon esprit critique invétéré me joue une fois encore des tours et creuse une distance là où il conviendrait qu’elle soit effacée. Alors, j’essaie de me rassurer, et c’est chez Kant que je trouve une raison de croire encore un petit peu en moi. Oui, Kant me vient en aide : « Sapere aude. Aie le courage de te servir de ton propre entendement ». Alors en dépit de Gracq, de Julien, de Bob, d’Olivier, de Bob encore, de Bob toujours, de tutti quanti, et de Jünger ipse, je fais crédit au logos et à ses misérables tâtonnements, à l’analyse et à son pas-à-pas médiocre, à l’enquête loin de toute illumination, de toute épiphanie.

    La simple curiosité intellectuelle fait vite comprendre que les formulations haut perchées ou comiques, grotesques ou crétines qu’on pourrait multiplier à l’envi sont juchées sur un socle invisible de mensonges, d’occultations, de ruses et autres petits arrangements avec la réalité. Cela a sa raison d’être. Pour qu’elle puisse être aimée, il faut que la figure du Maître soit dégagée de sa gangue d’impuretés. C’est la condition de l’abandon à sa sagesse et à sa leçon : rien ne doit ternir son éclat rayonnant. Mieux : la condition du coup de foudre (et Gracq, dans la relation qu’il fait de sa découverte de Jünger nous décrit un coup de foudre), c’est que l’autre soit pure présence, pure manifestation hic et nunc, et donc que sa figure ne soit pas précédée par son passé. Et il est bien possible que Gracq ne serait pas tombé amoureux des Falaises de marbre sur son banc de la gare d’Angers un soir de 1942 ou 1943 ; et qu’il n’aurait pas vu dans ce récit la transmutation accomplie « jusqu’à la dernière parcelle » dans le monde de l’art des données empiriques s’il avait su que l’auteur avec lequel il entrait ainsi soudain en communion était aussi celui qui, dix ou quinze ans plus tôt, avait, entre autres criailleries fascistes, reconnu « les qualités destructrices de la race juive », avait écrit que le Juif jamais ne pourrait être Allemand parce qu’il était « l’ennemi du sang », et avait jugé les éructations antisémites des nazis inefficaces, une simple « désinfection extérieure », alors que lui, l’auteur du livre, proposait la solution (dirons-nous finale ?) d’une vraie désinfection. Peut-être Gracq se serait-il demandé comment ceci, le récit qu’il lisait avec tant de ferveur et qui lui paraissait de la littérature enfin accomplie, était compatible avec cela et si cela, certes d’une manière subtile et cachée, ne travaillait pas encore le texte qu’il tenait entre ses mains frileuses – on était en décembre. Mais c’est sans doute le propre du coup de foudre de reposer sur un mirage et Gracq ignorait jusqu’au nom même de Jünger. D’autres, qui savent, détournent pudiquement le regard : c’est que la transfiguration de Jünger en Sage, en Poète, en Maître, ou en Goethe redivivus commande le refoulement des vérités qui font tache ; et c’est aussi que, pour eux, cette transfiguration « sans reste » historique et politique a pour effet public et donc aussi pour fonction de détourner de ces réalités-là. Ne parlons pas de la cohorte des imbéciles.
    Le résultat est positif en France, où l’image d’un Jünger grand écrivain politiquement clean est dominante. Mais l’occultation ou l’euphémisation ont des limites. Il y a toujours des esprits chagrins ou de « petits Djerzinski de faculté », de vilains inquisiteurs pour faire resurgir du placard les choses qui fâchent. Et si s’est fixée chez nous, de haut en bas, peut-on dire, de l’Élysée jusqu’au gogo basique, l’image lisse d’un Jünger au-dessus de tout soupçon et grand styliste, il reste que la légende est toujours exposée à un mauvais coup. Et c’est bien pourquoi une stratégie de substitution est parfois nécessaire. Appelons-la la stratégie de la concession. Oui, dit-on en substance, Jünger a été fasciste, et alors ? Son œuvre est-elle moins intéressante pour autant ? Ne peut-on trouver un intérêt historique, philosophique, littéraire à ses textes ? Et faudrait-il les rejeter parce qu’ils recèlent des « pépites brunes » (Jünger dixit) ? Quid alors de Céline, de Drieu ? quid aussi, dans un autre genre, d’Aragon ? d’Eluard ? Je reconnais le bien-fondé de ces questions, j’applaudis des deux mains. Oui, je l’affirme haut et fort et avec la solennité qui est due à un auteur aussi immense : la réalité de l’engagement fasciste d’Ernst Jünger n’altère en rien l’intérêt de son œuvre. C’est même tout le contraire. Seulement, il y a façon et façon de poser la question et façon et façon d’y répondre.

    Il en est une, qui dit en substance : certes Jünger fut fasciste, mais c’est quand même, par ailleurs, un essayiste, voire un philosophe de haut vol ; certes Jünger fut fasciste, mais c’est quand même, par ailleurs, un grand écrivain. Dans le blog « Assouline », un mercenaire jüngérien, courageusement caché sous un pseudo, déclare péremptoirement : « Jünger est un écrivain, ce qui rend franchement secondaires les considérations politiques à son endroit ». C’est un écrivain, silence dans les rangs. Basta. Le roman, la fiction, Le Cœur aventureux ou les Falaises n’ont rien à voir avec la politique, puisque c’est de la littérature et que c’est un écrivain qui écrit. Puisque c’est de la littérature, ce n’est pas politique ; et ce qui est politique n’est pas de la littérature. C’est de la schizophrénie élevée au rang d’idéal critique. Et c’est une copie, un mime de la pratique de Jünger : la séparation entre ce qu’il appelle, avec la modestie qui le caractérise, son Ancien Testament (entendre les écrits politiques de la période nationaliste pure et dure, dont il a enfoui une bonne partie jusqu’à sa mort dans un placard et dont il a lifté le reste au cours des âges) et son Nouveau Testament d’« homme des Muses » (à savoir les écrits dits de retrait contemplatif), relève de cette pratique ; elle est à l’œuvre dans la volonté de dissocier le substantiel (ce qui relève de l’écrivain et qu’il faut retenir) du circonstanciel (ce qui est politique, donc inessentiel, anecdotique, digne d’oubli ou réduit au seul intérêt documentaire) : c’est l’opération menée après-coup avec La Mobilisation Totale et Le Travailleur. Chez les émules, la méthode est constante. En Allemagne, c’est Karl Heinz Bohrer qui l’inaugure en abordant l’œuvre de Jünger dans le langage de la « littérature pure ». En France, cette technique se retrouve, par exemple, chez les commentateurs du Travailleur. Le thème est alors : Le Travailleur est une œuvre fasciste, mais c’est aussi, par ailleurs, une grande œuvre prophétique décrivant le triomphe planétaire de la technique, etc., etc. – cf. Palmier, Hervier, Merlio, etc.

    La procédure qui consiste à « oublier » ou à secondariser un contenu déplaisant pour promouvoir ce qui serait acceptable est méthodologiquement injustifiable. Bien entendu, chacun est libre de chercher dans le menu Jünger les plats qui lui plaisent. Chacun est libre aussi d’y projeter son désir : c’est d’ailleurs ce que fait Gracq. Chacun est libre aussi d’y trouver des éléments exploitables. Ce qui pose problème, c’est de donner un goût pour une vérité universelle ; et c’est que la promotion des éléments exploitables s’effectue par soustraction arbitraire du reste. La lecture hémiplégique de Jünger est (au mieux) une abdication devant l’effort intellectuel d’analyse. Par exemple, Le Travailleur est l’aboutissement de douze années pendant lesquelles Jünger a déployé une activité intense d’auteur, de publiciste et d’essayiste, et la distinction entre l’écrivain et le publiciste est donc en ce cas nulle et non avenue. Le Travailleur m’impose en outre d’articuler et de hiérarchiser ce qui est politique et ce qui relève d’une phénoménologie de la modernité, et non de séparer ces aspects. La description de la modernité comme mobilisation totale de la technique par la Figure du Travailleur n’est pas séparable de la fin poursuivie, la Domination et du combat néo-nationaliste. Le Travailleur conjugue étroitement un versant polémique (contre le libéralisme et le marxisme), un versant descriptif (la modernité technique) et un versant programmatique (la construction du nouvel État néo-nationaliste, celui qui saura reprendre la guerre provisoirement perdue). Et ce n’est qu’après-coup, par un coup de force, qu’on inscrit ce texte dans la haute spéculation philosophique (haute spéculation dont, on le sait maintenant, l’ami Heidegger au demeurant se moquait, même s’il lui est arrivé, comme Recteur nazi de l’Université de Freiburg, d’utiliser politiquement et publiquement le texte de Jünger). La promotion du Travailleur en texte philosophique « autonome » participe donc, chez Jünger et ses thuriféraires, du déminage idéologique dans son intention, mais elle est en outre, dans tous les cas, le résultat d’une procédure dépourvue de toute pertinence méthodologique.

    Reste le domaine où la technique du clivage se déploie avec prédilection et le plus de succès : celui de la Muse. Reste l’art. La réception de Jünger offre un cas exceptionnellement intéressant de fonctionnalisation du topos répandu sur « l’autonomie de l’art » (sur le primat de la représentation sur la chose représentée et du dire sur la chose dite). On ramène alors en règle générale la littérarité au « style », et on fait de Jünger moins l’homme des idées que l’homme du style, par quoi on le transforme, sans doute sans le savoir, en clone de son ennemi Céline, qui déclarait de son côté, comme par hasard, « Je ne suis pas un homme à idées, je suis un homme à style », celui-ci, le style, devant sans doute faire oublier celles-là, les idées. L’identification de Jünger à un styliste hors-pair (sur laquelle il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire) s’établit donc par soustraction. Le style de Jünger, c’est ce qui reste quand on veut tout oublier. Or, « c’est ici que gît le lièvre » – « dans le poivre », ajoutent les Allemands, c’est là que le bât blesse. Car c’est se faire une conception bien étroite du littéraire que de le confiner dans les limites du « style ». Et quand on veut mettre en avant les particularités formelles, encore faudrait-il aller au bout de la démarche. Car la forme elle-même est lourde d’une métaphysique – comme le dit à peu près Sartre à propos de Faulkner. Et lourde d’une politique. Faut-il rappeler ce b-a-ba ? La forme des Falaises de marbre, par exemple, en ses diverses déterminations, c’est aussi bien une construction spatiale, une organisation temporelle, la conduite d’une narration, une histoire de focalisation, un système de personnages, et aussi un lexique. Et tout cela induit des signifiés fort suspects recouverts par un style noble et archaïsant (d’aucuns diraient kitsch). On y retrouve ici des schèmes reconnaissables, tout à fait acceptables par le régime et même utilisables par lui : cela explique que cette œuvre, donnée depuis comme pur chef-d’œuvre de la littérature mondiale et récit antinazi notoire, est non seulement traduite (de manière euphémisante et parfois franchement fautive) dans la France de Vichy et dans l’Italie fasciste, mais qu’on la trouve mentionnée dès 1940 dans certaines histoires national-socialistes de la littérature.

    Par conséquent, une enquête qui n’évacue pas le souvenir de la fabrication des textes, qui tente au contraire de saisir ceux-ci au plus près de leur production concrète dans des contextes historiques concrets, et tâche de suivre dans la mesure du possible le fil entortillé de leur réécriture, de leurs métamorphoses, de leur réinterprétation après-coup, de leur réorientation circonstancielle, une telle enquête, que quelques imbéciles jüngériennement corrects qualifient d’inquisition, ou dans laquelle des ignorants veulent voir la trace de Lukacs (ce qui n’est pas une injure, mais en l’occurrence assurément une stupidité), exclut d’isoler et de donner à lire un surplus purement philosophique ou purement littéraire, qui, une fois l’œuvre dégagée de ses éléments politiquement incorrects, serait seul digne d’intérêt. Car le but n’est pas de distribuer les bons et les mauvais points, d’établir un bilan avec ses débits et ses crédits. Il s’agit de décrire dans son ordre complexe une activité d’écriture de plusieurs dizaines d’années ; d’éclairer les liens originaux et évolutifs que cette œuvre in progress établit entre le politique, le philosophique et le littéraire, de préciser le sens des réorientations subtiles qu’elle pratique en permanence et de définir les relations qu’elle noue avec ceux qui se chargent de sa réception. Et le constat, c’est que le fascisme est au cœur de cette production, soit parce qu’elle élabore avec un talent d’écriture certain un projet politique et une stratégie de prise de pouvoir entrant en concurrence, au demeurant toute relative et tardivement, avec le projet et la stratégie national-socialistes, soit parce que, le nationalisme dans sa version nazie exterminatrice imposant des réajustements et des repositionnements, elle élabore des produits de substitution au fascisme ardent et combattant initial, des versions soft en quelque sorte, qui seront utilisées après-guerre pour dédouaner l’auteur de toute compromission avec les bourreaux. Jünger est ainsi le parfait exemple d’un écrivain qui n’a jamais vraiment renié son « Ancien Testament » mais a su le réaménager. Et son activité d’écrivain consiste largement en ce réaménagement même. C’est là, par exemple, entre autres, le sens de la réécriture en 1938 du Cœur Aventureux de 1929. A quoi il faut ajouter une habileté peu commune à tirer parti de la labilité même des concepts : ainsi, le Travailleur version fasciste dur, enrôlé dans le combat antilibéral et antimarxiste pour la Domination, est identifié ensuite aux tares de la société technique, le mal étant désormais associé à la technique, la technique au nihilisme (ce concept ouvert à tous les vents), c’est-à-dire ici au triomphe du demos et, enfin, le triomphe du demos à 1789. La boucle est alors bouclée. Jünger tourne contre le nazisme son aristocratisme, mais son aristocratisme est puisé aux mêmes sources que le nazisme : la haine de la démocratie et la haine des Lumières. Et par ce pervers tour de passe-passe il se retrouve exonéré du reproche de complicité intellectuelle et militante avec le national-socialisme, auquel il attribue la Révolution française comme ancêtre, tout en maintenant l’essentiel de son fond de commerce idéologique, qu’il tient désormais en « homme des Muses » avisé.

    On ne s’étonnera donc pas de voir des tenants de La Nouvelle Droite, des nostalgiques de Vichy et des partisans de Le Pen jouxter le « public restreint des élus et des initiés » dont nous parle Gracq. Avec le temps, le contact avec Jünger a pu prendre en effet « tous les visages de l’amitié », même les plus rébarbatifs. Tous ont trouvé en Jünger un écrivain selon leur cœur, et un cœur qui ne bat pas seulement pour le « style ». La cohabitation entre ces deux mondes, l’aristocratie des élus et la plèbe des fascistes n’a rien d’étrange. Sont-ce d’ailleurs deux mondes ? L’œuvre de Jünger nous prouve le contraire, c’est le même monde, avec des modulations différentes. Le rejet de la raison, la quête de l’« essentiel », le mythique et le mystique, mais aussi le dilettantisme distingué ont toujours fait bon ménage avec la haine de la démocratie. Toutefois, on aurait tort d’identifier Jünger et son œuvre à ce seul monde-là. Si l’œuvre de Jünger est un phénomène si intéressant, c’est bien aussi qu’elle réussit habilement à s’affranchir des clivages idéologiques traditionnels, particulièrement en France. Beaucoup se plaisent à se regarder dans le miroir complaisant que leur tend le grand homme. Séduits par la représentation qu’il donne de lui-même en berger de la culture française, par son goût affiché de nos vieilles demeures, nos vieilles familles, nos vieilles cathédrales, nos vieux vins et notre vieux Paris, ils ne voient pas ou feignent de ne pas voir que, derrière ces déclarations d’amitié et cette passion française, il y a une passion antidémocratique tenace et la haine de deux cents ans d’histoire de France. Et c’est ainsi que, loin d’être, selon Gracq, l’œuvre « castée » destinée à une aristocratie d’élus, l’œuvre de Jünger est devenue au fil du temps plutôt un attrape-tout, voire un attrape-nigauds. Contrairement à ce que pensait l’auteur du Rivage des Syrtes, cette œuvre ne « rejette » pas, elle se prête : des partisans de Le Pen aux bobos-gogos-écolos de gauche, elle embarque bien des publics. Ce n’est pas un signe de sa hauteur, c’est plutôt un signe de son habileté. Mais l’habileté est une valeur vulgaire.

    Michel Vanoosthuyse
    Maison Heine, Montpellier, mars 2006

    Rédigé par : Yvon Er | le 26/05/2006 à 13:16 | Répondre | Modifier
  31. MODE RENE MISSLIN ON /Ah! Heureusement que ce monsieur Vanoosthuyse nous délivre des manigances de ce sale fasciste qui porte la résponsabilité de la Shoah et a tenté de nous le cacher , le bougre! Honte aux gauchos bobo ecolo et aux fachos fachés qui ne se rendent pas compte qu’il vaut bien mieux lire Montaigne et Aron que cet immonde imposteur de la littérature, qui comme Heidegger , essaie de nous refasciser subrepticement! Oh ,encore merci monsieur Vanoosthuysed’avoir rétabli la verité vraie , celle de la raison et de l’entendement ,loin des délires mystiques et aristocratiques émoustillant les « élites » auto-proclamées qui ne pensent qu’à trafiquer fourbement les traductions et à euphémiser leurs méchancetés. Ces allemands et leurs amis francais sont donc tous fous? /MODE RENE MISSLIN OFF

    🙂

  32. Bonsoir à tous

    EP prétend(18/05/06) « qu’il n’est probablement pas très pertinent de vouloir jouer Wittgenstein contre Heidegger. » Je trouve cette réflexion bizarre, car cela signifierait que la pensée d’un philosophe serait solipsiste et que la confrontation avec celle d’un autre penseur n’aurait donc pas de pertinence. Pour moi, la lecture de Wittgenstein m’a rendu beaucoup de services dans la mesure où, justement, où il met en garde ses lecteurs contre les illusions langagières et contre ceux qui, comme Heide, ne cessent de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. La distinction être/étant est pour moi du non sens, même si je peux comprendre que celui qui la pratique, ad nauseam, veut dire quelque chose, mais qui justement ne peut se dire. Vouloir utiliser le langage sans tenir compte des contraintes qui lui sont inhérentes, c’est soit de la bêtise, soit de la malhonnêteté. J’aurais tendance à penser que chez Heide il s’agit du jeu équivoque de quelqu’un qui utilise le langage pour tromper le monde. Mais peut-être se leurrait-il lui-même. Et si en fin de compte il n’était pas aussi malin qu’il voulait paraître, mais qu’il a simplement jouer au plus malin. Cela s’appelle dans le langage quotidien de la vanité.
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 28/05/2006 à 23:17 | Répondre | Modifier
  33. Pour revenir à des choses un peu plus sérieuses que les crises néanmoins instructives de F. Dastur, je signale la parution d’un nouvel article de M. Faye, en anglais, dans la revue « South Central review ».

    http://muse.jhu.edu/journals/south_central_review/toc/scr23.1.html

    M. Faye n’est malheureusement pas publié dans un blog, mais par « Johns Hopkins University press ».
    Mais cela n’empêchera pas nos amis de hurler partout qu’Emmanuel Faye n’est reçu par personne de sérieux, ce qui commence à faire une part non négligeable des universités de ce monde.
    Je signale également un article écrit par un heideggérien allemand (et oui) et qui signale la tonalité nazillone du § 38 du texte de 29 mis à l’agrégation : « Die Sehnsucht nach Härte und Schwere. Über ein zum NS-Engagement disponierendes Motiv Heideggers Vorlesung « die Grundbegriffe der Metaphysik » von 1929/30″, dans « Heidegger und die praktische Philosophie », Frankfurt am Main 1988, p. 78-98 (hrsg. Annemarie Gethmann-Siefert et Otto Pöggeler). Madame Dastur aurait pu le signaler dans son cours du CNED qui évite tous les points « chauds » des oeuvres au programme. Elle qui parle de défendre la phénoménologie, elle aurait pu aussi relever le passage des « Grundprobleme der Phänomenologie », également à l’agrégation 2005-2006, où Heidegger dit que la phénoménologie est désormais caduque (il est vrai que très bientôt Husserl serait rendu caduque lui-même).
    Pourtant madame Dastur a bien lu Heidegger, y compris les textes pointés par Emmanuel Faye :
    « Ce que j’aimerais faire dans les années à venir, c’est avant tout retravailler tous les textes des années trente. (…) ils sont le témoignage d’une période particulièrement délicate et dramatique que l’on a tendance à juger rétrospectivement plutôt qu’à apprécier comme période d’indécision et de « tournant » justement. Plus je lis ces textes, plus je me rends compte que tout n’était pas joué, que tout était remis fondamentalement en question. »
    (Françoise Dastur interrogée par Dominique Janicaud, in Dominique Janicaud, « Heidegger en France », tome 2 -entretiens, Albin Michel 2001, Hachette pluriel p. 72.
    Sinon pour ceux qui veulent de nouveau rire, un certain « Thomas Miller », qui serait un étudiant californien, a déposé un commentaire en anglais sur amazon.fr qui daube sur le livre de M. Faye. Le petit problème, c’est que ce « commentaire », qui serait écrit par quelqu’un capable de juger des traductions de M. Faye de l’allemand vers le français, mais incapable d’écrire ses commentaires en français, contient des fautes de syntaxe typiques d’un francophone.
    Après le carnaval des animaux, le carnaval des bêtes.
    Dansons la carmagnole, vive le son, vive le son…
    Yvon Er.

    Rédigé par : Yvon Er | le 29/05/2006 à 22:19 | Répondre | Modifier
  34. Bonsoir Monsieur Er,

    La fin de votre dernier message a déclenché chez moi un rire joyeux et ludique. Ce qui m’étonne le plus chez les fervents de Heide, c’est leur capacité à supporter de lire des centaines et des centaines de pages où ne ne figure pas l’ombre d’une pointe d’humour, d’une plaisanterie. Comment est-ce possible? Comment peut-on renoncer à ce point au besoin de rire qui est pourtant indispensable à notre équilibre? Madame Jaspers avait bien remarqué avec inquiétude, quand elle a vu pour la première fois le prophète, son côté « sérieux » et elle avait bien raison d’en être inquiète. Il faut toujours se méfier des prophètes. Ils sont tous louches! Heide a-t-il communiqué à ses idolâtres cette posture? Pourquoi? Je pense qu’ils ont pris son sérieux au sérieux. Ils ont cru qu’il suffit d’écrire sérieusement pour être sérieux. Quelle erreur, quelle naïveté, quelle crédulité!
    Une gaie pensée, aérienne, pour finir ce soir, de… Nietzsche: « Il n’y a pas d’homme, il n’y a jamais eu de premier homme. Ainsi que raisonnent les animaux. »
    Amicalement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 30/05/2006 à 23:09 | Répondre | Modifier
  35. Bonjour

    Je viens d’acquérir « La Troisième nuit de Walpurgis » (Agone) de Kraus, dans la traduction de P. Deshusses. Et je ne résiste pas au plaisir de vous citer un passage, à l’adresse de ceux aiment rire: « Heidegger, qui prône le « service militaire de l’esprit » conformément à l’esprit du temps, ne se prive pas de dire comment il faudrait agir:
    « Il faut agir dans le sens de la résistance interrogative et nue au milieu de l’incertitude de l’étant dans le tout. »
    Heureusement, le journal qui le cite donne tout de suite un point de repère: « Goûte et adopte ce qu’il y a de mieux: le fromage Berna ».
    Bien à vous
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 04/06/2006 à 18:57 | Répondre | Modifier
  36. Bonjour,
    J’ai trouvé sur « Agone » cet extrait du livre de J. Bouveresse: Essais IV, qui me paraît bien résumer ce que l’on pourrait appeler une certaine maladie infantile d’une certaine philosophie:
    « Pourquoi est-ce toujours le romantisme, et jamais le rationalisme, qui donne l’impression d’être plus profond et de se rapprocher davantage de l’essentiel ? Il n’est tout de même pas exclu que ce que Derrida appelle « une philosophie assurée dans son humanisme libéral et démocratique de gauche » puisse être néanmoins une grande philosophie, ni même que notre siècle en ait donné certains exemples. Il ne va pas de soi que la profondeur doive toujours être située du côté de l’inquiétant et du diabolique et que la pensée rationaliste, libérale, démocratique et humaniste soit nécessairement condamnée à en rester à une analyse superficielle des choses. L’analyse de la situation du monde contemporain qui est proposée par un rationaliste comme Musil me paraît bien supérieure, pour ce qui est de la perspicacité, de la subtilité et du sens de la complexité, à celle de Heidegger.
    La réponse bien connue des heideggeriens à ce genre de remarque est évidemment que la valeur d’une interprétation réside dans sa capacité de remonter jusqu’aux présupposés qui sont réellement fondamentaux, et cela signifie jusqu’à la métaphysique. Comme il le dit, c’est toujours la métaphysique qui constitue le fondement d’une époque et qui constitue le principe directeur de tous les phénomènes qui s’y produisent. J’ai toujours trouvé cette idée extrêmement peu convaincante et même, pour tout dire, assez ridicule. »
    Bien cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 05/06/2006 à 11:25 | Répondre | Modifier
  37. Bonjour
    Je lis dans le texte de Heide, « Qu’appelle-t-on penser? » ceci:
    « Nous nous tenons devant, par exemple, un arbre en fleur – et l’arbre se tient devant nous. Il se présente à nous. L’arbre et nous, nous nous présentons l’un à l’autre quand l’arbre se tient là, et que nous nous tenons en face de lui. Placés dans un rapport de l’un à l’autre, nous sommes, l’arbre et nous… Lorsque nous pensons à ce que c’est qu’un arbre qui se présente à nous, de sorte que nous pouvons nous placer dans le face-à-face avec lui, alors il s’agit enfin de ne pas laisser tomber cet arbre, mais tout d’abord de le laisser être debout, là où il est debout. Pour quelle raison disons-nous « enfin »? Parce que la pensée jusqu’ici ne l’a encore jamais laissé être debout là où il est. »
    En somme, pour le plus grand philosophe du XXème siècle, penser c’est laisser les choses devant nous telles qu’elles nous apparaissent. Diantre! Je comprends que Heide a pu dire que la science ne pense pas, car avec la méthode de Heide, plus d’interrogations, plus de recherches, juste une sorte de contemplation béate et passive devant les choses et les êtres. Je comprends aussi pourquoi il a ressenti le nazisme comme un Ereignis, une apparition miraculeuse, je suppose, de l’être en tant qu’être. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer devant (vor!)tant de niaiserie. J’en suis tellement abasourdi que je vais écrire ce que dit Kraus de Hitler au début de sa « Troisième nuit de Walpurgis »: Mir fällt zu Heide nichts ein ». Et dire que certains m’ont reproché de ne pas avoir lu Heide. Mais comment peut-on me demander de lire un penseur qui préconise comme méthode la suspension de la pensée? Et qui, de surcroît, prétend qu’avant lui, on n’a encore jamais su vraiment penser. Mais, c’est quoi cette blague? De qui se moque Heide?
    Cordialement
    R. Misslin

    Rédigé par : Misslin René | le 07/06/2006 à 18:26 | Répondre | Modifier
  38. Bonjour,
    Voici un extrait d’un texte de M. Kelkel trouvé en ligne (www.u-bourgoogne.fr/CENTRE-BACHELARD/z-kelkel.pdf)qui montre, o combien, que la soi-disant perspective « historiale » de Heide est théologique, non philosophique:
    « La loi qui régit l’histoire universelle est celle de « l’Eschatologie de l’Etre » déclare Heidegger en usant d’une expression énigmatique que n’éclairent guère les explications parcimonieuses d’ordre philologique plus que philosophique que donne l’auteur des Holzwege. Le philosophe a beau mettre en garde contre toute réminiscence théologique, le lecteur aura du mal à s’en défendre… Plus malaisé encore est l’idée qui la sous-tend selon laquelle l’histoire est eschatologique en son essence…  » Cette fumeuse conception de l’histoire, « sans appuis historiques » (voir le merveilleux livre, « Méditations pascaliennes » de Bourdieu)montre, jusqu’à la caricature, chez Heide, les dispositions scolastiques de l’ »homo academicus » selon Bourdieu, ce jeu gratuit de la pure rhétorique avec ses ridicules poses prophétiques. Cette forme pénible de la « tentation de l’innocence », cette pose virginale et aristocratique d’une pensée qui, refusant de se coltiner avec les contraintes du réel, pour s’envoler vers des hauteurs où elle n’a plus de compte à rendre à personne, pas même à Dieu, ont servi Heide pour tenter de se disculper de ses turpitudes (réelles elles) avec le régime hitlérien. Nos sociétés sont décadentes, mais moi, Heidegger-Don Quichotte, je ne participe pas à cette histoire-là, je me tiens, pur et sublime, sur les hauteurs de l’Etre, inaccessibles au troupeau. Ecoeurant.
    Cordialement
    R. Misslin

38 commentaires

  1. Bonjour je tiens à féliciter l’auteur de la note car celle-ci est très convaincante , pour une des rares fois sur ce site. Heidegger se veut bel et bien titulaire d’un « nazisme plus profond ». Reste à savoir si le but qu’il se propose serait encore et toujours la volonté d’anéantir les juifs , ou si il ne s’agirait pas plutôt , ce que je crois plus, de comprendre le pire, sans pour autant le cautionner. La pensée est-elle protêgée contre l’abject? Commemnt doit-elle l’appréhender? Heidegger nous répond , et c’est un défi , que la pensée peut l’envisager , que c’est même son rôle. De même que l’ontologie Leibnizienne et le principe de raison dont elle fait la promotion permettait de dépasser la simple
    mécompréhension de mal à partir de la « meilleure compossibilité » choisie par Dieu, de même ,semble-t-il, Heidegger souhaite renconnaître en la pensée la ressource nous permettant d’accepter le pire. Le « moment négatif » , comme collatéral , que serait le nihilisme déstructif , serait « métaphysiquement nécéssaire » afin qu’advienne la pensée de la « merveille » , de l’Ereignis. C’est tout bonnement intolérable pour la pensée hummaniste.
    .
    ——-
    « Compte tenu de la gravité de certains propos il est demandé à l’auteur de préciser et de rectifier ses déclarations.
    .
    Dans le cas contraire une décision sera prise et ses attendus seront publiés de manière conjointe à ce commentaire.
    .
    Le gérant du phiblogZophe, Skildy. »

    J’aime

  2. Bonjour

    En réponse à l’auteur de « Questions philo », voici ce que j’aimerais écrire. Si « la pensée » selon Heide surgit quand la raison se tait, nous sommes tout simplement dans la folie. La raison n’est-elle pas, en effet, l’instance de régulation des pulsions. La marotte du fou de Messkirch (pour parler comme S. Brant) était l’être, c.à.d. l’absolu. Savoir renoncer à la quête de l’absolu passe, aux yeux de toute la tradition philosophique, pour la sagesse. Montaigne a exprimé cela avec une totale clarté:  » Nous n’avons aucune communication à l’estre, par ce que toute humaine nature est tousjours au milieu entre le naistre et le mourir… » (II, XII). C’est bien pour cela que Heide n’est pas un philosophe, car philosopher, c’est penser et penser c’est justement faire appel à la raison. Mais qui est-il alors le berger souabe? Un prophète, un illuminé, un fou de Dieu, un fondamentaliste, un ontologiste. Son « nazisme » relève de ce fantasme de l’absolu, l’étoffe dont sont faits les fanatiques religieux. D’où sa permanente admiration pour le prédicateur fou, Abraham a Sancta Clara. Il est consternant de penser que cet insensé passe pour un grand penseur. Mais la folie a des charmes secrets que la raison ne connaît pas.
    Cordialement
    R. Misslin

    J’aime

  3. Il est quand même à noter que Heidegger s’est toujours défendu de verser dans l’irrationnalisme, qui n’est que l’envers absurde du rationnalisme ,écueil dont se protêge la pensée. Celle-ci , loin de s’éloigner de la raison , essaie d’en éprouver les limites , en « ré-endurant » la métaphysique en ses plus grandes épreuves. Jacques Derrida par exemple a aussi tenté d’éprouver cette « clôture » , du logocentrisme occidental. Doit-on pour autant le qualifier platemment d' »irrationnaliste » timbré, bavant des sornettes, en invoquant le vieux Montaigne ou je ne sais quel « vieux sage » pour le disqualifier à l’arrache? Cette attitude quelque peu risible a toujours été prise contre tous les penseurs allemands, pour peu que leurs « raisons » dépassait quelque peu l’entendement de leurs lecteurs. Je ne parle pas tant de l’auteur de la note qui semble éprouver effectivement vers quoi nous pousse Heidegger. Mais qu’on ne nous ressorte pas cet argument quelque peu niais du « oh ben il est irrationnel- comme le nazisme ». Quelle naïveté de croire que la raison nous préserverait du pire alors qu’il semble justement que c’est elle qui permet de cautionner le pire…Les leçons de Heidegger,Foucault et Derrida seront toujours rejetés par certains, prompts à traiter quiconque n’est pas scientiste, positiviste, platement rationnel, titulaire d’une éthique de bienveillance, de gourou , d’obscurantiste…Même Deleuze s’est laissé tenté par la qualification de l’oeuvre heideggerienne comme étant une « scolastique encore pire que celle du moyen-âge ». La phénoménologie de l’inapparent n’a pas fini de se faire mépriser par tous ceux qui se battent pour que l’être reste oublié , que continue à l’infini la « machination » de l’étant et l’humanisme qui lui sert de caution.
    Notons enfin que Heidegger s’est toujours défendu de faire de la philosophie,il a bel et bien , comme Nietzsche, tenté un nouveau départ de la pensée , mais à partir de ses ressources essentielles. N’en déplaise à certains.

    J’aime

  4. Notons au passage que M. Misslin s’est une fois une fois de plus complètement discrédité en affirmant avec une candeur impressionnante , je cite : « La marotte du fou de Messkirch (pour parler comme S. Brant) était l’être, c.à.d. l’absolu »

    …Ceux qui connaissent ce que Heidegger essayait d’entendre en la question de l’être apprécieront. Du reste , les tentatives qui essaient de rapprocher ses travaux d’un délire mystique sont toujours loin de ses textes. Heidegger , »fou de Dieu »? Mais mon pauvre Monsieur Misslin, allre donc bavasser sur un forum traitant de Montaigne, mais si vous n’avez lus que les livres de Faye et Farias, laissez donc ceux qui connaissent l’oeuvre s’en entretenir!…
    Pour ceux-ci, des travaux interéssants ont été écris sur le rapport de Heidegger à la « folie » , notamment Hölderlinienne et Nietzschéenne, dans l’ouvrage de Philippe Lacoue-Labarthe « Typographies I. Le sujet de la philosophie ». Que Heidegger ait essayé d’avoir « commmunication à l’estre » , au manifeste , à l' »il y a » , cela est parfaitement intéressant et , oui , quelque part « fou »; mais c’est une folie plus interessante que celles courantes consistant à insister au sein du rêgne de l’étant de multiples manières, pour lesquelles nous sommes comme programmés, et dont, apparemment , vous ne voulez en aucun cas vous priver. Personne ne vous y oblige. Libre à vos de conntinuer ad aeternam vos tribulaitons au sein de l’étant en totalité sans jamais vous recueillir quand à ce don le plus grand qu’est le manifeste. Qu’un nouvel espace du sacré semble être pensé chez Heidegger échappera toujours à ceux qui , titulaires d’une lecture grossière de Nietzsche , entendent privilègier à l’infini l’immanence. Pas de chance pour leurs arguments quelque peu légers, la pensée Heideggerienne , si elle entend s’enquérir de l' »inapparent » , ne se déploît pas pour autant dans un quelconque « arrière-monde »de gourou exalté , mais bel et bien, à ce monde-ci, y compris en ses pires manifestations. Les athéïstes de pacotille, tout comme les tenants des monothéïsmes (je pense à J-L Marion) ne peuvent en aucun cas « réfuter » Heidegger, tout comme une posture de moraliste rationnel à longue barbe loupe le plus souvent l’essentiel de sa pensée.Mais laissons-les s’ingénuer, se donner le sentiment qu’ils y entendent quelque chose…

    J’aime

  5. Sur le point 6 : j’ai en effet une certaine méfiance envers les critiques
    tellement subtiles que personne ne s’aperçoit qu’elles en sont.
    Sur le point 17 « Qu’est ce qui s’effondre et s’abîme au sein de ce
    dispositif du fait qu’il réélabore en sublimité l’abjection et la honte ? »
    Ceci pourrait constituer un titre à ce qui suit :

    Sur les toutes récentes interventions de M. Domeracki.

    Tout d’abord, disons que les critiques de M. Misslin ne visent pas si mal :
    si Heidegger s’est toujours, et pour cause, défendu d’irrationalisme, il
    précise quand même dans SuZ que celui-ci est borgne quand la raison est
    aveugle. Sa préférence est donc nette. Quant à voir à l’oeuvre dans la
    pensée heideggérienne une forme de mystique, je ne suis pas sûr que la piste
    soit fausse.

    Mais là n’est pas le problème le plus important.
    Le problème, ce sont de nouveau les « lapsus » calami de gens qui avancent que
    « Heidegger souhaite renconnaitre en la pensée la ressource nous permettant
    d’accepter le pire ». Il est ensuite avancé que le « nihilisme destructif »,
    « comme collatéral » est « métaphysiquement nécessaire » afin qu’advienne la
    « merveille » (traduction fédiéenne pour « Ereignis » ??). C’est par ailleurs la
    deuxième fois que M. Domeracki qualifie la Shoah de dommage « collatéral »,
    malgré le fait que je lui ait signalé le caractère inacceptable de ce
    propos.
    M. Domeracki croit bon d’ajouter que ceci est « tout bonnement intolérable
    pour la pensée hummaniste » (sic.).
    C’est le moins que l’on puisse dire que pour une pensée qui vise à libérer
    l’homme entendre affirmer l’idée proprement hitlérienne qu’il faut en passer
    par le mal qu’est l’extermination pour en arriver au bien, et la thématique
    qui est dite ici proprement heideggérienne et qui vise à nous faire accepter
    par la « pensée » l’extermination, est parfaitement insupportable.
    Ici comme par bégaiement les buts du maître sont avoués par le disciple.
    M. Domeracki, qui aime se faire peur et aimerait à impressionner, entend
    jeter par dessus bord la pensée « platement » humaniste. Il a surtout prouvé
    la servilité d’hommes qui en arrivent à traiter l’extermination de leurs
    semblables comme un dommage collatéral sur la route qui mène à la
    « merveille », et pour qui le but de la « pensée » est
    l' »acceptation »-acceptation de l’asservissement et de l’avilissement de
    l’homme par l’homme, et enfin de son assassinat.
    A qui fera-t-on croire qu’il s’agit là d’une force ?

    Par ailleurs sur son blog M. Domeracki propose à la lecture un texte de
    Julien Hervier (qui a travaillé, à côté de ses traductions de Jünger, à
    l’édition du journal de Drieu La Rochelle) et une « biographie » de Ernst
    Jünger, sous le titre « Petit rappel aux inconséquents : Jünger et la
    politique ». Ces textes constituent de bons exemples de l’appareil
    idéologique qui a servi à recycler ce pilier de l’idéologie nazie que fut
    Ernst Jünger, système d' »oublis » et d’euphémisations que M. Vanoosthuyse a
    récemment démonté dans son livre paru chez Agone (Fachisme et littérature
    pure : la fabrique Ernst Jünger), et dont M. Domeracki « oublie » de signaler
    l’existence.
    M. Hervier a lui aussi choisi d’éviter le débat public avec M. Vanoosthuyse
    : mêmes gens, mêmes méthodes.
    Par ailleurs si M. Domeracki faisait partie des gens « conséquents », il
    signalerait au moins d’où il sort les textes qu’il cite, à savoir pour le
    texte « Elements pour une biographie politique de Ernst Jünger », du site
    les-identitaires.com (où il figure au milieu d’un entretien avec un
    dirigeant neo-nazi et de l’affiche « ni voilée ni violée touche pas à ma
    soeur ») ou du site du Parti communautaire national européen, constitué
    d’admirateurs de Staline et de Milosevic, de l’ancienne DDR et de ce courant
    du nazisme qu’est le « national-bolchevisme ».
    Qui croyez-vous tromper M. Domeracki ?
    Yvon Er.

    J’aime

  6. Bonjour Monsieur Er,

    Même si certains propos qui se répandent sur ce blog commencent à puer le néo-nazisme et le négationisme, il faut se réjouir de ce résultat dans la mesure où le livre de M. Faye a contraint les auteurs de ces propos à se démasquer. On ne pourra plus présenter dorénavant Heide comme un grand penseur, car un nazi quel qu’il soit ne peut pas être considéré comme un penseur, pour la simple raison que si l’on se met réellement à réfléchir, il est impossible d’adhérer à pareille idéologie, sauf à être pervers et à jouer double jeu. Or, il semble bien qu’au moins sur ce point Heide ait réussi son coup vu le nombre de ses épigones. Encore faut-il distinguer parmi ces derniers les vrais et les faux naïfs. La clarification est bien là: qu’on arrête de nous bassiner avec la douteuse pénombre des clairières, là où les fascistes se réunissent pour manigancer leurs complots.
    Amicalement
    R. Misslin

    J’aime

  7. Bonjour

    Puisque M. Er cite le livre de M. Vanoosthuyse sur E. Jünger, permettez-moi de vous informer, si du moins cela est nécessaire, de la parution, chez le même éditeur, Agone, de « La troisème nuit de Walpurgis » de Karl Kraus d’où est extrait la citation suivante: « …et maintenant ces hommes de main qui font dans la transcendance et proposent dans les universités et les revues de faire de la philosophie allemande une école préparatoire aux idées de Hitler. On trouve parmi eux le penseur Heidegger qui aligne ses fumeuses idées bleues sur les brunes ». Dire que le super Kraus a écrit cela en 1933! Ah! que cela fait du bien de savoir que l’araignée porte-croix qui capte les insectes de toutes espèces, dont le génial et pur penseur de l’Etre, n’a pas réussi cependant à s’emparer de tous les penseurs. Qu’il est réconfortant de lire des textes comme celui de Kraus, écrit l’année même où notre intrépide Siegfried de Messkirch prône « le service militaire de l’esprit » et promeut philosophiquement les allégresses de BùB. Il est vrai que le même Kraus a eu cette phrase cinglante, sans doute en pensant au mage souabe: « J’ai toujours su qu’un savetier de Bohême est plus proche du sens de la vie qu’un penseur néo-allemand ».
    Cordialement
    R. Misslin

    J’aime

  8. A Monsieur Er;

    Vos accusations et insunuations à mon égard étant très grave , je me dois de répondre de la manière la plus ferme et la plus honnnête : je n esui spas de ce bord-là. Le texte que j’ai mis sur mon blog aété éffectué à l’aide de l’opération suivante : Google—Rechercher—Jünger. Ce texte corréspondant à ce que je comprend de cet auteur , je l’ai mis en ligne sans aucune précaution de sa provenance , et je ne peux que régretter que des zozos comme ceux du site dont il provient ait été ceux chez qui je l’ai pris…Mais alors ,là encore ,impossible de ne pas avoir la nausée quand à la rapidité avec laquelle vous avez fait un raccourci , me mettant du côté des néo-quoiquecesoit débiles qui pullulent sur internet. On ne m’y reprendra plus!
    Pour le cas de Jünger il est effectivement peu étonnant de voir à quel point il a été expédié,apparemment (je ne l’ai pas lu) , par ce Monsieur Vanoosthuyse , de manière tout à fait analogue aux travaux de Faye. J’imagine que lui aussi procède par gros regroupements déstinés à impressionner les émotionnels et les inquisiteurs du dimanche…Puisque je comprendrai sans haine ni mépris que Skildy n’accepte pas d’extraits du Journal de Jünger ici-même, je vous inviterai , Monsieur Er, à jeter un coup d’oeil à ceux quue je vais mettre bientôt sur mon aaaaffreux blog, qui sont édifiants, me semble-t-il..Ainsi j’oublierait de signaler l’ouvrage de Monsieur Vanoosthuyse?…Mais qu’est ce que c’est que cette manière d’imposer aux étudiants des commentaires obligés? Vous êtes à ce point obnubilés par le nazisme que vous ne lisez plus que la littérature secondaire vouée à démolir tous les écrivains de la révolution conservatrice? Du reste , j’aimerais beaucoup, et sincèrement , que vous m’expliquiez en quoi , pour vous citer , « le national-bolchevisme d’un Niekiesch est un courant du nazisme » … ?? … Même si ces courants politiques valent ce qu’ils valent , tout historien de la philosophie se doit , pour tenir un jugement sur cette époque tumultueuse qui a précèdée le nazisme, d’en connaître les linéaments. Pour ma part , je m’y attèle. Et , de toute évidence , le simple fait d’évoquer ces évènemennts vous laisse à penser que j’en serait un fervent admirateur, une espèce de jeune nostalgique?… Parlons un peu de cette « collatéralité » qui vous a fait vous enflammer comme jamais alors que ce n’est qu’un pur produit de votre imagination fièvreuse…Relisez tous mes propos; à aucun momnet il n’est écrit que la Shoah serait quelque chose de « secondaire ».D’abord sachez que quand je marle de cette tragédie je n’en parle pas à titre personnel, car , moi , la seule chose que cela m’inspire n’est pas intellectuel , puisque ce n’est qu’un effroi mêlé de dégoût. Lorsque j’écris sur ce sujet sur mon blog ou ici, sous mon vrai patronnyme , c’est uniquement à titre d’étudiant du discours Heidegger , tâchant d’en sonder les ressources et les limites. En l’occurence lorsque Heidegger parle des phénomènes destructifs comme en en étant des dérivés , non seulement dans le passage du Nietzsche II présent sur mon blog , il ne les nie pas , mais en plus il dit clairement qu’ils « ne sont pas indifférents » -autrement dit , à la pensée. En revanche , il est clair que dans l’économie de ses travaux , d’ordre ontologiques , sur le nihilisme , Heidegger n’entend pas se laisser hypnotiser par l’horreur ambiante, mais bien en étudier la pro-venance , qui selon lui est celle du nihilisme européen. Qui a dit que je partage ce point de vue?…Non seulement je ne vous ai pas attendu pour entrevoir les limites de ce discours , mais je sais aussi en voir l’infâmie , d’un certain point de vue. Je regrette tout autant que vous que Heidegger se détâche autant ,émotionnellement, humainement parlant, des déshérités de son époque.On aurait aimé lire les même remarques que celles de Jünger dans son journal , sur « Kniébolo » (alias Hitler) et sur des fous furieux comme Heydrich par exemple. Mais pour l’instant, on voit surtout qu’à marcher côté à côte avec des criminels commme il l’a fait , on en sort forcément tâché (quoique Sartre l’ami des soviétiques des goulags et Platon l’ami des tyrans de Syracuse ne sont pas continuellement attaqués).
    Là où votre discours deviens franchement nauséeux , c’est lorsque vous semblez affirmer que quiconque ne suit pas les conclusions des travaux de Faye et de ce Vanoosthuyse est forcément suspect. Cela fait du monde! Quans vous aurez entrevus que l’étude des laideurs de ce monde ne signifie pas « les vouloir » , mais au moins les comprendre mieux que par la seule émotion, vous arriverez peut-être àvous rendre compte qu’il était très facile d’être mouillé par les sombres affaires de l’époque , ne serait-ce qu’en les évoquant intellectuellement. Jünger paiera encore longtemps d’avoir participé aux vifs échanges de la révolution conservatrice. Heidegger paiera probablement toujours plus d’avoir opté pour un parti raciste , puis après d’avoir essayé d’en sonder les possibiltés en leur provenance , et de l’avoir compris comme « époque ». Hé oui, Monsieur Er , ce sont bien les Américains qui « ont gagnés la guerre » comme vous me l’avez rappelés il y a peu : ce doux pays de paix et de félicité qui traite avec une bienveillance démocratiques les autres pays du monde (…hum). Là où Heidegger a eu ô combien raison, c’est que le nihilisme , même si il s’est déchaîné sous le nazisme ne s’est pas pour autant arrêté net à la victoire alliée! C’est bien pour cela qu’il se placait sur le terrain ontologique et non sur celui des faits , qui , tout atroces ,qu’ils soient (même archétypiques dans le cas de la Shoah) n’en constituent pas moins, à son sens,la manifestation de ce nihilisme. Or la philosophie s’enquiert de l’être.Cela peut paraître psycho-rigide, autiste , voire carrément odieux dans ce cas précis mais c’est ce qu’il a fait. Nous autres très tard-venus devons nous en tenir à ses partis-pris méthodologiques si nous voulons le comprendre , et non plaquer sur lui des jugements moraux que tout le monde applique. Monsieur Er , vous n’avez pas le monopole du coeur. Ceux qui tâchent de comprendre Heidegger peuvent tout aussi bien le faire en maudissant comme vous le nazisme : cela n’est pas un exploit.

    Je remercie Skildy de m’avoir laissé un droit de réponse et vous donne deux liens :
    1-http://heidegger.over-blog.com : pour que puissiez à loisir démontrer à travers les textes que je vais vous soumettre à tel point Jünger était nazi…
    2- Mes préférences politiques (réèles celles-là , pas celles issues de vos fantasmes et de mes erreurs philologiques) : http://www.nouveau-ps.net

    Stéphane Domeracki.

    J’aime

  9. Bonjour,

    J’ai exprimé à plusieurs reprises sur ce blog le sentiment que Heide ne m’apparaissait pas comme un philosophe, mais comme un théologien mystique, c.à.d. un esprit religieux dans le sens chrétien du terme. On m’a fait comprendre que je ne connaissais pas l’oeuvre de Heide et que je n’avais qu’à me taire. Voici ce qu’écrit un spécialiste de l’oeuvre de Heide, M. Jean Grondin, dont je viens de lire sur le net le texte : « Heidegger et le problème de la métaphysique »: « D’où sa (celle de Heide) solidarité avec les grands témoins de cette expérience (l’être comme Aufgang, un lever) les présocratiques, Aristote, mais aussi avec Hölderlin et les penseurs, comme Schelling, qui ont voulu secouer l »hégémonie » du principe de raison. On pourrait parler ici des penseurs mystiques, qui ont toujours fasciné Heidegger (Maître Eckhardt, par exemple) et dans la tradition de laquelle il s’est de fait situé. » Un peu plus haut, M.Grondin cite un texte autobiographique de Heide où celui-ci écrit: « Qui voudrait nier que tout le parcours accompli jusqu’à maintenant s’accompagnait d’une explication avec le christianisme…Seul celui qui a été aussi enraciné dans un monde catholique intensément vécu peut deviner quelque chose des nécessités qui ont agi sur le cheminement antérieur de mon questionnement comme des vagues sismiques. » (la fin de la dernière phrase ne me paraît pas bien traduite (avis personnel): le texte de Heide est: … wie unterirdische Erdstösse wirkten, que je traduirai: comme ont agi des secousses terrestres souterraines). Comme je l’ai un jour écrit ici, j’ai été élevé dans une ambiance alémanique catholique très proche de celle de Heide, et le peu de textes que j’ai lus de lui m’a immanquablement fait penser à des textes de certains mystiques rhénans, dont bien sûr Eckhart. C’est donc Heide en personne qui confirme mes intuitions somme toute faciles à comprendre vu mes origines. Ce que je lui reproche, ce ne sont pas ses origines, bien sûr, mais son manque de sincérité vis-à-vis de lui-même et donc d’autrui. Il prétend ne pas avoir fait de la philosophie, or, tous ses écrits se rapportent à la philo, à moins de supposer qu’il ne considérait pas Platon, Aristote, Descartes, Kant, Hegel, Schelling comme des philosophes. Qu’a-t-il donc fait si ce n’est de la philo? En fait, et je l’ai déjà écrit, pour moi il a fait de l’herméneutique théologique. Il a voulu détruire la métaphysique au nom de la mystique chrétienne, celle d’un Thomas, d’un Eckhart, d’un Nicolas de Cues. Très bien. Mais alors, il fallait rester fidèle à la théologie, et pas composer cette espèce de patchwork que sont ses écrits. Instrumentaliser la philosophie à des fins qui ne sont pas les siennes, ça s’appelle de la malhonnêté intellectuelle. On va encore me traiter de moralisateur, mais je me fiche éperduement des immoralistes de pacotille. Cette incapacité invraisemblable de clarifier ses présupposés liés à ses origines socio-culturelles se retrouve aussi dans son adhésion au nazisme. Un jour, il tient des discours hitlériens, un autre jour ces discours deviennent de la bêtise, une autre fois encore le mouvement nazi, malgré ses erreurs, garde toute sa grandeur, et tutti quanti. C’est pourquoi je persiste et signe: pour moi, ce type était un Tartuffe comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, voulant jouer, comme l’autre, sur tous les tableaux, et qui fait la sainte nitouche quand on l’attrape la main dans le sac.
    Cordialement
    R. Misslin

    J’aime

  10. En vérité , Monsieur Misslin , je ne vous blâmait pas tant pour votre banal rapprochement de Heidegger avec Eckart et consort que pour les piètres conclusions que vous en tiriez , qui n’ont strictement aucun interêt à mon sens : je cite: « pour moi, ce type était un Tartuffe comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, voulant jouer, comme l’autre, sur tous les tableaux, et qui fait la sainte nitouche quand on l’attrape la main dans le sac. » Mais diable , que voulez vous que des chercheurs et des individus comme moi qui ont lus leurs travaux rigoureux à son sujet répondent à telles assertions hors de propos? Là où Skildy propose une analyse précise de son oeuvre (que je respecte malgré nos désaccords), vous ,préférez encore et toujours lâcher de grands jugements d’ensemble , qui , dés qu’ils vous sont reprochés pour leur vacuité, nous font traiter d' »immoraliste de pacotille ». Que vous ne supportiez pas le « tutti quanti » , le « patchwork » heideggerien qui a l’air de vous semer, c’est un fait : mais c’est surtout celui de la limite de votre discours incessant sur une « malignité morbide et irrationnaliste » de Heidegger.
    Faites l’expérience: envoyez vos propos à un Jean Grondin, chercheur à la renommée mondiale pour ce qui est de la recherche heideggerienne. Vous verrez ce qu’il vous répondra. Je ne sui spas certain qu’il vous dira « oh oui effectivement – ce type fut un illuminé nazi très dangereux »… Vos combats de Don Quichotte contre le nazisme me fait songer à ces jeunes bohèmes que je croise parfois dans des cafés la nuit, qui mettent des blousons noirs avec des badges « anti-facho » ouais! « anti-nazi ». La cause est juste ,mais l’attitude qu’elle manifeste , en se donnant le beau rôle contre les souuuurnoiiis et mééééchaaants heideggeriens donne quand même à s’intérroger. Vos arguments sont flous , larges , expéditifs , manichéens. A la limite , je sui sprêt à vous accorder plus de choses si votre propos prend plus le style de la note écrite en haut de cette page sur la phrase de Heidegger. Celle-ci ,même je pense qu’elle prend à tort Heidegger pour un « promoteur de l’irrationnalisme », possède le bon ton et quelques ressources indéniables.
    Pour ce qui est du mysticisme , je lis justement en ce moment un beau livre de Reiner Schürmann sur Heidegger et Maître Eckart. Pour l’instant , on est bien loin de tout pogrom , en déplaise aux inquisiteurs du dimanche…Mais bon en fouillant bien et en interpétant de traviole les textes sains , vous savez bien que cela est facilement possible -en tout cas cela n’a rien d’un tour de force. Je devrais m’amuser un de ces jours à surenchérir encore la rhétorique du « heidegger le salaud » en outrant certains textes, en les interpétant de manière ridicule…Qui sait, peut être que l’éditeur de Faye me ferait un pont d’or?…

    J’aime

  11. Figurez-vous, Monsieur, que j’ai lu, moi aussi, les « Sermons allemands » de Eckhart, traduits et commentés par M. Schürmann. J’ai même cité ici une réflexion de ce dernier qui m’a beaucoup intéressé: « Mais il se confirme aussi une opposition entre Eckhart et Heidegger qui l’emporte sur toutes les similitudes: la pensée de Heidegger est historique de part en part, celle de Maître Eckhart ne l’est pas. Quand Heidegger dit « événement », il parle de quelque chose d’historique… Quand Eckhart dit « événement », il parle de Dieu. » C’est ce que je pense aussi. Eckhart me semble clair, comme d’autres mystiques chrétiens, car ils regardent la création à travers la lumière de leur foi. En revanche, quand je lis cette phrase de Heide citée par M. Grondin: « Interrogez l’être! Et dans son silence -entendu comme le commencement de la parole -répond le dieu. Vous avez beau ratisser tout l’étant, nulle part ne se montrera la trace du dieu », j’ai envie de dire: mais qu’est-ce qu’il est allé faire dans cette galère (la philosophie!), il n’avait qu’à rester fidèle à sa foi chrétienne et aux textes « saints » selon lesquels « au commencement était le Verbe », c.à.d. la parole de Dieu d’où tout vient. Au lieu de ça, Heide nage toujours entre deux eaux, celle, pour prendre les termes pascaliens, de l’ordre de la raison et celle de l’ordre du coeur ou de la foi. Bien je sois devenu agnostique, Pascal pour moi est clair, il sait distinguer, il ne fait pas tout le temps dans l’ambiguïté, dans le confus, dans le trouble comme Heide. Par exemple, Heide nous serine à longueur de textes que l’étant, ce n’est pas l’être. D’accord, on le sait depuis Socrate qui disait (voir l’Apologie) que nos savoirs sont en réalité de doctes ignorances (tiens, voilà Nicolas). Ca aussi, je le comprends, bien que je sois un chercheur scientifique. Il y a des scientifiques qui prétendent penser et qui savent parfaitement bien que leurs descriptions ne décrivent pas le réel en soi. A leur façon, ils « éprouvent » bien que les phénomènes ne peuvent pas être confondus avec la réalité en soi (la science pense bien plus que Heide ne le pensait: mais comme il pensait qu’il était le seul à penser….). Bref, tous les hommes, à un moment ou à un autre de leur vie, font l’expérience de la différence « essentielle » (wesentlich!)entre ce que nous croyons être et ce qui est, on n’a vraiment pas attendu M. Heidegger pour comprendre cette évidence. Mais, ça n’a rien à voir avec « l’être en tant que manque de la divinité des dieux » (« das Seyn (mein Gott, pour l’orthographe!)als die Not der Gottschaft der Götter »). Si Heide éprouvait le manque du divin, il n’avait qu’à pratiquer le pari de Pascal (dont, paraît-il, il avait l’oeuvre sur sa table) et ne pas nous faire croire que c’est l’humanité toute entière qui souffre de ce manque (en plus, en l’oubliant!): non mais, c’est n’importe quoi. Mais qu’est-ce qu’il a à parler au nom de l’humanité, cette espèce de mégalomane. Il n’avait qu’à s’abîmer dans la contemplation de Dieu. Car, comme dit L. Wittgenstein: « Il y a bien de l’inexprimable. Celui-ci se montre, il est l’élément mystique ». Et plus loin: « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. » Je suis désolé, mais, pour moi, Heide n’allait pas bien.
    R. Misslin

    J’aime

  12. Je constate que M. Domeracki a fait une nouvelle fois son entrée sur ce qu’il appelle le « Phiblogzone », pour ne répondre à rien.
    M. Domeracki, sans être « obnubilé par le nazisme », comme tous les révisionnistes du net depuis le début accusent Emmanuel Faye de l’être, prenant un malin plaisir à dénoncer ainsi un travail de recherche et à détourner le souçon, il y a bien longtemps que l’embellissement de ce que vous appelez la « révolution conservatrice » me fait sortir de mes gonds. Ce n’est néanmoins pas mon activité principale, ni celle de Skildy, alors que la compilation d’articles infamants (y compris celui de Catherine Malabou, qui est effectivement une diffamation, et que vous refusez de faire figurer avec ses réponses) semble être devenu la votre.
    Ne pas adhérer aux thèses de MM. Vanoosthuyse et Faye n’est bien entendu pas un aveu de révisionnisme, et à cet égard l’homme qui vient de vous poser une question sur « Acheminement vers la parole » sur votre blog n’a été accusé par personne d’être un neo-nazi, mais j’ai bien peur que par ailleurs vous n’ayiez ni la carrure intellectuelle ni la franchise d’un Rainer Marten.
    Lire Heidegger n’est bien sûr pas devenir Heidegger, comme il est dit par un commentateur sur votre blog, la preuve étant que je l’ai lu de plus près que vous, et Emmanuel Faye encore bien plus.
    Votre ignorance en la matière que vous prétendez « étudier » est grande, mais n’excuse pas tout dans la mesure où elle est aussi volontaire.
    Je ne crois pas plus en vos protestations d’innocence, qui fait suite à des aveux réitérés de fascination et à des propos nauséeux sur le lien du nazisme à l’antisémitisme, sur l’idée qu’il faut en passer par le mal pour en arriver à la « merveille », « erreurs philologiques » que vous n’avez pas retirées. Vous avez au contraire choisi de revenir la main sur le coeur, faisant semblant d’ignorer que c’est ici l’indétermination peu ragoûtante de votre discours qui est en cause.
    Vous prétendez ignorer que Niekisch et Jünger sont des piliers doctrinaires du nazisme, ce dont je ne crois plus rien. Rappelons quand même que ce qui fascinait ces gens dans l’URSS c’était bien l’idée d’une mobilisation totale des forces, d’un « état total » qui va devenir un des concepts porteurs du nazisme avant de se transformer en « völkische Ganzheit »-cf « Le travailleur » et « la mobilisation totale », qui ont dans les années 30 été des Bibles, mais puisque vous l’ignorez…la manière dont vous revenez avec les mêmes arguments usés dès leur apparition après avoir admis votre incompétence intellectuelle en dit assez long sur votre mauvaise foi, partialité assez prouvée par votre tendance à censurer les messages contradictoires sur votre site. J’ajouterais que vous savez fort bien qu’en pointant que le nazisme a été défait et en un sens allait vers sa défaite il n’a jamais été question pour moi de chanter les louanges de ce qui se fait appeler « démocratie » lorsqu’elle bombarde l’Irak, ni non plus d’ailleurs lorsqu’elle prend la forme de la technocratie européenne-cela vous le savez, mais nous avons d’autres lecteurs.
    Il est par ailleurs évident que vous ne pouviez ignorer la nature du site où vous êtes allé prélever cette « biographie » d’Ernst Jünger, et vous continuez à tromper vos lecteurs en n’en indiquant pas l’origine. Si vous faites partie des gens « conséquents », au moins indiquez un lien et le nom du site, que l’on sache à quoi s’en tenir…
    vous allez ainsi attirer encore plus vite d’autres « ignorants », avec lesquels vous pourrez continuer à « ignorer », et à sélectionner les textes dont vous avez besoin.
    Pour ce qui est du Vanoosthuyse, il a eu au moins le mérite de montrer que les fameuses « falaises de marbre », acte de résistance « intérieure » (très intérieure), était un des livres favoris du régime. Les pauvres, ils étaient tellement « ignorants ». M. Vanoosthuyse a bien montré que comme pour Heidegger on a avec Jünger tout un travail de réécritures et d' »ignorances » après guerre, comme par exemple l' »oubli » de la première préface de « Orages d’acier ». Les citations rabachées du Journal parisien (traduit notamment par M. de Towarnicki, mêmes gens, mêmes méthodes), pensées pour un autre public que celui des années 20-30, ne suffisent pas à faire oublier ce qu’il a écrit par ailleurs dans le Völkische Beobachter et dans Arminius. Que dans les années 30 Jünger ait pris la pose distante de l’esthète aristocratique parce qu’il méprisait ce qu’il estimait être la dimension populacière du régime, et qu’il ait abandonné le travail d’éditorialiste pour se consacrer plus directement à la littérature n’en fait pas un « critique » distant et innocent, surtout alors que ses écrits des années 20 et du début des années 30 continuaient à servir de référence.
    Bien sûr vous savez mieux ce qu’il faut penser des penseurs allemands que les allemands eux mêmes, même si vous ne pouvez pas accéder à tous leurs textes, et que vous n’êtes porté par aucun souci de vérification et de confrontation, mais là aussi sachez que ce type d' »argumentation » sur Jünger que vous proposez ne marche pas non plus une fois passé le Rhin. Si vous voulez bien passer ne serait-ce que 5 min. sur le net, puisque vous n’avez pas l’intention de lire le Vanoosthuyse, vous pouvez taper « Jünger Antisemitismus » sur google.de.
    Vous pourriez tomber, au hasard, sur
    http://www.klick-nach-rechts.de/presse/2004/01/ejuenger.htm
    Vous ne parlez pas l’allemand, ce qui ne vous empêche pas de « lire » Koinon. Vous devez donc comprendre le sens de mots comme « Ameisen », « Zivilisationsjuden », « Assimilationsjuden », « radikale Lösung », « den Meister aller Masken ».
    Vous devriez aussi pouvoir comprendre ce genre de texte publié dans le Völkische Beobachter de 23 :
    « Ihre Idee ist die völkische (…) ihr Banner das Hakenkreuz, ihre Ausdruckform (…) die Diktatur ! Sie wird ersetzen das Wort durch die Tat, die Tinte durch das Blut, die Phrase durch das Opfer, die Feder durch das Schwert »
    ou de 1929 :
    « Wir wünschen dem Nationalsozialismus den Sieg »
    M. Domeracki, pour moi la preuve de votre malhonnêteté est faite. Je n’ai plus l’intention de discuter avec vous, ce qui ne m’empêchera pas de revenir pointer une de vos énormités au besoin.
    Comme vous le dites, vous signez de votre nom. A défaut d’un autre souci, ayiez au moins celui de ne pas le salir plus que vous ne l’avez fait.
    Yvon Er.

    J’aime

  13. Cher monsieur Misslin,
    à propos de vos messages du 09 :
    merci pour les citations. Elles font du bien, même si elles ne m’étaient pas inconnues.
    Pour ma part, même si l’affaire déclenchée par la publication du livre de Emmanuel Faye a eu le mérite de montrer l’étendue du révisionnisme à l’oeuvre dans notre pays, je crains que le révisionnisme et le négationnisme ne soient dépassés à leur droite par l’affirmationnisme pur et simple, et surtout que se généralise une indifférence malsaine pour ce genre de problèmes.
    Mais les pessimistes n’ont pas toujours raison.
    Vous répondez avec grande élégance à M. Domeracki, même si celui-ci vous traite avec un mépris injustifiable en soi, et d’autant moins au vu de l' »envergure » humaine et intellectuelle de M. Domeracki.
    Si pour moi l' »échange » est terminé, je n’ai pas de conseil à vous donner en la matière.
    Bien à vous,
    Yvon Er.

    J’aime

  14. Ce dont on ne peut parler il faut le taire? Belle ouverture d’esprit Monsieur Misslin…La philosophie n’aurait pas à se mêler des Dythirambes de Nietzsche, des Hymnes de Hölderlin , de la prose de Rilke , des poèsies de Saint John Perse. Elle se devrait uniquement d’être le garde-fou hyper-rationnel qui nous garderait des « délires », que seraient tous les discours non-rationnels…Bref, vive le positivisme le plus plat. Hé ben…

    J’aime

  15. Bonjour
    Je voudrais revenir un instant sur les reproches qui m’ont été adressés sous le prétexte que je trouve chez Heide des tendances très prononcées au mysticisme. Je suis tout prêt à me laisser convaincre du contraire, si l’on me fournit des arguments. Pour l’instant, et après la lecture du texte de M. Grondin, je conserve mon intuition. Car, que signifie en fait cette opposition qui frise l’obsession, chez Heide, entre être et étant? A quelle fonction répond-elle? Si j’ai bien compris, toute détermination conceptuelle de l’être donne un étant, ce qui provoque un retrait de l’être qui ne tient pas à passer sous les fourches caudines réductrices de la représentation humaine. Car, n’est-ce pas M. Héraclite, la nature (phusis) aime à se cacher (voir le joli livre de M. Hadot, « Le voile d’Isis »). Mais là je me pose néanmoins une question: par quelle voie accède-t-on à la notion d’être si ce n’est la même que celle par laquelle on parvient à celle d’étant? Pour moi, c’est une énigme, compte tenu du fait que le statut grammatical de être et étant me semble être le même. Car même si le concept d’étant est de l’ordre de la représentation ordinaire et que celui d’être relèverait de celui d’une expérience mystique, au bout du compte, ces deux termes fonctionnent dans notre système langagier pareillement. Sauf, si l’on renonce à dire quoi que ce soit de l’être comme les mystiques chrétiens nous invitent à le faire de Dieu. Or, c’est ce que parfois Heide semble nous inviter à faire aussi avec l’être. Mais pas toujours, puisque Heide espère l’Ereignis, dans un avenir pas défini, événement qui permettrait à l’humanité de ne plus oublier l’être, et de laisser celui-ci advenir à nous. Sous quelle forme? Mystère. Franchement, se référer aux présocratiques pour suggérer que chez eux l’être n’était pas encore oublié, c’est une affirmation dont j’attends démonstration. D’autant que les écrits de ces gens sont le plus souvent complètement obscurs et qu’on ne peut que les interpréter. Ils l’étaient déjà pour les penseurs antiques. A propos d’Héraclite, Lucrèce écrit: « C’est par l’obscurité de son langage qu’Héraclite s’est acquis sa réputation surtout auprès des têtes légères. Les sots en effet admirent et goûtent de préférence toutes les pensées qu’ils voient cachées sous un langage énigmatique » (I, 640). J’espère qu’on m’expliquera comment l’être peut se rappeler à nous sans se réduire à notre humaine forme d’appréhension. Car, comme écrit le « vieux » (sic)Montaigne: « Les yeux humains ne peuvent apercevoir les choses que par les formes de leur cognaissance. » (II,XII).
    Cordialement
    R. Misslin

    J’aime

  16. A Monsieur Er;
    Vos tendances à la diffamation gratuite sont désormais avèrées : continuez comme cela à ne privilégier que les commentaires de Faye et de Vanoomachin, vous vous discréditez tout seul. Vous avez dit: « Vous prétendez ignorer que Niekisch et Jünger sont des piliers doctrinaires du nazisme, ce dont je ne crois plus rien. Rappelons quand même que ce qui fascinait ces gens dans l’URSS c’était bien l’idée d’une mobilisation totale des forces, d’un « état total » qui va devenir un des concepts porteurs du nazisme avant de se transformer en « völkische Ganzheit »-cf « Le travailleur » et « la mobilisation totale », qui ont dans les années 30 été des Bibles ».
    Même si vous n’avez rien trouvés de mieux que de récuser INTEGRALEMENT les journaux de guerre de Jünger, sous prétexte que vous avancez sans autres motifs que son traducteur vous pâraît douteux , je vais me voir obligé de citer un extrait de celui-ci, répondant assez bien,ongtemps à l’avance à vos critiques moralisantes en pantoufle et robe de chambre:

    « Dans le courrier, trouvé un article d’un jeune professeur de philosophie,une sorte d’enfant prodige, qui éxige ma tête dans une revue de ce qu’on appelle la zone est. Il le fait avec tenacité, bien qu’il ne soit pas entièrement satisfait de l’effet produit, car il se plaint des lettres anonymes qu’on lui envoie. Je parcours de l’oeil les citations qu’il me reproche et trouve parmi celles-ci « Rien n’est plus facile que d’aggraver l’esclavage, pourvu qu’on lui donne un badigeon de liberté ». Je l’exprimerais plus guère sous cette forme, non que j’aie changé d’avis, mais parce qu’on pourrait concevoir cette maxime comme une recette déstinée à des esprits qui n’en n’ont nullement besoin. Maiselle reste la constatation d’un fait, la clé de phénomènes paradoxaux de la socièté actuelle. Il est probable qu’elle me vint à l’esprit quand j’eus vu une masse hurlante de joie, et lu quelques pages de Chamfort. Notre professeur, lui ausi, pourrait en faire son profit. Est-ce qu’un esprit intelligent, sans aucun doute , n’a jamais réflèchi sur le fait qu’il philosophe,et tout à son aise semble-il, à l’entrée d’une équarisserie? Et par dessus le marché,on ne peut dire de lui , comme le Marquis Posa : « le lien au bout duquel il papillonait est long ». Qu’il dévie, si peu que ce soit,e la ligne générale, et c’en est fait de sa gloire.
    J’apprends en outre que je suis l’inventeur de la « mobilisation totale ». Cela aussi est une erreur : je suis celui qui l’a DECOUVERTE et BAPTISEE, et la distinction est d’importance. J’ai lu un jour, durant la guerre, que le président des USA louait son pays d’avoir réalisé la plus grande mobilisation totale de l’histoire. Le principe demeure,comme l’une des conséquences inéluctables du monde du dynamisme. Aujourd’hui, ou bien on s’arme dans ce style, ou bien on y renonce et paie d’autre manière on tribut au temps. Il arrive que des cousettes tirent du haut de leurs llucarnes; si ce n’est pas chez nous ce sera ailleurs.
    J’ai été à un moment tenté e lui écrire une lettre, car je puis mieux me mettre dans sa peau que lui dans la mienne. Mais cela emeurerait une tentative sans espoir, dans notre pays,où les esprits n’arrivent pas à s’arracher aux catégoriesdans lesquelles ils entrent e force. On sait , dés la troisième phrase, comment ils ont voté. C’est un pays où il n’y a pas d’académie , ou alors une douzaine. Avec un cynique comme le vieu Léautaud, on pouvait passer tout un après midi sans jamais se rappeler que l’Allemagne et la France étaient en guerre. Cela devrait toujours être possible entre hommes de culture,et c’était jadis une grande détente : « voilà un homme »; Cette formule demeure finalement celle à laquelle doivent aboutir les évaluations les plus complexes, si l’on ne veut pas battre l’air de vaines paroles » (5janvier 1948,traduction Henri Plard…)
    Le journal est truffé d’accusations claires et nettes du nazisme , et votre maigre conception du « la révolution conservatrice a « causée » le nazisme » ne peut bien évidemment reconnaître ces centaines de pages, qui contredisent intégralement vos propos manichéens au ton grand seigneur…J’attend toujours une réfutation philologique des textes mis sur mon blog…Je crois que je vais l’attendre longtemps puisque l’on préfère comme toujours dans ce genre d’histoire accuser ma personne gratuitement… »Niekisch et Jünger sont des piliers doctrinaires du nazisme » ?…Aux vues de ce que j’ai lu ces derniers jours,rien ne me paraît plus ridicule. Peut être est ce la faute de méchants traducteurs qui inventent n’importe quoi pour couvrir Jünger?…Les lecteurs de l’oeuvre (et non des ragôts éhontés d’internet) apprécieront…

    J’aime

  17. Au passage , Monsieur Er , je prend note des saletés écrites dans le Völkischer Beobachter par Jünger. ça ne vole pas haut. J’imagine qu’il a dû vite le regretter aux vues de ce qu’il affirma pas la suite. Je constate aussi qu’un Helmut Kohl semble avoir fait la même « erreu » que moi, à la fin de l’article. Etje me rapelle , pour finir , que le sale canard dans lequel il écrivit des articles sondant les différentes possibilités de l’époque est aussi celui où un nazi recut Der Arbeiter comme un ouvrage faisant rentrer Jünger  » dans la zone des balles dans la nuque ». On a connu hommage plus appuyé…De même Niekiesch fut vite emprissonné. Là encore ,je doute fort qu’ils fut « nazi au plus profon de son âme ». Mais puisque vous le dites…

    J’aime

  18. Wittgenstein, Monsieur Domeracki, n’était ni un positiviste, et surtout, il n’écrivait pas des platitudes. Mais je suppose que vous n’avez pas le temps de lire de vrais philosophes, vous préférez vous enivrer des prophéties escatologiques du retour de l’Ereignis comme les millénaristes attendent, depuis fort lontemps d’ailleurs, le retour du Christ. C’est vrai que je déteste les salmigondis de banalités énoncées sur un ton oraculaire par la Pythie de Messkirch. Quand je lis de la poésie, je ne fais pas de philosophie, et quand je lis de la philosophie, je ne fais pas des mathématiques.
    Grâce à M. Er, j’ai appris que vous prenez aussi la défense du sieur E. Jünger contre ces vulgaires détracteurs qui voient le mal partout. Mais, nous savons maintenant quel genre d’avocat vous êtes et quelles causes vous aimez défendre. Bien sûr que ce n’était pas un nazi, ce Jünger, voyons, qui peut croire ça, mais un délicat aristocrate prussien qui adorait seulement un peu, même un peu beaucoup, la guerre, qu’il voulait totale, car seule une guerre totale pouvait débarrasser sa glorieuse nation de la « vermine », des « ennemis du sang » qu’une « poigne de fer prendra à la gorge »: ces charmants qualificatifs de Monsieur Jünger, délicats et subtiles, s’adressent à… Mais, il n’est pas nécessaire de le dire: dans la bouche d’un boche de l’époque de la stature d’un héros de la guerre, cela ne peut désigner que ceux qui seront sacrifiés pour le Reich. Bien entendu, quand Jünger a vu comment tournaient les événements, son discours aussi a tourné avec sa veste. Mais sans doute, sur votre blog, ne figurent que les discours lénifiants à l’eau de rose qu’il a tenus sur les atrocités nazi en se bouchant délicatement ses narines aristocratiques. Quelle noblesse tout de même et quel sens de l’histoire. Du vrai Heide!
    R. Misslin

    J’aime

  19. Mais non voyons Jünger ,Heidegger et Nietzsche étaient bien entendus aviiiides de sang et de meutres rahahahaaa toute leur oeuvre est en vue des gigantesques charniers du vingtième siècle c’est tout à fait ce qu’ils voulaient au plus profond de leur âme vous les avez entièrement compris! Encore bravo!

    J’aime

  20. Bonjour Monsieur Er,
    Merci pour nous avoir donné la référence de l’article de Thomas Blum que je viens de lire. Les extraits qu’il cite de Jünger me replonge dans l’atmosphère que j’ai connue dans mon enfance, au moment de l’occupation de l’Alsace par les nazis. Quand on a vécu le fanatisme allemand, quand on les a vus se comporter, s’exprimer, se glorifier, s’héroïser (passez-moi ce néologisme), on ne se laisse plus facilement berner par les « pensées ». Je ne sais plus qui a utilisé l’expression « brutes cultivées » pour désigner les nazis, elle traduit bien ce mélange très caractéristique de brutalité insigne saupoudrée de Kultur (musique, poésie, philosophie). Immonde! Ajoutons l’obsession judéophobique et le tableau est complet. Mais bien entendu, nous sommes des êtres du ressentiment qui détruisons par le soupçon les nobles figures héroïques de la littérature et de la philosophie allemandes. Il y a eu de vrais résistants allemands (plus nombreux qu’on le dit) contre la barbarie nazi, mais ni Jünger ni Heide n’en font partie: la ficelle est vraiment trop grosse!
    Amicalement
    R. Misslin

    J’aime

  21. Le dernier commentaire de M. Domeracki appelle quelques mises au point.
    Sur les journeaux de guerre d’abord : il sont consacrés pour une bonne part, rappelons le, à la description de la fréquentation du tout Paris collaborationniste. Que Jünger affecte une pose de mépris aristocratique à leur égard ne contredit pas les faits. Que par ailleurs il ait été affecté à la censure du courrier à cette époque atteste suffisamment de sa fidélité au régime, quelles que soient les prises de distances par ailleurs.
    Sur mon argumentation enfin, que M. Misslin a quant à lui fort bien comprise : je ne « rejette » pas les Journaux de guerre du fait de leur traducteur, j’ai simplement pointé au passage le rôle de blanchisseur professionnel qu’a tenu M. de Towarnicki depuis plus de 50 ans.
    Mon argument sur les journaux de guerre consistait simplement à pointer qu’ils ont été écrits et réécrits pour un tout autre public que celui des années 20-30.
    Sur la « Mobilisation totale », que Jünger réédite en 42 : il est de fait que Jünger prétend lui aussi « décrire », et décrire le phénomène propre à son temps. Le problème c’est que cette « description » pour le moins sélective constitue également une thématisation et comporte une dimension normative : la mobilisation totale est exaltée, non seulement décrite. On a bien là une conceptualisation à visée politique.
    Sur mes « tendances à la diffamation gratuite » qui sont « désormais avèrées » : il est de fait que le mouvement nazi a comporté dans les années 20 et jusqu’aux années 30 une dimension « nationale-bolchvique », qui comptait d’ailleurs Goebbels dans ses rangs au moins jusqu’en 1926. Prétendre que Niekisch n’ait pas été nazi parce qu’il a été éliminé dans les années 30 revient à dire que les SA n’étaient pas nazies parce qu’elles ont été liquidées par le régime. Il n’y a qu’un seul type d’endroit où l’on soutient que les nationaux-bolcheviques ne faisaient pas partie du mouvement : ce sont les sites que j’ai indiqués, et où vous allez puiser votre inspiration.
    Je constate par ailleurs que vous n’indiquez toujours pas vos sources à vos lecteurs ni n’avez souhaité corrigé vos formulations plus que douteuses sur l’acceptation du pire. Ceux qui nous ont lu depuis quelques temps n’auront d’ailleurs pas manqué vos tentatives pour nier la cohérence meurtrière du projet nazi et votre recherche d’un « nazisme non antisémite », votre intérêt pour un nazisme « profond ». Je vous le laisse, vous n’arriverez pas à falsifier vos propres dires.

    Je pense que de l’ensemble de l' »affaire » depuis le début on peut tirer un certain nombre de leçons sur les stratégies révisionnistes à l’oeuvre. Il ne s’agit jamais dans ces stratégies de tenter de sauver Hitler ou Heydrich, mais des personnalités que l’on juge plus « nobles ». Pour cela, deux méthodes : on va décrire leur pensée comme une simple description des maux du temps en « oubliant » leur dimension de prescription normative. C’est ainsi ce qu’a tenté ici M. Domeracki, « oubliant » qu’en écrivant des rapports sur ses collègues, en participant au rectorat dans une des universités en pointe du nazisme triomphant, puis à « l’académie pour le droit allemand », en glorifiant le régime et en éructant son antisémitisme, Heidegger a fait plus que « décrire ». Cette stratégie s’est en un sens retournée dans le premier message de ce blog quand il nous a été présenté comme une nécessité d’en passer par le « collatéral » pour en arriver à la « merveille » -dans une synthèse où pour le coup la pensée serait à la fois dévoilante et active.
    Une autre stratégie consiste à faire passer les très violents règlements de compte au sein du régime pour une preuve d’anti-nazisme. On nous a ainsi fait le coup avec Heidegger et Schmitt, M. Domeracki le retente, dans une inspiration nationale-socialiste, avec Niekisch-qui pour le coup faisait bien corps avec la dimension « socialiste » et pro-URSS stalinienne du mouvement, éliminée à partir du début des années 30, et définitivement en 38.
    Le mieux bien sûr pour sauver cette personnalité est de marteler son rapport avec des personnalités juives, qui, n’est ce pas, sont bien une preuve.
    J’ai ainsi pu lire dans une revue dont je parlerai peut-être plus tard que Haushofer, inventeur du concept de « Lebensraum », inspirateur de la symbolique du mouvement et maître à penser de Rudolf Hess, n’aurait pas été nazi. Les arguments avancés : il a eu une femme juive ; il a eu des problèmes après 1941. Le tout étant que grâce à la protection toute spéciale de Rudolf Hess les enfants Haushofer ont pu échapper aux lois raciales du Reich, un des fils poursuivant une « brillante » carrière diplomatique-une des quelques très rares exceptions. Après la disparition de Rudolf Hess, les problèmes commencèrent pour la famille Haushofer, ce qui ne fait sûrement pas de Haushofer un « opposant de l’intérieur ». J’imagine que d’aucuns pourraient vouloir faire de la notion de « Lebensraum » une « description » somme toute objective et ô combien intéressante de la politique moderne-à moins que l’on n’avance qu’il faut au déploiement du paradis sur terre un moment négatif ? Les pauvres Leibniz et Hegel pourraient s’en retourner dans leurs tombes.
    Par souci de justice pour ces livres que M. D. range « dans ses chiottes » en les diffamant et/ou sans les avoir lu, je copie une recension du livre de M. Vanoosthuyse pour ceux que cela intéressent.
    Yvon Er.

    Fascisme & littérature pure. La fabrique d’Ernst Jünger
    Michel Vanoosthuyse
    Préface d’Isabelle Kalinowski

    Le parcours d’Ernst Jünger (1895-1998), du guerrier et publiciste de combat au sage contemplatif cultivant la Muse, a pour lui les apparences. Sans doute ne saurait-on reprocher, a priori, à un auteur d’avoir évolué en cours de route et d’avoir troqué l’ivresse guerrière de ses débuts contre les jouissances intenses que lui procurent la contemplation d’une fleur ou la chasse aux papillons.

    « Des ruptures avec le nationalisme des débuts, l’histoire de la littérature allemande n’offre-t-elle pas bien d’autres exemples ? Mais la question qui se pose est celle des limites de cette métamorphose et de l’intérêt que l’auteur et ses hagiographes ont au contraire à la mettre en avant. L’idée de ce livre est née de l’étonnement devant ce qui semble être devenu l’évidence d’une honorabilité politique et d’une qualité littéraire de premier plan. Celui qui défilait rue de Rivoli à la tête de sa compagnie et fréquentait le Tout-Paris des collaborateurs a fini par être presque unanimement reconnu comme un intellectuel allemand antinazi qui aurait lucidement dénoncé « les dangers de la vision totalitaire du national-socialisme ». Il ne s’agira pas ici de relater l’histoire de la réception de Jünger, mais de se demander comment et à quelle fin son image a été rendue acceptable, et ce que recouvre l’entrée d’un auteur à passé fasciste dans la littérature “pure”. »

    Spécialiste de littérature allemande du XXe siècle, Michel Vanoosthuyse est professeur à l’université Paul-Valéry de Montpellier. Il a notamment écrit Le Roman historique. Mann, Brecht, Döblin (1996) et Alfred Döblin. Théorie et pratique de l’« œuvre épique » (2005).

    La presse

    Celui qui aimait la guerre, celui qui ne l’aimait pas

    Consacré dans notre pays comme l’un des plus grands écrivains allemands du XXe siècle – sinon le plus grand -, Ernst Jünger est aussi, pour le public français, ce sage à l’éternelle jeunesse et au port altier, goûtant par-dessus tout la contemplation des fleurs et des papillons, que décrivent complaisamment les récits des voyageurs qui lui rendirent visite, jusqu’à sa mort en 1998 à l’âge de 103 ans, dans le village du sud de l’Allemagne où il avait élu domicile après la guerre. C’est précisément cette image et ce mythe que bouscule le livre de Michel Vanoosthuyse. On connaît, certes, depuis longtemps le passé guerrier et nationaliste de Jünger, mais il est communément admis que loin d’avoir jamais fait preuve, comme c’est le cas de Heidegger, de quelque faiblesse que ce soit à l’égard du nazisme, il en a même été un adversaire résolu et que son œuvre la plus célèbre, Sur les falaises de marbre, est, sous une forme allégorique et cryptée, une dénonciation de Hitler, dépeint dans le livre sous les traits du « Grand Forestier ». Or, non seulement la chose est loin d’avoir sauté aux yeux de tout le monde en 1939 à la parution du livre, mais il semble bien que les nazis, qui en autorisèrent l’édition et en favorisèrent la diffusion, aient eu en réalité de bonnes raison de le trouver à leur goût. Aussi bien esthétiquement – étant donné son « classicisme » archaïsant – qu’idéologiquement, dans la mesure où on y retrouve, sous une forme sublimée, les principaux thèmes de la propagande de l’époque. Contre ceux qui n’ont toujours voulu voir en lui que le représentant par excellence d’une littérature « protégée dès son seuil contre le coudoiement » – selon l’expression de Julien Gracq – et détachée de toute contingence historique ou politique, Michel Vanoosthuyse montre très précisément que cette exaltation de Jünger comme « écrivain en soi » est bel et bien un « trompe-l’œil » destiné à marquer un fascisme esthétisant des plus convenus.

    Dès 1920, dans Orages d’acier, où il tente d’élever ses souvenirs des tranchées à la hauteur d’un mythe, Ernst Jünger décrit la guerre – « notre mère » – comme une expérience humaine dont seuls les meilleurs sortent grandis. À cette « nouvelle race » de héros qu’elle n’a pu briser, il annonce, quelques années plus tard, que « cette guerre n’est pas le finale de la violence, mais en est le prélude », car « des formes nouvelles réclament un sang qui les emplisse et le pouvoir veut être saisi d’une main de fer ». Et il leur promet que « l’homme nouveau sera de notre trempe ». De nombreux textes des années 1920 et 1930, que Jünger s’est bien gardé de republier de son vivant, sont plus explicites encore. On y apprend, par exemple, que les « forces antinationales », qui ont en commun d’être « ennemies du sang » (à savoir les juifs, la haute finance et la franc-maçonnerie) sentiront, le moment venu, « une poigne de fer les prendre à la gorge » et qu’il convient de ne pas « faire trop d’honneur à cette vermine » ! On comprend que, redevenu officier en 1939-1945, notre « homme des Muses », qu’il soit en poste à Paris ou en mission sur le front russe, n’ait pas eu à se faire violence pour garder la pose contemplative et aristocratique qu’il affectionne au récit ou au spectacle des exactions et des massacres qui se commettaient.

    La littérature allemande du XXe siècle n’est heureusement pas toute de cette farine, comme en témoignent Les Derniers Jours de l’humanité de l’écrivain autrichien Karl Kraus (1874-1936). Cette pièce méconnue, écrite en 1919, dont « la représentation, mesurée en temps terrestre, s’étendrait sur une dizaine de soirées » (il en existe une version courte, dite « scénique »), est à mille lieues de l’esthétisation de l’horreur à la Jünger. La guerre de 14 y est ici un « carnaval tragique ». Dans ce drame – dont « le contenu, nous dit Kraus, est arraché à ces années irréelles, impensables, inimaginables pour un esprit éveillé, inaccessibles au souvenir et conservées seulement dans un rêve sanglant, années durant lesquelles des personnages d’opérette ont joué la tragédie de l’humanité » – rien n’est inventé. Les propos grotesques que Kraus met dans la bouche de ses personnages, généraux, hommes politiques, journalistes ou banquiers, sont ceux qu’ils ont réellement prononcés ou écrits mais se sont empressés d’oublier, faisant comme s’il ne s’était rien passé et qu’ils n’avaient aucune responsabilité dans cette tragédie. L’efficacité du procédé, servi par une écriture qui évoque Shakespeare et Brecht, fait de ce texte d’une beauté tragique la plus implacable dénonciation qui soit de l’ivresse nationaliste et guerrière. Les Derniers Jours de l’humanité poursuivent le combat moral et intellectuel que Kraus a mené, pendant près de quarante ans, dans la revue Die Fackel (Le Flambeau) qu’il crée en 1899 et dont il est l’unique rédacteur. Il y publie Strindberg ou Wedekind, prend la défense de Freud, de Loos ou de Schönberg, et, dans le même temps, fustige inlassablement et avec une ironie féroce la corruption, l’hypocrisie et le cynisme des puissants et des institutions – dont la presse qu’il tient pour responsable d’une corruption de la langue et de la culture.

    En 1933, à l’arrivée de Hitler au pouvoir, Kraus écrit la Troisième nuit de Walpurgis, publiée seulement en 1952 et traduite aujourd’hui en français. Le titre en est inspiré de la légende du sabbat des sorcières dont Goethe a fait une scène du Faust. Convaincu qu’une catastrophe inédite est en train de se produire, Kraus commence par confesser qu’il « ne trouve rien à dire à propose de Hitler » : la phrase ne signifie certainement pas qu’il n’a rien à lui reprocher, mais bien plutôt que ce qui se prépare laisse sans voix l’imagination et que l’on ne peut pas comprendre Hitler en s’attachant à sa seule personne. Aussi Kraus entreprend-il d’analyser le contexte de faillite intellectuelle et morale qui a rendu possible le nazisme. Sa lucidité, en ces temps sombres, contraste avec l’attitude d’un Jünger. Puisse la lecture de Karl Kraus convaincre le public français que la grande littérature de langue allemande du XXe siècle est précisément celle qui n’a pas perdu son âme dans la tourmente.

    Jean Blain, Lire, février 2005

    J’aime

  22. Cher monsieur Misslin,
    à propos de vos remarques sur l’opposition être/étant : il est effectivement quelque peu contradictoire de prétendre comme Heidegger se passer de la notion de substance et en même temps substantialiser l' »être ».
    Mais puisqu’il faut détruire la logique…
    Amitiés wittgensteiniennes,
    Yvon Er.

    J’aime

  23. Sur les derniers développements de la note de Skildy :
    je trouve dommage que les développements de Derrida et de Foucault soient ici appelés à la rescousse. De fait, penser hors de la logique, ce n’est penser à rien et rien penser, comme l’a dit René Misslin.
    Blâmer la raison en elle-même des maux de la civilation occidentale est une stratégie nazillone (puisque le mot de « logocentrisme » vient bien de là). Il est dommage que Derrida et Foucault soient tombés dans ce piège. Qui a dit que la « raison » était en cause parce qu’une bande de bouchers utilisait les résultats de la science pour barbariser ? Un projet dément appuyé par une technique développée et justifié par des « philosophes » et des pseudo-scientifiques n’est pas « rationnel » parce qu’il fait sinistrement joujou avec des engins de mort- j’emploie ces mots ici en pensant à la dimension infantile des projets de toute puissance.
    En ce sens il est faux d’avancer : « Quelle naïveté de croire que la raison nous préserverait du pire alors qu’il semble justement que c’est elle qui permet de cautionner le pire… » De fait, non : les cautions du pire n’ont rien de « rationnel », à moins de confondre la raison comme faculté et la raison comme fondement d’une vérité. Parler de raisons inaccessibles à l’entendement n’a par ailleurs pas de sens, et n’est au mieux qu’un mot vide.
    Je me souviens ici des propos de Derrida avançant qu’étudier le fou c’était l’enfermer dans les catégories du rationnel, et que somme toute pour l’approcher en vérité il faudrait sortir de la raison. Quelle conception des rapports de la rationalité et de l’irrationalité était ici à l’oeuvre ? Pour quelqu’un qui connaît un peu le milieu psychiatrique, au moins une chose est claire : pas de celle qui permet de réduire la souffrance des malades.
    Yvon Er.

    J’aime

  24. Bonsoir,

    Voici un extrait d’une interview avec Jeanne Hersch publiée par Sic et non: http://www.sicetnon.org (traduction personnelle).
    Jeannne Hersch (JH): Il (Jaspers) s’efforce toujours d’être clair.
    Sic et non (SN): Sincère et pas tactique.
    JH: Sincère, exactement. C’est important. Sincère et pas tactique.
    SN: Reprocheriez-vous à Heidegger d’être tactique?
    JH: Tactique… je crois qu’il l’est souvent. Heidegger est tactique. Je l’ai écrit un jour et je pourrais l’écrire encore que Heidegger est quelqu’un qui jouit du pouvoir. Il aime le pouvoir, il aime forcer. J’ai à plusieurs reprises constaté qu’il se donnait plus de mal pour contraindre que pour convaincre. Il ne veut pas avoir raison, il veut vaincre. Cela fait partie de sa vérité. Sa vérité doit devenir ma vérité.
    SN: Veut-il soumettre?
    JH: Oui
    SN: Ainsi Heidegger est quelqu’un qui n’est pas sincère, car il se sert tactiquement de la philosophie pour ses propres fins à lui?
    JH: A mon avis, oui. Kierkegaard non… Il (Heidegger) a des habitudes. L’habitude de forcer, l’expérience de la contrainte par le truchement d’une pensée ou d’une invention de son esprit est pout lui bien, bien plus profonde que l’expérience d’une pensée véritable et pure. Il n’a pas de pensée pure.
    SN: Vous lui reprocheriez de ne pas vraiment s’occuper du sujet quand il parle?
    JH: Oui, je le lui reprocherais.
    Je rappelle que Jeanne Hersch en tant que jeune fille juive, mais de nationalité suisse était autorisée à suivre les cours de Jaspers et de Heidegger.
    Je trouve l’éclairage qu’apporte Jeannne Hersch sur Heide très intéressant. Une fois encore, une de mes intuitions me parait confirmée: nous avons bien affaire à un gourou de secte, pas à un philosophe!
    Cordialement
    R. Misslin

    J’aime

  25. Voilà ,oui, cela confirme que quiconque travaille philosophiquement l’oeuvre de Heidegger ne peut être qu’il illuminé de service, toujours prêt à suivre son maître. Quelle perspicacité,Monsieur Misslin!

    à Monsieur Er: votre lecture de l’écriture et la différance (de l’essai « Cogito et histoire de la folie »), vous conduit à supposer que la thématisation dérridéenne du « discours sur le fou » serait pire, au niveau des applications psychatriques, pour le fou en question. Cela m’interesse: pourriez-vous develloper s’il vous plaît?
    Vous vous douterez que je ne suis évidemment pas solidaire de votre thèse à brûle pourpoint selon laquelle la raison, immaculée, serait pratiquement notre assurance vie contre la justification des pires exactions. Bon, la vérité étant que c’est bien plus « le principe de raison » qui est pointé du doigt par Heidegger mais passons.

    Sur Jünger :j’ai relu hier Les falaises de marbre, et je dois dire que je vais encore me faire moquer ou taper sur les doigts, car,même après avoir lu la recension de « Lire » que vous avez mis ici, je ne vois pas une seconde en quoi de bel ouvrage de résistance serait « pro-nazi »; à vrai dire je me prononcerai sûrement avec plus d’acuité après avoir lu Vanoothuyse…Pour l’instant il semble que « mêmes personnes, mêmes procédés » soit aussi le mot qui me vienne à priori : selection de textes de l’ambiance nationaliste des années 20, aucun mot des textes de reniement -ou juste pour montrer qu’ils sont « cryptés ». C’est toujours la même rengaine : là où le pauvre petit étudiant ne saurait reconnaître un insidieux duscours nazi crypté , de braves Faye et Er (pour ne pas parler de la figure de proue Monsieur Bel) nous apporteraient pas leurs lectures « à qui on ne la fait pas » un charmant décodeur nous réstituant à quel point ces auteurs auraient été avides de sang de juif…On va jusqu’à dire que le dêgout clairement affiché par Jünger dans les falaises et dans ses journaux , des « centres d’équarissages » ne sont que « poses aristocratiques »…J’aurais voulu vous y voir, moi , en Allemagne en 1939 : je ne doute pas le moins du monde le camp que vous auriez tous choisis avec votre ton grand seigneur et votre culte de la raison… A condamner sans appel toute lecture sensée de Heidegger et Jünger comme étant le fruit d’une « stratégie négationniste » , vous en dites long sur les vertus dscriminatoires de vos discours « vengeurs »,de ceux-là même qui précèdaient la tonsure des fammes qui avaient eu le malheur de coucher avec un « boche » en 44. La « censure à son comble » dit Gérard Guest sur Parole des jours. Plus le temps passe sur ce blog et plus je vois apparaître votre souhait de faire taire une bonne fois pour toute des « blanchisseurs professionnels » comme Towarnicki, à l’aide d’une quelconque « vérité des textes », compilés à votre sauce, trahissant la lettre de la grande majorité d’entre eux, postulant la cachotterie dans un grand délire paranoïaque, lors même que les textes des Gesamtausgabe sont accessibles dans toutes les bibliothèques.
    J’enjoins quiconque lis ceci de lire Heidegger et Jünger par leurs propres moyens, notamment les falaises de marbre , qui ont values des soucis à l’éditeur de Jünger, la sympathie des membres de l’armée qui ont fait un putsch anti-hitlérien, et dont Heidegger a donné un éclaircissement dans ses séminaires dans le tome 90. C’est quand même dingue de refuser la meilleure arme contre le nazisme : sa critique intérieure , par ceux qui l’ont approchés au plus près et s’en détournés avec dégout. Les piaillements de nos braves humanistes démocrates, agréssés ou non par leurs instituteurs,ne valent pas grand chose à côté. Car ce n’est pas un exploit de critiquer le nazisme en robe de chambre et pantoufle sans tâcher d’apercevoir la complexité de l’époque qui a précédée son accession au pouvoir. Monsieur Er , a préfèré d’un geste aristocratique affirmer que rien n’était aussi plat que les écrits de la révolution conservatrice. Puisque aucun argument n’a été donné pour le prouver (si ce n’est quelques élucubrations de profession de foi positivistes), chacun tranchera comme il l’entend ces années 20 allemandes : avec empressement et mépris ou non.

    Je terminerai par l’impression qu’une telle mise sur pied d’estale de Wittgenstein et une misèrable et banale critique de Derrida et Foucault n’interviennent pas par hasard dans ce débat. Chacun en déduira ce qu’il voudra.

    à clouer au pilori:
    Heidegger
    Jünger
    Nietzsche?
    Schmitt (mais là nous sommes d’accord)
    Niekiesch
    Derrida
    Foucault
    Towarnicki
    Fédier
    Guest
    Malabou
    toute la communauté de chercheurs sur l’oeuvre de Hiedegger qui méprisent l’ouvrage de Faye.

    Cela fait du monde!

    S.D

    J’aime

  26. Je rappelle l’interêt de lire Heidegger : celui de combattre à sa racine la nihilisme ,qui n’a pas cèssé en 45 à l’arrivée des alliés dans les camps : l’infâmie continue sous des masques démocratiques,humanistes et rationnels.

    J’aime

  27. M. Domeracki,
    comme vous m’attribuez des propos que je n’ai pas tenu, je n’y répondrai pas longtemps : où est ma « profession de foi positiviste » ? Où ai-je dis que la faculté de raison suffisait ?
    Comme par ailleurs vous m’avez posé une question poliment, j’y réponds également, dans la maigre mesure de mes moyens sur le sujet : j’entendais simplement dire que l’on ne peut guérir la folie par la folie, et que la comprendre impliquait d’avoir une raison qui fonctionnent suffisamment bien pour en saisir les raisons, justement. Rien de plus. Il ne s’agissait de rien d’autre que d’une pique à l’approche que l’on pourra rapidement qualifier de « romantique » de la folie. J’ai le plus grand mal par exemple à accepter le discours deleuzien sur la schizophrénie et le capitalisme. En quoi la schizophrénie serait-elle une possibilité de libération ? Être « fou », c’est avant tout souffrir, être moins à même de communiquer et d’agir.
    Je trouve simplement ces messieurs qui valorisent le fou comme une figure de la marginalité peu à l’écoute de la souffrance qu’elle implique, et ce n’est pas se placer du côté du pouvoir « normalisateur » dominant que de vouloir soigner.

    Pour le reste : Jünger et Heidegger ont été « avides de sang juif ». Niekisch aussi. Il y a des faits, c’est tout.
    On peut dégager de votre discours des constantes qui sont celles de ceux que l’on pourrait appeler les « méprisants » ou « l’école du mépris » (puisqu’ils considèrent tous que le mépris, en particulier celui des « spécialistes » souvent auto-proclamés, est un argument, celui d’un groupe qui ne tire sa légitimité que de lui même et n’en reconnait pas d’autre).
    Depuis le début, donc, deux constantes : renverser le rapport bourreau/victime, ou du moins celui du bourreau et celui qui le décrit ; mais dans ce cas la défense du bourreau en fera une victime.
    Pratiquer la confusion.

    Pour le rapport bourreau/victime : les mêmes qui arguent de leur mépris parlent de censure. Où ? Me comparer à ceux qui ont tondu des « fammes » est odieux. Madame Malabou est allée, et je ne risque pas de le lui pardonner, jusqu’à parler de « complicité avec ce que E. Faye dénonce », parce qu’il en opère une critique radicale. Ce renversement est inqualifiable : les textes cités par Emmanuel Faye sont pour une bonne part univoques, les taxer de nazisme c’est donc être nazi soit même ? Il y a un moment où la confusion de tout avec tout doit cesser.
    Pour la confusion précisément : j’ai cité des textes très précis, et vous ai fait des critiques très précises, sur vos sources sur internet, sur vos propos sur le « collatéral », sur votre recherche d’un nazisme qui lave plus blanc, sur le national-bolchevisme, qui est bien une forme du nazisme. Au lieu d’y répondre vous balancez de grandes généralisations, « c’est comme »…sauf que non, ce n’est pas comme.
    « A clouer au pilori ». Par qui ? Les gens que vous citez sont pour le moins différents. Nous avons déjà eu l’occasion de parler de Jünger, Heidegger et du nabot Niekisch, dont je n’aurais jamais imaginé que vous puissiez nous le ressortir.
    J’ignorais que vous citiez désormais Gérard Guest, qui pour sa part a formulé des menaces plutôt claires. N’avez vous pas passé ces derniers mois à expliquer que vous n’aviez rien à voir avec ces gens ? Mais laissons là Towarnicki, Guest et Fédier : si ils sont loin d’être aussi doués que leurs maîtres, ils n’ont pas non plus eu l’occasion d’être aussi malfaisants.
    Et après, que font les autres dans cette soupe ? Vous avez bien fait de mettre un point d’interrogation à Nietzsche, que fait-il dans cet inventaire qui n’est pas à la Prévert, et qui fait peu rire alors qu’il semble vouloir tourner en ridicule quelque chose ou quelqu’un ? Quant à Catherine Malabou, si je n’ai pas apprécié sa réaction épidermique, elle a écrit un livre pas mal sur Hegel après tout, et j’espère qu’elle ne va pas continuer à se mouiller avec la bande de Parolesdesjours…quant à Derrida et Foucault laissez les, voulez vous ? Ne confondez pas tout, c’est la base de la pensée.
    Sur le nihilisme enfin : cela n’existe pas. Point. Ce n’est rien d’autre là encore qu’une généralisation abusive, une abstraction que l’on transforme mystiquement en cause. C’est bien pourquoi cela marche.
    M. Domeracki, vous marquez au moins des points sur un domaine : vous me fatiguez, et j’ai horreur de la répétition. Je reprends donc mes pantoufles et ma robe de chambre, dont je n’use pas souvent et à qui vous voulez bien à tort du mal,et vous laisse.
    Juste une chose : allez demander aux résistants qui restent, puisque je ne suis qu’un « résistant a posteriori », ce qu’ils pensent de l’idée de faire confiance, pour le combattre, à ceux qui ont été des doctrinaires du nazisme et se sont (se seraient) éloigné de lui.
    Par exemple à ceux qui ont lancé l’appel relayé par Skildy.
    Veuillez donc vous adresser désormais à d’autres qu’à moi sur ce sujet.
    Yvon Er.

    J’aime

  28. Il n’est probablement pas très pertinent de vouloir jouer Wittgenstein contre Heidegger.
    Ce dernier prend pour thème la question fondamentale de la métaphysique, « Pourquoi il y a l’étant et non pas plutôt rien ? », comme question qui monte du Dasein lui-même dans la disposition affective fondamentale de l’angoisse, lorsque l’étant recule et laisse s’avancer le rien, imposant le silence à toute parole qui dit « est », faisant s’effondrer la logique dans le tourbillon d’une interrogation plus originaire (cf. Was ist Metaphysik ?). Seul de tout l’étant, l’homme éprouve, appelé par la voix de l’Être, la merveille des merveilles : Que l’étant est (Cf. Nachwort).

    De son côté, Wittgenstein évoque un domaine de questions distinct de celui de la science et qui n’entre pas en concurrence avec elle, et dont les questions ne sont pas pour autant absurdes : l’éthique. Ce domaine, que Wittgenstein trouve parfaitement respectable, repose sur une expérience fondamentale : « Je crois que la meilleure manière de la décrire, c’est de dire que lorsque je fais cette expérience, je m’étonne de l’existence du monde » (« Conférence sur l’éthique », Gallimard, 1971, p. 148-149). Cette expérience consiste encore, dit-il, à « voir le monde comme un miracle » (p. 153). Cette expérience consiste à affronter les limites du langage signifiant qui obéit au logique : « elle nous documente sur une tendance qui existe dans l’esprit de l’homme, tendance que je ne puis que respecter profondément quant à moi, et que je ne saurais sur ma vie tourner en dérision » (p. 155).

    Pour finir, un extrait de l’entretien du 30 décembre 1929 avec Waismann :
     » »A propos de Heidegger ».

    Je peux assurément me faire une notion de ce que Heidegger veut dire par Être et Angoisse. Il y a en l’homme la pulsion de s’élancer contre les frontières du langage. Pensez par exemple à l’étonnement dû au fait que quelque chose existe. Cet étonnement ne peut pas s’exprimer sous la forme d’une question de même qu’il ne comporte absolument pas de réponse. Tout ce que nous pourrions dire ne peut être a priori que non-sens. Il n’empêche que nous nous élançons contre les frontières du langage. Kierkegaard lui aussi a bien vu cet élancement et le décrit dans des termes tout à fait semblables (comme manière de s’élancer contre le paradoxe). S’élancer contre lse frontières du langage, c’est là l »’éthique ». (…) En éthique, on fait toujours l’essai de dire quelque chose qui n’atteint pas l’essence de la chose et ne peut jamais l’atteindre (…). Mais la tendance, cet élancement, indique quelque chose. Cela, Augustin le savait quand il disait : « Quoi, crapule, tu ne veux pas dire de non-sens ? Allons, formules-en un, au moins un, qu’importe ! ». « 

    J’aime

  29. Monsieur Pinat,
    après la réécriture éhontée de la biographie de Heidegger à laquelle vous vous êtes livré, je me vois mal commencer à dialoguer avec vous. C’est dommage, car de la bande vous êtes sûrement celui qui a le plus avancé ce qui ressemblait à des arguments. N’ayant pas pour vous l’excuse de la bêtise, je vous pardonne d’autant moins votre « compte rendu d’une conférence d’Emmanuel Faye » où vous commencez par dire que vous n’avez pas vu la conférence en question, ni vos interventions sur wikipedia.
    Mais laissons cela. Disons simplement que le fait que Wittgenstein avance qu’il peut « se faire une notion » de ce que Heidegger avance par être et angoisse ne signifie absolument pas qu’il se rapproche de lui sur le plan de la pensée et lui envoie des roses. Simplement qu’il peut donner un sens aux concepts fondamentaux de SuZ, ce dont je ne doute pas. Le développement qui suit sur les frontières du langage, en quoi pourrait-il être dit en quelque façon heideggérien ? Par ailleurs, que W. poursuive sur Kierkegaard me paraît d’importance : d’un point de vue éthique, n’est ce pas plutôt Kierkegaard dans Heidegger qui l’intéresse, plutôt que le « proprement » (si on veut jouer à notre tour à l’Eigentlichkeit) heideggérien ?
    A voir, je ne suis pas spécialiste de ces questions, mais la citation que vous donnez ne me convainc pas du fait qu’il ne serait pas pertinent de vouloir faire jouer Wittgenstein contre Heidegger.
    Mais merci quand même en un sens : c’est moins bête, cela me change…
    Yvon Er.

    J’aime

  30. Je donne ici l’analyse de M. Vanoosthuyse de la réception de son livre et des enjeux de son travail. On la trouve sur le site d’Agone.
    YE.

    De l’intérêt de lire Jünger et ses afficionados

    « Il apparaît que le contact avec l’écrivain ne s’est pas figé ici dans des travaux d’érudition, mais relève bien plutôt d’affinités secrètes et du partage d’une quête essentielle où Jünger se révèle comme un maître. Bien plus que l’objet d’une étude, Jünger est en France le sujet d’un dialogue qui peut prendre tous les visages de l’amitié. » Cette phrase d’un adepte fait sienne l’opposition classique entre une critique de type herméneutique, conçue comme aventure spirituelle qui lie deux intimités, dont la condition est l’effacement de la distance entre le sujet et l’objet (d’où le terme « amitié », qui implique une réciprocité, selon la formule immortelle : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ») et une approche analytique, rationnelle, objective, pour laquelle la distance entre le sujet et l’objet est au contraire la condition même de la connaissance. Cette dernière approche est ici clairement disqualifiée comme « figement » dans l’« érudition » (topos classique aussi, l’érudition étant implicitement suspectée d’être la science des ânes). On observera toutefois la modalité particulière de cette « amitié » : ce n’est pas d’un rapport d’égal à égal qu’il s’agit mais d’une relation de type hiérarchique, de disciple à maître, attachés l’un à l’autre dans une « quête » qualifiée d’« essentielle », dans laquelle le maître est un guide (on ignore quelle est cette « essence » ; c’est sans doute un synonyme de « profondeur », dont Brecht explique que tout ce qu’on peut en dire, c’est qu’elle est « profonde »). On voit que la relation herméneutique classique s’augmente ici incontestablement d’une dimension de type initiatique et sacrale.

    Cette description correspond à une réalité incontestable : Jünger est en France un maître charismatique qui réunit autour de lui une communauté de zélateurs, qui, pour différents qu’ils soient, les uns parfois frottés de culture classique, les autres ignorants, parfois franchement idiots (voir en particulier le blog « Assouline »), vivent tous dans la vénération d’une personnalité d’exception supposée détentrice de vérités inaccessibles au commun des mortels : au contact du maître, les disciples croient saisir l’éternité par ses basques. Julien Gracq leur a fourni la formule inégalée de cette relation d’exception : « Le public que s’est conquis cette œuvre en France est un public restreint d’initiés aptes à faire société entre eux sur le seul lien de leur admiration commune. Une œuvre castée, qui se refuse à la collaboration de l’intouchable. Il y a des livres aujourd’hui, le cœur vous bondit de plaisir à la pensée de tous les lecteurs qu’ils vont rejeter. » On remarquera l’impertinente et hautaine formulation finale : ce n’est pas le lecteur qui rejette l’œuvre mais c’est l’œuvre, destinée exclusivement au happy few des élus, qui rejette le lecteur – ce qui revient à ranger ce malheureux lecteur parmi les béotiens.
    Tant pis : l’« œuvre castée » de Jünger se refuse obstinément à la collaboration de l’intouchable que je suis. J’ai beau faire : elle me laisse sur les bas-côtés de son mystère. Je le confesse : je ne suis pas « de bonne compagnie, de nature assez fervente et subtile pour comprendre que les écrits de Jünger sont les traces des Dieux enfuis ». Je ne parviens pas à participer « à la joie et à l’ivresse de la Toute-Possibilité », je ne réussis pas à « m’élever dans les régions hauturières du Temps immobile », et c’est en vain que je cherche « à me rebrousser jusqu’à l’être nu, à me retrousser jusqu’au cœur pour faire l’expérience du Vivant cru ». Oui, du Vivant cru, pas à point, pas saignant, pas bleu, cru. Quelque chose en moi résiste. Est-ce une fragilité d’estomac ? Un manque de souplesse (se rebrousser jusqu’à l’être nu réclame un exercice régulier) ? Ma position est-elle celle du valet de chambre pour lequel, on le sait depuis Hegel au moins, il n’est pas de héros ? Tout cela sans doute, mais aussi une autre raison, la principale : c’est que mon esprit critique invétéré me joue une fois encore des tours et creuse une distance là où il conviendrait qu’elle soit effacée. Alors, j’essaie de me rassurer, et c’est chez Kant que je trouve une raison de croire encore un petit peu en moi. Oui, Kant me vient en aide : « Sapere aude. Aie le courage de te servir de ton propre entendement ». Alors en dépit de Gracq, de Julien, de Bob, d’Olivier, de Bob encore, de Bob toujours, de tutti quanti, et de Jünger ipse, je fais crédit au logos et à ses misérables tâtonnements, à l’analyse et à son pas-à-pas médiocre, à l’enquête loin de toute illumination, de toute épiphanie.

    La simple curiosité intellectuelle fait vite comprendre que les formulations haut perchées ou comiques, grotesques ou crétines qu’on pourrait multiplier à l’envi sont juchées sur un socle invisible de mensonges, d’occultations, de ruses et autres petits arrangements avec la réalité. Cela a sa raison d’être. Pour qu’elle puisse être aimée, il faut que la figure du Maître soit dégagée de sa gangue d’impuretés. C’est la condition de l’abandon à sa sagesse et à sa leçon : rien ne doit ternir son éclat rayonnant. Mieux : la condition du coup de foudre (et Gracq, dans la relation qu’il fait de sa découverte de Jünger nous décrit un coup de foudre), c’est que l’autre soit pure présence, pure manifestation hic et nunc, et donc que sa figure ne soit pas précédée par son passé. Et il est bien possible que Gracq ne serait pas tombé amoureux des Falaises de marbre sur son banc de la gare d’Angers un soir de 1942 ou 1943 ; et qu’il n’aurait pas vu dans ce récit la transmutation accomplie « jusqu’à la dernière parcelle » dans le monde de l’art des données empiriques s’il avait su que l’auteur avec lequel il entrait ainsi soudain en communion était aussi celui qui, dix ou quinze ans plus tôt, avait, entre autres criailleries fascistes, reconnu « les qualités destructrices de la race juive », avait écrit que le Juif jamais ne pourrait être Allemand parce qu’il était « l’ennemi du sang », et avait jugé les éructations antisémites des nazis inefficaces, une simple « désinfection extérieure », alors que lui, l’auteur du livre, proposait la solution (dirons-nous finale ?) d’une vraie désinfection. Peut-être Gracq se serait-il demandé comment ceci, le récit qu’il lisait avec tant de ferveur et qui lui paraissait de la littérature enfin accomplie, était compatible avec cela et si cela, certes d’une manière subtile et cachée, ne travaillait pas encore le texte qu’il tenait entre ses mains frileuses – on était en décembre. Mais c’est sans doute le propre du coup de foudre de reposer sur un mirage et Gracq ignorait jusqu’au nom même de Jünger. D’autres, qui savent, détournent pudiquement le regard : c’est que la transfiguration de Jünger en Sage, en Poète, en Maître, ou en Goethe redivivus commande le refoulement des vérités qui font tache ; et c’est aussi que, pour eux, cette transfiguration « sans reste » historique et politique a pour effet public et donc aussi pour fonction de détourner de ces réalités-là. Ne parlons pas de la cohorte des imbéciles.
    Le résultat est positif en France, où l’image d’un Jünger grand écrivain politiquement clean est dominante. Mais l’occultation ou l’euphémisation ont des limites. Il y a toujours des esprits chagrins ou de « petits Djerzinski de faculté », de vilains inquisiteurs pour faire resurgir du placard les choses qui fâchent. Et si s’est fixée chez nous, de haut en bas, peut-on dire, de l’Élysée jusqu’au gogo basique, l’image lisse d’un Jünger au-dessus de tout soupçon et grand styliste, il reste que la légende est toujours exposée à un mauvais coup. Et c’est bien pourquoi une stratégie de substitution est parfois nécessaire. Appelons-la la stratégie de la concession. Oui, dit-on en substance, Jünger a été fasciste, et alors ? Son œuvre est-elle moins intéressante pour autant ? Ne peut-on trouver un intérêt historique, philosophique, littéraire à ses textes ? Et faudrait-il les rejeter parce qu’ils recèlent des « pépites brunes » (Jünger dixit) ? Quid alors de Céline, de Drieu ? quid aussi, dans un autre genre, d’Aragon ? d’Eluard ? Je reconnais le bien-fondé de ces questions, j’applaudis des deux mains. Oui, je l’affirme haut et fort et avec la solennité qui est due à un auteur aussi immense : la réalité de l’engagement fasciste d’Ernst Jünger n’altère en rien l’intérêt de son œuvre. C’est même tout le contraire. Seulement, il y a façon et façon de poser la question et façon et façon d’y répondre.

    Il en est une, qui dit en substance : certes Jünger fut fasciste, mais c’est quand même, par ailleurs, un essayiste, voire un philosophe de haut vol ; certes Jünger fut fasciste, mais c’est quand même, par ailleurs, un grand écrivain. Dans le blog « Assouline », un mercenaire jüngérien, courageusement caché sous un pseudo, déclare péremptoirement : « Jünger est un écrivain, ce qui rend franchement secondaires les considérations politiques à son endroit ». C’est un écrivain, silence dans les rangs. Basta. Le roman, la fiction, Le Cœur aventureux ou les Falaises n’ont rien à voir avec la politique, puisque c’est de la littérature et que c’est un écrivain qui écrit. Puisque c’est de la littérature, ce n’est pas politique ; et ce qui est politique n’est pas de la littérature. C’est de la schizophrénie élevée au rang d’idéal critique. Et c’est une copie, un mime de la pratique de Jünger : la séparation entre ce qu’il appelle, avec la modestie qui le caractérise, son Ancien Testament (entendre les écrits politiques de la période nationaliste pure et dure, dont il a enfoui une bonne partie jusqu’à sa mort dans un placard et dont il a lifté le reste au cours des âges) et son Nouveau Testament d’« homme des Muses » (à savoir les écrits dits de retrait contemplatif), relève de cette pratique ; elle est à l’œuvre dans la volonté de dissocier le substantiel (ce qui relève de l’écrivain et qu’il faut retenir) du circonstanciel (ce qui est politique, donc inessentiel, anecdotique, digne d’oubli ou réduit au seul intérêt documentaire) : c’est l’opération menée après-coup avec La Mobilisation Totale et Le Travailleur. Chez les émules, la méthode est constante. En Allemagne, c’est Karl Heinz Bohrer qui l’inaugure en abordant l’œuvre de Jünger dans le langage de la « littérature pure ». En France, cette technique se retrouve, par exemple, chez les commentateurs du Travailleur. Le thème est alors : Le Travailleur est une œuvre fasciste, mais c’est aussi, par ailleurs, une grande œuvre prophétique décrivant le triomphe planétaire de la technique, etc., etc. – cf. Palmier, Hervier, Merlio, etc.

    La procédure qui consiste à « oublier » ou à secondariser un contenu déplaisant pour promouvoir ce qui serait acceptable est méthodologiquement injustifiable. Bien entendu, chacun est libre de chercher dans le menu Jünger les plats qui lui plaisent. Chacun est libre aussi d’y projeter son désir : c’est d’ailleurs ce que fait Gracq. Chacun est libre aussi d’y trouver des éléments exploitables. Ce qui pose problème, c’est de donner un goût pour une vérité universelle ; et c’est que la promotion des éléments exploitables s’effectue par soustraction arbitraire du reste. La lecture hémiplégique de Jünger est (au mieux) une abdication devant l’effort intellectuel d’analyse. Par exemple, Le Travailleur est l’aboutissement de douze années pendant lesquelles Jünger a déployé une activité intense d’auteur, de publiciste et d’essayiste, et la distinction entre l’écrivain et le publiciste est donc en ce cas nulle et non avenue. Le Travailleur m’impose en outre d’articuler et de hiérarchiser ce qui est politique et ce qui relève d’une phénoménologie de la modernité, et non de séparer ces aspects. La description de la modernité comme mobilisation totale de la technique par la Figure du Travailleur n’est pas séparable de la fin poursuivie, la Domination et du combat néo-nationaliste. Le Travailleur conjugue étroitement un versant polémique (contre le libéralisme et le marxisme), un versant descriptif (la modernité technique) et un versant programmatique (la construction du nouvel État néo-nationaliste, celui qui saura reprendre la guerre provisoirement perdue). Et ce n’est qu’après-coup, par un coup de force, qu’on inscrit ce texte dans la haute spéculation philosophique (haute spéculation dont, on le sait maintenant, l’ami Heidegger au demeurant se moquait, même s’il lui est arrivé, comme Recteur nazi de l’Université de Freiburg, d’utiliser politiquement et publiquement le texte de Jünger). La promotion du Travailleur en texte philosophique « autonome » participe donc, chez Jünger et ses thuriféraires, du déminage idéologique dans son intention, mais elle est en outre, dans tous les cas, le résultat d’une procédure dépourvue de toute pertinence méthodologique.

    Reste le domaine où la technique du clivage se déploie avec prédilection et le plus de succès : celui de la Muse. Reste l’art. La réception de Jünger offre un cas exceptionnellement intéressant de fonctionnalisation du topos répandu sur « l’autonomie de l’art » (sur le primat de la représentation sur la chose représentée et du dire sur la chose dite). On ramène alors en règle générale la littérarité au « style », et on fait de Jünger moins l’homme des idées que l’homme du style, par quoi on le transforme, sans doute sans le savoir, en clone de son ennemi Céline, qui déclarait de son côté, comme par hasard, « Je ne suis pas un homme à idées, je suis un homme à style », celui-ci, le style, devant sans doute faire oublier celles-là, les idées. L’identification de Jünger à un styliste hors-pair (sur laquelle il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire) s’établit donc par soustraction. Le style de Jünger, c’est ce qui reste quand on veut tout oublier. Or, « c’est ici que gît le lièvre » – « dans le poivre », ajoutent les Allemands, c’est là que le bât blesse. Car c’est se faire une conception bien étroite du littéraire que de le confiner dans les limites du « style ». Et quand on veut mettre en avant les particularités formelles, encore faudrait-il aller au bout de la démarche. Car la forme elle-même est lourde d’une métaphysique – comme le dit à peu près Sartre à propos de Faulkner. Et lourde d’une politique. Faut-il rappeler ce b-a-ba ? La forme des Falaises de marbre, par exemple, en ses diverses déterminations, c’est aussi bien une construction spatiale, une organisation temporelle, la conduite d’une narration, une histoire de focalisation, un système de personnages, et aussi un lexique. Et tout cela induit des signifiés fort suspects recouverts par un style noble et archaïsant (d’aucuns diraient kitsch). On y retrouve ici des schèmes reconnaissables, tout à fait acceptables par le régime et même utilisables par lui : cela explique que cette œuvre, donnée depuis comme pur chef-d’œuvre de la littérature mondiale et récit antinazi notoire, est non seulement traduite (de manière euphémisante et parfois franchement fautive) dans la France de Vichy et dans l’Italie fasciste, mais qu’on la trouve mentionnée dès 1940 dans certaines histoires national-socialistes de la littérature.

    Par conséquent, une enquête qui n’évacue pas le souvenir de la fabrication des textes, qui tente au contraire de saisir ceux-ci au plus près de leur production concrète dans des contextes historiques concrets, et tâche de suivre dans la mesure du possible le fil entortillé de leur réécriture, de leurs métamorphoses, de leur réinterprétation après-coup, de leur réorientation circonstancielle, une telle enquête, que quelques imbéciles jüngériennement corrects qualifient d’inquisition, ou dans laquelle des ignorants veulent voir la trace de Lukacs (ce qui n’est pas une injure, mais en l’occurrence assurément une stupidité), exclut d’isoler et de donner à lire un surplus purement philosophique ou purement littéraire, qui, une fois l’œuvre dégagée de ses éléments politiquement incorrects, serait seul digne d’intérêt. Car le but n’est pas de distribuer les bons et les mauvais points, d’établir un bilan avec ses débits et ses crédits. Il s’agit de décrire dans son ordre complexe une activité d’écriture de plusieurs dizaines d’années ; d’éclairer les liens originaux et évolutifs que cette œuvre in progress établit entre le politique, le philosophique et le littéraire, de préciser le sens des réorientations subtiles qu’elle pratique en permanence et de définir les relations qu’elle noue avec ceux qui se chargent de sa réception. Et le constat, c’est que le fascisme est au cœur de cette production, soit parce qu’elle élabore avec un talent d’écriture certain un projet politique et une stratégie de prise de pouvoir entrant en concurrence, au demeurant toute relative et tardivement, avec le projet et la stratégie national-socialistes, soit parce que, le nationalisme dans sa version nazie exterminatrice imposant des réajustements et des repositionnements, elle élabore des produits de substitution au fascisme ardent et combattant initial, des versions soft en quelque sorte, qui seront utilisées après-guerre pour dédouaner l’auteur de toute compromission avec les bourreaux. Jünger est ainsi le parfait exemple d’un écrivain qui n’a jamais vraiment renié son « Ancien Testament » mais a su le réaménager. Et son activité d’écrivain consiste largement en ce réaménagement même. C’est là, par exemple, entre autres, le sens de la réécriture en 1938 du Cœur Aventureux de 1929. A quoi il faut ajouter une habileté peu commune à tirer parti de la labilité même des concepts : ainsi, le Travailleur version fasciste dur, enrôlé dans le combat antilibéral et antimarxiste pour la Domination, est identifié ensuite aux tares de la société technique, le mal étant désormais associé à la technique, la technique au nihilisme (ce concept ouvert à tous les vents), c’est-à-dire ici au triomphe du demos et, enfin, le triomphe du demos à 1789. La boucle est alors bouclée. Jünger tourne contre le nazisme son aristocratisme, mais son aristocratisme est puisé aux mêmes sources que le nazisme : la haine de la démocratie et la haine des Lumières. Et par ce pervers tour de passe-passe il se retrouve exonéré du reproche de complicité intellectuelle et militante avec le national-socialisme, auquel il attribue la Révolution française comme ancêtre, tout en maintenant l’essentiel de son fond de commerce idéologique, qu’il tient désormais en « homme des Muses » avisé.

    On ne s’étonnera donc pas de voir des tenants de La Nouvelle Droite, des nostalgiques de Vichy et des partisans de Le Pen jouxter le « public restreint des élus et des initiés » dont nous parle Gracq. Avec le temps, le contact avec Jünger a pu prendre en effet « tous les visages de l’amitié », même les plus rébarbatifs. Tous ont trouvé en Jünger un écrivain selon leur cœur, et un cœur qui ne bat pas seulement pour le « style ». La cohabitation entre ces deux mondes, l’aristocratie des élus et la plèbe des fascistes n’a rien d’étrange. Sont-ce d’ailleurs deux mondes ? L’œuvre de Jünger nous prouve le contraire, c’est le même monde, avec des modulations différentes. Le rejet de la raison, la quête de l’« essentiel », le mythique et le mystique, mais aussi le dilettantisme distingué ont toujours fait bon ménage avec la haine de la démocratie. Toutefois, on aurait tort d’identifier Jünger et son œuvre à ce seul monde-là. Si l’œuvre de Jünger est un phénomène si intéressant, c’est bien aussi qu’elle réussit habilement à s’affranchir des clivages idéologiques traditionnels, particulièrement en France. Beaucoup se plaisent à se regarder dans le miroir complaisant que leur tend le grand homme. Séduits par la représentation qu’il donne de lui-même en berger de la culture française, par son goût affiché de nos vieilles demeures, nos vieilles familles, nos vieilles cathédrales, nos vieux vins et notre vieux Paris, ils ne voient pas ou feignent de ne pas voir que, derrière ces déclarations d’amitié et cette passion française, il y a une passion antidémocratique tenace et la haine de deux cents ans d’histoire de France. Et c’est ainsi que, loin d’être, selon Gracq, l’œuvre « castée » destinée à une aristocratie d’élus, l’œuvre de Jünger est devenue au fil du temps plutôt un attrape-tout, voire un attrape-nigauds. Contrairement à ce que pensait l’auteur du Rivage des Syrtes, cette œuvre ne « rejette » pas, elle se prête : des partisans de Le Pen aux bobos-gogos-écolos de gauche, elle embarque bien des publics. Ce n’est pas un signe de sa hauteur, c’est plutôt un signe de son habileté. Mais l’habileté est une valeur vulgaire.

    Michel Vanoosthuyse
    Maison Heine, Montpellier, mars 2006

    J’aime

  31. MODE RENE MISSLIN ON /Ah! Heureusement que ce monsieur Vanoosthuyse nous délivre des manigances de ce sale fasciste qui porte la résponsabilité de la Shoah et a tenté de nous le cacher , le bougre! Honte aux gauchos bobo ecolo et aux fachos fachés qui ne se rendent pas compte qu’il vaut bien mieux lire Montaigne et Aron que cet immonde imposteur de la littérature, qui comme Heidegger , essaie de nous refasciser subrepticement! Oh ,encore merci monsieur Vanoosthuysed’avoir rétabli la verité vraie , celle de la raison et de l’entendement ,loin des délires mystiques et aristocratiques émoustillant les « élites » auto-proclamées qui ne pensent qu’à trafiquer fourbement les traductions et à euphémiser leurs méchancetés. Ces allemands et leurs amis francais sont donc tous fous? /MODE RENE MISSLIN OFF

    🙂

    J’aime

  32. Bonsoir à tous

    EP prétend(18/05/06) « qu’il n’est probablement pas très pertinent de vouloir jouer Wittgenstein contre Heidegger. » Je trouve cette réflexion bizarre, car cela signifierait que la pensée d’un philosophe serait solipsiste et que la confrontation avec celle d’un autre penseur n’aurait donc pas de pertinence. Pour moi, la lecture de Wittgenstein m’a rendu beaucoup de services dans la mesure où, justement, où il met en garde ses lecteurs contre les illusions langagières et contre ceux qui, comme Heide, ne cessent de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. La distinction être/étant est pour moi du non sens, même si je peux comprendre que celui qui la pratique, ad nauseam, veut dire quelque chose, mais qui justement ne peut se dire. Vouloir utiliser le langage sans tenir compte des contraintes qui lui sont inhérentes, c’est soit de la bêtise, soit de la malhonnêteté. J’aurais tendance à penser que chez Heide il s’agit du jeu équivoque de quelqu’un qui utilise le langage pour tromper le monde. Mais peut-être se leurrait-il lui-même. Et si en fin de compte il n’était pas aussi malin qu’il voulait paraître, mais qu’il a simplement jouer au plus malin. Cela s’appelle dans le langage quotidien de la vanité.
    Cordialement
    R. Misslin

    J’aime

  33. Pour revenir à des choses un peu plus sérieuses que les crises néanmoins instructives de F. Dastur, je signale la parution d’un nouvel article de M. Faye, en anglais, dans la revue « South Central review ».

    http://muse.jhu.edu/journals/south_central_review/toc/scr23.1.html

    M. Faye n’est malheureusement pas publié dans un blog, mais par « Johns Hopkins University press ».
    Mais cela n’empêchera pas nos amis de hurler partout qu’Emmanuel Faye n’est reçu par personne de sérieux, ce qui commence à faire une part non négligeable des universités de ce monde.
    Je signale également un article écrit par un heideggérien allemand (et oui) et qui signale la tonalité nazillone du § 38 du texte de 29 mis à l’agrégation : « Die Sehnsucht nach Härte und Schwere. Über ein zum NS-Engagement disponierendes Motiv Heideggers Vorlesung « die Grundbegriffe der Metaphysik » von 1929/30″, dans « Heidegger und die praktische Philosophie », Frankfurt am Main 1988, p. 78-98 (hrsg. Annemarie Gethmann-Siefert et Otto Pöggeler). Madame Dastur aurait pu le signaler dans son cours du CNED qui évite tous les points « chauds » des oeuvres au programme. Elle qui parle de défendre la phénoménologie, elle aurait pu aussi relever le passage des « Grundprobleme der Phänomenologie », également à l’agrégation 2005-2006, où Heidegger dit que la phénoménologie est désormais caduque (il est vrai que très bientôt Husserl serait rendu caduque lui-même).
    Pourtant madame Dastur a bien lu Heidegger, y compris les textes pointés par Emmanuel Faye :
    « Ce que j’aimerais faire dans les années à venir, c’est avant tout retravailler tous les textes des années trente. (…) ils sont le témoignage d’une période particulièrement délicate et dramatique que l’on a tendance à juger rétrospectivement plutôt qu’à apprécier comme période d’indécision et de « tournant » justement. Plus je lis ces textes, plus je me rends compte que tout n’était pas joué, que tout était remis fondamentalement en question. »
    (Françoise Dastur interrogée par Dominique Janicaud, in Dominique Janicaud, « Heidegger en France », tome 2 -entretiens, Albin Michel 2001, Hachette pluriel p. 72.
    Sinon pour ceux qui veulent de nouveau rire, un certain « Thomas Miller », qui serait un étudiant californien, a déposé un commentaire en anglais sur amazon.fr qui daube sur le livre de M. Faye. Le petit problème, c’est que ce « commentaire », qui serait écrit par quelqu’un capable de juger des traductions de M. Faye de l’allemand vers le français, mais incapable d’écrire ses commentaires en français, contient des fautes de syntaxe typiques d’un francophone.
    Après le carnaval des animaux, le carnaval des bêtes.
    Dansons la carmagnole, vive le son, vive le son…
    Yvon Er.

    J’aime

  34. Bonsoir Monsieur Er,

    La fin de votre dernier message a déclenché chez moi un rire joyeux et ludique. Ce qui m’étonne le plus chez les fervents de Heide, c’est leur capacité à supporter de lire des centaines et des centaines de pages où ne ne figure pas l’ombre d’une pointe d’humour, d’une plaisanterie. Comment est-ce possible? Comment peut-on renoncer à ce point au besoin de rire qui est pourtant indispensable à notre équilibre? Madame Jaspers avait bien remarqué avec inquiétude, quand elle a vu pour la première fois le prophète, son côté « sérieux » et elle avait bien raison d’en être inquiète. Il faut toujours se méfier des prophètes. Ils sont tous louches! Heide a-t-il communiqué à ses idolâtres cette posture? Pourquoi? Je pense qu’ils ont pris son sérieux au sérieux. Ils ont cru qu’il suffit d’écrire sérieusement pour être sérieux. Quelle erreur, quelle naïveté, quelle crédulité!
    Une gaie pensée, aérienne, pour finir ce soir, de… Nietzsche: « Il n’y a pas d’homme, il n’y a jamais eu de premier homme. Ainsi que raisonnent les animaux. »
    Amicalement
    R. Misslin

    J’aime

  35. Bonjour

    Je viens d’acquérir « La Troisième nuit de Walpurgis » (Agone) de Kraus, dans la traduction de P. Deshusses. Et je ne résiste pas au plaisir de vous citer un passage, à l’adresse de ceux aiment rire: « Heidegger, qui prône le « service militaire de l’esprit » conformément à l’esprit du temps, ne se prive pas de dire comment il faudrait agir:
    « Il faut agir dans le sens de la résistance interrogative et nue au milieu de l’incertitude de l’étant dans le tout. »
    Heureusement, le journal qui le cite donne tout de suite un point de repère: « Goûte et adopte ce qu’il y a de mieux: le fromage Berna ».
    Bien à vous
    R. Misslin

    J’aime

  36. Bonjour,
    J’ai trouvé sur « Agone » cet extrait du livre de J. Bouveresse: Essais IV, qui me paraît bien résumer ce que l’on pourrait appeler une certaine maladie infantile d’une certaine philosophie:
    « Pourquoi est-ce toujours le romantisme, et jamais le rationalisme, qui donne l’impression d’être plus profond et de se rapprocher davantage de l’essentiel ? Il n’est tout de même pas exclu que ce que Derrida appelle « une philosophie assurée dans son humanisme libéral et démocratique de gauche » puisse être néanmoins une grande philosophie, ni même que notre siècle en ait donné certains exemples. Il ne va pas de soi que la profondeur doive toujours être située du côté de l’inquiétant et du diabolique et que la pensée rationaliste, libérale, démocratique et humaniste soit nécessairement condamnée à en rester à une analyse superficielle des choses. L’analyse de la situation du monde contemporain qui est proposée par un rationaliste comme Musil me paraît bien supérieure, pour ce qui est de la perspicacité, de la subtilité et du sens de la complexité, à celle de Heidegger.
    La réponse bien connue des heideggeriens à ce genre de remarque est évidemment que la valeur d’une interprétation réside dans sa capacité de remonter jusqu’aux présupposés qui sont réellement fondamentaux, et cela signifie jusqu’à la métaphysique. Comme il le dit, c’est toujours la métaphysique qui constitue le fondement d’une époque et qui constitue le principe directeur de tous les phénomènes qui s’y produisent. J’ai toujours trouvé cette idée extrêmement peu convaincante et même, pour tout dire, assez ridicule. »
    Bien cordialement
    R. Misslin

    J’aime

  37. Bonjour
    Je lis dans le texte de Heide, « Qu’appelle-t-on penser? » ceci:
    « Nous nous tenons devant, par exemple, un arbre en fleur – et l’arbre se tient devant nous. Il se présente à nous. L’arbre et nous, nous nous présentons l’un à l’autre quand l’arbre se tient là, et que nous nous tenons en face de lui. Placés dans un rapport de l’un à l’autre, nous sommes, l’arbre et nous… Lorsque nous pensons à ce que c’est qu’un arbre qui se présente à nous, de sorte que nous pouvons nous placer dans le face-à-face avec lui, alors il s’agit enfin de ne pas laisser tomber cet arbre, mais tout d’abord de le laisser être debout, là où il est debout. Pour quelle raison disons-nous « enfin »? Parce que la pensée jusqu’ici ne l’a encore jamais laissé être debout là où il est. »
    En somme, pour le plus grand philosophe du XXème siècle, penser c’est laisser les choses devant nous telles qu’elles nous apparaissent. Diantre! Je comprends que Heide a pu dire que la science ne pense pas, car avec la méthode de Heide, plus d’interrogations, plus de recherches, juste une sorte de contemplation béate et passive devant les choses et les êtres. Je comprends aussi pourquoi il a ressenti le nazisme comme un Ereignis, une apparition miraculeuse, je suppose, de l’être en tant qu’être. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer devant (vor!)tant de niaiserie. J’en suis tellement abasourdi que je vais écrire ce que dit Kraus de Hitler au début de sa « Troisième nuit de Walpurgis »: Mir fällt zu Heide nichts ein ». Et dire que certains m’ont reproché de ne pas avoir lu Heide. Mais comment peut-on me demander de lire un penseur qui préconise comme méthode la suspension de la pensée? Et qui, de surcroît, prétend qu’avant lui, on n’a encore jamais su vraiment penser. Mais, c’est quoi cette blague? De qui se moque Heide?
    Cordialement
    R. Misslin

    J’aime

  38. Bonjour,
    Voici un extrait d’un texte de M. Kelkel trouvé en ligne (www.u-bourgoogne.fr/CENTRE-BACHELARD/z-kelkel.pdf)qui montre, o combien, que la soi-disant perspective « historiale » de Heide est théologique, non philosophique:
    « La loi qui régit l’histoire universelle est celle de « l’Eschatologie de l’Etre » déclare Heidegger en usant d’une expression énigmatique que n’éclairent guère les explications parcimonieuses d’ordre philologique plus que philosophique que donne l’auteur des Holzwege. Le philosophe a beau mettre en garde contre toute réminiscence théologique, le lecteur aura du mal à s’en défendre… Plus malaisé encore est l’idée qui la sous-tend selon laquelle l’histoire est eschatologique en son essence…  » Cette fumeuse conception de l’histoire, « sans appuis historiques » (voir le merveilleux livre, « Méditations pascaliennes » de Bourdieu)montre, jusqu’à la caricature, chez Heide, les dispositions scolastiques de l' »homo academicus » selon Bourdieu, ce jeu gratuit de la pure rhétorique avec ses ridicules poses prophétiques. Cette forme pénible de la « tentation de l’innocence », cette pose virginale et aristocratique d’une pensée qui, refusant de se coltiner avec les contraintes du réel, pour s’envoler vers des hauteurs où elle n’a plus de compte à rendre à personne, pas même à Dieu, ont servi Heide pour tenter de se disculper de ses turpitudes (réelles elles) avec le régime hitlérien. Nos sociétés sont décadentes, mais moi, Heidegger-Don Quichotte, je ne participe pas à cette histoire-là, je me tiens, pur et sublime, sur les hauteurs de l’Etre, inaccessibles au troupeau. Ecoeurant.
    Cordialement
    R. Misslin

    J’aime

Laisser un commentaire